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31/01/2023 | FRANCE | N°21/01750

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 31 janvier 2023, 21/01750


ARRET N°

du 31 janvier 2023



N° RG 21/01750 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FB2U





S.A.R.L. LAON PARE BRISE II





c/



S.C.I. PARIE



















Formule exécutoire le :

à :



Me Marion POIRIER



la SELARL HBS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 31 JANVIER 2023



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 07 septembre 2021 par le TJ de Reims



S.A.R.L. LAON

PARE BRISE II

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Marion POIRIER, avocat au barreau de REIMS





INTIMEE :



S.C.I. PARIE

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Nicolas HÜBSCH de la SELARL HBS, avocat au barreau de REIMS





COMPO...

ARRET N°

du 31 janvier 2023

N° RG 21/01750 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FB2U

S.A.R.L. LAON PARE BRISE II

c/

S.C.I. PARIE

Formule exécutoire le :

à :

Me Marion POIRIER

la SELARL HBS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 31 JANVIER 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 07 septembre 2021 par le TJ de Reims

S.A.R.L. LAON PARE BRISE II

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marion POIRIER, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.C.I. PARIE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicolas HÜBSCH de la SELARL HBS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 28 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS

La SARL Laon pare brise II exploite à [Localité 7] un fonds de commerce de réparation et de remplacement de pare-brise.

Par acte sous seing privé en date du 10 avril 2008, Madame [C] [R] a consenti un bail commercial à la société Laon pare brise II, un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 7], cadastré section HX n°[Cadastre 6] composé d'un atelier d'une surface d'environ 350 m2, d'un bureau, vestiaire, hall, lavabo, WC, d'un sous-sol d'une surface d'environ 170 m2, et d'un grenier d'environ 300 m2 au premier étage, à destination de vente et pose de pare-brise et accessoires, pour une durée de neuf années consécutives, à compter du 10 avril 2008, moyennant un loyer annuel hors taxe et hors charge de 18.000 euros la première année, de 20.400 euros la deuxième année, et de 22.800 euros la troisième année, payable mensuellement avec indexation.

Par acte notarié en date du 28 avril 2014, cet immeuble a été vendu à la SCI Parie, ainsi devenue bailleur.

Le bail est en tacite prolongation depuis le 10 avril 2017.

Suite à un dégât des eaux provenant de fuites sur toiture ayant fait l'objet d'un constat amiable entre les parties le 25 février 2021, la société Laon pare brise II a fait dresser un constat d'huissier le 01 mars 2021.

Par courrier de son conseil en date du 17 mai 2021, elle a informé la SCI Parie d'un nouveau dégât des eaux survenu le 11 mai précédent et mis en demeure celle-ci d'effectuer sous huit jours les travaux de toiture à même d'assurer le clos et le couvert.

Le 25 mai 2021, le bailleur a fait intervenir l'entreprise de couverture Ets HUSSON qui a réalisé un débouchage de la boite à eaux, la remise en place d'une ardoise ainsi que la fourniture et la pose d'une pièce de Pax Alu au renvoi d'eau pour la somme totale de 180 euros HT.

Par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil datée du 26 mai 2021, la société Laon pare-brise II a reproché à la SCI Parie de n'avoir entrepris aucune démarche suite à sa précédente mise en demeure, et l'a informée de son intention de se prévaloir de l'exception d'inexécution en séquestrant sur un compte CARPA les loyers et charges du local jusqu'à ce que les travaux sollicités soient terminés et assurent le clos et le couvert.

Par courrier électronique de son conseil en date du 01 juin 2021, le bailleur répondait avoir fait intervenir une entreprise, qui a du réaliser des travaux d'entretien incombant au preneur, qu'il demandait à celui-ci d'assurer régulièrement.

C'est dans ce contexte qu'estimant que la toiture n'est pas étanche et que le plafond se détache progressivement, la société Laon pare-brise II a, par requête déposée le 03 juin 2021, sollicité l'autorisation d'assigner la SCI Parie en résiliation judiciaire du bail pour manquement à l'obligation de délivrance et indemnisation, devant le tribunal judiciaire de Reims selon la procédure à jour fixe.

Sur autorisation délivrée par ordonnance du 04 juin suivant, elle a fait assigner cette SCI devant cette juridiction, par acte d'huissier délivré le 07 juin 2021. La Société Laon pare brise II sollicitait notamment que soit prononcée la résiliation judiciaire du bail commercial, outre la réparation du préjudice résultant des manquements du bailleur et des conséquences liées au déménagement du fonds de commerce.

Par jugement en date du 7 septembre 2021, le pôle civil du tribunal judiciaire de Reims a rendu la décision suivante':

- Déboute la société Laon pare brise II de toutes ses prétentions;

- Condamne société Laon pare brise II à payer à la SCI Parie la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la société Laon pare brise II aux entiers dépens et en ordonne la distraction au profit de Maître Nicolas HUBSCH ;

- Rappelle que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Il a retenu que le contrat de bail en sa clause B13 «'descentes et écoulements d'eau'» précise que le locataire devra assurer le nettoyage et le débouchage des faux puits et puisards, cuvettes d'eau, fils de descentes d'eau et chenaux pouvant se trouver dans les lieux loués ou en dépendre, afin d'éviter tous bouchages, toutes fuites et leurs conséquences s'il y a lieu; que le locataire ne produit aucun justificatif de respect de cette obligation depuis le commencement du contrat en 2008, que par ailleurs, il ne démontre pas la persistance des désordres après les travaux de nettoyage réalisés à la demande du bailleur; que de surcroît le locataire ne démontre pas que les fuites empêchaient l'exercice de son activité dans le local loué; que l'existence d'un manquement grave du bailleur à ses obligations justifiant la résiliation du contrat de bail ou empêchant le locataire de jouir des lieux n'est dès lors pas démontrée.

Par déclaration en date du 13 septembre 2021, la SARL Laon pare brise II a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Reims le 7 septembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 novembre 2022, la SARL Laon pare brise II, appelante, demande à la cour de recevoir la SARL Laon pare brise II en son appel et de réformer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Il est demandé à la cour statuant à nouveau de':

- déclarer que la SCI Parie a manqué à son obligation de délivrance continue et ce plus particulièrement, à assurer le clos et le couvert du local donné à bail sis [Adresse 4] ' [Localité 7],

- Débouter la Société Parie de sa demande de voir écarter des débats les pièces 30 et 30,

- Réduire le loyer mensuel à 1 euro symbolique à compter de la mise en demeure, soit le 17/05/2021,

- Condamner la SCI Parie à restituer à la SARL Laon pare brise II la somme de 6.383,64 euros correspondant au dépôt de garantie,

- Condamner la SCI Parie à payer à la SARL Laon pare brise II une somme de 37.664,40 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique,

- Condamner la SCI Parie à payer à la SARL Laon pare brise II une somme de 76.387 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- Condamner la SCI Parie à payer à la Société Laon pare brise II une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- Ordonner la libération des sommes séquestrées en CARPA au profit de la Société Laon pare brise II,

- Débouter la SCI Parie de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 5.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- Condamner la SCI Parie à payer à la Société Laon pare brise II une somme de 5.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, outre le coût des constats établis par Me [O] et Me [T] (au nombre de 4), et ceux de l'expertise amiable diligentée par le Cabinet ECOBAT, soit les frais correspondants aux sommes suivantes :

*309,20 euros pour le constat de Me [O] du 01/03/2021,

*309,20 euros pour le constat de Me [T] du 12/05/2021,

*369,20 euros pour le constat de Me [T] du 14/09/2021,

**600 euros pour le constat de Me [T] du 30/12/2021,

940 euros pour le rapport d'expertise amiable du 15/12/2021.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 novembre 2021, la SCI Parie, intimée, demande à la cour de juger la société Laon pare brise II mal fondée en son appel, de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims et donc de débouter la société Laon pare brise II de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Y ajoutant, il est demandé à la cour de':

- juger que la Société Laon pare brise Il n'a pas procédé au règlement des sommes dues au titre du bail commercial comme elle le reconnaît elle-même aux termes de ses conclusions,

- juger la Société Parie recevable et bien fondée à solliciter la condamnation de la Société Laon pare brise II à lui payer la somme de 13.860,42 euros correspondant aux loyers et charges dus au titre du bail commercial.

En conséquence,

- condamner la société Laon pare brise II à payer à la société Parie la somme de 13.860,42 euros correspondant aux loyers et charges dus au titre du bail commercial,

- condamner la société Laon pare brise II à verser à la Société Parie la somme de 5.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Laon pare brise II aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de Maître Nicolas HUBSCH, membre de la SELARL HBS, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le manquement du bailleur à l'obligation de délivrance pendant le cours de l'exécution du bail commercial

Aux termes du contrat de bail commercial conclu entre les parties et portant sur des locaux à usage de vente et pose de pare brise et accessoires, composés d'un sous sol de 170 m2 d'un rez de chaussée d'environ 350 m2 (bureau, vestiaire, hall, lavabo, WC, atelier) premier étage grenier d'environ 300m2, il est prévu (article B4) que le preneur entretiendra les lieux loués et leurs installations sans aucune exception notamment celles d'eau, de gaz, d'électricité, de sanitaires, etc, de toutes les réparations nécessaires de quelque nature qu'elles soient, de manière à les rendre en bon état de réparations locatives à sa sortie d'occupation.

Concernant les descentes et écoulements d'eau (article B-13), le contrat prévoit expressément que le preneur devra assurer le nettoyage et le débouchage des faux puits et puisards cuvette d'eau, fils de descentes d'eau et chenaux pouvant se trouver dans les lieux loués ou en dépendre afin d'éviter tous bouchages, toutes fuites et leurs conséquences s'il y a lieu.

Par ailleurs, selon les articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer la chose louée en bon état de réparation et doit y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires.

Dans ce cadre juridique et contractuel, si le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause express du bail, certains travaux d'entretien et de réparation il ne peut, s'exonérer ainsi de l'obligation de délivrance précitée à laquelle il est tenu de plein droit'; ainsi aucune convention ne peut aménager la charge des réparations rendues nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble, ceux dus à la vétusté ou ceux répondant à la gravité posée à l'article 606 du code civil.

En application de ces règles, en l'espèce, sont notamment imputables au bailleur les grosses réparations portant sur la couverture entière d'un bâtiment mais au locataire les travaux d'entretien de celle-ci comme des menues réparations la concernant.

La SARL Laon pare brise II développe qu'elle a subi deux dégâts des eaux les 25 février 2021 et 12 mai 2021 à la suite desquels elle a vainement mis en demeure la SCI Parie le 17 mai 2021 d'avoir à effectuer dans un délai de 8 jours les travaux de toiture à même d'assurer le clos et le couvert de son locataire; que le 25 mai 2021, la société Husson couvreur, a réalisé des travaux de débouchage de la boîte à eau pour un coût de 180 euros et a attesté quant à l'origine de la fuite d'eau que la fuite principale, provenait du fait que la boîte à eau, située à l'intérieur du local était totalement remplie de feuillets et d'akènes de sorte que l'eau ne pouvait plus s'évacuer et passait par dessus; que néanmoins elle conteste ce point, estime que ces travaux ne suffisaient pas à remédier aux désordres ainsi qu'elle en a informé le bailleur le 26 mai 2021 en lui signalant qu'elle entendait se prévaloir de l'exception d'inexécution en séquestrant le montant du loyer auprès de son conseil, puis en l'assignant en résiliation le 7 juin 2021 pour défaut de respect de l'obligation de délivrance continue avec toutes conséquences indemnitaires résultant du manquement reproché.

La SCI Parie répond que les désordres ne provenaient que d'un défaut d'entretien de la boîte à eau par son locataire auquel elle a remédié en faisant intervenir la société Husson et que la sortie des lieux du locataire est sans lien avec l'existence des infiltrations dont il s'est opportunément plaint après qu'il ait trouvé un local plus adapté à son activité (le 26 mars 2021: devis d'aménagement de ses nouveaux locaux - accord dès le 2 juin 2021 pour la signature d'un nouveau contrat de bail à effet au 1er août 2021)'aux fins de se dispenser du paiement des loyers pendant les 6 mois de préavis légaux.

La cour constate alors qu'un constat amiable de dégât des eaux du 26 février 2021 diligenté à la demande du bailleur mentionne l'existence d'infiltrations dues à des fuites en toiture.

Un premier constat d'huissier du 1er mars 2021 diligenté par Maître [O] à la demande du locataire accompagné de photographies démontre, s'agissant de l'état de la toiture à cette date et de ses conséquences directes':

- la présence de jours'en de très nombreux endroits, en toute zone, dans la toiture non étanche constituée d'ardoises en fibrociment,

- une charpente en bois en très mauvais endroits à certains endroits portant des marques importantes d'humidité, et des zones où le bois est pourri,

- des tâches d'humidité sur certaines zones au sol où sont posés quelques récipients partiellement remplis d'eau outre une bâche contenant une poche d'eau installée sur la zone non couverte par la mezzanine utilisée pour la réception des véhicules et le travail.

Un second constat d'huissier a été diligenté par Maître [T] le 12 mai 2021 à la requête de la SARL Laon pare brise II au motif d'un second dégât des eaux dans le bâtiment à la suite d'un orage survenu le 11 mai 2021'et montre les conséquences des infiltrations tenant ':

- à la présence d'eau sous la mezzanine et une importante flaque d'eau sur la bâche suspendue au dessus du bâtiment d'entrée,

- à l'état de la mezzanine dont le plancher composé de bois est complètement détrempé et endommagé,

- à des plaques tombées se trouvant dans une grande poubelle.

Dans des attestations du 21 mai 2021 qui n'ont pas dates certaines, deux salariés de l'entreprise attestent que leur travail n'est plus envisageable au sein du bâtiment craignant pour leur sécurité ou celle des clients compte tenu du pourrissement de l'état du plancher et des risques de chute de matériel.

La SARL Laon pare brise II en a déduit que des travaux de toiture de gros 'uvre étaient nécessaires pour assurer son clos et son couvert et a mis en demeure la SCI Parie par courrier recommandé du 17 mai 2021 de les réaliser.

Considérant que sa demande n'avait pas été suivie d'effet et que des manquements graves ayant d'importantes conséquences préjudiciables pour elle (risques dans l'exploitation du commerce en termes d'hygiène et de sécurité des clients et des salariés) étaient ainsi reprochés au bailleur, elle a informé celui-ci, par courrier du 26 mai 2021 de la suspension du paiement du loyer, puis l'a assigné en résiliation du contrat de bail le 7 juin 2021, avant de lui délivrer congé le 30 juin 2021 pour le 31 décembre 2021 en raison de son manquement à son obligation de délivrance.

Celui-ci considère que dès cette date, quelque soit la personne tenue de les exécuter au regard des règles de partage des charges visées précédemment, aucun désordre n'était plus à déplorer puisqu'elle avait choisi de remédier à ceux-ci en missionnant une entreprise de couverture Husson ce dont elle avait informé le locataire dès un courrier à son avocat le 1er juin 2021.

L'intervention de cette entreprise et son périmètre de réparation ne sont pas contestés et sont démontrés par la facture produite.

Ainsi, il est acquis qu'elle est intervenue une première fois aux environs du 12 mai, a remis en place plusieurs ardoises puis est repassée une quinzaine de jours après pour réparer d'autres fuites qui nécessitaient du matériel particulier (cf. facture du 25 mai 2021 de 180 euros TTC': débouchage de la boîte à eaux- remise en place d'une ardoise- dévoiement des eaux pluviales- fourniture et pose d'une pièce de pax alu en renvoi d'eau).

Les parties s'opposent sur le point de savoir si ces travaux étaient suffisants.

A ce titre, la SARL Laon pare brise II ne pourrait se prévaloir du seul devis de l'entreprise Campi de couverture zinguerie du 3 juin 2021 qui estime à cette date que l'état de la toiture nécessite son remplacement complet pour environ 150 000 euros et qui a un intérêt commercial dans l'affaire puisque le locataire ne peut exiger de son bailleur que de lui garantir le couvert et que au contraire, l'entreprise Husson missionnée par la SCI Parie estime dans le même temps que les travaux qu'elle a effectués devraient permettre de garantir une étanchéité suffisante pour la destination des locaux.

Cette entreprise évoque en outre un contrat d'entretien auquel a souscrit la SCI Parie en juin 2021 qui répondrait le cas échéant à tout problème et offrirait à l'exploitant la possibilité de la contacter directement pour planifier une intervention sous 1 à 5 jours.

Mais cet avis de l'entreprise Campi est corroboré utilement par un constat d'huissier du 14 septembre 2021 de Maître [T], un nouveau devis de l'entreprise Campi du 9 décembre 2021, un rapport du 18 novembre 2021 de la société Ecobat à l'expertise amiable de laquelle la SCI Parie a été régulièrement convoquée décrivant les lieux, les causes des désordres, et validant le nouveau devis de la société Campi à l'issue de ses opérations, tous éléments qui même s'ils n'ont pas été établis contradictoirement sont suffisamment précis et concordants dans la description de la situation des lieux par leurs auteurs, professionnels en ce domaine, et encore confortés à la lecture du constat d'état des lieux de sortie du 30 décembre 2021 produit par le bailleur, pour retenir'que les travaux exécutés par la société Husson au mois de juin étaient insuffisants pour répondre aux problèmes d'infiltrations générés par le très mauvais état de la toiture du et à sa vétusté.

Il en ressort :

- que les sols au rez de chaussée et du grenier présentent d'importantes traces d'eau,

- que des poubelles servent de réceptacles pour recueillir l'eau,

- que des bâches sont disposées pour protéger tant les véhicules que les zones de travail,

- que des jours sont visibles dans le toit au fond du local du dernier étage, en deux endroits à l'arrière de la verrière et qu'au rez-de-chaussé, l'eau tombe au goutte à goutte de la verrière sur le sol,

- que sous le vasistas en haut de la montée de l'escalier, une réparation vient d'être effectuée, mais qu'un peu d'eau coule,

- au fond du bâtiment, l'eau coule au goutte à goutte de façon importante tout le long de la colonne, il y a une grosse flaque d'eau au pied du mur et le mur de briques est détrempé.

La persistance des infiltrations d'eau dans les locaux loués en décembre 2021, malgré les travaux exécutés par la société Husson au mois de juin 2021, est ainsi démontrée.

Le lien de causalité entre ces infiltrations et les défauts, relevés par l'expertise amiable soumis à la contradiction de la SCI Parie, dans la couverture en ardoise fibrociment amiantées ne comportant plus de peinture, pour partie non étanches et comportant des jours, dans les voliges bois détrempés de la charpente constituant le support des ardoises et présentant un début de pourriture mole, dans les chéneaux en zinc montrant différentes réparations non pérennes et la verrière métallique formant un éclairage naturel au dessus du grenier, tout comme l'insuffisance des petits travaux de colmatage ponctuels organisés par le bailleur mis en demeure pour y remédier, sont ainsi établis.

Il en résulte la constatation d'un manquement de l'employeur à son obligation de remplir son obligation de délivrance incluant celle d'offrir au locataire un local sécurisé protégé des fuites d'eau, des infiltrations de la chute d'éléments détrempés.

Ce manquement est suffisamment grave pour justifier le bien fondé du congé donné par le locataire au bailleur pour le 31 décembre 2021 en ce que sommé de mettre un terme aux désordres dès le mois de juin, il n'avait pas, 6 mois plus tard, remédié aux phénomènes de flaques d'eau, d'humidité, et d'infiltration du local qu'il louait.

La SCI Parie est mal venue de reprocher à son locataire d'avoir recherché un nouveau local dès le début de l'année 2021, compte tenu de l'état des lieux, ni d'avoir donné congé au mois de juin 2021 pour le mois de décembre puisqu'elle ne parvient pas à démontrer qu'une fois mise en demeure de remédier aux désordres lui incombant, elle y a répondu dans un délai raisonnable pour assurer à son locataire le couvert dans les lieux loués.

Elle sera tenue aux conséquences indemnitaires analysées ci-dessous, si ce n'est à considérer que la gravité du manquement était insuffisante pour fonder une résiliation immédiate du bail aux torts de l'employeur dès le mois de juin 2021 mais suffisante pour justifier cette résiliation aux torts de l'employeur à l'échéance du congé le 31 décembre 2021.

Sur les conséquences du manquement de l'employeur

Pendant l'exécution du contrat de bail

Sur la réduction du montant du loyer à 1 euro à compter de la mise en demeure du 17 mai 2021 et le solde du au titre des loyers charges et restitution dépôt de garantie

Selon l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, obtenir une réduction du prix

L'inexécution d'une partie à ses obligations doit être proportionnée à l'inexécution reprochée à l'autre.

En l'espèce, la société Laon Pare Brise II a mis en demeure la SCI Parie d'exécuter les travaux devant lui assurer le clos et le couvert le 26 mai 2021 et se prévaut de son droit à ne pas régler le montant du loyer jusqu'à la réalisation des travaux et à défaut jusqu'au terme du contrat de bail et à compter de la mise en demeure quand la société Parie lui réclame reconventionnellement le paiement de la somme de 13 680,42 euros au titre des loyers échus depuis juillet 2021.

La cour constate alors qu'aux termes du contrat de bail commercial, la SARL Laon pare brise II a pris à bail des locaux, à usage de vente et pose de pare brise et accessoires, composé d'un sous sol de 170 m2, d'un rez-de-chaussée d'environ 350 m2 (bureau, vestiaire, hall, lavabo, WC, atelier) et d'un premier étage et grenier d'environ 300m2.

Or, les éléments précités démontrant l'état des lieux de mai à décembre 2021 ne permettent pas de retenir l'impossibilité pour la locataire de continuer son exploitation dans une grande partie de ses locaux et d'ailleurs,elle y a poursuivi son activité'jusqu'à son déménagement et l'exécutait sans observation avant les dégâts des eaux du début de l'année qui ne sont pas la conséquence d'un sinistre ponctuel mais de la vétusté qui suppose une dégradation progressive; ils n'établissent pas la preuve que les infiltrations et leurs conséquences aboutissaient à exiger des clients qu'ils soient pieds dans l'eau avec la vue d'un plafond en décomposition ainsi que l'allègue la locataire, et seuls deux salariés en lien de subordination avec l'employeur évoquent des risques de sécurité qui n'apparaissent pas ne pas avoir pu être évités en cloisonnant une partie des locaux.

En conséquence, la réduction du loyer réclamée par la SARL Laon pare brise II ne peut qu'être partielle.

A ce titre, il faut observer que la SARL Laon pare brise II lui réclame la somme de 13 860,42 euros correspondant aux loyers de juillet à décembre 2021 et la taxe foncière 2021 déduction faite du dépôt de garantie selon décompte présenté qu'elle ne lui a pas réglées; qu'elle ne reconnaît devoir en déduction par ailleurs qu'un dépôt de garantie d'un montant de 4 500 euros correspondant au montant versé lors de la conclusion du contrat de bail.

Mais s'agissant du montant du dépôt de garantie, la SARL Laon pare brise II produit un inventaire comptable du compte locatif justifiant de paiements au titre de ce dépôt réalisés au fil des années pour le «'compléter'» ou le «'revaloriser'» portant le montant total de ce dépôt de garantie à 6383,64 euros; or les dates, montants et affectation ainsi démontrés et présentés à la contradiction du bailleur, ne sont pas contestés de sorte que la somme de 6383,64 euros est retenue.

En conséquence, en tenant compte de l'obligation de restitution du bailleur de ce dépôt de garantie à l'issue du bail, de la réduction de loyers accordée au locataire en compensation des désagréments liés au manquement du bailleur à son obligation de délivrance jusqu'à l'échéance du congé, la cour fixe la créance de la SCI Parie à la somme de 4 000 euros et déboute la SCI Parie du surplus de ses prétentions à paiement d'un solde de loyers et charges.

Sur le préjudice d'absence de jouissance paisible': 76 387 euros

La SARL Laon pare brise II se prévaut en conséquence de l'absence de jouissance paisible, d'une perte de marge de 76 387 euros entre 2020 et 2021 en ayant résulté.

Mais le lien entre cette perte de marge entre 2020 et 2021 n'apparaît pas puisque la SARL Laon pare brise II n'a pas été victime de sinistres l'ayant empêché d'exploiter en 2021 et ne montre qu'une dégradation des conditions de jouissance en 2021 dans des locaux de plus en plus vétustes mais pas les conséquences sur son activité. Elle ne justifie d'aucune fermeture, d'aucune perte d'espace d'accueil ou de travail au cours de l'année 2021.

Par ailleurs, elle n'établit pas que les salariés et les clients ont été à plusieurs reprises gênés et leur sécurité mise en péril par les seule attestations peu étaillées de deux salariés.

En outre, elle a obtenu la réduction du loyer en conséquence de la gêne occasionnée par les infiltrations touchant une partie des locaux et a été indemnisée à ce titre.

En conséquence, la cour ne trouve pas de préjudice supplémentaire à indemniser au titre de l'absence de jouissance paisible.

Aux termes du contrat de bail

Sur le préjudice moral

La SARL Laon pare brise II développe que l'obligation de rechercher un local commercial conforme à son activité et les conséquences liées aux dégâts des eaux ont généré un préjudice moral certain qui oblige la SCI Parie à réparation.

Mais elle procède ainsi par allégation sans produire d'éléments sur les difficultés et conditions de ses recherches, sur le rapport qualité/prix/environnement des nouveaux locaux.

En conséquence la cour ne retient pas l'existence d'un préjudice moral.

Sur les autres dommages: 37 664,40 euros

Dans la mesure où la sortie du locataire est la conséquence du manquement persistant du bailleur à remplir son obligation de délivrance, la société Laon Pare Brise est fondée à lui réclamer les suites financières de sa sortie et justifiées.

Ainsi, en est -il des frais d'agence pour trouver un nouveau local (4 500 euros), des frais de rédaction d'un nouveau bail commercial (1 240 euros).

En revanche, un lien de causalité entre les travaux d'aménagement des nouveaux locaux ( 23 427 euros HT) et la sortie du locataire n'est pas établi en ce qu'il n'est pas démontré qu'ils étaient indispensables pour rendre les lieux dans le même état de confort que les précédents, et qu'en outre leur réalisation peut avoir de multiples causes.

S'agissant de la perte de marge pendant le temps du déménagement, la SARL Laon pare brise II propose d'en justifier par un écrit de son expert comptable.

Mais celui-ci ne fait qu'estimation sur estimation en fonction de chiffres donnés par son client et son résultat ainsi posé dans son écrit du 2 juin 2021 n'est conforté par aucun élément comptable permettant de constater la matérialité de le perte de chiffre d'affaire supposément possible en raison du déménagement.

Aucun préjudice n'est dès lors retenu.

En conséquence, les dommages liés à la sortie des lieux de la SARL Laon pare brise II, du fait du manquement de la SCI Parie, se fixe à un total de 5 740 euros.

Sur l'obligation d'engager des frais de constat et d'expertise

Le coût des constats et expertise amiable qui a été engagé par la SARL Laon pare brise II et dont elle justifie a servi dans son intérêt pour établir la preuve des faits nécessaires au soutien de son action qui a conclu à un manquement du bailleur; mais il aurait pû être évité dans leur ampleur si le bailleur avait été plus diligent et réactif.

Il constitue dès lors pour partie un préjudice indemnisable en lien de causalité avec la faute du bailleur qui sera condamné à hauteur de la somme de 600 euros à ce titre.

Sur le sort des sommes séquestrées

La preuve de la séquestration de sommes par la SARL Laon pare brise II n'est pas apportée ni son impossibilité de disposer comme elle l'entend des montants qu'elle aurait confiés à son avocat pour les voir placer sur le compte Carpa.

Aussi, elle est déboutée de sa demande visant à voir ordonner la libération des sommes séquestrées en CARPA à son profit.

Finalement le décompte entre les parties s'établit ainsi':

Créances locataire': 6 240 euros soit':

*préjudice de jouissance': (inclus dans réduction du montant du loyer dû)

*autres dommages': 5 740 euros + 600 euros

Créance bailleur': 4 000 euros

*loyers de juillet à décembre 2021 et taxe foncière restant dus, déduction faite du dépôt de garantie

Solde en faveur du locataire': 2 240 euros

En conséquence et après compensation des sommes dues réciproquement, la SCI Parie est condamnée à payer à la SARL Laon pare brise II ce montant et le jugement est infirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Reims du 7 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la SCI Parie à payer à la SARL Laon pare brise II la somme 2240 euros après compensation entre sa créance locative et indemnitaire et la créance locative du bailleur,

Déboute la SARL Laon pare brise II et la SCI Parie du surplus de leurs demande,

Condamne la SCI Parie à payer à la SARL Laon pare brise II la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

Déboute la SCI Parie de ses prétentions à ce titre,

Condamne la SCI Parie aux dépens de première instance et d'appel non compris le coût des constats d'huissier établis par Me [O] et Me [T] et de l'expertise amiable diligentée par le Cabinet ECOBAT

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/01750
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;21.01750 ?
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