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07/02/2023 | FRANCE | N°22/00028

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 07 février 2023, 22/00028


ARRET N°

du 07 février 2023



R.G : N° RG 22/00028 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDLJ





[B]





c/



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP ROYAUX



la SELAS BDB & ASSOCIÉS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 07 FEVRIER 2023



APPELANT :

d'un jugement rendu le 12 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de REIMS

>
Monsieur [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES





INTIMEE :



Madame AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Lorraine DE ...

ARRET N°

du 07 février 2023

R.G : N° RG 22/00028 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDLJ

[B]

c/

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Formule exécutoire le :

à :

la SCP ROYAUX

la SELAS BDB & ASSOCIÉS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 07 FEVRIER 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 12 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de REIMS

Monsieur [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES

INTIMEE :

Madame AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Lorraine DE BRUYN de la SELAS BDB & ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

GREFFIER :

Mme Frédérique ROULLET, greffière lors des débats,

Mme Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 12 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 février 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 07 février 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suite à la saisie dans le cadre d'une procédure pénale de l'arme à feu de marque FINN, calibre 8x57 mm appartenant à M. [O] [B], le procureur de la république de Reims a décidé le 29 décembre 2016 du dessaisissement de cette arme aux fins de destruction.

Par courrier adressé au procureur de la République le 6 janvier 2017 puis le 22 février 2017, Monsieur [B] a contesté cette décision.

Le 24 mai 2017, M. [B] a formé un recours devant la chambre de l'instruction contre la décision du procureur de saisir l'arme en vue de sa destruction.

Par décision du 12 octobre 2017, la chambre de l'instruction a considéré que le recours formé par M. [B] était recevable dans la mesure où il avait été formé dans le délai d'un mois qui avait été indiqué par les gendarmes dans l'audition et a ordonné la restitution de l'arme à M. [B].

Par courrier du 10 septembre 2019, le procureur général près la cour d'appel de Reims a informé ce dernier que la décision ne pouvait être exécutée, l'arme ayant été détruite.

Par acte d'huissier du 11 décembre 2020, M. [B] a assigné l'Agent Judiciaire de l'Etat en responsabilité et indemnisation devant le tribunal judiciaire de Reims en sollicitant 2 000 euros au titre du préjudice matériel et 5 000 euros au titre du préjudice moral, considérant que le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Reims avait commis une faute lourde en détruisant l'arme sans attendre l'issue de sa contestation.

Par décision rendue le 12 octobre 2021, le tribunal a :

- débouté M. [B] de son action en responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice et en indemnisation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le tribunal a considéré que l'Etat n'avait pas commis de faute lourde'; qu'en effet, le procureur de la république pouvait procéder à la destruction de l'arme dès lors que le délai légal de contestation de cinq jours était expiré alors qu'aucun recours n'avait été formé par M. [B] dans ce délai, le premier juge relevant d'ailleurs que contrairement à ce qui était précisé dans l'arrêt de la chambre de l'instruction, M. [B] s'était vu notifier le délai exact pour former son recours dans son audition.

Par déclaration reçue le 7 janvier 2022, M. [B] a formé appel de la décision.

Par conclusions notifiées le 29 mars 2022, l'appelant demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L141-1 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire, de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de l'article 1382 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- juger l'action de M. [O] [B] recevable et bien fondée,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions,

Statuant de nouveau

- juger qu'en faisant détruire l'arme de chasse de marque FINN numéro T394594219545677, calibre 8 x 57 mm appartenant à M. [O] [B], le ministère public près le tribunal judiciaire de Reims a empêché toute exécution de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims en date du 12 octobre 2017,

- juger que le ministère public près le tribunal judiciaire de Reims a commis une faute lourde engageant la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice,

En conséquence,

- condamner l'Etat Français représenté par Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat à verser à M. [O] [B] pour les causes susdites, une somme de 2 000,00 euros en réparation de son préjudice matériel,

- condamner l'Etat Français représenté par Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat à verser à M. [O] [B] pour les causes susdites, une somme de 5 000,00 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner l'Etat Français représenté par Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat à verser à M. [O] [B] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Etat Français représenté par Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Royaux, lesquels sont recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'appelant soutient que le ministère public a détruit hâtivement un bien appartenant à autrui, sans attendre l'issue de la contestation faite le 6 janvier 2017, soit 9 jours seulement après la décision de destruction prise le 29 décembre 2016 , et réitérée le 22 février 2017'; que de plus, le procureur général a clairement invité M. [B] à engager une action mettant en cause la responsabilité de l'Etat'; que M. [B] fait valoir que la date précise de destruction de l'arme n'est pas établie, que le postulat de la juridiction de première instance ne repose donc sur rien et que la faute lourde est incontestable.

Concernant le préjudice, il soutient, d'une part, que le préjudice matériel est caractérisé et produit des justificatif du prix moyen, c'est-à-dire 2 000 euros, et d'autre part, que c'était un cadeau de son épouse, qu'il était chasseur depuis de nombreuses années et qu'il n'a pu reprendre son loisir depuis le 12 octobre 2017, n'ayant pas les moyens de la remplacer et attendant qu'on lui restitue la sienne, que le préjudice moral est ainsi caractérisé à hauteur de 5 000 euros.

Par conclusions notifiées le 14 juin 2022, l' Agent Judiciaire de l'Etat demande à la cour de :

Vu les articles L.141-1 et L.141-3 du code de l'organisation judiciaire,

Vu l'alinéa 5 de l'article 51-5 du code de procédure pénale en vigueur en 2017,

Vu le jugement du pôle civil du tribunal judiciaire de Reims en date du 12 octobre 2021,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté M. [B] de son action en responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice et en indemnisation,

* condamné M. [B] aux dépens,

Subsidiairement dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que l'appelant serait victime

d'une faute lourde du service public de la justice en raison de la destruction de son arme à feu,

- juger que M. [B] ne rapporte pas la preuve de l'existence et/ou de l'étendue de son préjudice,

- débouter en conséquence M. [B] de ses demandes indemnitaires,

A titre infiniment subsidiaire,

- ramener les demandes indemnitaires de M. [B] à de plus justes proportions,

Infirmer le jugement en ce qu'il a'dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- condamner M. [O] [B] à payer à Madame l'Agent Judiciaire de l'Etat la somme de 1 000€ au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause :

- condamner M. [O] [B] à payer à Madame l'Agent Judiciaire de l'Etat la somme de

1 500€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELAS BDB et Associés, prise en la personne de Maître [U] [V].

L'Agent Judiciaire de l'Etat considère que la responsabilité de l'Etat pour faute lourde ne peut être engagée'; qu'en effet, M. [B] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice direct et certain et d'un lien de causalité entre ce préjudice et le dysfonctionnement'; que lors de son audition, il a déclaré que contester la destruction de la carabine ne servirait à rien'; que la contestation est intervenue hors délai de 5 jours et devant la mauvaise autorité, alors même qu'il avait été informé des conditions d'exercice de son droit'; que ce n'est que cinq mois après en avoir été informé que M. [B] a formé un recours contre la décision de destruction.

Il ajoute que le procureur de la République n'a pas invité spécifiquement M. [B] à engager la responsabilité de l'Etat mais l'a simplement informé de ses droits.

Il fait valoir, a titre subsidiaire, que si la cour considère que la faute lourde est caractérisée, elle doit constater que les demandes sont excessives, la valeur de l'arme étant comprise entre 1 450 euros et 2 150 euros, mais qu'aucune indication sur l'état de cette carabine pourtant ancienne n'est fournie. Elle ajoute que le préjudice moral ne repose sur aucune élément autre que l'impossibilité de s'adonner à la chasse.

MOTIFS DE LA DECISION':

L'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire dispose que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

La faute lourde est «'toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi'».

En l'espèce, pour déterminer si une faute lourde peut être retenue contre l'Etat, il est nécessaire d'être en possession des éléments suivants :

- la date à laquelle la décision prise par le procureur de détruire l'arme a été notifiée à M. [B] et le délai qui lui a été indiqué par les services enquêteurs pour contester cette décision,

- la date à laquelle l'arme a été détruite.

Or, force est de constater qu'il est produit par l'Agent Judiciaire de l'Etat un procès-verbal d'audition de M. [B] daté du 29 décembre 2016 qui ne comporte qu'un seul feuillet dont l'examen permet de considérer qu'il est incomplet et tronqué (il n'y est évoqué que l'hypothèse d'une destruction de l'arme et non la décision de destruction elle-même) et qu'il s'insère en réalité dans une série d'auditions dont les procès-verbaux ne sont pas versés aux débats.

La cour est dans l'impossibilité de statuer en l'absence de production de l'intégralité de la procédure.

Il convient par conséquent de révoquer l'ordonnance de clôture, de réouvrir les débats et d'enjoindre à l'Agent Judiciaire de l'Etat de produire l'intégralité de la procédure d'audition de M.[B] comportant':

- la date à laquelle la décision prise par le procureur de détruire l'arme a été notifiée à M. [B] et le délai qui lui a été indiqué par les services enquêteurs pour contester cette décision,

- la date à laquelle l'arme a été détruite,

Et ce, dans le délai d'UN MOIS à compter du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS':

Statuant publiquement et par arrêt avant dire droit';

Révoque l'ordonnance de clôture, réouvre les débats et enjoint à l'Agent Judiciaire de l'Etat de produire l'intégralité de la procédure d'audition de M. [B] comportant':

- la date à laquelle la décision prise par le procureur de détruire l'arme a été notifiée à M. [B] et le délai qui lui a été indiqué par les services enquêteurs pour contester cette décision,

- la date à laquelle l'arme a été détruite.

Et ce, dans le délai d'UN MOIS à compter du présent arrêt.

Dit que l'affaire est renvoyée en mise en état pour production de la pièce dans ce délai et de nouveau appelée à l'audience du MARDI 21 MARS 2023 à 14 heures avec clôture au 14 mars 2023.

Réserve les demandes accessoires et les dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/00028
Date de la décision : 07/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-07;22.00028 ?
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