ARRET N°
du 31 janvier 2023
N° RG 22/00637 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FEWN
S.A.R.L. RVS
c/
S.A.R.L. DU [Adresse 1]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 31 JANVIER 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 23 novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de SEDAN
S.A.R.L. RVS
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE
Représentée par Me Quentin MAYOLET de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau ddes ARDENNES
INTIMEE :
S.A.R.L. DU [Adresse 1] immatriculée au RCS de ROUEN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et Me Nicolas DAUGE, avocat au barreau de ROUEN, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Florence MATHIEU, conseillère, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame [Y] [R]
DEBATS :
A l'audience publique du 05 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
L'EURL RVS équipement a pour activité le commerce de gros (commerce inter-entreprise) de machines pour l'extraction, la construction et le génie civil.
L'EURL RVS équipement a vendu à la SARL du [Adresse 1], en état de fonctionnement, avec contrôle VGP de moins d'un an, un rouleau agricole de type 140Hamm HV 14VV pour un montant de 12.000 euros ttc.
Le rouleau a été livré le 10 janvier 2018 par les Établissements BUNEL transporteur, le transport ayant été facturé le 12 janvier 2018.
Lors de la mise en service du rouleau le 19 janvier 2018, la SARL du [Adresse 1] a constaté la présence d'une fuite d'huile au niveau du moteur, avec une consommation d'huile anormale.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 janvier 2018, la SARL du [Adresse 1] a écrit à l'EURL RVS équipement pour lui signaler le désordre et émettre une réserve sur le bien.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 février 2018, la SARL du [Adresse 1] a notifié à l'EURL RVS équipement sa demande d'annulation, en raison de la nécessité de procéder au changement de moteur, faute de réparation possible, en se prévalant d'un devis établi par les établissements MORISSE NAYRAT.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mai 2018, l'EURL RVS équipement s'est opposée à cette demande au motif que l'engin avait été vendu dans l'état, sans garantie.
L'assureur protection juridique de la SARL du [Adresse 1] a confié au cabinet Créativ une expertise technique le 28 mai 2018 sur l'engin et aux termes d'un rapport rédigé le 18 octobre 2018, l'expert a conclu à un fonctionnement anormal, en raison d'un état d'usure de la segmentation et cylindrée du moteur qui était présent au moment de la vente critiquée.
Par acte d'huissier en date du 25 février 2020, la SARL du [Adresse 1] a fait assigner l'EURL RVS devant le tribunal de commerce de Sedan aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1641 et 1648 du code civil':
- la résolution de la vente du matériel agricole avec restitution de la somme de 12.000 euros ttc,
- la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de 3.420 euros à titre de dommages et intérêts et de 1.200 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Par jugement en date du 23 novembre 2021, le tribunal de commerce de Sedan a':
- prononcé la résolution de la vente
- ordonné à l'EURL RVS équipement de restituer le prix de vente de 12.000 euros ttc à la SARL du [Adresse 1],
- condamné l'EURL RVS équipement à payer à la SARL du [Adresse 1] les sommes de 3.420 euros à titre de dommages et intérêts et de 1.200 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par un acte en date du 10 mars 2022, la SARL RVS a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 4 novembre 2022, l'Eurl RVS, in limine litis, demande à la cour de constater que la SARL [Adresse 1] n'a pas conclu et donc d'écarter des débats les pièces signifiées par le conseil de la société SARL [Adresse 1] le 1er septembre 2022 et de déclarer irrecevables en tout état de cause les écritures notifiées par l'intimée.
Au fond, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de déclarer la SARL DU [Adresse 1] prescrite en sa demande, et subsidiairement de la débouter.
Elle sollicite en outre le paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Elle expose que le délai de deux ans est un délai de forclusion, que la SARL [Adresse 1] a eu connaissance du vice dès le 15 février 2018 et a fait délivrer son assignation le 25 février 2020, de sorte que cette dernière est prescrite en son action.
Elle fait valoir que l'article 1648 du code civil ne mentionne pas la connaissance de la cause du désordre comme point de départ du délai de forclusion mais la découverte du vice.
Elle soutient que le rapport d'expertise sur lequel se fonde la SARL [Adresse 1] n'est pas contradictoire et qu'il existe des incohérences entre les caractéristiques de l'engin mentionnées dans le rapport et sur la facture.
Elle insiste sur le fait que la SARL [Adresse 1] est défaillante dans l'administration de la preuve et ajoute qu'elle a proposé de faire examiner l'engin vendu dans ses ateliers par ses propres techniciens, ce qu'a toujours refusé l'intimée.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2022, la Sarl du [Adresse 1] demande à la cour, in limine litis, de déclarer recevables ses conclusions ainsi que ses pièces signifiées le 1er septembre 2022.
Elle conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite le paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Elle soutient que c'est à compter de la connaissance de la cause du désordre que courre le délai prévu à l'article 1648 du code civil.
Elle fait valoir que le cabinet d'expertise amiable a convoqué les parties par lettre recommandée avec AR reçu par l'Eurl RVS le 11 mai 2018.
Elle estime que ce n'est qu'à compter du rapport du cabinet Creativ qu'elle a eu conscience de la gravité de la cause du désordre.
Elle explique que les incohérences invoquées par l'Eurl RVS correspondent à des erreurs matérielles et que l'expert a noté que le numéro de série gravé sur la plaque d'identification correspondait à la facture d'achat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la recevabilité des écritures et pièces de l'intimée
Aux termes de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie. En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.
Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.
Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
Aux termes de l'article 908 du même code l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévue à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Aux termes de l'article 930-1 du même code, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur un support papier et remis au greffe.
Aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
' prononcer la caducité de l'appel ;
' déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
' déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
' déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.
Il résulte de ce dernier texte que le conseiller de la mise en état est seul compétent lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement pour déclarer des conclusions et pièces irrecevables. En l'espèce, il convient de relever que les conclusions de la Sarl SVS soulevant une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions et pièces de la SARL [Adresse 1] ont été notifiées antérieurement au dessaisissement du conseiller de mise en état, de sorte que la cour ne peut pas statuer sur ce moyen et juger les conclusions et pièces de l'intimée irrecevables.
*Sur la prescription de l'action de la Sarl [Adresse 1]
L'article 1648 alinéa 1 du code civil énonce que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Celle-ci se distingue de la cause du vice qui sera établie dans le cas d'espèce.
Il y a lieu de rappeler qu'il s'agit d'un délai de forclusion et que l'appréhension de la gravité des désordres relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
En l'espèce, la Sarl SVS démontre que le matériel agricole litigieux a été livré le 10 janvier 2018 et que dès le 15 février 2018, la SARL [Adresse 1] s'est prévalu d'une action rédhibitoire et a sollicité l'annulation de la vente en se fondant sur un devis de réparation préconisant un changement du moteur en raison d'une impossible réparation de ce dernier. Dès lors, la cour estime que dès le 15 févier 2018, la SARL [Adresse 1] avait connaissance de l'ampleur du désordre affectant le bien vendu, de sorte que le délai de forclusion de 2 ans a commencé à courir à compter de cette date.
Dans ces conditions, relevant que la SARL [Adresse 1] a introduit son action par la délivrance de l'assignation à la Sarl SVS, suivant un acte du 25 février 2020, il convient de constater que la SARL [Adresse 1] est forclose en son action et dès lors irrecevable en ses demandes en résolution de vente et en paiement.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
*Sur les autres demandes
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SARL [Adresse 1] succombant, elle sera tenue aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de l'espèce commandent de rejeter les demandes respectives des parties à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'article 914 du code de procédure civile,
Dit que la cour ne peut statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions et pièces de la SARL [Adresse 1] notifiées antérieurement au dessaisissement du conseiller de mise en état.
Infirme le jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Sedan, en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
Constate que la SARL [Adresse 1] est forclose en son action.
Déclare la SARL [Adresse 1] irrecevable en ses demandes en résolution de la vente et en paiement de dommages et intérêts.
Rejette les demandes respectives des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL [Adresse 1] aux dépens de première instance et d'appel et fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE