Arrêt n°
du 18/01/2023
N° RG 21/02012
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 18 janvier 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 14 octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Activités Diverses (n° F 20/00452)
Madame [Y] [U]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par la SCP LEJEUNE-THIERRY, avocat au barreau de l'AUBE
INTIMÉE :
SAS ACTIRETRAITE RAMERUPT
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par la SELAS FIDAL, avocats au barreau de REIMS et la SAS OLLYNS, avocats au barreau de PARIS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 novembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 18 janvier 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La SAS Actiretraite Ramerupt, qui s'occupe de la gestion d'un EHPAD, a embauché Madame [Y] [U], en qualité de secrétaire administrative, aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée, et ce à compter du 1er février 2019, moyennant une rémunération brute annuelle de 23024,16 euros pour 151,67 heures par mois.
Le 17 octobre 2019, Madame [Y] [U] a été placée en arrêt de travail par son médecin dans le cadre d'un accident du travail.
Le 17 octobre 2019, la SAS Actiretraite Ramerupt a convoqué Madame [Y] [U] à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 29 octobre 2019 suivant.
Le 8 novembre 2019, Madame [Y] [U] a adressé à son employeur une lettre de démission, motivée par des manquements de la part de ce dernier.
Le 27 novembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie a informé Madame [Y] [U] du refus de prise en charge de l'accident du 17 octobre 2019 au titre de la législation professionnelle, ce qu'elle a contesté.
Le 29 octobre 2020, Madame [Y] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes d'une demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et de compléments de salaire, outre une indemnité de travail dissimulé, et d'une demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial en découlant et d'une demande de dommages intérêts.
Le 28 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Troyes a reconnu que les faits du 17 octobre 2019 constituaient un accident du travail.
Par jugement en date du 14 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit Madame [Y] [U] partiellement fondée en ses réclamations,
- dit que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Madame [Y] [U] est une démission claire et non équivoque,
- constaté l'existence d'heures supplémentaires effectuées par Madame [Y] [U],
- condamné la SAS Actiretraite Ramerupt à payer à Madame [Y] [U] les sommes de :
. 4378,94 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,
. 437,89 euros bruts à titre de congés payés afférents,
. 1095,99 euros nets à titre de complément de salaire d'août, octobre et novembre 2019,
. 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que les intérêts au taux légal sont dus à compter de l'introduction de la demande pour les condamnations salariales,
- débouté Madame [Y] [U] du surplus de ses demandes,
- débouté la SAS Actiretraite Ramerupt de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SAS Actiretraite Ramerupt aux dépens.
Madame [Y] [U] a formé une déclaration d'appel le 10 novembre 2021 et une 'déclaration d'appel corrective' le 7 février 2022. Les deux affaires ont été jointes le 23 mars 2022.
Dans ses écritures en date du 21 juillet 2022, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- constaté l'existence d'heures supplémentaires,
- condamné la SAS Actiretraite Ramerupt à lui payer les sommes de :
. 4378,94 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,
. 437,89 euros bruts à titre de congés payés afférents,
. 1095,99 euros nets à titre de complément de salaire d'août, octobre et novembre 2019,
. 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SAS Actiretraite Ramerupt de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
et d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail à son initiative est une démission claire et non équivoque et l'a déboutée du surplus de ses demandes.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- requalifier sa démission en licenciement nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
- condamner la SAS Actiretraite Ramerupt à lui payer les sommes de :
. 11544,60 euros nets d'indemnité de travail dissimulé,
. 1924,10 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,
. 192,41 euros bruts de congés payés afférents,
. 11544,60 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement à titre principal (1924,10 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire),
. 400,85 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que la SAS Actiretraite Ramerupt n'est pas fondée dans son appel incident,
- débouter la SAS Actiretraite Ramerupt de l'ensemble de ses demandes.
Dans ses écritures en date du 6 mai 2022, la SAS Actiretraite Ramerupt demande à titre principal à la cour de confirmer le jugement sauf du chef des condamnations prononcées à son encontre et, statuant à nouveau de juger que Madame [Y] [U] n'a effectué aucune heure supplémentaire conforme à la définition légale en sus de celles rémunérées et, en conséquence de la débouter de ses demandes et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, et en conséquence :
- de juger que la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission, que Madame [Y] [U] ne peut se prévaloir d'une indemnité pour licenciement nul, qu'elle ne rapporte pas la preuve des préjudices allégués, et de la débouter de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- de limiter le rappel d'heures supplémentaires à la somme de 3317,36 euros bruts, outre 331,74 euros bruts de congés payés,
- de juger qu'elle n'a commis aucun acte de travail dissimulé, en conséquence de débouter Madame [Y] [U] de sa demande d'indemnité au titre d'un prétendu travail dissimulé.
En tout état de cause, elle demande la condamnation de Madame [Y] [U] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé.
Motifs :
- Sur les heures supplémentaires :
La SAS Actiretraite Ramerupt reproche aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande de Madame [Y] [U] au titre des heures supplémentaires. Elle estime que les éléments produits par la salariée -des tableaux récapitulatifs qu'elle s'est constituée à elle-même ayant évolué dans le temps à la hausse et affectés de divergences ce qui les prive de fiabilité, quelques SMS et des attestations vagues de collègues- ne constituent pas des éléments susceptibles de laisser supposer l'existence d'heures supplémentaires réalisées sur sa commande et que dans ces conditions, elle doit être déboutée de sa demande. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter sa condamnation à la somme de 3317,36 euros bruts, calculée sur la base du tableau de l'appelante établi en 2019, outre les congés payés y afférents.
Madame [Y] [U] demande pour sa part la confirmation du jugement à ce titre dès lors qu'elle produit aux débats un décompte précis de ses horaires et que la SAS Actiretraite Ramerupt était au courant des heures supplémentaires effectuées rendues nécessaires par sa charge de travail, lesquelles n'ont été ni rémunérées ni récupérées à l'exception de 3 jours.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Madame [Y] [U] verse aux débats :
- un décompte précis des heures effectuées avec pour chaque jour travaillé, les heures de début et de fin de journée, avec le temps de pause du midi, du 1er février au 24 juillet 2019,
- des sms ou des attestations de collègues ou de la fille d'une résidente attestant de la présence de Madame [Y] [U] certains jours dès 8 heures ou au-delà de 18 heures.
De tels éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement, ce qu'il ne fait pas.
En effet, sa contestation de la pièce n°24 de Madame [Y] [U] est vaine alors que celle-ci peut établir à n'importe quel moment de la procédure un décompte d'heures supplémentaires, le cas échéant y apporter des corrections. En toute hypothèse, en l'espèce, il n'est pas établi que le tableau produit par l'employeur ait été effectué par la salariée.
La SAS Actiretraite Ramerupt ne satisfait pas à la preuve qui lui incombe puisqu'elle ne produit aucun élément de contrôle des heures accomplies par la salariée.
La SAS Actiretraite Ramerupt n'est par ailleurs pas fondée à opposer à la salariée qu'elle ne lui a pas demandé de réaliser des heures supplémentaires alors que celle-ci en avait connaissance, au regard de la présence matinale ou tardive de Madame [Y] [U] certains jours à son poste de travail, laquelle était relevée par des collègues, et qu'elles étaient rendues nécessaires par une 'charge importante de travail' précisément soulignée par la directrice lors de l'entretien professionnel de Madame [Y] [U] le 24 mai 2019.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, et déduction faite de 7 heures supplémentaires réglées et de 23 heures de récupération, la cour évalue le rappel de salaires à la somme de 4347,32 euros, outre les congés payés y afférents, que la SAS Actiretraite Ramerupt doit être condamnée à payer à Madame [Y] [U].
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur l'indemnité de travail dissimulé :
Madame [Y] [U] reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, en application des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, dès lors que contrairement à ce qu'ils ont retenu, l'élément intentionnel est établi, ce que la SAS Actiretraite Ramerupt conteste toujours à hauteur d'appel.
Le caractère intentionnel de la dissimulation est établi. En effet, il ressort du volume important d'heures supplémentaires réalisées par Madame [Y] [U] en l'espace de 6 mois, alors que la SAS Actiretraite Ramerupt faisait le choix de ne pas soumettre Madame [Y] [U] à un contrôle de ses horaires tandis que ses collègues, sur la même période badgeaient ou lorsqu'elles oubliaient de le faire, notaient leurs heures sur un cahier dédié à cet effet (pièces n°69 à 72 de la salariée). La SAS Actiretraite Ramerupt soutient que la badgeuse ne fonctionnait plus lors de l'exécution du contrat de travail de Madame [Y] [U], ce que n'est pas de nature à établir l'attestation qu'elle produit, sans expliquer au demeurant les raisons pour lesquelles, dans ces conditions, des salariées badgeaient.
Dans ces conditions, la SAS Actiretraite Ramerupt doit être condamnée à payer à Madame [Y] [U] l'indemnité de travail dissimulé d'un montant de 11544,60 euros, correspondant à 6 mois de salaires.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur le complément de salaire :
La SAS Actiretraite Ramerupt reproche aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande de Madame [Y] [U] au titre du complément de salaire en la condamnant au paiement d'une somme de 1095,99 euros nets au titre des arrêts de travail des mois d'août, octobre, novembre et décembre 2019, dès lors que Madame [Y] [U] ne produit aucune preuve justifiant ses allégations ni ses calculs.
Madame [Y] [U] conclut à raison à la confirmation d'une telle disposition.
En effet, il appartient à la SAS Actiretraite Ramerupt d'établir qu'elle a rempli Madame [Y] [U] de ses droits au titre des compléments de salaire en application de l'article 84 de la convention collective applicable, ce qu'elle ne fait pas.
Sur la base des calculs exactement effectués par la salariée -laquelle n'a pas, à juste titre, retenu la moyenne des 6 derniers mois de salaires alors que les arrêts de travail cumulés ne dépassent pas 90 jours-, le jugement doit être confirmé du chef de la condamnation intervenue.
- Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail :
Les premiers juges ont débouté Madame [Y] [U] de l'ensemble de ses demandes découlant de la rupture de son contrat de travail. Elle reprend dans ces conditions les demandes formulées en première instance. La SAS Actiretraite Ramerupt conclut à la confirmation du rejet des demandes.
Les parties s'opposent en premier sur la qualification juridique du courrier adressé à la directrice de la SAS Actiretraite Ramerupt le 8 novembre 2019 par Madame [Y] [U].
Madame [Y] [U] soutient qu'il s'agit d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur tandis que la SAS Actiretraite Ramerupt réplique qu'il s'agit d'une démission claire et non équivoque.
Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission.
La salariée débute ainsi son courrier : 'Je vous informe par la présente de ma démission, que je suis contrainte de régulariser. Cette décision est motivée par différents manquements de votre part, que je vais évoquer de manière non exhaustive', le poursuit en détaillant chacun des manquements reprochés, et le conclut de la façon suivante : 'l'ensemble de ces faits ne me permette pas de poursuivre mon contrat de travail'.
Il ressort des termes de la lettre de la salariée que celle-ci a expressément démissionné en raison de manquements imputés à son employeur. Cette rupture constitue donc une prise d'acte.
Madame [Y] [U] soutient que les manquements qu'elle établit justifient la prise d'acte tandis que la SAS Actiretraite Ramerupt soutient qu'elle n'a commis aucun manquement et, en tout état de cause, aucun manquement suffisamment grave pour avoir empêché la poursuite de la relation contractuelle.
Parmi les manquements invoqués, figure celui relatif au non-paiement des heures supplémentaires.
Un tel manquement est établi au vu de ce qui a été précédemment retenu. Il met en évidence de nombreuses heures supplémentaires non réglées quasiment tout au long de la relation contractuelle.
Madame [Y] [U] écrit encore dans son courrier avoir 'dû subir les brimades de sa hiérarchie et leur dénigrement auprès des résidents et de membres du personnel'. Les brimades de la hiérarchie sont établies au travers des attestations produites (pièces n°31, 35 et 59). Deux des collègues de Madame [Y] [U] attestent notamment que la directrice ou Madame [N] s'adressaient à Madame [Y] [U] en lui disant qu'elle était bonne à rien. L'attestation de Madame [E] n'est pas privée de force probante au seul motif qu'elle a été licenciée par la SAS Actiretraite Ramerupt et qu'une procédure prud'homale est pendante, étant en toute hypothèse souligné que les propos précédemment rappelés sont confirmés par Madame [K].
De tels manquements sont suffisamment graves à eux seuls pour avoir rendu impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les autres manquements imputés à l'employeur dans le courrier du 8 novembre 2019.
Madame [Y] [U] demande à la cour de dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul, dès lors qu'elle est intervenue pendant la période de suspension de son contrat de travail consécutive à un accident du travail le 17 octobre 2019, tandis que la SAS Actiretraite Ramerupt soutient qu'elle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la décision du pôle social ne lui est pas opposable et qu'il n'est pas démontré qu'elle avait connaissance du caractère professionnel de 'l'accident' au moment de la rupture à l'initiative de Madame [Y] [U].
Or, la SAS Actiretraite Ramerupt savait, au moment de la prise d'acte de la rupture, qu'une procédure avait été engagée par la salariée pour faire reconnaître le caractère professionnel de son accident, puisque c'est à la suite des éléments communiqués par la salariée qu'elle a établi une déclaration d'accident de travail le 23 octobre 2029 adressée à la caisse primaire d'assurance maladie, ce dont il résultait que l'intéressée pouvait prétendre à l'application de la législation protectrice des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Dans ces conditions, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul.
Madame [Y] [U], qui bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé depuis le 1er juillet 2019, est bien-fondée en sa demande au titre du solde de l'indemnité de préavis, correspondant à un mois de salaire, en application de l'article L.5213-9 du code du travail.
La SAS Actiretraite Ramerupt doit donc être condamnée à lui payer la somme de 1924,10 euros à ce titre outre les congés payés y afférents.
Madame [Y] [U] a par ailleurs exactement calculé l'indemnité de licenciement qui lui est due par la SAS Actiretraite Ramerupt, selon les modalités de l'article R.1234-2 du code du travail, soit la somme de 400,85 euros.
Enfin, Madame [Y] [U] est bien-fondée en sa demande de dommages-intérêts d'un montant de 11544,60 euros correspondant à l'indemnité minimale de 6 mois de salaire en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, que la SAS Actiretraite Ramerupt sera condamnée à lui payer.
Le jugement doit être infirmé en ces sens.
- Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :
Madame [Y] [U] demande à la cour de faire droit à sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral dont elle a été déboutée en première instance, au motif que les manquements de l'employeur ont dégradé ses conditions de travail et ont eu des conséquences sur sa santé, tandis que la SAS Actiretraite Ramerupt conclut à la confirmation du jugement sur ce point, en l'absence de préjudice.
Les pièces médicales produites par Madame [Y] [U] ne permettent pas de caractériser un lien entre les manquements de l'employeur et son état de santé. Toutefois, le dénigrement subi est à l'origine d'un préjudice moral que la SAS Actiretraite Ramerupt sera condamnée à indemniser en payant à Madame [Y] [U] la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
*********
Il y a lieu de dire que les condamnations, autres que celle confirmée au titre du complément de salaire qui est prononcée en net, sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Partie succombante, la SAS Actiretraite Ramerupt doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée à payer à Madame [Y] [U], en sus de l'indemnité de procédure allouée en première instance, la somme de 1500 euros.
Par ces motifs :
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la SAS Actiretraite Ramerupt à payer à Madame [Y] [U] les sommes de :
. 1095,99 euros nets à titre de complément de salaire d'août, octobre et novembre 2019,
. 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SAS Actiretraite Ramerupt de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Actiretraite Ramerupt aux dépens,
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne la SAS Actiretraite Ramerupt à payer à Madame [Y] [U] les sommes de :
- 4347,32 euros au titre des heures supplémentaires impayées,
- 434,73 euros au titre des congés payés y afférents,
- 11544,60 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé ;
Dit que la démission de Madame [Y] [U] constitue une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
Dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ;
Condamne la SAS Actiretraite Ramerupt à payer à Madame [Y] [U] les sommes de :
. 1924,10 euros à titre d'indemnité de préavis,
. 192,41 euros de congés payés afférents,
. 11544,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
. 400,85 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 300 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;
Déboute la SAS Actiretraite Ramerupt de sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne la SAS Actiretraite Ramerupt aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT