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17/01/2023 | FRANCE | N°22/00075

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 17 janvier 2023, 22/00075


ARRET N°

du 17 janvier 2023



N° RG 22/00075 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDOZ





[U]





c/



S.A.S. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE



















Formule exécutoire le :

à :



Me Jean-François MONVOISIN



Me Héloïse DENIS-VAUCHELIN

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023



APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 novembre 2021 par le TJ hors JAF, J

EX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS



Monsieur [E] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Jean-François MONVOISIN, avocat au barreau de REIMS





INTIMEE :



S.A.S. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représen...

ARRET N°

du 17 janvier 2023

N° RG 22/00075 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDOZ

[U]

c/

S.A.S. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE

Formule exécutoire le :

à :

Me Jean-François MONVOISIN

Me Héloïse DENIS-VAUCHELIN

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 novembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS

Monsieur [E] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-François MONVOISIN, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.S. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Héloïse DENIS-VAUCHELIN, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Philippe PAQUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 21 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [L] [U] est décédé à [Localité 1] le 19 avril 2018 laissant pour héritiers son conjoint survivant, Mme [I] [M] et M. [E] [U] son fils unique.

Ce dernier a suspecté sa belle-mère d'avoir détourné des biens objets de la succession de son père.

Il existait deux coffres-forts au domicile conjugal.

Lors des opérations d'inventaire, Mme [M] a accepté l'ouverture d'un coffre qui a fait l'objet d'un inventaire complet le 12 septembre 2018 mais elle a refusé l'ouverture de l'autre coffre en soutenant qu'il lui appartenait.

M. [E] [U] a alors sollicité du président du tribunal de grande instance de Reims par requête non contradictoire l'ouverture du coffre.

Par ordonnance du 5 février 2019, il a été fait droit à la requête.

A la suite de cette ordonnance, Maître Caulier, huissier de justice, s'est rapproché de la société Fichet Security Solutions France (ci-après Fichet) pour procéder à l'ouverture du coffre litigieux.

Il s'est avéré que Mme [M] avait eu connaissance de l'information par l'intermédiaire de la société Fichet.

Il a été procédé aux opérations le 5 avril 2019 et l'inventaire du coffre a été réalisé (il contenait divers objets dont des bijoux).

Se prévalant de la faute commise par la société Fichet qui a alerté Mme [M] de sorte que celle-ci a eu le temps de faire disparaître des objets de valeur qui s'y trouvaient, M. [U] a assigné la société Fichet devant le tribunal de grande instance de Reims aux fins de voir reconnaître sa faute et la voir condamner à réparer son préjudice à hauteur de 220 130 euros correspondant à la valeur des objets se trouvant dans ce coffre (3 lingots d'or d'une valeur totale de 146 130 euros, trois stocks de pièces d'or, des bijoux de famille et de l'argent liquide pour une valeur totale de 74 000 euros ainsi que des contrats d'assurances étrangers qui ne peuvent être estimés).

La demande a été contestée par la société Fichet qui s'est prévalue de l'absence de faute dans la mesure où elle ignorait le caractère judiciaire de la mission et où, en tout état de cause, il n'était pas démontré de préjudice, la preuve n'étant pas rapportée du dépôt dans le coffre-fort litigieux des objets et contrats d'assurance-vie allégués.

Par jugement rendu le 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a considéré qu'il était établi que la nécessité de ne pas avertir la détentrice des coffres-forts de l'intervention projetée était entrée dans le champ contractuel et que la faute contractuelle était donc caractérisée mais que le préjudice n'était pas caractérisé, les deux attestations produites par les neveux du défunt «'ayant toujours entendu parler de l'existence de trois bagues de fiançailles, d'une collection de pierres précieuses, de trois petits stocks de pièces d'or et de trois lingots d'or «' n'étant corroborées par aucun élément objectif, aucun enseignement ne pouvant par ailleurs être tiré du testament du 23 décembre 2012 souscrit par M. [U] en faveur de son fils.

Le tribunal a donc débouté M. [U] de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Fichet la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens avec recouvrement direct.

Par déclaration reçue le 18 janvier 2022, M. [U] a formé appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 14 juin 2022, l'appelant demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Vu l'article 1217 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu les articles 1952 à 1954 du code civil,

Vu la jurisprudence,

- dire et juger que la faute de la société Fichet Security Solutions France est une faute inexcusable,

- dire et juger que cette faute inexcusable a engendré le préjudice de M. [U], préjudice en lien avec cette faite inexcusable,

En conséquence,

- condamner la société Fichet Security Solutions France à régler à M. [U] la somme de 220 130 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Subsidiairement,

- dire et juger que la faute de la société Fichet Security Solutions France a entraîné une perte de chance pour M. [U],

- condamner la société Fichet Security Solutions France à régler à M. [U] la somme de 110 065 euros en réparation de sa perte de chance,

Plus subsidiairement,

Vu la faute de cette société,

- la condamner à régler à M. [U] la somme de 7 715,40 euros,

Dans tous les cas, la condamner à lui régler la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 2 juin 2022, la société Fichet Security Solutions France demande à la cour de':

Vu les articles 9 et 15 du code de procédure civile et 1353 du code civil ainsi que la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

- recevoir la société Fichet Security Solutions France en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,

-constater que le demandeur n'apporte aucune preuve de ses allégations, que ce soit sur la matérialité des biens qui auraient été soustraits du coffre-fort comme sur leur présence dans ce coffre-fort avant son ouverture par le technicien de Fichet et même avant son appel téléphonique à Mme [M],

En conséquence,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- déclarer M. [U] irrecevable et mal fondé en ses demandes indemnitaires,

- l'en débouter,

- condamner M. [U] aux dépens avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] à payer à la société Fichet Security Solutions France la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION':

La faute de la société Fichet':

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Si la société Fichet persiste à soutenir dans ses écritures qu'elle n'a commis aucune faute dans la mesure où elle n'avait pas été avisée du caractère judiciaire non contradictoire de l'opération d'ouverture des coffres dont l'un est l'objet du litige, force est de constater que sa contestation est à hauteur de cour inopérante puisqu'elle demande dans le dispositif de ses conclusions la confirmation du jugement.

Or, ce jugement consacre la faute de la société Fichet.

S'il en était besoin, il sera ajouté que cette société a adressé à M. [U] deux avoirs en lui faisant une remise commerciale pour s'excuser du «'problème juridique'» reconnaissant ainsi de plus fort la faute commise dans l'exécution de la prestation qui lui avait été confiée (pièces n° 13 et 14 de l'appelant).

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Le préjudice':

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Il sera précisé à titre liminaire que la jurisprudence visée par l'appelant relative à la responsabilité de plein droit de l'hôtelier ou du banquier en cas de dépôt d'objets dans un coffre-fort de l'établissement n'est pas transposable au cas d'espèce, la société Fichet étant intervenue au domicile d'un tiers et hors champ d'un contrat de dépôt, seule une prestation pour l'ouverture des coffres lui ayant été commandée.

M. [U] soutient'que':

- le préjudice est avéré'; en effet, son père avait pour habitude d'acquérir des biens en trois exemplaires pour constituer trois lots, l'un pour son fils, [E], les deux autres pour ses neveux, [D] et [T] [J] qu'il considérait comme ses fils et qu'il a cité dans son testament'; que la constitution des trois lots est corroborée par le constat d'huissier du 30 novembre 2018 (le lot de trois bagues en or blanc remises par Mme [M] à M. [D] [J] qui a refusé et fait attester à l'huissier qu'il ne voulait pas se rendre coupable d'un recel successoral) et par les attestations des neveux mais également par la propre attitude de Mme [M]';

- subsidiairement, à tout le moins, il a perdu une chance de récupérer les éléments manquants devant se trouver dans le coffre (il demande 50 % du préjudice global),

- très subsidiairement, la société Fichet Security Solutions France doit être condamnée à lui payer la somme de 7715,40 euros au titre des frais engagés consécutifs à l'ordonnance sur requête.

La société Fichet lui objecte que':

- que le préjudice ne peut être fixé en équité ou forfaitairement et qu'il ne peut davantage être accordé une réparation supérieure au préjudice réellement subi,

- la jurisprudence exige que le demandeur rapporte la preuve, au besoin par des indices précis et concordants, du dépôt des objets dans le coffre-fort, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. [U] ne rapportant pas au surplus la preuve de l'existence des biens objet du litige,

- s'agissant de la demande subsidiaire au titre de la perte de chance, M. [U] ne démontre pas davantage la certitude d'éléments manquants dans le coffre-fort ni d'ailleurs que ce coffre dépendrait de la succession,

- s'agissant de la demande très subsidiaire, elle n'est ni justifiée ni fondée en droit.

M. [U] doit démontrer, pour prétendre obtenir une indemnisation de son préjudice, que les objets qu'il dit avoir disparu du coffre y étaient présents ou, à tout le moins, qu'ils existaient dans leur matérialité.

Il produit deux attestations émanant de [T] et [D] [J] qui indiquent avoir toujours entendu leur oncle parler de l'existence de trois bagues de fiançailles, d'une collection de pièces, de trois petits stocks de pièces d'or et de trois lingots d'or.

Ces attestations sont rédigées par des membres proches de la famille de M. [U], sont dépourvues de tout caractère objectif et ne font au surplus que relater de manière indirecte des faits dont ils n'ont pas eux-mêmes été les témoins'; ainsi, ils n'attestent pas avoir vu leur oncle placer les objets dans le coffre ou même simplement avoir vu les objets auparavant.

La cour ne peut davantage être convaincue de l'existence de ces objets précieux par le fait que Mme [M] aurait tenté de receler une partie de la succession en donnant à [D] [J] trois bagues en or, ce comportement ne pouvant présumer du fait qu'elle aurait dérobé des objets dans le coffre objet du litige.

De même, la circonstance que M. [U] ait été légataire de son père par un testament rédigé le 23 décembre 2012 ne signifie pas que le défunt ait entendu également dans le cadre de la dévolution successorale transmettre à son fils le bénéfice des objets que celui-ci revendique.

Il n'est donc pas démontré par M. [U], sur lequel repose la charge de la preuve, la présence des objets dans le coffre et il n'est pas davantage établi qu'ils aient existé (aucune facture d'achat n'est produite ni aucun élément prouvant leur matérialité).

M. [U] sera débouté de sa demande d'indemnisation à hauteur de 220 130 euros en l'absence de préjudice certain.

A hauteur de cour et à titre subsidiaire, M. [U] sollicite la somme de 110 065 euros (50 % du montant précédent) en réparation de sa perte de chance.

Il a été précédemment démontré que la certitude qu'il y ait eu des éléments manquants dans le coffre et même que ces objets aient pu exister n'était pas établie.

Le préjudice est par conséquent hypothétique.

La perte de chance n'est indemnisable que si la chance perdue est sérieuse, ce qui repose nécessairement au préalable sur le postulat que les objets dont il est prétendu qu'ils ont été dérobés dans le coffre par Mme [M] aient réellement existé.

Tel n'est pas le cas de sorte que M. [U] sera débouté de sa demande à ce titre.

A hauteur de cour et à titre infiniment subsidiaire, l'appelant sollicite le remboursement des frais qu'il a dû engager pour la procédure de requête.

Cette demande indemnitaire apparaît justifiée dans la mesure où, par la faute de la société Fichet, la procédure sur requête initiée par M. [U], qui devait être non contradictoire, l'est devenue, lui faisant perdre ainsi toute utilité.

Ce préjudice, qui sera qualifié de préjudice moral, sera indemnisé à hauteur de 3 500 euros.

L'article 700 du code de procédure civile':

La décision sera infirmée.

En équité, chaque partie gardera à sa charge les frais qu'elle a pu engager à ce titre en première instance comme en appel.

Les dépens':

La décision sera infirmée.

Chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS':

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire;

Infirme le jugement rendu le 30 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims sauf en ce qu'il dit que la société Fichet Security Solutions France a commis une faute.

Statuant à nouveau;

Condamne la société Fichet Security Solutions France à payer à M. [E] [U] la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que chaque partie doit garder à sa charge les dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/00075
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;22.00075 ?
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