La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2023 | FRANCE | N°21/02327

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 17 janvier 2023, 21/02327


ARRET N°

du 17 janvier 2023



N° RG 21/02327 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDHP





[S]





c/



[F]

[F]



















Formule exécutoire le :

à :



Me Pauline RACE



la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 10 JANVIER 2023



APPELANT :

d'un jugement rendu le 09 novembre 2021 par le TJ de CHALONS EN CHAMPAGNE



Monsie

ur [Y] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Pauline RACE, avocat au barreau de REIMS





INTIMES :



Monsieur [W] [F]

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représenté par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS,



...

ARRET N°

du 17 janvier 2023

N° RG 21/02327 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDHP

[S]

c/

[F]

[F]

Formule exécutoire le :

à :

Me Pauline RACE

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 10 JANVIER 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 09 novembre 2021 par le TJ de CHALONS EN CHAMPAGNE

Monsieur [Y] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Pauline RACE, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur [W] [F]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS,

Madame [Z] [F]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 15 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023 puis prorogée au 17 janvier 2023 compte tenu du manque d'effectif

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [W] [F] et Mme [Z] [F] sont entrés en contact avec M. [Y] [S], qui exerce une activité d'entretien et de réparation de véhicules légers, afin d'obtenir un devis pour la remise en état d'une voiture d'attelage leur appartenant.

Ils lui ont remis la voiture le 5 août 2020.

Le 28 avril 2021, M. et Mme [F] ont saisi le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne par requête, afin d'obtenir la condamnation de M. [S] à leur restituer l'attelage et les éléments démontés sous astreinte et à leur payer 300 euros chacun à titre de réparation.

Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :

- ordonné la restitution de la voiture d'attelage par M. [S], y compris les éléments d'origine éventuellement démontés : brancards, rayons, arrêtoirs, godets, quincaillerie, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois après la signification de la décision,

- débouté M. et Mme [F] de leur demande indemnitaire,

- débouté M. [S] de ses demandes reconventionnelles,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné M. [S] aux dépens,

- condamné M. [S] à payer à M. et Mme [F] la somme de 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le tribunal a considéré que les dispositions relatives au contrat de dépôt étaient bien applicables, que la somme de 610 euros réclamée par M. [S] au titre du remplacement des roues ne constituait pas une dépense engagée à raison du dépôt et que celui-ci ne justifiait pas de la somme demandée au titre des trajets. Il a en conclu que le dépositaire ne justifiait pas du bien-fondé de la rétention de la chose en raison de dépenses engagées du fait du dépôt.

Il a rejeté la demande indemnitaire de M. et Mme [F] au motif que ceux-ci ne justifiaient pas de la réalité de leur préjudice.

S'agissant des demandes reconventionnelles de M. [S], il a estimé que faute de communication de devis le 5 août 2020 et de rencontre des volontés sur la nature des prestations à réaliser et le prix, aucun contrat ne pouvait être caractérisé, de sorte qu'aucune obligation de paiement ne pouvait être mise à la charge de M. et Mme [F] et que les dépenses engagées par M. [S] devaient être laissées à la charge de celui-ci.

Il a estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée sur le plan extra contractuel à M. et Mme [F], qui avaient sollicité à plusieurs reprises la communication d'un devis, fait état de leur désaccord et demandé la restitution du bien.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 décembre 2021 visant l'ensemble des chefs de décision, à l'exception de celui déboutant M. et Mme [F] de leur demande indemnitaire.

Par conclusions notifiées le 24 octobre 2022, M. [S] sollicite l'infirmation du jugement des chefs visés dans sa déclaration d'appel et sa confirmation en ce qu'il a débouté M. et Mme [F] de leur demande indemnitaire.

Il demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :

- condamner solidairement M. et Mme [F] à lui régler la somme de 1 650 euros en contrepartie des réparations effectuées sur leur bien,

- condamner solidairement M. et Mme [F] à lui régler la somme de 420 euros correspondant aux frais de transport liés à la restitution du bien,

à titre subsidiaire,

- condamner solidairement M. et Mme [F] à lui régler la somme de 1 650 euros au titre de l'enrichissement injustifié,

en tout état de cause,

- déclarer irrecevable la demande tendant à sa condamnation chiffrée à hauteur de 9 360 euros puis 14 736 euros comme étant une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

- débouter M. et Mme [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions et de tout appel incident,

- les condamner solidairement à lui régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Il approuve le tribunal d'avoir retenu l'existence d'un contrat de dépôt puisque les réparations devaient être effectuées dans ses locaux, mais lui reproche de n'avoir tiré aucune conséquence de l'existence d'un contrat d'entreprise alors que M. et Mme [F] lui ont remis l'attelage afin qu'il procède à sa remise en état.

Il rappelle les termes des articles 1101, 1113 et 1121 du code civil et soutient qu'un contrat d'entreprise s'est formé entre les parties dès lors que M. et Mme [F] lui ont remis l'attelage après qu'il leur a adressé, le 12 juin 2020, un chiffrage des travaux de réparation, le devis transmis le 11 août 2020 n'étant qu'un devis complémentaire, reprenant ledit chiffrage et le complétant simplement pour la réparation des roues, dont l'évaluation avait été réservée, compte tenu de la nécessité pour lui de voir le véhicule. Il estime que, dans ces conditions, la remise du véhicule démontre l'acquiescement du client à l'offre émise précédemment.

Il expose que M. et Mme [F] ont fait état de leur prétendu désaccord sur les travaux de réparation à réaliser alors qu'il en avait déjà réalisé la plus grande partie et fait valoir qu'il ne fait que réclamer la juste contrepartie des travaux de réparation qu'il a effectués.

Au soutien de sa demande subsidiaire en paiement présentée au titre d'un enrichissement injustifié, il précise que M. et Mme [F] ont récupéré leur voiture hippomobile restaurée pour partie, sans verser aucune contrepartie, tandis qu'il s'est appauvri du travail accompli.

M. [S] estime que la rétention de l'attelage était justifiée, non par le contrat de dépôt, mais, sur le fondement de l'article 2286 du code civil, par le non règlement de sa créance au titre des réparations effectuées sur le bien. Il explique qu'il s'est volontairement dessaisi de ce bien en exécution du jugement, mais estime que les frais de transport qu'il a exposés à hauteur de 420 euros ne sauraient rester à sa charge.

Il conteste avoir opposé une résistance abusive dès lors que la rétention était justifiée.

Il s'oppose à la demande de M. et Mme [F] en paiement d'une somme destinée à l'entière réfection de l'attelage au motif que celui-ci aurait été restitué en pire état qu'il ne l'était avant de lui être confié au motif d'une part, que cette demande est irrecevable pour être nouvelle à hauteur d'appel et, d'autre part, que l'auteur du devis présenté à l'appui est fantaisiste et manifestement établi par une société qui ne dispose pas des compétences nécessaires en la matière.

Il ajoute qu'il serait parfaitement irrationnel d'accorder à un plaideur, l'allocation d'une somme 30 fois supérieure à la valeur réelle du bien litigieux et fait valoir que le procès-verbal de constat d'huissier produit pour justifier de l'état de l'attelage est postérieur à la restitution de près d'un an, ce qui lui fait perdre toute force probante.

Par conclusions notifiées le 24 octobre 2022, M. et Mme [F] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande indemnitaire et sa confirmation pour le surplus. Ils demandent à la cour d'appel de condamner M. [S] à leur payer, chacun, la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée et, ajoutant au jugement, de :

- condamner M. [S] à leur verser la somme de 14 736 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à la suite des travaux qu'il a effectués sur le bien,

subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait que la preuve de l'existence du contrat et de son contenu est rapportée par M. [S],

- débouter celui-ci de sa demande en paiement de la somme de 1 650 euros en application du principe de l'exception d'inexécution prévue par l'article 1219 du code civil et à défaut, ordonner la réfaction du prix des travaux,

- condamner M. [S] à leur verser la somme de 14 736 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à la suite des travaux qu'il a effectués sur le bien,

en toute hypothèse,

- pour le cas où une condamnation quelconque interviendrait à leur encontre au profit de M. [S] à raison des travaux qu'il a effectués, condamner celui-ci à leur payer la somme de 1 650 euros à titre de dommages intérêts et ordonner la pleine et entière compensation entre les dette réciproques,

- débouter M. [S] de sa demande afférente aux frais allégués de restitution du bien, les dépenses relatives à la reprise de possession et à son gardiennage éventuel le temps de ladite reprise devant lui incomber de façon exclusive,

- condamner M. [S] à leur verser la somme de 500 euros chacun à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

- condamner M. [S] à leur verser une indemnité de 2 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [S] de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

Ils soutiennent qu'il appartient à M. [S] de rapporter la preuve de l'existence du contrat d'entreprise qu'il invoque et que, compte tenu du montant de sa demande, cet acte juridique doit être prouvé par écrit sous signature privée en application de l'article 1359 du code civil. Ils affirment qu'il n'existe pas même de commencement de preuve par écrit et contestent que la remise de la chose sur la base du courrier électronique du 12 juin 2020, qu'ils ne considèrent pas comme un devis, puisse être constitutive de la formation du contrat. Ils estiment que, même si le contrat d'entreprise n'est pas encadré par des règles rédactionnelles imposées, l'entrepreneur ne peut se dispenser de recueillir l'acceptation d'un devis ou une commande écrite de son client avant d'effectuer les travaux.

Ils ajoutent que, quand bien même l'existence du contrat serait établie, son contenu (nature de la mission confiée à l'entrepreneur et montant de sa rémunération) ne l'est pas alors que des dissensions sont apparues à propos de la nature des prestations.

Au soutien de leur demande subsidiaire de révision du prix, ils invoquent le devoir d'information de l'entrepreneur, qui ne leur a pas permis de prendre connaissance du montant des travaux et ne leur a pas annoncé qu'un sous-traitant interviendrait alors que cela était de nature à augmenter le coût global de la prestation. Ils font encore valoir que les nouveaux brancards qui avaient été posés par M. [S] avaient été démontés avant la restitution de l'attelage, sans que les anciens n'aient été remontés, ce pour quoi ils estiment que la réfaction de la facture de M. [S] doit être d'au moins 1 650 euros et que les raies et jantes ont été changées sans qu'ils aient été informés des intentions de l'entrepreneur.

Ils recherchent la responsabilité de M. [S], sur le fondement contractuel, si l'existence d'un contrat d'entreprise doit être admise, sinon sur le fondement délictuel. Ils soutiennent que les travaux réalisés ne respectent pas le design du véhicule existant et le style d'époque et arguent de plusieurs malfaçons. Ils estiment que de telles fautes contractuelles justifient en outre l'exception d'inexécution qu'ils opposent à la demande de M. [S] en paiement de la facture et le rejet de sa demande fondée sur un enrichissement sans cause, dans la mesure où la piètre qualité du travail fourni nécessite de coûteuses réparations.

Ils justifient leur demande en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée en affirmant qu'ils ont dépensé beaucoup d'énergie pour essayer de résoudre au mieux le litige, en vain et invoquent un préjudice moral compte tenu de leur attachement sentimental à l'attelage et de son caractère de collection.

MOTIFS

Sur la demande en paiement des travaux

- Sur le contrat d'entreprise

Selon l'article 1710 du code civil, le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

En application de l'article 1353 du même code, la charge de la preuve de l'existence du contrat pèse sur celui qui se prévaut de son existence.

L'article 1358 prévoit que hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen.

Il résulte de l'article 1359 que l'acte juridique portant sur une somme excédant 1 500 euros, doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Il convient donc de tenir compte, pour la détermination de la somme en cause, non de la demande formulée devant le juge, mais de la valeur de la chose qui fait l'objet du contrat et ce, au jour de la naissance de l'obligation.

Le contrat de louage d'ouvrage est un contrat consensuel, qui n'exige pas de forme particulière pour sa validité, de sorte qu'un simple échange de consentement des parties sur les éléments essentiels de la prestation suffit.

M. [S] invoque l'obligation de M. et Mme [F] née de leur acceptation de l'estimation qu'il leur a adressée par courrier électronique le 12 juin 2020, d'un montant total de 1 000 euros, acceptation qui serait matérialisée par la remise de l'attelage à son profit avec paiement par ceux-ci des frais de transport.

Cette estimation fait suite à une demande de devis du beau-frère de M. et Mme [F] et porte sur la réparation des brancards, évaluée à 1 000 euros, M. [S] indiquant qu'il est plus hasardeux de se prononcer concernant les roues.

Le beau-frère de M. et Mme [F] a de nouveau réclamé un devis après la transmission de cette estimation. Et M. [S] a alors répondu : " Il m'est difficile d'établir sérieusement un devis sans constat de visu, les éléments que je vous ai fournis m'engagent, ensuite, le devis est établi en fonction des désirs du client résultant d'une conversation autour de la voiture, si vous avez des précisions à me demander, je reste attentif ".

La remise de l'attelage le 5 août 2020 n'est pas contestée par les parties. Le 7 août 2020, soit deux jours, M. [F] réclame de nouveau le devis à M. [S].

Puis, M. [S] établit un devis à hauteur de 2 000 euros, reprenant la première estimation transmise le 12 juin 2020 et y ajoutant la réparation des roues, pour 1 000 euros.

La seule chronologie de ces faits ne permet pas de déterminer si la remise de l'attelage a eu lieu pour exécution des travaux objets de la première estimation et/ou la réalisation d'un devis, mais un courrier électronique de M. [S] du 23 septembre 2020 révèle que c'est celui-ci qui s'est rendu sur le lieu de stationnement de l'attelage pour le prendre en charge. Or, il n'est pas démontré que l'estimation des travaux qui ne figuraient pas dans l'estimation du 12 juin 2020 nécessitait que M. [S] emporte le véhicule chez lui et ce retrait signifie plus sûrement que M.et Mme [F] avaient alors décidé de confier à M. [S] des travaux de réparations sur leur bien.

L'obligation à paiement est donc née à la date de la remise de l'attelage et elle doit être évaluée au montant des travaux tels qu'ils avaient été estimés dans le message du 12 juin 2020 et ont été acceptés par M. et Mme [F], soit à la somme de 1 000 euros.

La preuve de l'existence d'un contrat d'entreprise n'est donc pas soumise à la production d'un écrit et les faits qui précèdent suffisent à faire cette preuve.

S'agissant de la preuve de la nature de la mission confiée à l'entrepreneur et du montant de sa rémunération, s'il résulte de ce qui précède que M. et Mme [F] ont accepté la réalisation des travaux visés dans le courrier électronique du 12 juin 2020, pour le prix indiqué, il n'en va pas de même du devis transmis le 11 août 2020.

Il est donc établi que le prix et les travaux convenus entre les parties sont ceux mentionnés dans le courrier du 12 juin 2020, soit la réparation des brancards pour une somme de 650 euros, ainsi qu'une prestation intitulée " démontage, remontage peinture et garniture cuir " au prix de 350 euros.

Les travaux facturés par M. [S] à hauteur de 1 650 euros incluent la réparation des brancards (650 euros) et celle des roues (1 000 euros), mais pas la prestation intitulée " démontage, remontage peinture et garniture cuir ".

Il a été précédemment établi que M. et Mme [F] n'ont pas donné leur accord au devis du 11 août 2020 qui ajoute la réparation des roues à l'estimation initiale relative à la réparation des brancards.

Ceux-ci n'ont donc pas d'obligation contractuelle de régler à M. [S] le coût de la réparation des roues.

S'agissant de la réparation des brancards pour un prix de 650 euros, à laquelle ils ont consenti, ainsi que cela a été précédemment démontré, M. et Mme [F] affirment que M. [S] a démonté et récupéré les nouveaux brancards qu'il avait posés. Ils produisent un procès-verbal de constat établi par un huissier le 5 octobre 2022 qui contient des photographies montrant la voiture d'attelage sans brancards.

Il appartient donc à M. [S], qui en demande le paiement, de justifier de la réalisation des travaux de réparation des brancards, ce qu'il ne fait pas, les photographies qu'il produit pour justifier de l'état du véhicule après son intervention pouvant avoir été prises avant sa restitution à M. et Mme [F] et le démontage allégué des brancards.

A défaut de justifier de la réalité des travaux de réparation des brancards dont il demande paiement, M. [S] ne peut qu'être débouté de ladite demande au titre de l'exécution du contrat d'entreprise.

-Sur l'enrichissement sans cause

L'article 1303 du code civil prévoit qu'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

Selon l'article 1303-3, l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.

Compte tenu du caractère subsidiaire de l'action fondée sur l'enrichissement sans cause, M. [S] ne peut obtenir le paiement du coût des travaux sur ce fondement, faute d'être parvenu à faire la preuve de l'exécution des travaux objets du contrat d'entreprise qu'il a invoqué à titre principal ou de l'inclusion de certains d'entre eux dans ledit contrat.

En conséquence, M. [S] doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 1 650 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la restitution de la voiture d'attelage et la demande en paiement des frais de transport

Compte tenu du rejet de ses demandes en paiement des travaux, M. [S] ne peut valablement invoquer le bien-fondé de la rétention de l'attelage.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné, sous astreinte, à restituer la voiture d'attelage. Il n'est en outre pas justifié de mettre les frais de cette restitution à la charge de M. et Mme [F], qui avaient offert de venir chercher le véhicule. La demande de M. [S] en paiement des frais de transport sera donc rejetée.

Sur les demandes indemnitaires de M. et Mme [F]

- La demande tendant à la réparation du préjudice subi du fait des travaux

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire et il résulte de l'article 567 que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

La demande de M. et Mme [F] tendant à obtenir réparation du préjudice que leur ont causé les travaux réalisés sur l'attelage par M. [S], constitue une demande reconventionnelle, recevable en ce qu'elle se rattache par un lien suffisant à la demande originaire de M [S] tendant à obtenir le paiement des travaux en cause.

Cette demande est donc recevable en appel.

L'article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

M. et Mme [F] demandent réparation de leurs préjudices découlant de la nécessité de créer un brancard, de restaurer les éléments ajoutés par le sous-traitant de M [S], la mise en état brut du véhicule et sa mise en peinture en raison des modifications apportées par M [S] et son sous-traitant et de l'absence d'entretien du véhicule lorsque ce dernier était en sa possession.

M. [S] ne justifie pas avoir remplacé les brancards, ainsi qu'il s'y était contractuellement engagé.

Cependant, M. et Mme [F] ne démontrent pas qu'il en résulte un préjudice pour eux alors que la demande de M. [S] en paiement de ces travaux a été rejetée.

Les autres postes de préjudice invoqués par M. et Mme [F] n'ont pas de lien avec les travaux que ceux-ci ont confiés à M. [S], de sorte qu'ils ne peuvent en demander la réparation que sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

M. et Mme [F] ne justifient pas suffisamment de ce que la détérioration de la peinture de l'attelage est bien imputable à M. [S]. En effet, les photographies du véhicule avant l'intervention de ce dernier ne sont pas assez précises pour permettre d'apprécier dans quel état se trouvait alors cette peinture et le procès-verbal de constat d'huissier produit date du 5 octobre 2022 alors que M. [S] affirme, sans être contredit par M. et Mme [F], avoir restitué le véhicule le 29 décembre 2021 soit près d'une année plus tôt, ce qui ne permet pas d'attribuer, avec la certitude nécessaire, la responsabilité de l'état du véhicule, tel que révélé par ces constatations, à l'appelant.

En revanche, la comparaison des photographies antérieures aux travaux litigieux et des constatations faites par l'huissier permet d'établir qu'il a été procédé au changement d'un rayon et d'une partie de l'arc de la roue gauche (jante), ainsi que d'une partie de l'arc de la roue droite. Il est précisé que le rayon n'a pas la même forme que ceux existants en ce qu'il présente un arrondi complet, sans le biseautage existant sur les rayons d'origine.

M.[S] a commis une faute en procédant ou en faisant procéder au remplacement de ce rayon par une pièce dissemblable aux autres par sa forme, sans l'accord des propriétaires du véhicule.

Il doit donc réparation du préjudice, à tout le moins esthétique, qui en résulte pour ceux-ci.

Il n'est pas allégué de la mauvaise confection des jantes posées, dont il peut seulement être relevé qu'elles ne sont pas peintes comme le reste du véhicule. En tout état de cause, le remplacement de ces pièces, sans qu'il soit justifié de l'accord de M. et Mme [F] est constitutif d'une faute de la part de M.[S]. Le préjudice qui en résulte pour ces derniers est uniquement esthétique.

Le devis présenté par M. et Mme [F] pour justifier du coût des travaux porte sur la reprise " des rayons déjà restaurés et de la jante ". Cependant, il est justifié du changement d'un seul rayon à l'issue de l'intervention de M. [S] et il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas justifié de la nécessité de remplacer la jante. Le montant de ce devis, de 6 360 euros TTC, incluant en outre la fabrication d'un brancard, dont M. et Mme [F] ne sont pas fondés à demander paiement à M. [S] ainsi qu'il a été précédemment démontré, ne peut donc être retenu pour justifier du coût des travaux de réparation. A défaut d'être suffisamment détaillé, il ne permet pas de déterminer le coût de changement d'un seul rayon.

La facture que M. [S] produit pour les travaux sur les roues qu'il a confiés à un sous-traitant fait état d'un prix unitaire de 30 euros pour les rayons. La pièce posée pour un tel coût étant cependant moins travaillée que le rayon d'origine (absence de biseau), il convient de réévaluer ce prix et d'allouer à M. et Mme [F] la somme de 100 euros.

La seconde facture dont M. et Mme [F] demandent le paiement porte sur la mise en peinture de l'ensemble de la voiture. Or, il a été précédemment établi que seul le changement de deux jantes et d'un rayon peuvent être reprochés à M. [S].

Compte tenu des éléments chiffrés figurant sur ce devis, dont M. [S] ne justifie pas de l'inaptitude totale de son auteur en matière de restauration de voitures à cheval anciennes comme il l'affirme, il convient d'allouer à M. et Mme [F] la somme de 1 500 euros pour la réfection de la peinture.

En conséquence, M. [S] sera condamné à payer à M. et Mme [F] la somme totale de 1 600 euros à titre de dommages intérêts.

- La demande en paiement pour résistance abusive et injustifiée

En dépit du rejet des demandes en paiement de M. [S], M. et Mme [F] ne démontrent pas que celui-ci a commis une faute qui aurait fait dégénérer en abus le droit dont il dispose de se défendre en justice.

Leur demande en paiement de dommages intérêts sera donc rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

M. [S], partie condamnée, doit supporter la charge des dépens d'appel. Sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles doit donc être rejetée.

Il est équitable d'allouer à M. et Mme [F] la somme globale de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [S] à payer à M. [W] [F] et Mme [Z] [F] la somme de 1 600 euros au titre des réparations à effectuer sur la voiture d'attelage;

Condamne M. [Y] [S] à payer à M/ [W] [F] et Mme [Z] [F] la somme globale de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute M. [Y] [S] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. [Y] [S] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/02327
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.02327 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award