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17/01/2023 | FRANCE | N°21/02333

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 17 janvier 2023, 21/02333


ARRET N°

du 17 janvier 2023



R.G : N° RG 21/02333 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDIE





[S]

Association UDAF DE LA MARNE





c/



[E]



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES



la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023



APPELANTES :

d'un jugement

rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims



Madame [C] [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004653 du 16/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



...

ARRET N°

du 17 janvier 2023

R.G : N° RG 21/02333 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDIE

[S]

Association UDAF DE LA MARNE

c/

[E]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023

APPELANTES :

d'un jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims

Madame [C] [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004653 du 16/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Antoine MOREL, avocat au barreau de REIMS

Association UDAF DE LA MARNE ès qualités de curatrice de Madame [C] [S]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Antoine MOREL, avocat au barreau de REIMS

INTIME :

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Magalie CASTELLI-MAURICE, avocat au barreau d'ORLEANS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Mme Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER :

Madame [B] [M],

DEBATS :

A l'audience publique du 15 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023 prorogée au 17 janvier 2023 compte tenu du manque d'effectif de greffe

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 16 octobre 2017, Mme [C] [S] a acheté à M [Z] [E] une jument pour la somme de 14 000 euros.

Se plaignant de ce que l'animal boitait, Mme [S] a obtenu du juge des référés du tribunal judiciaire de Reims une expertise, ordonnée le 22 août 2018 afin notamment de décrire les défauts constatés sur l'animal.

Mme [S], assistée de son curateur, l'association UDAF de la Marne a ensuite fait assigner M [E] devant le tribunal judiciaire de Reims afin d'obtenir la nullité de la vente et une indemnisation.

Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a débouté Mme [S] et l'association UDAF de la Marne es qualités de curatrice de l'ensemble de leurs demandes, rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, condamné Mme [S] et l'association UDAF de la Marne es qualités à payer à M [E] une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré que Mme [S] ne pouvait se prévaloir d'un manquement de M [E] à son devoir d'information précontractuelle quant à l'inadéquation du cheval à son niveau d'équitation, mais qu'un tel manquement était caractérisé à défaut pour le vendeur d'avoir informé l'acquéreur de l'importance de la visite d'achat.

Il a néanmoins décidé que l'action en nullité sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil devait être rejetée faute de pouvoir retenir que ce manquement a vicié le consentement de l'acheteuse.

S'agissant de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, il a estimé que l'adéquation de la jument au niveau d'équitation de Mme [S] n'était pas comprise dans le champ contractuel dès lors, d'une part que le contrat fait état expressément de cette inadaptation et des conséquences en résultant et, d'autre part, que des prestations particulières tenant compte de cette situation ont été mises en place à l'achat du cheval. Il en a conclu que l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue alléguée n'était donc pas établie et que l'action en nullité ne pouvait donc prospérer.

Mme [S], assistée de l'association UDAF de la Marne, a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 décembre 2021.

Par conclusions notifiées le 19 octobre 2022, Mme [S] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf celle rejetant la demande reconventionnelle de M [E] en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive.

Elle demande à la cour d'appel, statuant à nouveau, de :

-Prononcer la nullité de la vente conclue le 16 octobre 2017,

-Condamner M [E] à lui régler la somme de 24 282 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017,

-Le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de préjudice moral,

-Le condamner à lui payer, ainsi qu'à l'UDAF es qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

-Le condamner en tous les dépens de première instance en ce qu'ils comprennent les frais de référé et d'expertise,

Y ajoutant, de :

-Condamner M [E] à payer à Mme [S] et à l'UDAF es qualités la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

-Le condamner à régler les dépens d'appel qui seront recouvrés comme il est de règle en matière d'aide juridictionnelle.

Mme [S] fonde sa demande de nullité, à titre principal sur l'article 1112-1 du code civil et un manquement du vendeur à son devoir d'information et, subsidiairement, sur l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue. Elle invoque en outre l'absence de signature du contrat, l'action au titre des vices rédhibitoires et la garantie des vices cachés.

S'agissant du manquement au devoir d'information, elle reproche au vendeur de ne pas lui avoir donné d'information sur la visite d'achat, en affirmant qu'elle ignorait légitimement l'importance de cette visite, que cette information a un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat comme portant sur l'aptitude médicale du cheval vendu avec l'activité envisagée par l'acquéreur et qu'elle était donc déterminante de son consentement. Elle estime que la visite d'achat aurait pu relever un dopage de nature à supprimer la boiterie lors de la vente ou l'état de boiterie et qu'elle n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes si l'information sur la visite d'achat lui avait été donnée.

Elle invoque en outre l'inadéquation de l'animal, une jument professionnelle, à son niveau en équitation et qu'une information minimale aurait été de lui déconseiller son achat.

Elle argue en outre d'un dol en soutenant que la rédaction du contrat de vente traduit les man'uvres du vendeur.

Evoquant la garantie des vices cachés, elle affirme que la clause d'exclusion de garantie contenue dans le contrat est inefficace au profit d'un vendeur professionnel, qui est présumé de mauvaise foi et en conclut qu'il appartient à celui-ci de rapporter la preuve que la jument n'était pas boiteuse. Elle estime que la preuve que la jument était boiteuse avant la vente est, en tout état de cause, rapportée en faisant valoir que la jument a déclenché une boiterie sévère très rapidement après la vente.

S'agissant de l'erreur sur les qualités substantielles, elle expose qu'elle recherchait une jument adaptée à son niveau d'équitation et que son handicap, ajouté à ses faibles connaissances en matière équestre ne lui permettaient pas d'apprécier les difficultés auxquelles elle allait s'exposer et l'impossibilité de monter son cheval dans des conditions normales. Elle reproche au tribunal d'avoir décidé que l'adéquation de la jument à son niveau d'équitation n'était pas entrée dans le champ contractuel alors qu'il est, selon elle, de l'essence d'une cavalière de pouvoir monter son cheval. Elle fait en outre valoir qu'elle dispose de revenus modestes ne lui permettant pas d'assumer sur le long terme des pensions et soins vétérinaires nécessaires.

Par conclusions notifiées le 21 octobre 2022, M [E] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [S] et de l'UDAF es qualités, condamné celles-ci à lui payer une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux dépens et, y ajoutant, de condamner Mme [S] et l'UDAF es qualités à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Quant au défaut d'information, M [E] rappelle les stipulations du contrat et estime que Mme [S] a été suffisamment informée sur l'inadéquation de son niveau au cheval acheté.

Il affirme en outre qu'il ne lui appartenait pas de conseiller à Mme [S] de faire une nouvelle visite d'achat, rappelant qu'une visite d'achat était intervenue de sa propre initiative lorsqu'il a mis la jument en vente. Il rappelle la distinction entre le devoir de conseil, qui tend à donner une opinion et le devoir d'information, qui porte sur un renseignement et affirme que Mme [S] se trouvait ainsi renseignée, puisqu'elle disposait de tous les éléments pour prendre la décision d'acquérir ou non le cheval.

Il souligne le fait que l'expert n'a pu conclure avec certitude à une antériorité de la tendinite qui est cause de la boiterie et conteste l'allégation de dopage.

Il affirme que le contrat n'est pas déséquilibré et conteste qu'il traduise une quelconque man'uvre dolosive. Il conteste être un vendeur professionnel.

Quant à l'erreur sur les qualités substantielles, il affirme que le contrat prévoyait que Mme [S] ne monte pas la jument et que celle-ci savait parfaitement, de même que son curateur, qu'elle n'avait pas le niveau pour monter l'animal. Il soutient que de nombreux propriétaires de chevaux ne les montent pas, les confiant à des cavaliers plus expérimentés.

M [E] estime que Mme [S] ne peut obtenir la résolution de la vente au titre de l'existence de vices rédhibitoires faute de démontrer l'existence d'un tel vice et parce qu'elle est prescrite.

Il invoque la clause excluant la garantie des vices cachés et affirme qu'il n'est pas établi que la boiterie est antérieure à la vente.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation de la vente

-L'absence de signature

M [E] présente un exemplaire du contrat de vente, signé par Mme [S], qui ne peut donc invoquer son absence de signature pour voir le contrat annulé.

Mme [S] avait été autorisée par le juge des tutelles à conclure la vente sans l'assistance de son curateur, sur le fondement de l'article 469 du code civil. L'absence de la signature du curateur est donc sans incidence sur la validité de la vente.

-L'obligation précontractuelle d'information

L'article 1112-1 du code civil dispose : " Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ".

Le contrat de vente stipule : " l'acheteur reconnaît que cette jeune jument de sport de 5 ans ne correspond pas à son propre niveau sportif. L'acheteur en a été informé à plusieurs reprises et n'a pas monté la jument avant la vente. Compte tenu de son niveau, l'acheteur s'engage à faire monter la jument par un cavalier/enseignant professionnel du secteur qui poursuivra son dressage. (') Le tuteur de Mme [C] [S] a également été informé de l'ensemble de ces points. Il a été demandé à Mme [C] [S] de ne pas se précipiter pour acheter un cheval et de bien mesurer les responsabilités que cela engage ".

Compte tenu de ces mentions, il ne peut être fait reproche au vendeur d'avoir manqué à son obligation d'information et même de mise en garde sur l'inadéquation de la jument au niveau de l'acheteur en équitation.

L'obligation d'information prévue par l'article précité n'incluant pas le devoir de conseiller l'autre partie, Mme [S] ne peut caractériser un quelconque manquement de M [E] aux dispositions de ce texte en soutenant qu'il aurait dû lui déconseiller de faire l'acquisition de la jument.

S'agissant de la visite d'achat, l'expert judiciaire estime que le compte rendu de visite vétérinaire qui a été présenté comme tel par M [E] n'a aucune valeur de visite d'achat, aux motifs qu'elle a été réalisée plus d'un mois auparavant, sans contrôle de médication pour la valider et que la jument a, depuis lors, fait des compétitions. Il explique qu'une visite d'achat est destinée à établir un pronostic d'aptitude médicale à une certaine activité pour un certain acheteur le jour de la visite, que le contrôle de médication/doping permet, lorsqu'il est négatif, de valider la locomotion de la jugement le jour de l'examen.

Compte tenu de l'objet et de l'intérêt de la visite d'achat, une visite le jour même de la vente de la jument à Mme [S] aurait permis de déterminer si l'animal, cheval de sport, était adapté à l'utilisation envisagée par celle-ci, comme cheval de loisirs ou d'instruction et de vérifier son état de santé au moment même de son acquisition. M [E] ne peut donc arguer de la visite qu'il a fait effectuer près de deux mois avant la vente pour éluder toute obligation d'information de sa part sur l'utilité d'une nouvelle visite au regard du projet précis de Mme [S].

M [E] ne pouvait que connaître l'utilité de la visite d'achat, puisqu'il invoque celle qu'il a lui-même fait faire dans le cadre de son projet de vendre la jument. Inversement, il ne peut être fait reproche à Mme [S] d'avoir ignoré l'importance d'une nouvelle visite dès lors qu'elle pratique l'équitation comme loisir et qu'il ne résulte pas des éléments de la procédure qu'elle était coutumière de l'achat de chevaux.

Même si une telle visite n'est pas obligatoire, informer l'acheteur de l'opportunité de la faire réaliser ne revenait donc pas à le conseiller mais consistait pour le vendeur à communiquer à l'acheteur une information ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat, s'agissant de la réalisation d'un examen de nature à vérifier la bonne santé de l'animal objet de la vente et son adaptation au projet de l'acheteur.

En ne délivrant pas une telle information, M [E] a manqué à son obligation d'information, mais ce manquement ne peut entraîner l'annulation du contrat qu'à la condition d'avoir vicié le consentement de Mme [S].

Mme [S] invoque l'erreur.

Il résulte de l'article 1130 du code civil que l'erreur vicie le consentement lorsqu'elle est de telle nature que, sans elle, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Selon l'article 1132, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

L'absence d'information donnée à Mme [S] sur l'utilité d'une nouvelle visite d'achat n'a pu entacher le consentement de celle-ci à la vente, d'une erreur sur les qualités substantielles de la jument ou sur celle du vendeur. En effet, Il ne peut être présumé de ce qu'auraient été les conclusions du vétérinaire qui aurait effectué la nouvelle visite d'achat, si Mme [S], dûment informée de son intérêt, avait décidé de la faire réaliser, d'autant que l'expert judiciaire indique qu'il ne dispose pas d'information sur la locomotion de l'animal le jour de la présentation et qu'encore 1 mois environ après la vente, il semblait normal, de sorte qu'il n'est pas même certain que la cause de la boiterie existait lors de la vente.

En conséquence, le contrat de vente ne peut être annulé sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil.

-L'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue

Les stipulations du contrat sur l'inadéquation entre la jument vendue et le niveau sportif de Mme [S] ont été précédemment rappelées.

La mention, en particulier, selon laquelle celle-ci reconnaît que l'animal, jeune jument de sport de 5 ans, ne correspond pas à son propre niveau sportif ne permet pas à Mme [S] de soutenir valablement qu'elle aurait commis une erreur sur l'adéquation de l'animal à son niveau.

Le contrat ne peut donc être annulé sur le fondement d'une telle erreur.

-Le dol

Il résulte de l'article 1130 du code civil que le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes et que son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1137 prévoit notamment que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Mme [S] invoque les clauses du contrat de vente, qu'elle estime tout à l'avantage du vendeur, contenant des clauses d'exclusion de garantie de la chose vendue. Elle invoque la présentation d'un simulacre de visite d'achat alors qu'il aurait dû conseiller de faire une nouvelle visite et le refus qu'elle monte à cheval avant la vente.

L'article L213-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice ni de l'application des articles L. 217-1 à L. 217-6, L. 217-8 à L. 217-15, L. 241-5 et L. 232-2 du code de la consommation ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol.

Dès lors, la clause du contrat de vente signé par les parties stipulant que, conformément à la législation qui s'applique entre celles-ci, le vendeur garantit les vices rédhibitoires et ne garantit pas les vices cachés de l'équidé ne constitue qu'une stricte application des dispositions précitées et ne peut donc caractériser une quelconque man'uvre dolosive du vendeur.

Le contrat indique clairement et expressément que la visite de Mme [S] n'a pas permis de vérifier l'adéquation entre l'équidé et le cavalier, parce que le vendeur estimait que le niveau sportif de l'acheteur était insuffisant pour monter dessus.

Dans ces conditions, le refus de M [E] de laisser Mme [S] monter le cheval ne peut constituer une quelconque man'uvre dolosive.

La visite d'achat que M [E] a fait réaliser ne caractérise pas davantage l'intention de celui-ci de provoquer une erreur dans l'esprit de Mme [S] dès lors que l'expert judiciaire indique que le sérieux et les conclusions de l'examen ne semblent pas à mettre en doute, son antériorité de deux mois à la date de la vente étant par ailleurs clairement visible.

En outre, comme il a été précédemment démontré, il n'est pas établi que la cause de la boiterie de la jument existait au jour de la vente, de sorte qu'il n'est pas démontré que M [E] aurait eu l'intention de provoquer une erreur de Mme [S] quant à l'état de santé de l'animal en lui présentant une visite d'achat ancienne de deux mois et en ne l'informant pas de l'intérêt d'en faire réaliser une au jour de l'achat.

Aucune man'uvre ne peut donc être établie dans la présentation du rapport de cette visite à Mme [S].

Le contrat de vente ne peut donc être annulé pour dol.

En conséquence, Mme [S] sera déboutée de sa demande tendant à l'annulation du contrat et de celle, subséquente, en paiement d'une somme incluant le prix de la jument et une indemnisation des frais exposés au titre des frais de pension de l'animal, ainsi que des frais vétérinaires et d'assurance. Elle sera également déboutée de sa demande de réparation d'un préjudice moral. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la garantie des vices rédhibitoires

L'article L213-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version en vigueur à la date de la vente, prévoit que sont réputés vices rédhibitoires et donnent ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du code civil, sans distinction des localités où les ventes et échanges ont lieu, les maladies ou défauts définis dans les conditions prévues à l'article L213-4.

Il résulte des articles R213-5 et R213-7 en vigueur à la même date que le délai imparti à l'acheteur d'un animal pour introduire l'une des actions ouvertes par l'existence d'un vice rédhibitoire est de dix jours à compter de la livraison de l'animal.

La jument achetée par Mme [S] est arrivée dans les écuries auxquelles celle-ci l'a confiée le 6 novembre 2017, jour qu'il convient de retenir comme date de livraison à défaut d'autres éléments. Il s'est donc écoulé plus de dix jours avant que Mme [S] n'agisse au titre d'un vice rédhibitoire, puisque ce moyen a été invoqué pour la première fois dans ses conclusions d'appel notifiées le 17 octobre 2022.

Mme [S] est donc irrecevable à agir sur ce fondement.

Sur la garantie des vices cachés

Ainsi que cela a été précédemment relevé, les parties ont écarté, dans le contrat de vente, l'application des dispositions du code civil relatives à la garantie des vices cachés, ainsi que l'article L213-1 du code rural et de la pêche maritime le leur permettait.

Mme [S] n'est donc pas recevable à invoquer cette garantie.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Mme [S] succombe en son appel. Elle est donc tenue aux dépens de cette instance et sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles doit être rejetée.

Il est équitable d'allouer à M [E] la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [C] [S] à payer à M [Z] [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [C] [S] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [C] [S] aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/02333
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.02333 ?
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