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08/02/2023 | FRANCE | N°22/00416

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 08 février 2023, 22/00416


Arrêt n°

du 8/02/2023





N° RG 22/00416





CRW/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 8 février 2023





APPELANT :

d'un jugement rendu le 25 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Industrie (n° F 20/00423)



Monsieur [N] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND, avocats au

barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE





INTIMÉE :



SAS SOFRALAB

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :



En audience publique, en application des dispositions des art...

Arrêt n°

du 8/02/2023

N° RG 22/00416

CRW/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 8 février 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 25 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Industrie (n° F 20/00423)

Monsieur [N] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉE :

SAS SOFRALAB

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 8 février 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller en remplacement du président régulièrement empêché, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

[N] [Y] a été embauché par la SAS Sofralab, selon contrat à durée indéterminée, à temps complet à compter du 6 mars 2017, en qualité d'agent de maintenance, relevant du coefficient 225 de la convention collective des ouvriers des industries chimiques du 30 décembre 1952.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2079,56 euros, calculée sur la base des 12 derniers mois.

Par lettre remise en main propre 10 mars 2020, la SAS Sofralab a convoqué [N] [Y] à un entretien préalable à son licenciement, pour celui-ci se tenir le 23 mars 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2020, la SAS Sofralab a notifié à [N] [Y] son licenciement, fondé sur une cause réelle et sérieuse, le dispensant de l'exécution du préavis auquel il était tenu, celui-ci étant rémunéré.

Contestant le bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet, [N] [Y] a saisi, par requête enregistrée au greffe le 3 août 2020, le conseil de prud'hommes de Reims, pour voir, dans le dernier état de ses conclusions, la SAS Sofralab condamnée à lui payer, sous exécution provisoire :

- 8 318,27 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Reims a débouté [N] [Y] en l'ensemble de ses demandes et la SAS Sofralab en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[N] [Y] a interjeté appel de cette décision le 17 février 2022.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 30 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles [N] [Y], continuant de prétendre au bien-fondé de ses demandes, sollicite l'infirmation du jugement qu'il critique pour renouveler les demandes en paiement qu'il avait initialement formées, pour les sommes alors sollicitées.

Sur le premier grief, il fait valoir que celui-ci relève d'une insuffisance professionnelle qui n'est pas établie, que le second grief ne peut lui être imputé à faute dès lors qu'il occupait des fonctions de technicien et non d'opérateur de sorte que la machine sur laquelle il intervenait devait ensuite être validée par un opérateur ; sur le 3e grief, il invoque la prescription des faits, s'agissant d'une intervention qu'il a réalisée au cours de l'été 2019, soit plus de 2 mois à la date d'engagement des poursuites, dont l'employeur était parfaitement informé.

Il conteste de même la réalité du prétendu refus d'intervention qui lui est imputée, concernant les pinces d'agrafes, au sujet desquelles il a simplement indiqué à son supérieur hiérarchique qu'il s'en occuperait une fois accomplie la tâche en cours.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 4 août 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles la SAS Sofralab conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée en sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, elle demande à la cour de condamner [N] [Y] à lui payer une indemnité de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, si la cour disait dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de son salarié, elle demande que le montant des dommages-intérêts sollicités par celui-ci soit réduit, en rappelant qu'il a été dispensé de l'exécution de son préavis dont il a été rémunéré.

Sur ce :

La lettre de licenciement fixe le cadre du litige soumis à l'appréciation des juges du fond, auxquels il incombe de s'assurer du caractère objectif, précis et vérifiable ou des griefs énoncés et d'en apprécier la gravité.

En cas de doute, celui-ci profite au salarié en application des dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à [N] [Y] le 2 avril 2020 est ainsi libellée :

«' votre absence d'explications durant cet entretien ne nous a pas permis de modifier notre appréciation de la situation et nous ne nous voyons dans l'obligation de mettre un terme à notre collaboration en raison de l'accumulation de vos manquements à vos obligations professionnelles et de votre insuffisance au poste de Technicien de maintenance devenue patente.

- le 27 février, nous avons été confrontés à un problème technique chez notre client Waris et Filles car il se trouvait que le GBCM ne s'arrêtait pas. Votre collègue est intervenu sur la machine et n'a pas trouvé la panne.

Le problème persistant, il vous a été demandé le lendemain de vérifier ce matériel, vous avez resserré l'ensemble des fils électriques et avez validé le dépannage de la machine.

Monsieur [T] qui devait intervenir avec ce matériel l'a mis en route et il se trouve que la panne était toujours existante.

Un autre de vos collègues est donc intervenu, et il se trouvait que la cellule point 0 était déréglée.

- pendant la période de révision des différentes machines, vous êtes intervenu sur les filtres Kieselguhr de l'aube, vous avez comme à votre habitude omis de renseigner l'affiche de maintenance.

Du fait de votre mauvaise intervention, les plateaux étaient mal montés et mal serrés, donc le filtre relâchait de la poudre, les clients qui ont fait des opérations de mouvement de vins se sont aperçus qu'il restait de cette poudre au fond des cuves, ce qui a engendré un fort mécontentement.

En plus de votre temps passé sur ces filtres, deux de vos collègues ont dû redémonté l'ensemble du matériel, ce qui a généré plus de 30 heures de travail supplémentaire.

- le 5 mars dernier, vous êtes intervenu sur le jeu de tube du Mecaval de Monsieur [K], les mâchoires ont été mal remontées et ce qui engendré une forte dégradation des bouchons.

Monsieur [K] a dû arrêter sa prestation chez notre client afin de remonter correctement les pièces du jeu de tube.

- Vous ne remplissez pas ou que partiellement les fiches de révisions et rapports d'interventions, de ce fait nous sommes dans l'incapacité de contrôler les réparations effectuées et pièces utilisées sur les différents matériels, de plus, vous continuez à ne pas faire de reporting régulier de vos interventions à votre responsable hiérarchique.

- Vous avez mal remonté les pinces à agrafes de l'agrafeuse (qui ont été mis à l'envers), de plus, les bagues bronze auraient dû être changées car celles-ci avaient du jeu, votre rôle de technicien de maintenance aurait dû vous amener à avertir votre responsable sur cette problématique.

Il vous a été demandé d'intervenir techniquement de nouveau sur celle-ci, vous avez répondu que « ce n'était pas un problème »

Vous aviez d'ailleurs déjà reconnu dans le cadre d'entretiens individuels avec votre hiérarchie devoir faire des efforts pour vous exprimer avec moins d'agressivité.

Nous remarquons que régulièrement des malfaçons sont décelées sur vos interventions techniques, vous avez été recruté au sein de notre entreprise sur la base de votre diplôme et de votre expérience professionnelle.

Nous ne pouvons plus tolérer votre comportement, qui nuit au bon fonctionnement de nos services.

La persistance de votre manque de rigueur et de professionnalisme rendent impossible la poursuite de notre collaboration et vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse' ».

Pour seuls justificatifs des griefs ainsi formulés, l'employeur produit aux débats deux attestations : l'une émane du responsable hiérarchique de [N] [Y], avec lequel celui-ci indique avoir rencontré des problèmes relationnels, que confirme à l'évidence la seconde attestation, établie par le responsable commercial de l'entreprise.

Sauf pour la première attestation mentionner que [N] [Y] ne contrôlait pas la machine après réparation pour s'assurer qu'elle fonctionnait, au motif qu'il n'était pas opérateur, qu'il ne rendait pas compte de ses interventions et ne remplissait pas les formulaires de dépannage, tandis que la seconde fait état de l'intervention du salarié pour une panne sur un groupe de bouchage liège, prétendument vérifiée par ses soins alors que la machine endommageait des bouchons, et du fait qu'il ne rendait pas compte de son travail à son responsable, aucune plainte, aucun autre élément ne permet à l'employeur d'établir la réalité des griefs ainsi énoncés, au-delà de la production aux débats d'une photographie de bouchons, insuffisante à établir un lien avec le grief énoncé, de la date des faits reprochés et plus encore, de leur imputation à [N] [Y].

Quand bien même le salarié pourrait discuter de tels ou tels griefs formés à son encontre, pour les contester, voire en soulever la prescription, la cour relève qu'au regard des pièces produites aux débats, un doute existe quant au bien-fondé des griefs énoncés.

Ce doute, par application des dispositions de l'article L 1235 - 1 du code du travail, doit bénéficier au salarié.

En conséquence, et par infirmation du jugement, [N] [Y] doit être déclaré bien fondé en sa contestation du bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet et accueillie sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Au jour de la rupture du contrat, [N] [Y] comptait 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise qui ne justifie pas occuper moins de 11 salariés de sorte qu'en application des dispositions de l'article L 1235 -3 du code du travail, il peut prétendre au bénéfice d'une indemnité comprise entre 3 et 3 mois et demi de salaire brut.

Compte tenu de l'âge du salarié (27 ans) au moment de la rupture du contrat, de sa situation au regard de l'emploi postérieurement à son licenciement, la SAS Sofralab sera condamnée à lui payer la somme de 6 238,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu de préciser que toute condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.

De plus, les conditions s'avèrent réunies pour faire application des dispositions de l'article L 1235 - 4 du code du travail, selon des modalités définies aux termes du dispositif de la présente décision.

Eu égard aux circonstances de la cause, la SAS Sofralab sera condamnée à payer à [N] [Y] une indemnité de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles que celui-ci a pu exposer en première instance et à hauteur d'appel, le jugement étend également confirmé de ce chef.

En revanche, la SAS Sofralab sera déboutée en sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Reims,

Statuant à nouveau,

Dit dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de [N] [Y],

Condamne la SAS Sofralab à payer à [N] [Y] :

- 6 238,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 1 200 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et à hauteur d'appel,

Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables,

Ordonne le remboursement, par la SAS Sofralab à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute la SAS Sofralab en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Sofralab aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00416
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;22.00416 ?
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