ARRET N°
du 31 janvier 2023
N° RG 21/02214 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC6C
[T]
c/
[S]
[H]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
Me Marion POIRIER
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 31 JANVIER 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES
Monsieur [E] [T]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS
INTIMES :
Monsieur [P] [S] Exerçant sous l'enseigne 'MICRO AUTOS'
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Marion POIRIER, avocat au barreau de REIMS
Monsieur [O] [H] - exerçant sous l'enseigne CJ MECANIQUE -
- ASSIGNE EN INTERVENTION FORCEE -
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non comparant ni représenté bien que régulièrement assigné
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 28 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023,
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
M. [E] [T] a acquis le 8 octobre 2019 de M. [P] [S], entreprise individuelle exerçant sous l'enseigne Micro Autos, un véhicule d'occasion de type Audi A4 immatriculé [Immatriculation 7] au prix de 10 000 euros.
Se plaignant d'une consommation d'huile importante et d'un manque de puissance du moteur dus à une usure prématurée des pistons dans les cylindres, M. [T] a assigné le 24 février 2021 M. [S], exerçant sous l'enseigne Micro Autos, devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières aux fins de prononcer la résolution de la vente, à titre principal, pour défaut de conformité sur le fondement de l'article L 217-4 du code de la consommation et à titre subsidiaire pour vices cachés sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil et de l'indemniser de ses préjudices.
M. [S] n'a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 22 octobre 2021, le tribunal a :
- dit que le véhicule était affecté de défauts de conformité au jour de la vente,
- prononcé la résolution de la vente,
- ordonné la restitution par M. [P] [S], exerçant sous l'enseigne Micro Autos, au profit de M. [E] [T], de la somme de 9 999 euros et au besoin condamné M. [P] [S] à verser la somme de 9 999 euros à M. [E] [T],
- ordonné la restitution par M. [T] au profit de M. [S] du véhicule,
- condamné M. [P] [S], exerçant sous l'enseigne Micro Autos, à payer à M. [E] [T] en réparation de son préjudice les sommes de 375,76 euros au titre des frais d'immatriculation du véhicule et de 99 euros au titre de la recherche de panne du 26 novembre 2019,
- débouté M. [E] [T] du surplus de ses demandes,
- condamné M. [P] [S] aux dépens de l'instance lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] [S] à payer à M. [E] [T] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la décision était exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue le 14 décembre 2021, M. [T] a formé appel limité de ce jugement en ce qu'il a été débouté de ses demandes indemnitaires au titre des frais d'assurance et de gardiennage du véhicule.
M. [P] [S] a assigné le 27 juin 2022 en intervention forcée M. [O] [H], exerçant sous l'enseigne CJ Mécanique.
Par ordonnance du 19 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a débouté M. [S], exerçant sous l'enseigne Micro Autos, de sa demande d'expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées le 3 mars 2022, M. [T] demande à la cour de :
Vu les articles L 217-4 du code de la consommation et 1641 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le véhicule Audi A4 était affecté de défauts de conformité au jour de la vente et en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule,
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné les restitutions respectives par M. [T] et par M. [S] exerçant sous l'enseigne Micro Autos,
- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- condamner M. [S] à verser à M. [T] les sommes correspondant aux frais engagés sur le véhicule décomposés comme suit :
* 375,76 euros de frais d'immatriculation
* 99 euros de frais de diagnostic
* 1 036,87 euros/par an de frais d'assurance soit au jour de l'arrêt à intervenir : 2073,74 euros sauf mémoire
* 5 400 euros pour la période échue au 20 octobre 2021, outre 15 euros par jour à compter du 21 octobre 2021 jusqu'à la reprise du véhicule par l'intimé au titre des frais de gardiennage
- condamner M. [S] à verser à M. [T] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,
- condamner M. [S] aux dépens avec recouvrement direct.
Par conclusions notifiées le 16 octobre 2022, M. [S] demande à la cour de :
Vu les articles 1101, 1199 et 1353 du code civil,
Vu l'article L 217-8 du code de la consommation,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées au débat,
- déclarer recevable et bien-fondé M.[S] en son appel incident,
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
* prononcé la résolution de la vente du véhicule [Immatriculation 7],
* ordonné à M. [S] la restitution de la somme de 9 999 € à M. [T],
* ordonné à M. [T] la restitution du véhicule immatriculé [Immatriculation 7] à M.[S],
* condamné M. [S] à payer à M. [T] la somme de 375,76 € au titre des frais d'immatriculation,
* condamné M. [S] à payer à M. [T] la somme de 99 € au titre de la recherche de panne,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [T] de sa demande de résolution de la vente du véhicule [Immatriculation 7],
- condamner M. [H] à garantir toutes les condamnations qui seront prononcées contre
M. [S],
- déclarer recevable mais mal-fondé M. [T] en son appel,
- confirmer le jugement critiqué en qu'il a :
* débouté M. [T] de sa demande de condamnation au paiement des cotisations d'assurance du véhicule immatriculé [Immatriculation 7],
* débouté M. [T] de sa demande de condamnation au paiement des frais de gardiennage,
En conséquence,
- débouter M. [T] de sa demande en paiement des frais d'assurance automobile soit la somme de 2 073,74 €,
- débouter M. [T] de sa demande en paiement des frais de gardiennage soit la somme de 5 400 €,
- débouter M. [T] de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- condamner M.[T] et M. [H] au paiement de la somme de 2 500 € à Monsieur
[S] , au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION :
La garantie légale de conformité :
L'article L 217-4 du code de la consommation dispose que le vendeur doit livrer un bien conforme au contrat et répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.
L'article L 217-5 précise que le bien est conforme au contrat :
1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et le cas échéant :
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
Enfin, l'article L 217-7 dispose que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Pour les biens vendus d'occasion, ce délai est fixé à six mois.
En l'espèce, M. [S], pour s'opposer aux demandes formées par M. [T], soutient que si une responsabilité doit être recherchée, c'est celle de M. [H] puisque c'est ce dernier qui est intervenu sur le véhicule le 29 mai 2020 en changeant les bougies et que l'expertise amiable indique qu'il est possible que l'avarie soit la conséquence d'une malfaçon lors de la réparation.
Il ajoute que les expertises réalisées sur le véhicule passent totalement outre cette intervention.
La garantie légale de conformité est acquise dès lors que le véhicule est impropre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable au sens des articles précités.
Il n'est nul besoin de démontrer la responsabilité du vendeur.
En effet, le défaut de conformité est présumé avoir existé au moment de la délivrance du véhicule dès lors que l'acquéreur rapporte la preuve que le bien vendu n'est pas conforme au contrat.
Il s'agit d'une présomption réfragable qui peut être renversée par la preuve contraire.
Il ressort :
- du rapport d'expertise amiable du 16 octobre 2020 dressé par le cabinet d'expertises A.B.L,
- du rapport d'expertise amiable du 26 octobre 2020 dressé par le cabinet d'expertises Expertise & Concept Perpignan,
- de la recherche de panne du 26 novembre 2019 réalisée par le garage Auto Avenir Arden,
que le véhicule vendu à M. [T] est affecté d'un défaut de conformité en ce que la consommation d'huile excessive est due à une usure prématurée des pistons dans les cylindres, que ce phénomène est une panne connue sur ce type de véhicule et qu'il trouve son origine dans la fabrication du moteur.
Qui plus est, il est relevé dans l'un des deux rapports que l'entreprise Micro Autos est intervenue sur le véhicule le 29 mai 2020 et qu'à cette occasion, il a été noté un défaut de montage du tendeur de chaîne à l'origine de la désynchronisation de la distribution et un impact important des soupapes d'admission générant une déformation des pistons.
L'ensemble des constatations opérées sur le véhicule objet du litige démontrent à l'évidence que ce défaut, apparu dans le délai de six mois de l'acquisition du véhicule d'occasion, empêche son usage normal et que le véhicule est par conséquent affecté d'un défaut de conformité.
La preuve contraire n'est pas rapportée par M. [S].
La décision sera confirmée en ce qu'elle a prononcé la résolution de la vente avec les conséquences y afférentes.
Compte tenu des constatations opérées, il n'existe aucun lien de causalité démontré entre l'intervention de M. [H], qui s'est contenté de changer les bougies sur le véhicule le 29 mai 2020 et le défaut de conformité du véhicule.
La garantie de ce dernier ne peut donc être retenue et M. [S] sera débouté de sa demande à ce titre.
Les préjudices :
L'article L 217-11 du code de la consommation dispose que l'application des dispositions des articles L 217-9 et L 217-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur.
Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.
1° Les frais d'immatriculation du véhicule et les frais de recherche de panne :
Ils sont justifiés par les pièces n° 3 et 5 produites par M. [T].
La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a condamné M. [S], exerçant sous l'enseigne Micro Autos, à payer à M. [T] les sommes respectives de 375, 76 euros et de
99 euros à ce titre.
2° Les frais d'assurance du véhicule :
M. [T] sollicite la somme de 2 073, 74 euros.
Il a été débouté de ce poste de préjudice par le premier juge.
Pas plus qu'en première instance, M. [T] ne justifie que le véhicule Audi A4 affecté d'un défaut de conformité a été réellement assuré (il produit la même pièce n° 19 qu'en première instance) et c'est par conséquent à bon droit que sa demande a été rejetée dans la mesure où il ne démontre pas la finalisation effective du contrat qui lui a été adressé par mail le 17 septembre 2020 dont il doit donc être considéré qu'il n'a pas été renvoyé à l'assureur.
Par ailleurs, le contrat d'assurance versé aux débats concerne un véhicule Opel Corsa et non le véhicule litigieux.
La décision sera confirmée en ce que M. [T] a été débouté de sa demande à ce titre.
3° Les frais de gardiennage du véhicule :
A hauteur de cour, M. [T], qui a été débouté de sa demande faute de justificatif, produit une facture de gardiennage du 26 novembre 2021 pour un montant de 5 400 euros correspondant aux frais dus pour la période comprise entre le 20 octobre 2020 et le 20 octobre 2021 (sa pièce n° 22).
M. [S] s'oppose au paiement de cette facture en soutenant que cette facture est établie pour un véhicule Citroën alors que le véhicule litigieux est de marque Audi A4 et qu'il existe donc de sérieux doutes sur la sincérité de la facture et qu'en tout état de cause, M. [T] ne justifie d'aucun règlement de sorte que le préjudice allégué n'est pas certain.
Il ressort de l'examen de la facture que c'est manifestement par une erreur matérielle qu'il y a été noté qu'elle concernait un véhicule Citroën car la date de mise en circulation et le numéro d'immatriculation correspondent au véhicule Audi A4 litigieux.
Par ailleurs, il n'est nul besoin que la facture soit réglée pour que le préjudice de M. [T] soit certain.
En revanche, le montant de cette facture, qui est forfaitaire, sera réduit à de plus justes proportions en considération du fait que le véhicule est certes affecté d'un défaut de conformité mais qu'il est transportable et que les frais de gardiennage ne peuvent donc se justifier tout au plus que le temps des opérations d'expertise amiable, soit six mois.
Il sera par conséquent alloué à M. [T] la somme de 2 700 euros (180 jours à 15 euros) au paiement de laquelle M. [S] exerçant sous l'enseigne Micro Autos sera condamné.
La décision sera infirmée sur ce point.
L'article 700 du code de procédure civile :
La décision sera confirmée.
Aucune considération liée à l'équité ne justifie qu'il soit fait droit aux demandes formées à ce titre.
Les dépens :
La décision sera confirmée.
M. [S] exerçant sous l'enseigne Micro Autos, qui reste in fine débiteur de M. [T], sera condamné aux dépens d'appel avec recouvrement direct au profit de la SCP Rahola Creusat Lefèvre par application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire ;
Confirme le jugement rendu le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières à l'exception de sa disposition relative aux frais de gardiennage du véhicule.
Statuant sur ce seul point et au vu de la pièce nouvelle produite par M. [E] [T] ;
Condamne M. [P] [S] exerçant sous l'enseigne Micro Autos à payer à M. [E] [T] la somme de 2 700 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule.
Y ajoutant ;
Déboute M. [P] [S] de sa demande de garantie à l'encontre de M. [O] [H].
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [P] [S] exerçant sous l'enseigne Micro Autos aux dépens d'appel avec recouvrement direct au profit de la SCP Rahola Creusat Lefèvre par application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE