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17/01/2023 | FRANCE | N°21/01931

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 17 janvier 2023, 21/01931


ARRET N°

du 17 janvier 2023



N° RG 21/01931 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCJI





[K]

[Z]





c/



AIT [T]

[L]



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP LEJEUNE-THIERRY



la SCP SCP ACG & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023



APPELANTS :

d'un jugement rendu le 06 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de TROYES<

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Monsieur [F] [K]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Christophe LEJEUNE de la SCP LEJEUNE-THIERRY, avocat au barreau de L'AUBE



Madame [X] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Christophe LEJEUNE de la SCP LEJEUNE-THIERRY, av...

ARRET N°

du 17 janvier 2023

N° RG 21/01931 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCJI

[K]

[Z]

c/

AIT [T]

[L]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP LEJEUNE-THIERRY

la SCP SCP ACG & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 17 JANVIER 2023

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 06 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de TROYES

Monsieur [F] [K]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe LEJEUNE de la SCP LEJEUNE-THIERRY, avocat au barreau de L'AUBE

Madame [X] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Christophe LEJEUNE de la SCP LEJEUNE-THIERRY, avocat au barreau de L'AUBE

INTIMES :

Monsieur [H] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Madame [P] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 22 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [H] Aït Bouhlal et Madame [P] [L] (les consorts [W]-[L]) étaient propriétaires d'une maison à usage d'habitation et d'un terrain situés [Adresse 2] (10), sur les parcelles cadastrées [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 8] et [Cadastre 11].

Ils avaient pour voisins Monsieur [F] [K] et Madame [X] [Z] (les consorts [K]-[Z]), propriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 3] (10), sur les parcelles cadastrées [Cadastre 4] et [Cadastre 5], devenues [Cadastre 9] et [Cadastre 10].

En effet, à la suite d'un bornage intervenu en 2014:

- la parcelle [Cadastre 4] a été divisée en parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9];

- la parcelle [Cadastre 5] a été divisée en parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11].

Par courrier de leur conseil en date du 16 septembre 2016, les consorts [W]-[L] ont mis en demeure leurs voisins de supprimer l'ouverture créée au rez-de-chaussée de leur propriété.

Le 9 juin 2020, les consorts [W]-[L] ont assigné les consorts [K]-[Z] devant le tribunal judiciaire de Troyes.

En dernier lieu, les consorts [W]-[L] ont demandé la condamnation des consorts [K] [Z]:

- à faire disparaître l'ouverture pratiquée sur leur mur en verres ouvrants, et subsidiairement à modifier celle-ci en posant des verres dormants, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter la décision à intervenir;

- à leur payer la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, les consorts [K]-[Z] ont demandé de:

- les recevoir leurs demandes;

- débouter les consorts [W]-[L] de leurs demandes;

A titre reconventionnel,

- condamner les consorts [W]-[L] à leur payer la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à l'intimité de leur vie privée;

- condamner les consorts [W]-[L] à leur payer la somme de 1600 euros en réparation des dommages causés à leur mur du fait de l'absence d'entretien du garage leur appartenant;

- condamner les consorts [W]-[L], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à procéder à la réfection du chéneau de leur garage ainsi qu'à la pose d'une gouttière destinée à remédier aux désordres subis par les concluants;

- condamner les consorts [W]-[L] aux entiers dépens, ce compris les frais exposés au titre du constat d'huissier établi par Maître [C], et à leur payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Troyes:

- a condamné les consorts [K]-[Z] à supprimer la fenêtre à verre ouvrant translucide située au rez-de-chaussée de leur immeuble donnant sur la parcelle [Cadastre 15] en la remplaçant par un dispositif fixe non transparent et inamovible;

- a assorti la condamnation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, et ce pour une durée de cinq mois;

- s'est réservé la liquidation de ladite astreinte;

- a débouté les consorts [K]-[Z] de leurs demandes reconventionnelles;

- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

- a condamné les consorts [K]-[Z] à payer aux consorts [W]-[L] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 22 octobre 2021, les consorts [K]-[Z] ont relevé appel de ce jugement.

Le 25 octobre 2022, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:

- le 19 juillet 2022 par les consorts [K]-[Z], appelants;

- le 20 avril 2022, par les consorts [W]-[L], intimés.

Par voie d'infirmation intégrale du jugement déféré, les consorts [K]-[Z] réitèrent l'ensemble de leurs prétentions initiales, sauf a substituer à leur demande initiale de condamnation sous astreinte de leurs adversaires à procéder à la réfection du chéneau de leur garage, ainsi qu'à la pose d'une gouttière destinée à remédier aux désordres subis par les concluants, une condamnation à leur payer à eux-mêmes la somme de 1686,30 euros correspondant à ces mêmes travaux.

Ils demandent encore la condamnation des consorts [W]-[L] à leur payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Les consorts [W]-[L] demandent la confirmation intégrale du jugement déféré, et la condamnation des consorts [K]-[Z] à leur payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

MOTIVATION:

Sur la demande principale en suppression de vue illicite:

Selon l'article 675 du Code civil, l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant.

Selon l'article 676 du même code, le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant; ces fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture au plus, et d'un châssis à verre dormant.

Selon l'article 678 du Code civil, on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcon ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et le dit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fond sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevée, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de construction.

Selon l'article 679 du même code, on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côtés ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a 6 décimètres de distance.

Selon l'article 680 du même code, la distance dont il est parlé dans les deux articles précédents se compte depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture se fait, et, s'il y a balcons ou autres semblables saillies, depuis leur ligne extérieure jusqu'à la ligne de séparation des deux propriétés.

Ainsi, les dispositions des articles 678 et 679 du code civil ne sont pas applicables au cas où le fonds sur lequel s'exerce la vue est déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d'une servitude de passage.

Les juges du fond statuent souverainement sur la suppression des vues inférieures aux distances légales.

Ils peuvent refuser d'ordonner la démolition s'ils constatent que des travaux, comme la pose d'une cloison translucide, sont de nature à interdire toute vue sur le fonds voisin.

Sur l'existence d'un titre créant la servitude:

Selon l'article 686 du même code,

Il est permis aux propriétaires d'établir sur leur propriété, ou en faveur de leur propriété, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public.

L'étendue et l'usage des servitudes ainsi établies se règle par le titre qui les constitue; à défaut de titre, par les règles ci-après.

La création et l'existence d'une servitude au profit d'un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant; peu importe qu'il n'en soit pas fait mention dans les titres de propriété du fonds dominant.

Il est constant entre parties que les consorts [K]-[Z] ont remplacé une fenêtre composée de pavés de verres par une fenêtre à verre ouvrant, donnant directement sur le fonds des consorts [W]-[L].

Pour s'opposer à la demande de suppression de vue illicite présentée par les seconds, les premiers soutiennent que le fonds des seconds cadastré [Cadastre 15], qu'ils qualifient de cour commune, serait grevé d'une servitude de passage au profit de leur propre fonds.

Dans un premier temps, il sera observé que le titre de propriété des consorts [K]-[Z] du 27 janvier 2010 ne porte mention d'aucune servitude à la charge de la parcelle [Cadastre 15] au profit de leurs propres parcelles.

Il n'y est pas plus indiqué l'existence d'une cour commune sur la parcelle [Cadastre 15].

L'acte authentique en date du 15 décembre 2016, par lequel Monsieur [W] a acquis de l'indivision [A] la parcelle [Cadastre 14], fait état d'un droit au passage commun cadastré section [Cadastre 15] '[Adresse 13]' pour 1 are 13 centiares.

En l'absence d'indication de tout autre fonds dominant au profit duquel aurait été instituée la servitude, cette mention ne peut se lire que comme instituant une servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 14] à la charge de la parcelle [Cadastre 15].

Mais ces deux parcelles sont désormais réunies dans le même fonds, appartenant à Monsieur [W].

Les appelants produisent un document intitulé 'convention amiable de remise de clef d'un portail de clôture extérieure', non daté, passée entre l'indivision [A], propriétaire de la parcelle [Cadastre 6], et eux-mêmes en tant que propriétaires de la section [Cadastre 5], par lequel les premiers informent les seconds de la mise en place d'une clôture sur leur lot cadastré section [Cadastre 15], côté [Adresse 16], et remettent aux seconds une clef de ce portail afin que ceux-ci disposent d'un accès piéton à leur cave, en leur demandant de fermer à clef le portail après chaque utilisation.

Dans cette convention, l'indivision [A] demande encore que tous travaux sur l'extérieur de la maison à partir de ce passage, ainsi que leurs modalités, leur soient signalés par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 15 jours avant la date souhaitée.

L'indivision [A] y précise encore que toute utilisation de la clé par des personnes non résidentes à l'adresse de la propriété des consorts [K]-[Z] ou tout autre usage que celui mentionné dans la convention entraînerait une rupture de celle-ci et la restitution des clés.

Les appelants soutiennent qu'en vertu de ce document, ils ont bénéficié d'un droit de passage sur la parcelle [Cadastre 15] de 2012 jusqu'en 2016, date à partir de laquelle Monsieur Aït Bouhlal, succédant à l'indivision [A], a fait changer les serrures.

Mais il ne peut pas être déduit de ce document la constitution de droits réels immobiliers au profit de la parcelle [Cadastre 5] (devenue [Cadastre 10]), fonds des consorts [K]-[Z], mais tout au plus l'existence d'un accord intuitu personnae n'engageant que les propriétaires actuels des deux fonds respectifs, à la charge des uns et au profit des autres, mais ne créant pas de droits réels immobiliers sur les fonds respectifs.

Les appelants produisent un document intitulé 'convention amiable de remise de clef d'un portail de clôture extérieure' en date du 4 mai 2015, passée entre l'indivision [A], alors propriétaire de la parcelle [Cadastre 15], et l'indivision [O], alors propriétaire de la parcelle [Cadastre 6] par lequel la première informe la seconde de la mise en place d'une clôture sur son lot cadastré section [Cadastre 15], côté [Adresse 16], et qui remet à la seconde une clef de ce portail.

Les mêmes appréciations que précédemment pourront être portées sur cette seconde convention, dans les rapports entre les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 15].

Surtout, il pourra être ajouté que cette autre convention est sans emport sur la question de savoir s'il a été institué au profit des parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] une servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 15].

Dès lors, les consorts [K]-[Z] défaillent dans l'administration de la preuve qui leur incombe, tenant à l'existence prétendue d'une servitude conventionnelle de vue.

Sur l'acquisition par prescription acquisitive trentenaire de la servitude de passage:

Selon l'article 688 du Code civil,

Les servitudes sont continues, ou discontinues.

Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut-être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : telles sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.

Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées: tels sont les droits de passage, puisage, pacage, et autres semblables.

Selon l'article 689 du même code,

Les servitudes sont apparentes, ou non apparentes.

Les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, telle qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas besoin de signes extérieurs de leur existence comme, par exemple, la prohibition de bâti sur un fonds, ou de ne bâtir qu'a une hauteur déterminée.

Selon l'article 690 du même code,

Les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titres, ou par la possession de 30 ans.

Selon l'article 691 du même code,

Les servitudes continues non apparentes, les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.

La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière.

Mais en ce que le droit de passage constitue une servitude discontinue, il ne peut s'acquérir que par titre (Cass. 3e civ., 27 octobre 2004, n°03-14.603, Bull. III, n°185).

Les consorts [K]-[Z] soutiennent que le droit de passage qu'ils revendiquent, constituant une servitude apparente et continue, aurait fait l'objet d'une usucapion trentenaire.

Les appelants fond observer que les parcelles [Cadastre 14] ([Cadastre 7]), [Cadastre 15] et [Cadastre 4] appartenaient préalablement aux consorts [A] en indivision jusqu'en 2011 avec leur mère [V] [N] épouse [A].

Ils remarquent que selon acte authentique de prêt en date du 8 novembre 1972, il a été consenti à Madame [A] mère et à son époux un prêt, destiné à réaliser des travaux sur les parcelles [Cadastre 14] ([Cadastre 7]), [Cadastre 15] et [Cadastre 4] et que cet acte porte la mention:

'droit au passage commun avec plusieurs, murs longeant ce passage clôture appartenant cadastré section E, [Cadastre 15] pour [Cadastre 12] ca'.

Ils rappellent que les fiches cadastrales de la parcelle [Cadastre 15] font mention s'agissant de cette parcelle d'une indivision, d'une cour commune, d'un passage commun, ou encore que les droits sont réparties entre les copropriétaires du passage commun E 340.

Mais ces éléments sont inopérants pour faire valoir l'acquisition du droit de passage par usucapion trentenaire, qui n'est pas un mode d'acquisition de cette servitude, puisque le droit de passage n'est pas une servitude continue et ne peut s'acquérir que par titre.

Du tout, il ressort que les consorts [K]-[Z] échouent à démontrer que les parcelles dont sont issues les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] auraient bénéficié comme fonds servant, d'une servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 15].

Sur l'existence d'une vue illicite:

Les consorts [K]-[Z] soutiennent que la fenêtre litigieuse ne leur procure qu'une vue au ras du sol donnant sur un mur de 2,50 mètres construit par Monsieur [W] en limite de parcelle de section [Cadastre 15] sur sa parcelle [Cadastre 14], le mur étant composé de 12 à 13 rangées de parpaings de 20 cm chacun.

Ils avancent ainsi que l'ouverture qu'ils ont pratiquée n'est la source d'aucune indiscrétion.

Mais il ressort manifestement de l'ensemble des photographies et constat d'huissier versés aux débats que l'ouverture, pratiquée à l'exacte limite des deux fonds voisins, procure aux consorts [K]-[Z] une vue droite sur le fonds des consorts situé à moins de 19 décimètres de celui-ci, en contrariété avec l'article 678 du code civil susdit, et qui de surcroît ne se limite pas au ras du sol.

* * * * *

A l'issue de cette analyse, il y aura lieu d'ordonner la suppression de cette vue illicite.

Il y aura donc lieu:

- de condamner les consorts [K]-[Z] à supprimer la fenêtre à verre translucide située au rez-de-chaussée de leur immeuble donnant sur la parcelle [Cadastre 15] en la remplaçant par un dispositif fixe non transparent et inamovible;

- d'assortir cette condamnation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et ce pour une durée de cinq mois;

et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Le jugement sera encore confirmé en ce que le premier juge s'est réservé la liquidation de l'astreinte.

Sur les demandes reconventionnelles des consorts [K]-[Z]:

Sur la dépose de la caméra:

Selon l'article 9 du Code civil,

Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autre, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée: ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

Les appelants se réfèrent au constat d'huissier en date du 16 mars 2020, par lequel son auteur constate la présence d'une caméra au-dessus de l'entrée du garage de Monsieur Aït Bouhlal, et d'une caméra sur sa fenêtre aux 24 de l'avenue De Gaulle, pointant sur la cour commune.

En ce que ces caméras visent la parcelle [Cadastre 15], propriété du seul Monsieur Aït Bouhlal et sur laquelle les consorts [K]-[Z] ne peuvent se prévaloir d'aucune servitude de passage ni d'aucun droit qui leur serait personnel, il n'en résulte sur ce point aucune atteinte à leur vie privée.

Pour le surplus, la circonstance que les consorts [K]-[Z] aient pu se trouver très ponctuellement dans le champ de la première caméra orientée vers le garage, à l'occasion de travaux ou du relevé de compteur d'eau, ou du passage vers leur cave, ne constitue pas une violation de leur vie privée.

Les consorts [K]-[Z] soutiennent que la caméra installée sur le rebord de la fenêtre de l'habitation de Monsieur Aït Bouhlal ne pourrait pas filmer la parcelle [Cadastre 15], puisqu'elle se trouve empêchée par l'existence du mur, mais qu'elle peut filmer les trois fenêtres de leur propre immeuble, lui permettant d'avoir ainsi accès à l'intérieur de leur domicile.

Ils ajoutent que cette caméra, installée en 2019, n'a été retirée qu'après leur dépôt de plainte du 9 juin 2020.

A l'inverse, les consorts Aït Bouhlal observent que cette deuxième caméra est légèrement inclinée vers le bas et a été orientée sur le jardin de la parcelle [Cadastre 14] et de la parcelle [Cadastre 15] dont ils sont propriétaires.

En cet état, alors qu'il est désormais impossible de déterminer avec exactitude le champ et l'inclinaison de cette caméra, depuis démontée, et alors qu'un mur en maçonnerie, d'une hauteur notable sur l'un de ses parties, sépare les deux parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15], les consorts [K]-[Z] ne démontrent pas que l'orientation et la focale de la caméra aurait pu alors permettre de filmer l'intérieur de leur habitation.

Les appelants défaillent à démontrer toute violation de leur vie privée: ils seront déboutés de leur demande indemnitaire y afférente, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le trouble anormal de voisinage:

L'exercice du droit de propriété peut engager la responsabilité de son auteur lorsque le titulaire en fait un usage préjudiciable à autrui.

Les troubles anormaux de voisinage constituent un régime de responsabilité sans faute, et en l'absence de toute intention de nuire, dès lors qu'un fait ou une activité, quand bien même sont-ils licites, ont causé à un voisin des dommages excédant les troubles ordinaires du voisinage.

Il ressort du constat d'huissier en date du 16 mars 2020, produit par les consorts [K]-[Z] que:

- le garage du voisin Monsieur Aït Bouhlal est adossé à la façade arrière de la maison des consorts [K]-[Z];

- le chéneau de ce garage est en très mauvais état puisqu'il apparaît avec de multiples trous, et celui-ci est en outre penché et fixé précairement;

- l'auteur du constat a constaté une forte présence de mousses et verdissures ne lui permettant pas de déceler d'éventuelles fuites ou avaries;

- le solin d'étanchéité assurant la jonction avec la façade de la maison des consorts [K]-[Z] apparaît en bon état;

- son auteur a constaté l'existence, sur la façade du garage, du côté du fonds des consorts [K]-[Z], d'une fissure verticale sur le revêtement extérieur.

Les appelants soutiennent que le garage appartenant à Monsieur Aït Bouhlal est dépourvu de chéneau et de gouttière et que l'eau, nullement dirigée et retenue, s'est déversée pendant de nombreuses années sur leur propre terrain, ce qui aurait surtout endommagé l'angle du mur sur lequel il s'accole.

Ils allèguent avoir dû faire intervenir en urgence un maçon pour le maçonnage d'une pierre d'angle en soubassement: ils produisent la facture y afférente du 12 mai 2020, ainsi que l'écrit de l'entrepreneur, Monsieur [Y] [B], dont ils ont versé la pièce d'identité, et qui déclare avoir constaté que leur mur était endommagé suite à une accumulation provenant du toit en fibre, qu'une descente de gouttière doit être installée pour éviter une détérioration plus importante.

Plus spécialement, les consorts [K]-[Z] soutiennent que l'humidité accumulée à cet endroit a eu pour effet de désolidariser une partie du mur du bâti.

Ils ajoutent que depuis l'intervention d'un artisan en mai 2020, le phénomène d'humidité s'accumule au bas du mur.

Mais le seul écrit laconique de l'artisan, au surplus rémunéré par les consorts [K]-[Z], ne permet pas de déterminer si la détérioration de leur mur est due à l'accumulation d'eau de pluie ayant engendré la détérioration du mur porteur, ni surtout que ce désordre est du à l'absence de chéneau et de gouttière sur le toit de la maison de Monsieur [W].

Et pour le surplus, les consorts [K]-[Z] qui se contentent de procéder par voie d'affirmation, ne démontrent pas que l'évolution péjorative de l'état de leur mur serait imputable à une absence prétendue d'entretien du solin du chéneau et de la gouttière du garage des consorts [W]-[L].

Défaillants dans l'administration de la preuve leur incombant d'un trouble anormal de voisinage, les consorts [K]-[Z] seront déboutés de leurs demandes indemnitaires y afférentes.

A l'issue de ces développements, les consorts [K]-[Z] seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Ils seront aussi déboutés de leur demande au titre des travaux de réfection du solin du chéneau et de la gouttière du garage.

* * * * *

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [K]-[Z] de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et a condamné ces derniers aux dépens de première instance et à payer aux consorts [W]-[L] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Les consorts [K]-[Z] seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel et seront condamnés in solidum à payer aux consorts [W]-[L] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant:

Déboute Monsieur [F] [K] et Madame [X] [Z] de l'ensemble de leurs demandes;

Condamne Monsieur [F] [K] et Madame [X] [Z] aux entiers dépens d'appel et à payer à Monsieur [H] Aït Bouhlal et à Madame [P] [L] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/01931
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.01931 ?
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