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17/01/2023 | FRANCE | N°22/00945

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 17 janvier 2023, 22/00945


R.G : N° RG 22/00945 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFOP

ARRET N°

du : 17 janvier 2023







CM









[K]



C/



[B]





Copie exécutoire:



-SCP DELVINCOURT



-SCP HERMINE AVOCATS



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

section instance

ARRET DU 17 JANVIER 2023



RENVOI DE CASSATION



Ordonnance de référé du tribunal d'instance de NANCY, décision attaquée en date du 18 décembre 2018, enr

egistrée sous le n° 12-18-1414



Ordonnance de référé rectificative du tribunal d'instance de NANCY, décision attaquée en date du 26 février 2019, enregistrée sous le n° 12-19-0361



Arrêt de la cour d'appel de NANCY, décision attaquée en da...

R.G : N° RG 22/00945 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFOP

ARRET N°

du : 17 janvier 2023

CM

[K]

C/

[B]

Copie exécutoire:

-SCP DELVINCOURT

-SCP HERMINE AVOCATS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

section instance

ARRET DU 17 JANVIER 2023

RENVOI DE CASSATION

Ordonnance de référé du tribunal d'instance de NANCY, décision attaquée en date du 18 décembre 2018, enregistrée sous le n° 12-18-1414

Ordonnance de référé rectificative du tribunal d'instance de NANCY, décision attaquée en date du 26 février 2019, enregistrée sous le n° 12-19-0361

Arrêt de la cour d'appel de NANCY, décision attaquée en date du 19 mars 2019, enregistrée sous le n° 19/01124

Arrêt de la Cour de Cassation en date du 09 février 2022, enregistré sous le n° X21-12.179

DEMANDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE EN DATE DU 02 mai 2022

Monsieur [H] [K]

CCAS [Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE

Monsieur [Y] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS, et Me Frédérique MENEVEAU, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 13 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire,, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023 et signé par M. PETY président de chambre et Madame NICLOT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte sous seing privé en date du 28 décembre 2008, M. [Y] [B] a donné à bail à M. [H] [K] une maison d'habitation et ses annexes, sis [Adresse 1] à [Localité 5], pour un loyer mensuel de 1 000 euros.

Par exploit d'huissier du 14 juin 2017, M. [B] a fait délivrer à M. [K] un congé pour vente, à effet au décembre 2017, pour le prix de 225 000 euros, hors frais de notaire et d'enregistrement.

M. [K] n'a formulé aucune offre d'achat dans le délai de deux mois. Il s'est maintenu dans les lieux et n'a plus réglé ses loyers.

Par acte d'huissier en date du 15 juillet 2018, M. [B] a fait assigner M. [K] devant le tribunal d'instance de Nancy, statuant en référé, aux fins de résiliation, expulsion, et règlement d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance de référé du 18 décembre 2018, rectifiée par ordonnance du 26 février 2019 suite à une erreur matérielle, le président du tribunal d'instance de Nancy a :

-constaté la résiliation du bail conclu entre M. [Y] [B] et M. [H] [K] portant sur un lieu à usage d'habitation situé [Adresse 1] à [Localité 5], à la date du 27 décembre 2017,

-ordonné en conséquence à M. [H] [K] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance,

-dit qu'à défaut pour lui d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, il pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

-condamné M. [K] à payer à M. [B] la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes (demande en paiement de loyer et indemnité d'occupation formulée par M. [B], demande en dommages et intérêts de M. [K], notamment),

-condamné M. [H] [K] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de l'assignation.

M. [K] a fait appel de cette ordonnance.

Il a saisi le premier président de la cour d'appel de Nancy aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire de plein droit attachée à cette décision. Il a été débouté de cette demande par une ordonnance du 29 août 2019.

Par arrêt du 19 mars 2020, la cour d'appel de Nancy a confirmé l'ordonnance de référé attaquée en toutes ses dispositions.

M. [K] a saisi le juge de l'exécution du tribunal de Nancy d'une demande de suspension de la mesure d'expulsion ou octroi de délais en application de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution. Il a été débouté de cette demande par jugement du 3 juillet 2020. Il a interjeté appel de cette décision, laquelle, par arrêt de la cour de Nancy du 11 février 2021, a confirmé le jugement et condamné M. [K] à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre aux dépens.

M. [K] s'est pourvu en cassation le 15 février 2021 à l'encontre de l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Nancy.

Par arrêt du 9 février 2022, la Cour de cassation a statué comme suit :

« Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d'appel de Reims ;

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne M. [B] à payer à M. Soltner (conseil de M. [K]) la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du Procureur Général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ».

Par déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 2 mai 2022, M. [K] a saisi la cour d'appel de Reims en exécution de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 février 2022.

Aux termes de ses conclusions du 24 novembre 2022, M. [K] demande à la cour de le déclarer recevable et bien-fondé en son appel, d'infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le tribunal d'instance de Nancy en date du 18 décembre 2018 (rectifiée le 26 février 2019), sauf en ce qu'elle déboute M. [B] de ses demandes au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation, et, statuant à nouveau de :

-déclarer M. [B] mal-fondé en toutes ses demandes dirigées contre lui, et de son appel incident,

-le déclarer bien-fondé en ses demandes reconventionnelles,

-vu l'indécence du logement loué,

-condamner M. [B] à lui verser une indemnité provisionnelle de 35 000 euros en réparation de ses préjudices moral, matériel et physique,

-ordonner à M. [B] de mettre en conformité le bien loué dans un délai de six mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

-ordonner à M. [B] de pourvoir au relogement de M. [K] durant la réalisation des travaux de mise en conformité du logement objet du bail, à ses frais, dans une habitation similaire,

-autoriser M. [K] à ne pas régler les loyers tant qu'il n'aura pas réintégré le logement objet du bail mis en conformité,

-ordonner à M. [B] qu'il procède à la réintégration de M. [K] dans le bien loué à la fin de travaux réalisés,

-ordonner à M. [B] de soumettre à la signature de M. [K] un contrat de bail conforme à la législation en vigueur (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) relativement au bien, objet du bail,

-ordonner d'ores et déjà à M. [B] de laisser libre accès au logement à M. [K] afin qu'il y récupère ses biens,

-condamner M. [B] à verser à Maître Caulier-Richard la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Suivant écritures du 26 novembre 2022, M. [B] demande à la cour de dire M. [K] recevable mais mal-fondé en son appel, l'en débouter et de :

-confirmer l'ordonnance entreprise telle que rectifiée en ce qu'elle a :

. constaté la résiliation du bail conclu entre M. [B] et M. [K] portant sur un lieu à usage d'habitation sis [Adresse 1] à [Localité 5] à la date du 27 décembre 2017,

.ordonné en conséquence à M. [H] [K] de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de quinze jours sauf à dire que ce délai courra à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

.dit qu'à défaut pour M. [K] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, M. [B] pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

.condamné M. [K] à payer à M. [B] une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, lesquels comprendront le coût du commandement de payer et de l'assignation,

-le dire recevable et bien-fondé en son appel incident, et, y faisant droit infirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus et, statuant à nouveau dans cette limite :

.condamner M. [K], au visa des articles 808 et suivants du code de procédure civile, à payer à M. [B] à titre provisionnel la somme de 59 442,95 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, sinon à compter des présentes conclusions, jusqu'à solde avec capitalisation,

.y ajoutant,

.lui donner acte qu'il conteste l'intégralité des demandes de M. [K], tant en leur principe qu'en leur quantum,

.débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes alors qu'elles se heurtent à des contestations sérieuses et qu'elles ne sont en tout état de cause ni fondées, ni justifiées,

A titre subsidiaire, sur la demande d'indemnité provisionnelle au titre des préjudices moral, physique et matériel subis, il demande de dire que M. [K] ne démontre pas la réalité des préjudices allégués, ni la ou les fautes commises par lui, ni le lien de causalité entre les deux, en conséquence, de débouter M. [K] de sa demande d'indemnité provisionnelle au titre des préjudices moral, physique et matériel subis à hauteur de 35 000 euros.

Sur les demandes de mise en conformité du bien sous astreinte, de relogement pendant la durée des travaux et de réintégration, il demande de les dire ni fondées, ni justifiées, en conséquence, de les rejeter.

Sur la demande d'accès libre à la maison, il demande de constater que les délais accordés à M. [K] sont dépassés, et qu'il a d'ores et déjà récupéré ses effets personnels, de juger en conséquence sa demande irrecevable, sinon la rejeter pour être ni fondée, ni justifiée,

Sur la demande de signature d'un nouveau bail, il en sollicite le rejet comme ni fondée, ni justifiée.

En tout état de cause, il demande de condamner M. [K], lui-même débouté de sa demande en frais irrépétibles, à lui payer la somme de 2 000 euros à hauteur d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dire qu'ils seront recouvrés directement par maître Florence Six, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

Par conclusions du 12 décembre 2022, l'appelant a de nouveau conclu au fond et a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture pour que l'affaire soit renvoyée à la mise en état, afin de permettre aux parties de notifier, dans le respect du contradictoire, des nouvelles conclusions et pièces au vu de faits révélés après le prononcé de l'ordonnance de clôture. M. [B] s'est opposé à cette demande.

Sur ce, la cour,

I- Sur la demande en révocation de l'ordonnance de clôture

A l'appui de sa demande en révocation de l'ordonnance de clôture, M. [K] fait valoir qu'il a découvert, après que l'ordonnance de clôture ait été rendue, que le bien immobilier litigieux était mis en vente au prix de 170 000 euros, soit un prix très inférieur à celui proposé dans le congé pour vente qui lui a été délivré, dont il argue, depuis l'origine, qu'il revêt un caractère frauduleux à raison précisément d'une surévaluation manifeste.

Il souhaite pouvoir intégrer aux débats la pièce n°28 justifiant de cette mise en vente récente du bien au prix de 170 000 euros, ainsi que ses conclusions du 12 décembre 2022.

M. [B] s'oppose formellement à la révocation de l'ordonnance de clôture, dont la fixation était prévue de longue date. Il souligne qu'il s'agit d'un dossier qui dure depuis 2018 et qui vise à remettre en cause un congé délivré le 14 juin 2017, que de nombreuses procédures ont eu lieu et de nombreux échanges de conclusions, cette nouvelle demande tendant manifestement à retarder de nouveau l'issue du litige. Il estime qu'aucune cause grave ne justifie la révocation de l'ordonnance de clôture, ce d'autant que la valeur du bien à ce jour importe peu, la maison n'ayant d'ailleurs eu de cesse de se dégrader depuis la délivrance du congé, par la seule négligence de M. [K].

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile :

'L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal'.

En l'espèce, eu égard à l'ancienneté du litige, la seule volonté de produire une nouvelle pièce, quant bien même elle porterait sur la valeur du bien dont l'estimation est contestée, ne constitue pas une cause grave justifiant, au sens du texte susvisé, la révocation de l'ordonnance de clôture, la pertinence de cette pièce étant au demeurant très relative, seule la valeur du bien à la date du congé délivré, soit au 14 juin 2017 (il y a plus de cinq ans), étant significative compte tenu des termes du débat.

M. [K] est par conséquent débouté de sa demande en révocation de l'ordonnance de clôture. Ses écritures du 12 décembre 2022 et sa pièce n°28 sont rejetées.

II- Sur la validité du congé pour vente

L'article 848 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que:

« Dans tous les cas d'urgence, le juge du tribunal d'instance peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».

L'article 849 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que:

« Le juge du tribunal d'instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

L'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que 'lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire:l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis'.

L'appelant poursuit l'infirmation de l'ordonnance de référé en ce qu'elle a considéré que la validité du congé délivré ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, estimant, au contraire, que le congé délivré était frauduleux.

Il ne reprend toutefois pas les motifs exposés devant le premier juge, à savoir le fait que ce congé n'aurait pas 'réellement' été délivré par M. [B], lequel lui aurait dit que la démarche venait de ses enfants et qu'il n'y avait pas lieu d'en tenir compte.

Sur ce point, M. [B] a, à juste titre, souligné que ces allégations non corroborées étaient stériles, étant souligné que ce congé a bien été délivré en son nom par un huissier de justice, et comporte toutes les mentions requises à peine de nullité.

M. [K] axe désormais toute son argumentation d'appel sur le fait que le prix proposé lors de la délivrance du congé, soit 225 000 euros, était largement excessif eu égard au prix du marché et à l'état déplorable selon lui de l'immeuble en question, dans lequel le bailleur n'aurait jamais effectué les travaux auxquels il s'était engagé.

L'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mars 2020 a été cassé en ce qu'il a retenu que 'même à supposer que le prix mentionné dans le congé serait surévalué, en particulier en comparaison avec les prix du marché local, son estimation dans l'offre de vente faite au locataire est sans emport sur la régularité du congé délivré'.

La cour de cassation a rappelé que, le congé, lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée et qu'en jugeant que le prix mentionné dans le congé, alors même qu'il était surévalué en comparaison avec les prix du marché local, n'avait aucune incidence sur la régularité du congé, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.

M. [K] produit aux débats diverses estimations d'autres biens, des estimations du prix du mètre carré à [Localité 5], des estimations du coût de travaux au mètre carré, traduisant, selon lui, le prix exorbitant proposé, caractérisant une fraude à l'exercice du droit de préemption du locataire.

Ces pièces, qui concernent des biens très disparates, ne sont toutefois nullement significatives comme ne permettant pas une comparaison efficace et effective, étant souligné de surcroît que c'est à la date de délivrance du congé, soit en 2017 et vu l'état du bien à cette époque qu'il faut se placer pour opérer une comparaison pertinente, et non à la date d'aujourd'hui, ni même à celle à laquelle M. [K] a finalement été expulsé (octobre 2021) ou à celle à laquelle il a fait établir un constat par un huissier (20 août 2019).

La sur-estimation du bien alléguée n'est donc pas démontrée, et le congé n'est par conséquent pas entaché de nullité de ce chef.

M. [K] estime que le vendeur n'avait par ailleurs fait aucune réelle démarche pour trouver un acheteur, ce qui démontrerait qu'il n'avait pas eu l'intention véritable de vendre, mais qu'il souhaitait seulement faire libérer le logement.

Toutefois, il doit être rappelé que, selon les indications concordantes des parties sur ce point, matérialisées en outre par le 'contrat de confiance' produit en pièce n°7, établi au moment de l'entrée dans les lieux, il avait été d'emblée convenu que M. [K] s'engageait à 'acheter l'ensemble des locaux : maison d'habitation et les bureaux dès que possible pour la somme de 230 000 euros dans un délai maximum de 2 ans à compter de la date de signature de ce contrat', lequel prévoyait par ailleurs que 'le 3 premiers mois janvier, février et mars sont loués à titre gratuit afin que M. [H] [K] puisse réaliser les aménagements intérieurs nécessaires à ses activités'.

Ainsi, le projet de vente n'était pas nouveau, et dans ce contexte, la délivrance du congé par le propriétaire, nécessité légale, ne pouvait être une surprise pour M. [K]. La cour observe d'ailleurs que le prix mentionné comme devant être, à terme, celui d'achat par M. [K], est supérieur de 5 000 euros à celui proposé in fine dans le congé pour vente, élément qui vient là encore amoindrir la thèse d'une surévaluation manifeste.

Si M. [K] soutient que l'acquisition qu'il projetait de cette habitation devait se faire 'après que M. [B] l'ait refaite', le 'contrat de confiance' ne le mentionne absolument pas, et, au contraire, n'évoque qu'une gratuité provisoire, contrepartie de travaux devant être effectués par M. [K], et non par M. [B].

La cour observe au demeurant que, jusqu'à la délivrance du congé, M. [K] ne s'est jamais manifesté auprès de son bailleur pour réclamer la réalisation de travaux.

Si M. [K] soutient par ailleurs que son bailleur n'a fait aucune démarche de mise en vente réelle, cela ne correspond pas à la réalité puisque M. [B] justifie avoir mandaté l'agence Polim, laquelle atteste, en mars 2018, que le locataire M. [K] 'ne nous a pas donné la possibilité de visiter et d'estimer le bien (...). M. [K] [H] nous fixait des rendez-vous qu'il ne tenait jamais ou qu'il annulait à la dernière minute. Il ne répond plus au téléphone et bloque donc tout contact'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'existe effectivement aucune contestation sérieuse relativement à la validité du congé délivré, tant quant à son prix qu'en sa forme, de sorte que c'est à juste titre que le juge des référés a considéré que ce congé avait été régulièrement délivré, et que le bail avait été résilié, avec toutes conséquences de droit.

Il est confirmé sur ce point.

Par voie de conséquence, l'ordonnance est encore confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de M. [K] tendant à la mise en conformité des lieux et à la signature d'un nouveau bail.

Cette confirmation emporte aussi, par voie de conséquence, rejet des demandes de M. [K] tendant à :

.ordonner à M. [B] de pourvoir à son relogement durant la réalisation des travaux de mise en conformité,

.l'autoriser à ne pas régler les loyers tant qu'il n'aura pas réintégré le logement objet du bail,

.ordonner sa réintégration dans le bien loué à la fin des travaux réalisés.

III- Sur les demandes financières

Le premier juge a, s'agissant de la demande en paiement des loyers et indemnité d'occupation de M. [B] et de la demande en dommages et intérêts de M. [K] retenu que :

'M. [B] sollicite le paiement des loyers impayés et d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail. M. [K] entend engager la responsabilité du bailleur et solliciter réparation compte tenu de l'état d'insalubrité et du caractère non décent du logement. Contrairement à ce qu'indique M. [B], une telle demande n'est pas dépourvue de lien avec les demandes initiales en paiement des loyers. En revanche, les moyens soulevés par M. [K] constituent une contestation sérieuse face aux prétentions du demandeur, d'autant plus que les pièces versées par M. [K] sont contestées par M. [B]. Par ailleurs, aucun élément ne justifie l'urgence à voir statuer sur ces demandes'.

Il a par conséquent rejeté les demandes.

A) Sur la demande en dommages et intérêts de M. [K]

M. [K] réclame le versement d'une indemnité provisionnelle de 35 000 euros en réparation de ses préjudices moral, matériel et physique, soit :

.15 000 euros au titre de son préjudice moral et physique,

.15 000 euros 'pour avoir poursuivi l'expulsion du locataire sur la base d'un congé frauduleux et nul',

.5 000 euros au titre de son préjudice matériel professionnel (impact de son expulsion sur la situation de son entreprise).

Il a été jugé ci-dessus que le congé délivré était régulier, et subséquemment l'expulsion prononcée également, de sorte que la demande en dommages et intérêt au titre de sa prétendue nullité et de ses conséquences (soit 20 000 au total) n'a plus lieu d'être examinée. Par conséquent il n'y pas lieu d'entrer dans le détail de l'argumentaire des parties sur la réalité et la nature de l'exercice professionnel de M. [K] et les conséquences invoquées ensuite de son expulsion des lieux.

Seuls doivent être examinés les griefs tendant à l'état du logement, dans le strict cadre de la procédure de référé tirée des articles 848 et 849 du code de procédure civile.

M. [K] fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1719 du code civil relatifs aux obligations du bailleur, sur la notion de logement décent et sur l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989. Il réclame une indemnisation à hauteur de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et physique.

Il soutient que la maison louée était dans un état 'catastrophique', qu'il ne l'a louée que parce qu'il y avait urgence dans sa situation personnelle, les locaux étant adéquats pour son activité professionnelle dans l'informatique.

Il fait valoir de nombreux dysfonctionnements : électriques, fuites d'eau, infiltrations, inondations, pannes de chaudière, factures de chauffage exorbitantes, les travaux effectués par le propriétaire en cours de bail n'ayant fait que'couvrir la misère du bien loué', le tout empêchant une jouissance paisible de lieux.

Il soutient que cette situation a eu des répercussions sur son état de santé puisqu'il aurait attrapé deux pneumonies, des engelures, et qu'il souffre de problème articulaires. Il ne produit toutefois aucune pièce à caractère médical et se réfère uniquement à sa pièce n°16, soit des attestations de proches qui mentionnent le mauvais état de la maison, sans toutefois évoquer les problèmes de santé invoqués.

M. [K] produit aux débats un constat d'huissier en date du 20 août 2019 et un rapport de constatations de la police municipale du 13 février 2020.

Ces pièces sont postérieures à la délivrance du congé et force est de constater que M. [K] ne justifie pas avoir jamais alerté son bailleur sur la situation décriée, ni réclamé qu'il soit procédé à des travaux. Il reconnaît d'ailleurs que certains travaux ont bien eu lieu.

M. [B] rappelle qu'aucun état des lieux d'entrée n'a été établi, de sorte que M. [K] est présumé avoir reçu les lieux en bon état, que seule une occupation gratuite de trois mois était prévue contractuellement en contrepartie des travaux que M. [K] envisageait de faire.

Surtout, il souligne que M. [K] a vécu 13 années dans les lieux, sans jamais l'avoir mis en demeure d'effectuer des travaux, ni saisi la justice.

Il ajoute avoir, dans le cours du bail, effectué de nombreux travaux et verse aux débats de multiples factures en justifiant entre 2008 et 2013 (pièces n°15 à 25) : travaux de zinguerie-toiture (1 426,45 euros en janvier 2008, fuite), de chauffage (316,59 euros en février 2008), travaux d'électricité (1 798,41 euros en janvier 2009), menuiserie extérieures (3 733,65 euros en janvier 2010), travaux salle de bain (1 200 euros en septembre 2011), révision des enduits et peinture d'une chambre (500 euros en décembre 2011), travaux salle de bain du 2ème étage (810 euros en janvier 2012, travaux de peinture extérieurs (1 150 euros en septembre 2013), notamment.

Il justifie par ailleurs, par un courrier de l'EURL Picault en date du 16 novembre 2016, de ce qu'ensuite de la signature d'un devis pour procéder au remplacement de la chaudière avec versement d'un acompte de 3 000 euros, 'il ne nous a jamais été possible de les réaliser puisque votre locataire n'a jamais accepté de nous laisser entre dans son domicile pour les réaliser'. M. [B] a d'ailleurs perdu cet acompte de 3 000 euros.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments, et sans devoir entrer plus avant dans le détail de l'argumentation de chacun, qu'il existe à l'évidence une contestation sérieuse sur la réalité des manquements imputés au bailleur et du préjudice invoqué par le locataire. Il s'ensuit que la demande ne relève pas de la procédure de référé mais de la procédure au fond.

L'ordonnance, qui a débouté M. [K] de sa demande en dommages et intérêts, est donc infirmée, pour dire, plus exactement, que la demande ne relève pas de la juridiction du référé à raison d'une contestation sérieuse.

B) Sur la demande de M. [B] en paiement d'une somme provisionnelle au titre des loyers impayés et indemnités d'occupation

Sauf à opposer une créance au titre de l'éventuelle responsabilité du bailleur (demande rejetée ci-dessus), M. [K] ne conteste pas l'impayé de loyers allégué.

S'il prétend lapidairement que le bailleur l'aurait autorisé à se dispenser de tout règlement à partir de l'année 2017, cela ne résulte strictement d'aucune pièce, et est à l'évidence démenti par la présente procédure.

Il appartenait à M. [K], le cas échéant, de saisir la juridiction en application de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, pour faire constater les prétendus désordres, obtenir l'exécution des travaux et l'autorisation d'une réduction ou suspension des loyers.

Il en résulte, contrairement à l'appréciation du premier juge, qu'il n'existe en réalité aucune contestation sérieuse quand au fait que les loyers étaient dus, dans leur intégralité, jusqu'à la résiliation du bail prononcée au 27 décembre 2017, et qu'est due, depuis lors, une indemnité d'occupation d'un montant équivalent au loyer si le bail s'était poursuivi, et ce jusqu'au départ effectif des lieux du locataire ensuite de son expulsion, en date du 29 octobre 2021.

M. [B] produit aux débats un décompte de loyers et indemnité d'occupation arrêté au 25 juin 2019, pour un montant de 31 442,95 euros (pièce n°36).

S'y ajoutent encore les indemnités d'occupation dues entre le 26 juin 2019 et le 29 octobre 2021 date de l'expulsion, soit 27 mois (soit 27 mois x 1 000 euros), c'est-à-dire 27 000 euros, soit, au total, 58 442,95 euros.

Il s'ensuit que la demande de M. [B], chiffrée à 59 442,95 euros dans son dispositif, sans qu'il produise d'autre décompte actualisé, doit être accueillie dans la limite de la somme de 58 442,95 euros susvisée.

L'ordonnance est infirmée en ce sens, M. [K] état tenu de verser à M. [B] une indemnité provisionnelle de 58 442,95 euros.

Cette somme étant essentiellement constituée d'indemnités d'occupation, elle sera assortie des intérêts à compter des écritures d'intimé du 26 novembre 2022, conformément à la proposition qu'il formule.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément à la demande.

IV- Sur la demande de M. [K] tendant à l'accès au logement

M. [K] demande que M. [B] lui laisse libre accès au logement afin qu'il y récupère ses biens.

Il s'agit-là d'une demande nouvelle en cause d'appel, qui résulte toutefois de circonstances nouvelles, survenues depuis la décision dont appel, à savoir l'expulsion de M. [K] intervenue le 29 octobre 2021, de sorte qu'à cet égard la demande est recevable par application de l'article 566 du code de procédure civile, comme étant le complément des demandes initiales.

M. [K] indique avoir encore 'divers meubles et outils de travail dans la maison ainsi que de nombreux souvenirs'. Il ne donne pas de liste plus précise.

Est annexée au procès-verbal d'expulsion du 29 octobre 2021 une longue liste, sur 5 pages, des biens meubles présents, avec mention ou non d'une valeur vénale. L'huissier précise que de nombreux déchets jonchent le sol dans toutes les pièces, comme en témoignent d'ailleurs les photographies annexées.

Ce procès-verbal d'expulsion mentionne que M. [K] dispose d'un délai de deux mois non renouvelable à compter du 29 octobre 2021 pour retirer ses biens. L'huissier précise, dans son mail du 1er août 2022, que M. [K] s'est déplacé à deux reprises le 5 novembre 2021, puis le 31 janvier 2022 (soit après ce délai de 2 mois) pour récupérer des affaires. Il a, à chaque fois, signé un document mentionnant la liste des objets emportés. L'huissier indique n'avoir ensuite plus eu de demande de sa part pour récupérer d'autres biens. Il ajoute enfin que 'le délai pour retirer les meubles ayant effectivement expiré, les biens sans valeur ont été évacués le 15 avril dernier et les biens ayant une valeur marchande sont actuellement en cours de transfert à ma salle des ventes en vue d'une prochaine vente aux enchères' (mail du 1er août 2022).

M. [K] échoue à démontrer qu'il resterait d'autres affaires à récupérer dans les lieux, et il a largement été en mis en mesure d'y remédier dans le cadre de la mesure d'expulsion, de sorte que cette demande ne peut qu'être rejetée.

V- Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [K], succombant en son recours, est tenu aux dépens d'appel, l'ordonnance étant par ailleurs confirmée ce qu'elle l'a condamné aux dépens de première instance.

Des considérations d'équité liées à la durée et la multiplicité des procédures conduisent, d'une part, à confirmer le premier juge en ce qu'il a condamné M. [K] à payer au requérant la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles et, d'autre part, à le condamner au paiement d'une indemnité complémentaire, au titre des frais d'appel, à hauteur de 1 500 euros.

Par ces motifs,

Vu l'article 803 du code de procédure civile, déboute M. [H] [K] de sa demande en révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 29 novembre 2022 et écarte des débats ses écritures en date du 12 décembre 2022 et sa pièce n°28,

Infirme l'ordonnance de référé rendue le 18 décembre 2018, rectifiée par ordonnance du 26 février 2019, en ses seules dispositions ayant débouté M. [K] de sa demande en dommages et intérêts et débouté M. [Y] [B] de sa demande financière au titre des loyers et indemnités d'occupation,

Statuant à nouveau sur ces deux points,

Dit que la demande en dommages et intérêts formée par M. [H] [K] ne relève pas de la juridiction des référés à raison d'une contestation sérieuse,

Condamne M. [H] [K] à payer à M. [Y] [B] une indemnité provisionnelle de

58 442,95 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation arrêtés à la date du 29 octobre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2022,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Confirme l'ordonnance pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute M. [H] [K] de ses autres demandes,

Condamne M. [H] [K] à payer à M. [Y] [B] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [K] aux dépens d'appel et dit qu'ils pourront être directement recouvrés par maître Florence Six par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 22/00945
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;22.00945 ?
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