Arrêt n°
du 11/01/2023
N° RG 21/01836
CRW/ML
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 11 janvier 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 10 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Encadrement (n° F 20/00158)
Monsieur [B] [M]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par la SCP MEDEAU-LARDAUX, avocats au barreau des ARDENNES
INTIMÉE :
La SAS G. MANQUILLET PARIZEL & CIE SASU
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par Me Azédine YAHIAOUI, avocat au barreau des ARDENNES
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 octobre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 23 novembre 2022, prorogée au 11 janvier 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
[B] [M] a été embauché par la SAS G. Manquillet Parizel & Cie, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée de 9 mois, à effet du 1er juillet 2000, en qualité de technicien de production.
À compter du 1er février 2001, cette relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour le salarié occuper les mêmes fonctions et la relation salariale être soumise à la convention collective des industries métallurgiques des Ardennes.
Par avenant du 1er octobre 2014, il a été promu au poste de responsable achats et chargé de relations clientèles.
Le 20 février 2020, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie a convoqué [B] [M] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fondé sur un motif économique, pour celui-ci se tenir le 2 mars 2020. Au cours de cet entretien, l'employeur lui a remis les documents afférents au contrat de sécurisation professionnelle, auquel [B] [M] a adhéré le 23 mars 2020.
Le 16 mars 2020, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie a notifié à son salarié son licenciement, fondé sur un motif économique.
Contestant notamment le bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet, [B] [M] a saisi, par requête enregistrée au greffe le 15 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières.
Aux termes de ses dernières conclusions, il prétendait voir dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet, prétendant à la condamnation, sous exécution provisoire, de son employeur au paiement des sommes suivantes :
- 10. 534,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.053,41 euros à titre de congés payés afférents,
- 75.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
- 75.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'ordre des licenciements,
- 8.000 euros à titre de dommages-intérêts sur préjudice financier,
- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation,
- 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières a débouté [B] [M] en l'ensemble de ses demandes et, faisant droit, en leur principe, aux demandes reconventionnelles formées par son employeur, condamné celui-ci à payer à la SAS G. Manquillet Parizel & Cie les sommes de :
- 150 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral causé du fait des publications injurieuses,
- 100 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[B] [M] a interjeté appel de cette décision le 4 octobre 2021.
Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 13 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante, par lesquelles [B] [M], continuant de prétendre au bien-fondé de ses prétentions, renouvelle les demandes qu'il avait initialement formées, pour les sommes alors sollicitées, sauf du chef de la violation par l'employeur de l'ordre des licenciements, au titre duquel aucune demande n'est formulée dans le dispositif de ses dernières conclusions.
Au soutien de ses demandes, il prétend que contrairement aux prescriptions légales, la lettre de licenciement qui lui a été remise ne mentionne pas le motif économique sur la base duquel son licenciement doit être prononcé.
Il fait en outre valoir que l'employeur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque motif économique et lui fait grief d'avoir failli à l'obligation de reclassement mise à sa charge en ne procédant pas à des recherches loyales, sauf à lui proposer des postes de catégorie tellement inférieure à celui qu'il occupait qu'il ne pouvait que les refuser, du fait de la baisse de rémunération qu'ils induisaient.
Enfin, sur l'indemnisation de son préjudice, il entend voir écarter le barème énoncé par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, comme contraire à l'article 10 de la Convention n°158 de l'OIT et à l'article 24 de la Charte Sociale européenne.
Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 2 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles la SAS G. Manquillet Parizel & Cie prétend à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté [B] [M] en l'ensemble de ses demandes mais à son infirmation en ce qu'il a limité les sommes qu'il lui a allouées à titre de dommages-intérêts, en indemnisation du préjudice moral qu'elle a subi, compte tenu de l'attitude de son salarié, et des frais irrépétibles qu'elle a dû engager.
Aussi, formant appel incident, elle renouvelle ses demandes tendant à la condamnation de [B] [M] au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait des publications injurieuses auxquelles il s'est livré outre 5.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a pu engager en première instance à hauteur d'appel.
Sur ce,
Sur l'obligation de formation
[B] [M] sollicite la condamnation de son employeur à la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de formation.
Les premiers juges ont exactement retenu que l'employeur justifiait de la participation de [B] [M] à des formations dispensées entre 2003 et 2016.
Il suffira d'ajouter qu'en tout état de cause, [B] [M] ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi.
En conséquence, [B] [M] doit être, par confirmation du jugement, débouté de sa demande.
Sur le bien-fondé du licenciement
[B] [M] se prévaut de l'absence de motivation de sa lettre de licenciement pour prétendre à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.
En application des articles L.1233-3, L.1233-16 et L.1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation de l'emploi doit avoir une cause économique réelle et sérieuse et l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat de travail dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et, au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a rempli son obligation d'information.
En l'espèce, il n'est pas discuté que [B] [M] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) le 23 mars 2020, postérieurement à l'entretien préalable qui s'est tenu le 2 mars 2020, lors duquel les documents relatifs au CSP lui ont été remis.
[B] [M] indique dans ses écritures avoir reçu lors de l'entretien préalable un courrier l'informant des problèmes économiques de la société. Ce courrier est produit aux débats. Il fait état de difficultés financières et en décrit les répercussions sur le poste de [B] [M]. L'employeur verse également aux débats un document daté du 2 mars 2020, soit du jour de l'entretien préalable, et signé de [B] [M] aux termes duquel celui-ci reconnaît avoir reçu en mains propres un courrier de la part de son employeur expliquant les problèmes économiques et la conséquence sur son poste.
L'employeur démontre ainsi avoir porté à la connaissance de [B] [M], antérieurement à son acceptation du CSP, par un document écrit, le motif économique de son licenciement dans ses éléments causal et matériel.
[B] [M] conteste en deuxième lieu la réalité du motif économique.
Aux termes des dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail, en leur rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une cessation d'activité, soit une réorganisation de l'entreprise, laquelle si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il s'apprécie à la date de la rupture du contrat de travail.
En l'espèce, dans le courrier remis à [B] [M] le 2 mars 2020 énonçant la cause économique du licenciement, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie explique être confrontée à des difficultés financières qui nécessitent une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa pérennité, laquelle conduit à la suppression du poste occupé par [B] [M].
Dans ce document, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie indique subir :
- depuis plusieurs années, une baisse des ventes de ses produits traditionnels, le chiffre d'affaire global étant maintenu uniquement grâce à des ventes exceptionnelles,
- une baisse des prix du marché,
- une perte de savoir suite aux départs en retraite d'une grande majorité de ses salariés ayant un impact négatif sur la production.
Face à ce constat, le choix a été fait de :
- relancer la productivité avec de nouveaux produits, le renforcement du bureau d'études et l'investissement dans une installation permettant de produire des pièces plus grosses,
- créer une ETI (entreprise de taille intermédiaire) issue de la fusion de plusieurs PME.
Cependant, l'ETI n'a pas vu le jour et la mise en route de l'investissement 'a été plus fastidieuse que prévue menant à un décalage d'un an alors que les charges commençaient à courir'. Parallèlement, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie explique souffrir d'une dégradation de sa productivité.
La SAS G. Manquillet Parizel & Cie affirme alors que pour faire face à cette situation de dégradation des résultats qui en résulte, il lui est indispensable :
- d'augmenter le chiffre d'affaires,
- d'améliorer la productivité notamment avec une augmentation du recours à l'intérim,
- de compresser les coûts fixes, ce qui passe notamment par la suppression du poste de [B] [M].
A l'appui de ces éléments énoncés dans ce courrier, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie verse aux débats les compte rendus de trois réunions du comité social et économique (CSE) et le document de présentation du projet de licenciement économique soumis à ce dernier. Aucun document comptable n'est produit.
Le compte rendu de la réunion du 11 décembre 2019, indique un chiffre d'affaire pour le mois de novembre 2019, positif, de l'ordre de 1 353 000 euros. Il est néanmoins précisé 'si nous voulons arriver à un résultat positif au 30/06/20, il faut absolument se mobiliser et atteindre des objectifs de facturation de 1 600 000 euros mensuel. Il faut également faire des économies (énergie, transport, outils coupants...)'.
Le compte rendu de la réunion du 27 janvier 2020 présente le chiffre d'affaire du second semestre (01/07/2019 au 31/12/2019) qui s'élève à 7 000 000 euros et indique 'CA correct mais insuffisant par rapport au budget qui est de 16 000 000 euros annuel (...) notre résultat du premier semestre est de - 400 000 euros. La situation est inquiétante, il faut se mobiliser afin de gagner en productivité et également faire des économies.'
La SAS G. Manquillet Parizel & Cie a donc alerté le CSE dès le mois de décembre 2019 que son chiffre d'affaires étant insuffisant pour couvrir ses charges fixes. Elle n'a cependant procédé que par voie d'affirmation et n'établit pas davantage dans le cadre du présent litige cette insuffisance.
La réunion suivante, du 13 février 2020, a porté sur la présentation du projet de licenciement économique. Le compte rendu énonce les difficultés suivantes :
- perte de savoir suite aux départs en retraite d'une grande majorité de salariés ayant un impact négatif sur la production et dégradation importante de la production,
- effritement du marché et des ventes,
- investissement d'un nouveau pilon dont le démarrage est plus laborieux que prévu,
- création de poste de structure pour une meilleure productivité.
Le document de présentation du projet de licenciement est identique au courrier du 2 mars 2020 remis à [B] [M] excepté qu'il présente également les chiffres comptables des cinq précédents exercices, soit depuis l'exercice 2015/2016.
L'analyse de ces chiffres met en évidence, pour le premier semestre 2019/2020, un résultat net négatif -397 000 euros ainsi qu'un excédent brut d'exploitation inférieur à la moitié des exercices précédents, mais néanmoins positif. L'année précédente faisait déjà ressortir un résultat net comptable négatif de -71 704 euros.
En revanche, en terme de chiffres d'affaire et de production, les chiffres apparaissent conformes aux précédentes années étant relevé que la comparaison sur une période similaire est impossible, seuls les chiffres des années complètes étant indiqués.
Ainsi, depuis l'exercice 2015/2016, les chiffres (chiffre d'affaires ou production) étaient en moyenne de 11 000 000 euros sauf en 2016/2017 où ils étaient de l'ordre de 8 000 000 euros mais pour une période de 9 mois. Au cours de la dernière année, 2018/2019, les chiffres étaient plus élevés avec un chiffre d'affaire de 13 267 520 euros et une production de 14 432 331.
Pour le premier semestre de 2019/2020, le CA est de 7 007 000 euros et celui de la production de 7 123 000. Dès lors, ces chiffres obtenus sur une période de six mois représentent plus de la moitié des précédents exercices.
Le projet de licenciement ainsi que le courrier du 2 mars 2020 font d'ailleurs état d'un chiffre d'affaire globalement maintenu depuis plusieurs années.
Lors de la présentation du projet de licenciement, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie a fait état d'un effritement du marché, mais aucun élément n'est versé aux débats à l'appui de cette affirmation.
La SAS G. Manquillet Parizel & Cie déplore un impact négatif de la productivité essentiellement provoqué par le départ en retraite d'une grande majorité de salariés et donc du savoir-faire. Cependant, là encore, elle ne procède que par voie d'affirmation et l'analyse de l'historique des exercices ne corrobore pas ses allégations.
En définitive, ces documents et chiffres ne permettent pas une comparaison sur des périodes et durées équivalentes.
' la lecture des documents, le chiffre d'affaire et la productivité ne sont pas dégradés ni même impactés.
L'excédent brut d'exploitation, même s'il ne semble pas très élevé par rapport aux exercices précédents, demeure positif.
Enfin, si le résultat net est négatif, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie ne démontre pas ce qui impacte ce chiffre alors que, dans le même temps, elle fait état d'un investissement dans un nouvel outil de production dont la mise en place a été 'fastidieuse'.
En tout état de cause, la seule baisse du résultat est insuffisante à justifier un licenciement économique.
Il est en effet de jurisprudence constante qu'une baisse du chiffre d'affaires et une baisse concomitante du résultat net ne peuvent à eux seuls justifier un licenciement pour motif économique.
Dès lors, la société ne démontre pas que les difficultés économiques rencontrées étaient réelles et sérieuses et ne tenaient pas à la politique d'investissement qu'elle a choisie.
En conséquence, le licenciement de [B] [M] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse sans qu'il y ait lieu d'examiner, comme surabondant, le moyen relatif au non-respect de l'obligation de reclassement.
En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle devient sans objet.
[B] [M] doit donc être accueilli en ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, aux montants non contestés.
[B] [M] est également fondé à solliciter le paiement de dommages-intérêts, pour l'évaluation desquels il prétend voir écarter le barème énoncé par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, en soutenant que celui-ci ne permet pas d'assurer une réparation adéquate.
Or, les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n°158 de l'OIT. Il en résulte que les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée et qu'il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du code du travail.
Compte tenu de l'âge du salarié au jour de son licenciement, de son ancienneté dans l'entreprise, du barème de l'article L.1235-3 du code du travail, de sa situation au regard de l'emploi postérieurement au licenciement, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie sera condamnée à lui payer la somme de 36.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu de préciser que toute condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Les conditions s'avèrent réunies pour faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, selon des modalités définies aux termes du dispositif de cette décision.
Dans la mesure où il est fait droit à la demande principale, il n'y a pas lieu à examen de la demande subsidiaire relative à la violation de l'ordre des licenciements.
Sur le préjudice financier
[B] [M] sollicite la condamnation de son employeur à la somme de 8.000 euros en dédommagement du préjudice financier qu'il a subi suite à la perte de son emploi.
Le préjudice financier qu'il invoque n'est pas distinct de celui résultant de la perte de son emploi, déjà indemnisé par les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse attribués.
[B] [M] doit donc être débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef par substitution de motifs.
Sur le préjudice moral
[B] [M] sollicite la condamnation de son employeur à la somme de 5.000 euros en dédommagement du préjudice moral qu'il a subi du fait de l'attitude désinvolte de son employeur qui a rompu son contrat de travail après 19 ans d'ancienneté.
Or, ce préjudice est directement lié à la perte injustifiée de son emploi et a déjà été pris en compte dans l'évaluation des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
[B] [M] doit donc être débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef par substitution de motifs.
Sur le dénigrement de la SAS G. Manquillet Parizel & Cie de la part de [B] [M]
Faisant grief à son salarié de l'avoir dénigrée ainsi que son directeur commercial, sur sa page Linkedin, visible des clients et fournisseurs, postérieurement à son licenciement, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie sollicite la condamnation de [B] [M] au paiement de la somme de 15. 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Les parties s'opposent sur la compétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur cette demande. La SAS G. Manquillet Parizel & Cie soutient que sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour préjudice moral relève de la compétence de la juridiction prud'homale au motif que les dénigrements dommageables se rattachent à une obligation née du contrat de travail, en l'occurrence l'obligation de loyauté, peu important qu'ils soient survenus postérieurement à la rupture du contrat. Au contraire, [B] [M] prétend à l'incompétence de celui-ci dans la mesure où il s'agit de faits postérieurs à la rupture du contrat de travail.
Selon les dispositions de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient. En application de ce texte, la compétence prud'homale ne peut s'étendre aux litiges concernant des faits postérieurs à la rupture du contrat de travail que s'ils trouvent leur source dans le contrat de travail et sont en relation directe avec lui.
En l'espèce, [B] [M] a publié les messages suivants :
- 'La plus grande arnaque. Un seul outillage payé par tous les clients et à chaque fabrication.'
- 'Juste un semblant d'entreprise dirigée par un blaireau qui a fait soi-disant de grandes écoles.'
- 'Je me marre. Cela leur coûte 30 euros et il vous le font payer à 300. Clients fuyez, fournisseurs fuyez. Acheter à l'étranger avec des compositions chimiques un peu douteuses, mais par contre vendu au prix fort.'
Dans ces propos, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, [B] [M] a communiqué des éléments confidentiels tels que des éléments de coût, c'est-à-dire des éléments dont il a eu connaissance dans le cadre de son contrat de travail le liant à la SAS G. Manquillet Parizel & Cie. En outre, ces propos ont été émis par [B] [M] sous la qualité de 'responsable achats chez Manquillet Parizel'. Le conseil de prud'hommes est par conséquent compétent.
En tout état de cause, la cour est compétente pour connaître de cette demande dans la mesure où, investie de la plénitude de juridiction, elle est la juridiction de second degré compétente en toute matière civile.
Sur le fond, le dénigrement consiste à porter atteinte à l'image d'une entreprise ou d'un produit, désignés ou identifiables, afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles, peu important qu'ils aient une base exacte, diffusés afin de toucher ses clients.
[B] [M] a, sans conteste, par les propos tenus, procédé à un véritable dénigrement de la SAS G. Manquillet Parizel & Cie et insulté le chef d'entreprise.
En publiant de tels propos sur un réseau social professionnel, visibles de clients et fournisseurs de la SAS G. Manquillet Parizel & Cie, [B] [M] a porté atteinte à l'image de celle-ci. Un tel comportement justifie qu'il soit condamné au paiement de la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu des termes de la présente décision, la SAS G. Manquillet Parizel & Cie sera condamnée à payer à [B] [M] une indemnité de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles que celui-ci a pu exposer en première instance, par infirmation du jugement, et à hauteur d'appel.
En revanche, sur le même fondement, elle sera déboutée en sa demande en paiement.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières le 10 septembre 2021 :
- en ce qu'il a débouté [B] [M] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
- sur le quantum alloué au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de l'atteinte à l'image de la SAS G. Manquillet Parizel & Cie,
- des chefs des frais irrépétibles et des dépens,
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de [B] [M] ;
Condamne la SAS G. Manquillet Parizel & Cie à payer à [B] [M] les sommes de :
- 36.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10.534,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.053,41 euros à titre de congés payés afférents,
Ordonne le remboursement, par la SAS G. Manquillet Parizel & Cie à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;
Condamne [B] [M] à payer à la SAS G. Manquillet Parizel & Cie la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de l'atteinte à l'image de la SAS G. Manquillet Parizel & Cie ;
Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables ;
Condamne la SAS G. Manquillet Parizel & Cie à payer à [B] [M] une indemnité de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute la SAS G. Manquillet Parizel & Cie en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS G. Manquillet Parizel & Cie aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PR''SIDENT