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31/01/2023 | FRANCE | N°22/00052

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 31 janvier 2023, 22/00052


ARRET N°

du 31 janvier 2023



N° RG 22/00052 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDNC





S.A.R.L. AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES (AFCM)





c/



S.C.I. SCI ELANDRE















Formule exécutoire le :

à :



la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES



Me Christine BRAGANTINI

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 31 JANVIER 2023



APPELANTE :



d'un jugement rendu le 07 mai 2021

par le tribunal judiciaire de TROYES



S.A.R.L. Agence [C] Constructions Métalliques (AFCM)

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Maître Julien FROMGET de la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES, avocat au barreau de L'AUBE





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ARRET N°

du 31 janvier 2023

N° RG 22/00052 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDNC

S.A.R.L. AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES (AFCM)

c/

S.C.I. SCI ELANDRE

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES

Me Christine BRAGANTINI

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 31 JANVIER 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 07 mai 2021 par le tribunal judiciaire de TROYES

S.A.R.L. Agence [C] Constructions Métalliques (AFCM)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître Julien FROMGET de la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES, avocat au barreau de L'AUBE

INTIMEE :

S.C.I. SCI ELANDRE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître Christine BRAGANTINI, avocat au barreau de L'AUBE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Véronique MAUSSIRE conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 28 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La Sci Elandre dont le gérant est Monsieur [M] [V] et Monsieur [N] [W] l'associé a, courant 2016, engagé un projet de construction d'un complexe de loisirs à [Localité 2], ci-après dénommé Family Space.

Dans le cadre de ce projet, Monsieur [D] [C], gérant de la Sarl Agence [C] Constructions Métalliques (ci-après désignée AFCM) spécialisée dans la réalisation de construction métallique, de couverture et bardage métallique ou encore de serrurerie, a été contacté par Monsieur [V] afin de réaliser un chiffrage estimatif pour la réalisation d'une charpente métallique.

Par courriel du 10 février 2018', Monsieur [W] a signifié à Monsieur [C] que l'offre de la Sci Elandre n'était pas retenue pour la réalisation de l'ouvrage.

Par acte d'huissier en date du 29 juillet 2019, la Sarl AFCM a fait assigner la Sci Elandre devant le tribunal de grande instance de Troyes sur le fondement des articles 1112 et 1240 du code civil pour rupture abusive des pourparlers et obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de':

- 108.906 euros au titre du remboursement des frais investis dans la réalisation du projet,

- 10.000 euros en réparation du préjudice moral,

- 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Troyes a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire':

- condamné la Sci Elandre à payer à la Sarl AFCM la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice moral subi,

- débouté la Sarl AFCM de sa demande en réparation au titre de son préjudice financier,

- condamné la Sci Elandre à payer à la Sarl AFCM la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 14 janvier 2022, la Sarl AFCM a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 24 août 2022, la Sarl AFCM conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré et demande à la cour de'condamner la Sci Elandre à lui payer les sommes de':

- 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi,

- 108.906 euros en réparation au titre de son préjudice financier et subsidiairement la somme de 15.480 euros au titre de la facture n°BT5403 du 30 juin 2018,

- 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle expose que si aucun contrat n'a été conclu avec la Sci Elandre, elle a été mandatée par cette dernière pour l'élaboration des plans relatifs aux travaux de charpente et a effectué un travail de fond représentant des dizaines d'heures et incluant la réalisation de plans techniques, de notes de calculs et la participation à des réunions avec les autres entreprises.

Elle explique qu'elle a également élaboré des plans d'implantation et même préparé les «'platines de pré-scellements'» destinées à être installées à l'intérieur de la structure.

Elle soutient que la Sci Elandre a interrompu la relation commerciale de manière fautive, les parties ayant collaboré durant plus d'une année à l'élaboration du projet de construction ce qui l'a conduite à réaliser des investissements concrets en mandatant un de ses sous-traitants habituels, la société ACMT industrie, pour la fabrication de la charpente métallique.

Elle fait valoir qu'elle a été entretenue dans la croyance légitime qu'elle était chargée de réaliser les travaux de structure, qui exigeaient l'élaboration préalable des plans techniques pour chaque partie de l'ouvrage.

Elle soutient que la Sci Elandre ne justifie pas les raisons de son éviction et estime que l'intimée a rompu leurs relations pour des raisons financières et non techniques, et a préféré conclure avec la société MÉTAL STRUCTURE, à moindre coût en utilisant largement les plans et études qu'elle avait réalisés.

Elle précise que son préjudice financier inclut le remboursement des frais exposés dans le cadre des pourparlers et insiste sur le fait qu'au regard de l'avancement du projet et de la signature prochaine d'un contrat avec la Sci Elandre, elle avait d'ores et déjà signé un contrat avec la société ACMT, sous-traitante, à hauteur de 108.906 € toutes taxes comprises. correspondant à :

- note de calcul : 5.000 € hors-taxes.

- étude et dessin : 8.950 € hors-taxes.

- fabrication des pré-scellements : 4.550 € hors-taxes.

- perte de couverture des frais généraux : 55.000 € hors-taxes.

- perte de bénéfices': l7.255 € hors-taxes,

soit un total de 90.755 € hors-taxes, soit 108.906 € toutes taxes comprises.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 4 novembre 2022, la Sci Elandre conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré et demande à la cour de débouter la Sarl AFMC de toutes ses demandes en paiement, subsidiairement de confirmer le jugement entrepris et sollicite en outre le paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle explique que dans le cadre de son projet de réalisation d'un 'centre de loisirs, elle a procédé à la consultation de plusieurs entreprises, à charge pour ces dernières de réaliser des devis. Compte tenu des impératifs techniques spécifiques de ce projet d'ampleur, le chiffrage par les entreprises impliquait un travail approfondi incluant des études, des plans et des notes de calculs ainsi que des échanges avec les autres corps d'état.'

Elle soutient que la mission confiée à la Sarl AFCM n'a jamais dépassé le cadre de cette consultation et elle réfute toute rupture abusive de pourparlers. Elle indique que la société LN2J n'a pas davantage été retenue au terme de la procédure de consultation.

Elle fait valoir que les délais proposés par la Sarl AFCM n'étaient pas compatibles avec son prévisionnel financier et que cette dernière n'a pas été en mesure d'adapter son projet aux difficultés techniques rencontrées.

Elle réfute le fait que l'ouvrage réalisé par la société MÉTAL STRUCTURE l`a été sur la base des plans et études faits par la Sarl AFCM (Matériaux de charpente différents - taille des poteaux pour l'aménagement intérieur non conforme).

Elle insiste sur le fait qu'au stade des négociations, aucun devis n'avait été établi.

Elle affirme qu'elle est étrangère à la relation contractuelle entre la société AFCM et la société ACMT, de sorte qu'elle n'a pas à prendre en charge le paiement de la facture émise par cette dernière, dont le règlement n'est pas établi.

Elle ajoute que le préjudice subi ne saurait consister en la perte de chance de bénéficier de l'avantage ou du gain qui aurait été tiré de la conclusion du contrat.

S'agissant des pré-scellements, elle soutient que ceux-ci ne peuvent concerner son projet dans la mesure où le 5 février 2018, la production des platines de pré-scellement n'était pas lancée et que le 7 février 2018, elle a demandé à tous les intervenants de suspendre ces derniers, de sorte que leur fabrication n'a pas pu être réalisée en deux jours.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISON

*Sur la responsabilité

Aux termes de l'article 1112 du code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de bonne foi.

En cas de faute dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

Il existe une obligation générale de loyauté que se doivent mutuellement les futurs co-contractants, tant durant la conduite des négociations que lors de la rupture de celle-ci. Ainsi la preuve d'un défaut de loyauté ou de bonne foi dans le cadre d'une rupture des pourparlers permet de caractériser l'existence d'une faute.

La durée des pourparlers et l'investissement réalisé par la victime sont autant d'éléments supplémentaires susceptibles de caractériser l'existence d'une faute commise par l'auteur de la rupture, dès lors que son partenaire a pu croire légitimement à la réalisation du contrat projeté.

La caractérisation de la rupture abusive des négociations se fait non seulement au regard du comportement de l'auteur mais également au regard des attentes de la victime. La croyance créée chez cette dernière entraîne la responsabilité en cas de violation de l'assurance que l'on avait contribuée à faire naître.

En l'espèce, l'appelante démontre que le premier document établi entre les parties consiste en un croquis réalisé à la main par la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES, le 13 février 2017.

Par la suite, un devis numéro 2017 JP 476 du 27 avril 2017 a été émis par la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES, à hauteur de 202.305,60 euros pour la charpente métallique, avec deux options possibles pour la réalisation de la structure plancher « laser » à hauteur de 31.168,80 euros et celle du « bureau », à hauteur de 45.046,80 euros.

Le 03 novembre 2017, la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES a établi un deuxième devis modificatif numéro 2017 JP 476, pour un montant principal de 207.266,40 euros, outre trois options pour la réalisation des planchers «'laser'», « bureau'» et «'bowling'» pour des montants respectifs de 49.366,81 euros, 32.349,60 euros et 5.026.80 euros.

Enfin, le devis définitif a été établi le 09 décembre 2017 sous le numéro 2017 JP 476 pour un montant total évalué à 298.237 euros hors taxes soit 357.884,40 euros toutes taxes comprises.

La SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES démontre avoir, le 9 janvier 2018, remis à la SCI ELANDRE un dossier intitulé «'NOTE DE CALCUL'» de plusieurs centaines de pages et extrêmement précis, relativement à tous les éléments et tous les aspects de l'ouvrage.

Entre le 9 et le 23 janvier 2018, il n'est pas contesté que la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES a transmis à la SCI ELANDRE des plans plus détaillés de construction ci-après':

- PLAN D'ELEVATION FILES 1,7 er Y.

- PLANS D`ELEVATION FILES A et F,

- COUPE FILES 4,5 et 6.

- COUPE FILES 2 et 3.

- VUE EN PLAN PLANCHER ET AUVENT,

- PLAN DE TOITURE.

- PLAN D'IMPLANTATION.

Elle verse également aux débats de nombreux échanges de courriels entre le mois de novembre 2017 et le mois de février 20l8 avec Messieurs [N] [W] et [M] [V] de la SCI ELANDRE.

Ces discussions ont pour objet l`affinage des plans et des devis en fonction de l`évolution des attentes du maître de l`ouvrage. Il en ressort que Monsieur [D] [C] prend soin d'interroger l'intimée sur les caractéristiques souhaités, (dimensions des différents éléments, existence ou non de plafond, aménagement de plancher, cloisonnement de la mezzanine...), de la mettre en garde sur les exigences techniques et de lui faire des propositions (modification des poteaux du laser pour des poteaux plus résistants et plus faciles a assembler, choix des portes de meilleure qualité...) ou encore de 1`interpeller sur des démarches à exécuter auprès des autres intervenants, comme dans son courriel du 11 janvier 2018 à l'occasion duquel il interroge Monsieur

[N] [W] en ces termes « As-tu passé la commande à SOCOTEC pour le contrôle ''».

D'autres correspondances font état de relations directes entre la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES et le cabinet cle conseil SOCOTEC ainsi que Monsieur [X] [B], le maître d`oeuvre, en présence ou non de Monsieur [N] [W]. Divers échanges ont ainsi eu lieu s'agissant de la question de la charge d'exploitation du plancher du premier étage, aux fins de modifications du permis de construire par le maître d`oeuvre'; la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES a d'ailleurs travaillé en concertation avec le cabinet SOCOTEC pour 1'établissement des plans d'implantation.

Il ressort également de ces échanges une collaboration directe entre Monsieur [D] [C] et les autres corps d'état. Ainsi, Monsieur [L] [S], dessinateur, a soumis à Monsieur [D] [C] la coupe qu`il avait réalisée de l`ouvrage aux fins de contrôle et de validation par ce dernier. A deux reprises, Monsieur [D] [C] a relevé des erreurs

qui ont conduit le dessinateur à des rectifications jusqu'à la réalisation d'une coupe conforme. De la

même manière, Monsieur [D] [C] a traité avec la société DAVULLIAN ETANCHEITE, l'entreprise SAVINIENNE DE SERRURERIE et la société GECIBA.

A l`issue de ces concertations et dans un courrier du 23 janvier 2018, Monsieur [D] [C] a pu communiquer aux différents intervenants des plans fermes et définitifs de 1'ouvrage à concevoir et à réaliser.

Il résulte de ces ces éléments que les travaux d'analyse et d`études réalisés par la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES étaient très largement avancés au jour de la rupture des relations avec le maître de l'ouvrage, le chantier devant débuter quelques jours après. Par ailleurs, si, compte tenu de l'ampleur du projet, la consultation d`une entreprise et la réalisation d`un devis par cette dernière aux fins de candidature, impliquait nécessairement des travaux d`analyse et d`études approfondies, les actes réalisés par la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES dépassent largement le cadre de ces derniers, de par leur nature, leur contenu, leur qualité et leur nombre, plusieurs échanges ayant souvent eu lieu sur la même journée et de manière continue sur toute la période entre le mois de décembre 2017 et le mois de février 2018.

Revêt également un caractère déterminant, le rôle actif de la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES dans ses rapports avec Messieurs [N] [W] et [M] [V], à travers un réel accompagnement dans la définition du projet et de son coût. L'interaction permanente avec les autres entreprises témoigne d'une implication totale de la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES dans la conception de l`ouvrage.

En outre, il y a lieu de relever que la SCI ELANDRE ne prouve pas avoir informé la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES de sa mise en concurrence avec d'autres entreprises, étant souligné que le plan général du 15 mars 2017 édité par la société LN2J est insuffisant pour caractériser cette mise en concurrence, d'autant plus que c'est la société METAL STRUCTURE qui a finalement été retenue pour procéder à la réalisation de l'ouvrage et qui a établi des plans le 23 mai 2018, soit postérieurement à la rupture des relations entre la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES et la SCI ELANDRE.

Aussi, à la lumière des relations nouées entre les parties, Monsieur [D] [C] a légitimement pu croire à la conclusion prochaine et certaine du marché pour la réalisation de l`ouvrage sur lequel il a travaillé pendant plusieurs mois.

Or, il résulte des débats que la rupture de ces pourparlers est intervenue de maniére soudaine, brutale et également injustifiée. En effet, le 7 février 2018, la SCI ELANDRE a adressé un courriel aux entreprises intervenant sur le projet, en leur enjoignant de tout arrêter. Le 10 février suivant, elle a notifié à la SARL AGENCE ERANZON CONSTRUCTIONS METALLIQUES le rejet de sa candidature sans aucune motivation, ni à ce stade, ni ultérieurement, en réponse à ses demandes d'explications.

La cour estime comme le tribunal que les pourparlers engagés avec la SCI ELANDRE ne portaient pas sur «'des propositions de structure'» comme celle-ci le prétend mais sur des mises au point techniques destinées aux travaux de réalisation et d'installation de la charpente de l'ouvrage.

L'incapacité de la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES à s'adapter aux exigences techniques et à l'emploi du temps

du maître de l'ouvrage n'est pas établie, les mises au point techniques réalisées par l'appelante à l'issue de réunions contrecarrant l'affirmation péremptoire de l'intimée de ce chef. Au contraire, la SCI ELANDRE ne démontre pas avoir informé la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES de la date butoir pour l`ouverture du chantier. Et, il résulte du courriel du 5 février 2018 de la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES qu`elle avait réussi à négocier une intervention pour la semaine 13 et qu'elle faisait tout son possible pour essayer de gagner encore un peu de temps, les platines de pré-scellement étaient prêtes à être expédiées en semaine 7. Enfin et surtout, Monsieur [N] [W] s'est adressé aux entreprises le 7 février 2018 en commençant ses propos en ces termes «'pour faire suite à la réunion de vendredi qui je dois l'avouer ne passe toujours pas'», ce qui caractérise davantage des difficultés relationnelles entre les parties que des problématiques matérielles et techniques.

Dans ces conditions, la constate comme les premiers juges que la rupture des pourparlers précontractuels entre la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES et la SCI ELANDRE est intervenue de façon brutale et fautive.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SCI ELANDRE dans la rupture fautive des pourparlers précontractuels.

*Sur la réparation du préjudice

En vertu de l'article 1112 alinéa 2 précité, le préjudice résultant de la rupture abusive de pourparlers consiste dans les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles a dû procéder la victime. Cependant, les frais exposés avec imprudence ou précipitation n'ouvrent pas droit à réparation.

En l'espèce, la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES sollicite réparation à hauteur de 108.906 euros sur la base d'une facture émise par la société ACM. sous-traitante, le 30 mars 2018 indiquant :

- Note de calcul : 5.000 euros

- études et dessins : 8.950 euros

- fabrication des prix seulement : 4.550 euros

- perte de couverture de frais généraux (22.31 % du devis, moins les 18.500 euros),

- perte de bénéfices 7 % du devis, moins les 18.500 euros,

TOTAL = 90.755 euros, soit 108.906 euros ttc.

Sur le principe, les conditions dans lesquelles la société victime d'une rupture abusive de pourparlers a exposé les frais dont elle sollicite réparation sont indifférentes. Aussi, au cas présent la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES est fondée à se prévaloir des frais engagés le cadre des pourparlers par l'intermédiaire de son sous-traitant, indépendamment du fait que ce dernier soit étranger à la SCI ELANDRE. En revanche, la faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains espérés à la conclusion du contrat.

A la différence du tribunal, la cour estime au vu des pièces produites, et notamment du courriel susvisé du 5 février 2018 que les platines de pré-scellement étaient prêtes à être expédiées, soit 5 jours avant le mail d'éviction sanctionné, de sorte qu'il est indéniable que le sous-traitant de la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES, la société ACMT avait réalisé sa prestation.

La facture émise par la société ACMT le 30 juin 2018 mentionne «'construction d'une aire de jeux-lot charpente métallique'», ce qui correspond parfaitement à l'ouvrage dont s'agit et la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES prouve qu'elle a payé à son sous-traitant habituel la somme de 15.480 euros suivant virement du 18 février 2020 (le laps de temps écoulé entre l'émission de la facture et le paiement s'expliquant parfaitement par l'existence du présent litige).

Dans ces conditions, il convient d'indemniser le préjudice financier subi par la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES à hauteur de la somme de 15.480 euros.

En outre, il résulte des éléments ci-dessus développés que la brutalité de la rupture des pourparlers a causé un évident préjudice moral à SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES, qui a investi beaucoup d'énergie et de temps dans l'élaboration du projet de la SCI ELANDRE.

Dès lors, la croyance parfaitement légitime qu'a eue la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES de se voir confier les opérations de construction ont engendré un préjudice moral qu`il convient de réparer à hauteur de 10.000 euros.

Dans ces conditions, il convient de condamner la SCI ELANDRE à payer à la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES les sommes de 15.480 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et de 10.000 euros en réparation du préjudice moral et par conséquent, d'infirmer le jugement déféré de ces chefs.

*Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SCI ELANDRE succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner la SCI ELANDRE à payer à la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PARCES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Troyes le 7 mai 2021 en ce qu'il a':

- condamné la SCI ELANDRE à payer à la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouté la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES de sa demande de réparation au titre du préjudice financier,

Et statuant à nouveau,

Condamne la SCI ELANDRE à payer à la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES les sommes de':

- 15.480 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

- 10.000 euros en réparation du préjudice moral.

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant,

Condamne la SCI ELANDRE à payer à la SARL AGENCE [C] CONSTRUCTIONS METALLIQUES la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.

Condamne la SCI ELANDRE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/00052
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;22.00052 ?
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