Arrêt n°
du 11/01/2023
N° RG 21/02008
IF/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 11 janvier 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 11 octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 20/00453)
Monsieur [V] [C]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par la SELARL MAINNEVRET - MALBLANC AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
La SASU AGENCE FRANÇAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Matthieu CIUTTI, avocat au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 octobre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 23 novembre 2022, prorogée au 11 janvier 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Monsieur [V] [C] a été embauché le 4 avril 2019 par la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION en qualité de traducteur-interprète dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, jusqu'au 4 septembre 2019.
Le 14 août 2019, les parties ont signé un nouveau contrat à durée déterminée prenant effet le 1er octobre 2019 jusqu'au 30 avril 2020.
Par avenant du 4 septembre 2019, le contrat à durée déterminée du 4 avril 2019 a été renouvelé jusqu'au 30 septembre 2019.
Le 21 août 2020, Monsieur [V] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Reims aux fins de voir reconnaître le non respect de deux promesses d'embauche en contrat de travail à durée indéterminée et d'obtenir des dommages et intérêts et indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral.
Au terme de ses dernières conclusions, il a demandé au conseil de prud'hommes de Reims de condamner la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 4000 euros au titre du non respect des promesses d'embauche et du licenciement abusif, la somme de 2000 euros au titre du préjudice moral en raison de l'impact de sa situation professionnelle sur le renouvellement de son titre de séjour et la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses dernières conclusions, la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION a sollicité le débouté de toutes les demandes de Monsieur [V] [C] et sa condamnation à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Reims a :
- débouté Monsieur [V] [C] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Monsieur [V] [C] à payer la somme de 1000 euros à la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [V] [C] aux entiers dépens.
Monsieur [V] [C] a interjeté appel le 9 novembre 2021 pour voir annuler la décision du conseil de prud'hommes de Reims dans son intégralité.
Par conclusions d'incident du 31 mars 2022, la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir déclarer Monsieur [V] [C] irrecevable en son appel nullité.
Par ordonnance d'incident du 6 juillet 2022, Monsieur [V] [C] a été déclaré recevable en son appel.
Au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 30 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur [V] [C] demande à la cour d'appel :
- de le déclarer recevable et fondé en son appel,
- d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Reims et statuant à nouveau,
- de reconnaître la rupture non justifiée des deux promesses d'embauche en contrat de travail à durée indéterminée,
- de reconnaître son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la non exécution des deux promesses d'embauche en contrat à durée indéterminée
- de condamner la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION à lui payer :
*la somme de 4000 euros au titre du non respect des promesses d'embauche et du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*la somme de 2000 euros en réparation de son préjudice moral en raison de l'impact sur le renouvellement de son titre de séjour,
* la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de prononcer l'exécution provisoire,
- de condamner la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION aux dépens.
Monsieur [V] [C] fait valoir que le 5 août 2019, la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION lui a fait une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée qui devait prendre effet le 5 septembre 2019 mais qui n'a jamais été honorée car son employeur l'a contraint à signer un avenant au premier contrat à durée déterminée, puis un second contrat à durée déterminée à effet du 1er octobre 2019.
Il soutient qu'une seconde promesse d'embauche lui a été faite, qu'en janvier 2020 l'employeur a signé et déposé à la sous-préfecture de la Marne un contrat à durée indéterminée accompagnant la seconde promesse d'embauche, qui devait prendre effet le 2 mars 2020.
Au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 4 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION demande à la cour d'appel sur le fondement des articles 1134 du code civil et L.1221-1 du code du travail
- de la recevoir en ses demandes,
- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 11 octobre 2021 en toutes ses dispositions,
- de débouter Monsieur [V] [C] de l'ensemble de ses demandes et autres prétentions plus amples ou contraires,
- de condamner Monsieur [V] [C] à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Monsieur [V] [C] aux entiers dépens.
La société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION soutient que tant l'offre que la promesse d'embauche nécessitent la manifestation d'une volonté du salarié tendant à son acceptation et qu'en l'espèce, Monsieur [V] [C] a renoncé à l'offre formulée en signant un avenant de renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée, puis un second contrat de travail à durée déterminée.
Elle ajoute que la demande d'autorisation de travail à destination de l'administration n'est pas une promesse unilatérale de contrat et ne matérialise aucun engagement de l'employeur vis-à-vis du salarié.
L'ordonnance de clôture est en date du 12 septembre 2022.
Motifs :
L'article 1103 du code civil stipule que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article L 1221-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et qu'il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
L'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail.
L'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur.
En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis.
Le critère déterminant permettant de distinguer une promesse d'embauche d'une offre d'emploi est celui du droit d'option. L'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, mais sans formaliser au profit du destinataire un droit d'opter pour la conclusion du contrat de travail, ne constitue qu'une offre de contrat de travail, comme a d'ailleurs pu le juger la Cour de cassation (soc. , 21 sept. 2017, n° 16-20.103 et n° 16-20.104).
En l'espèce, le courrier adressé le 5 août 2019 à Monsieur [V] [C] porte en objet la mention 'promesse d'embauche' et est ainsi rédigé :
'suite à nos entretiens, nous avons le plaisir de vous informer de notre intention de vous engager au sein de notre société à compter du 5 septembre 2019, en qualité d'interprète-traducteur pour contrat d'une durée indéterminée.
Vous exercerez vos fonctions dans nos locaux situés au [Adresse 1].
Votre salaire mensuel sera de 1950 euros bruts pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.
La convention collective applicable dans notre société est 3301.
Nous vous souhaitons la bienvenue dans notre équipe et vous prions d'agréer Monsieur (ou Madame) nos sincères salutations'.
Ce courrier comporte un engagement précisant l'emploi, la rémunération, la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Toutefois, il ne formalise pas au profit de Monsieur [V] [C] un droit d'opter pour la conclusion du contrat de travail. Il ne peut donc valoir promesse unilatérale de contrat et ne constitue qu'une offre de contrat de travail.
Monsieur [V] [C] n'a pas manifesté une quelconque volonté d'accepter cette offre de contrat de travail. Au contraire, il a signé le 14 août 2019 un nouveau contrat à durée déterminée à effet du 1er octobre 2019 et il a signé le 4 septembre 2019 un avenant de renouvellement du contrat à durée déterminée conclu le 4 avril 2019 pour prolonger ce contrat du 5 septembre 2019 jusqu'au 30 septembre 2019.
Il fait valoir que la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION l'a contraint à signer ces avenant et contrat mais il ne justifie aucunement d'une quelconque contrainte ayant vicié son consentement.
En l'absence de manifestation par Monsieur [V] [C] de sa volonté d'accepter l'offre de contrat de travail en date du 5 août 2019, la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION a valablement rétracté cette offre au terme du contrat à durée déterminée signé le 14 août 2019 et de l'avenant de renouvellement du 4 septembre 2019.
Monsieur [V] [C] produit aux débats une demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger résidant en France émanant de la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION avec une date prévisible d'embauche au 2 mars 2020 et un salaire brut hors avantages en nature de 2070 euros mensuels. Il soutient que la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION a adressé cette demande à la Direccte, ce qui constitue une seconde promesse d'embauche.
Toutefois, cette demande d'autorisation de travail n'est ni une promesse unilatérale de contrat, ni une offre de contrat de travail. Elle n'est qu'un document établi dans le cadre de formalités administratives préalables à une éventuelle embauche et ne matérialise aucun engagement de l'employeur vis-à-vis du salarié. Au surplus, elle ne comporte pas le nom du salarié et elle n'est pas datée.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Reims en date du 11 octobre 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [C] de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la non-exécution des deux promesses d'embauche en contrat à durée indéterminée.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Reims en date du 11 octobre 2021 sera également confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [C] de ses demandes de dommages et intérêts subséquentes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral.
Sur les autres demandes :
Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Monsieur [V] [C] à payer la somme de 1000 euros à la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux entiers dépens.
Y ajoutant, et dès lors que Monsieur [V] [C] succombe en appel, il y a lieu de le condamner à payer à la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Monsieur [V] [C] est debouté de sa demande d'exécution provisoire, le recours en cassation n'étant en l'espèce pas suspensif d'exécution.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Reims en date du 11 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [V] [C] à payer à la société AGENCE FRANCAISE DE TRADUCTION ET DE COMMUNICATION la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance en appel ;
Condamne Monsieur [V] [C] aux entiers dépens de l'instance en appel ;
Deboute Monsieur [V] [C] de sa demande d'exécution provisoire.
LE GREFFIER LE PR''SIDENT