Arrêt n°
du 11/01/2023
N° RG 21/01835
CRW/ML
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 11 janvier 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 23 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Activités Diverses (n° F 20/00357)
ASSOCIATION SOULAINES TOURISME ENVIRONNEMENT
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et la SELAS FIDAL, avocats au barreau de l'AUBE
INTIMÉ :
Monsieur [M] [T]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de l'AUBE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 octobre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 23 novembre 2022, prorogée au 11 janvier 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
[M] [T] a été embauché par l'association Soulaines Tourisme Environnement selon contrat à durée indéterminée du 29 septembre 2003 en qualité de chargé d'études, niveau IV, coefficient 250 de la convention collective des centres sociaux et socioculturels, applicable dans l'association.
Dans le dernier état de la relation salariale, il relevait du coefficient 350, échelon E de la convention collective de l'animation, pour un temps de travail de 169 heures mensuelles.
Par courrier recommandé du 25 février 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, pour celui-ci se tenir le 28 février 2020. Ce courrier lui notifiait sa mise à pied conservatoire.
[M] [T] a été licencié, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 mars 2020 au motif d'une faute grave, que constituent les faits de harcèlement moral auxquels il s'est livré à l'encontre de 2 salariées de l'association.
Prétendant au paiement d'un rappel de sommes en lien avec l'exécution du contrat et contestant le bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet, [M] [T] a saisi, par requête enregistrée au greffe le 29 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Troyes pour voir, aux termes de ses dernières écritures, son employeur condamné, sous exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :
- 53'927,12 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 5 392,20 euros bruts à titre de congés payés afférents,
- 9 583 euros bruts à titre de rappel de repos compensateurs,
- 958 euros bruts à titre de congés payés afférents,
- 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
- 10'000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour congés payés non pris,
- 9 532 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 953 euros bruts à titre de congés payés afférents,
- 26'213 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 4 666 euros nets à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,
- 74'490 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 28'196 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 20'000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,
- 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 23 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Troyes a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de [M] [T], fait droit, en leur principe, aux demandes qu'il formait, sauf à le débouter en ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement par l'employeur à une obligation de sécurité et de dommages-intérêts du fait des congés payés non pris.
Sur ses prétentions à paiement, la juridiction a fait droit aux sommes sollicitées sauf à réduire à 43'774,32 euros le montant des dommages-intérêts alloués en indemnisation d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, 7 295,72 euros le montant de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, 19'551,97 euros le montant de l'indemnité légale de licenciement, 5 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués au titre du préjudice moral et à 1 500 euros l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association Soulaines Tourisme Environnement a interjeté appel de cette décision le 4 octobre 2021.
Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 7 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles l'association Soulaines Tourisme Environnement, prétendant avoir rempli son salarié de l'ensemble de ses droits salariaux dans le cadre de l'exécution du contrat liant les parties, l'avoir licencié au motif d'une faute grave avérée, sollicite la confirmation du jugement, s'agissant des demandes dont a été débouté son salarié, son infirmation, s'agissant des condamnations prononcées à son encontre pour conclure au débouté de [M] [T] en l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 50'000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat, comportement abusif pendant et après la rupture du contrat outre 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 4 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles [M] [T] sollicite la confirmation du jugement, pour les demandes qu'il a accueillies, en leur principe, son infirmation, s'agissant des prétentions dont il a été débouté ou celles dont les montants alloués ont été réduits par rapport à ses demandes, pour renouveler ses prétentions à paiement pour les sommes qu'il avait initialement sollicitées.
Sur ce,
- Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail
*sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Au soutien de ses prétentions, [M] [T] produit aux débats :
- un récapitulatif des heures de travail qu'il soutient avoir accomplies en 2017, 2018, 2019,
- un tableau récapitulant, jour par jour, les heures réalisées,
- des captures d'écran informatique correspondant, en 2019, à l'agenda qu'il a renseigné sur le logiciel mis à la disposition des salariés pour justifier de leur temps de travail, sur la base duquel l'employeur a produit ses propres éléments, dont le salarié conteste la fiabilité.
Il satisfait ainsi au mécanisme probatoire mis à sa charge en vertu des dispositions ci-dessus rappelées.
En réponse, au titre de l'année 2019, l'employeur produit l'agenda de son salarié (pièce 86 dossier employeur).
Il ne produit aucun autre document sur la période permettant de contredire les éléments produits par la partie adverse, sauf à soutenir qu'au regard de ses multiples activités, y compris extra-professionnelles, ou pour le compte d'autres structures, en lien étroit avec celle qu'il dirigeait, exercées de manière bénévole, et qu'au contraire des consignes qui lui avaient été données, [M] [T] n'a pas pu réaliser l'ensemble des heures dont il sollicite paiement.
Des disparités flagrantes existent entre ce même type de document, renseigné le 29 mars 2019, au titre du mois de février 2019, par le salarié, mentionnant par des couleurs différentes l'activité déployée pour le centre dont il avait la responsabilité et celles déployées pour d'autres activités, mais aussi des heures prétendument réalisées pendant le temps des week-ends.
En revanche, le document produit aux débats par l'employeur mentionne rarement la réalisation d'heures durant les week-ends.
Mais aussi, l'employeur ne soutient pas qu'il aurait pu rémunérer des heures supplémentaires commandées effectuées par son salarié, notamment en produisant les bulletins de salaire de celui-ci, sur la période non prescrite.
Sans autre justificatif des heures effectivement travaillées par son salarié, au-delà de ses seules allégations, et sans qu'il y ait lieu de suivre l'employeur dans l'ensemble de ses développements, au-delà de ce qui est exigé au titre du mécanisme probatoire ci-dessus rappelé, alors qu'en dépit d'une interdiction de réaliser des heures supplémentaires diffusée auprès de ses salariés en octobre 2019, l'employeur, au regard de la charge de travail confiée à son salarié, ne pouvait ignorer que celui-ci réalise des heures supplémentaires dont, implicitement il ne pouvait que valider la commande, contrairement à ce qu'il soutient, les premiers juges ont pu, à bon droit, considérer qu'à défaut pour l'employeur de rapporter la preuve des heures effectivement réalisées par son salarié sur l'ensemble de la période non prescrite, ce dernier était bien fondé en sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, pour les sommes qu'ils ont retenues et au paiement desquelles ils ont condamné l'employeur.
La décision sera donc confirmée de ce chef.
*sur la demande en paiement d'une indemnité au titre du repos compensateur
Il résulte de l'application des dispositions des articles L.3121-30 et suivants du code du travail que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel conventionnel d'heures supplémentaires, ou à défaut du contingent réglementaire de 220 heures annuelles, donne droit à un repos compensateur dans la durée est égale à 50 % des heures supplémentaires.
En l'espèce, sur la base des calculs proposés par [M] [T], validés par les premiers juges, puis par la cour, la décision déférée mérite d'être confirmée en ce qu'elle a, en application de ces règles, condamné l'association Soulaines Tourisme Environnement à payer à son salarié les sommes de 9 583 euros outre 958 euros à titre des congés payés afférents.
*sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour congés payés non pris
Renouvelant les termes de sa demande initiale, [M] [T] prétend à la condamnation de ce chef de son employeur au paiement de la somme de 10'000 euros en soutenant qu'au jour de son licenciement, son employeur restait débiteur à son égard de l'indemnisation de 119 jours de congés non pris.
L'examen du bulletin de salaire produit aux débats au moment du licenciement de [M] [T] révèle que celui-ci a été indemnisé pour ne pas avoir pris 112,78 jours de congés, tandis que le salarié produisait aux débats (pièce 34) un tableau aux termes duquel il lui restait à prendre 91 jours.
Il incombe toutefois à celui qui prétend au paiement de dommages-intérêts de rapporter la preuve de l'existence d'un préjudice, son étendue, et le lien de causalité entre ce préjudice et le manquement qu'il impute à l'autre partie.
Or, en l'espèce, [M] [T] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice qu'il aurait subi, justifiant l'indemnisation qu'il sollicite.
La décision déférée qui l'a débouté en ce chef de demande mérite donc d'être confirmée.
*sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, qu'elles soient préventives ou correctives.
S'agissant des mesures préventives, il incombe à l'employeur de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l'exécution de la prestation de travail, mais également à l'environnement professionnel dans lequel elle s'exécute.
En l'espèce, sur la base des documents qu'il produit aux débats pour justificatifs de ses prétentions, [M] [T] ne justifie pas avoir subi un quelconque préjudice résultant d'un manquement de son employeur à cette obligation de sécurité de sorte que, par confirmation du jugement déféré, il sera débouté en ce chef de demande.
*sur l'indemnité pour travail dissimulé
Il résulte de l'application des dispositions des articles L.8221-3 et suivants du code du travail que l'exécution d'un travail dissimulé, ouvrant droit, pour le salarié dont le contrat est rompu, quel qu'en soit le mode, au bénéfice de l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L.8223-1 du même code suppose une intention de l'employeur de dissimuler tout ou partie de l'activité de ce salarié.
Or, la réalisation, par le salarié, d'heures supplémentaires ne suffit pas, à elle seule, à caractériser l'intention de l'employeur à lui faire exécuter un travail dissimulé.
La décision déférée qui a débouté [M] [T] en sa demande en paiement ainsi fondée mérite d'être confirmée, étant ajouté que celui-ci ne rapporte pas la preuve de l'intention de son employeur de ne pas le rémunérer de l'intégralité des heures supplémentaires qu'il a réalisées.
- Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail
*sur le bien-fondé du licenciement
La faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur, telle qu'énoncée dans la lettre de licenciement dont les termes fixent le cadre du litige soumis à l'appréciation des juges du fond se définit comme un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, caractérisant de sa part un manquement tel aux obligations découlant de la relation de travail que son maintien dans l'entreprise, pendant la durée du préavis, s'avère impossible.
En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à [M] [T] le 4 mars 2020 est ainsi libellée :
«' vos deux collègues de travail femmes, Mesdames [Z] [I] et [U] [R], aides-soignantes dont vous assurez la coordination comme responsable capacitaire du [K], ont chacune fait l'objet d'un arrêt de travail ; du 17 février au 2 mars 2020 s'agissant de Madame [Z] ; du 20 février au 8 mars s'agissant de Madame [U].
Toutes deux dénoncent une attitude de harcèlement devenue permanente, exercée par vous-même depuis de longs mois, situation dont l'employeur a récemment eu connaissance. Toutes deux évoquent la peur de représailles de votre part, et la perte de leur emploi, si elles parlent. Épuisées et au bord de la démission, Mesdames [Z] et [U] relatent votre comportement d'insatisfaction quotidienne à leur égard, vos propos désobligeants dénigrant leurs qualités professionnelles ; des tâches inadaptées, voire infaisables par un travailleur handicapé, comme l'ordre donné à Madame [Z] de déplacer une balle de paille, en dépit de ses antécédents cardiaques. Surpris par vos deux collègues en situation d'adultère sur le lieu et le temps de travail, vous continuez malgré tout cette relation extraconjugale et vous obligez Madame [Z] à faire le guet.
Mesdames [Z] et [U] se disent humiliées et dévalorisées, angoissées avant de prendre le travail, affectées par votre impolitesse à leur égard, paniquées par vos regards noirs. « Boule au ventre », vomissements, et peur de vous chez Madame [U] ; insomnie et troubles anxieux importants chez Madame [Z] : Mademoiselle [O] [V] [G], employée comme Service Civique à [K], témoigne de l'état de santé dégradé de Madame [Z], fragilisée émotionnellement par votre relation extraconjugale dans les locaux de [K], et le rôle de veilleuse que vous lui imposez. Mademoiselle [V] [G] a retrouvé Madame [Z] « en pleurs plusieurs fois ».
Cette conduite met en cause gravement le bon fonctionnement de l'association, une enquête interne a été diligentée par le directeur de l'association, qui a entendu les victimes et vous-même. Les explications recueillies auprès de vous lors de l'entretien auquel vous avez été convoqué le 28 février 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet' »
Au soutien de ce grief, l'association Soulaines Tourisme Environnement produit aux débats les courriers que lui ont adressés Madame [Z] et Madame [U], dénonçant chacune le comportement de leur responsable, [M] [T], à leur égard, dont elles renouvellent les termes dans les attestations qu'elles ont établies 3 mois après le licenciement de celui-ci, à l'origine, selon elles, des arrêts maladie qu'elles ont subis, dont il est justifié.
De l'examen très attentif de l'ensemble des pièces produites aux débats par chacune des parties (attestations, mails, captures d'écran de téléphone portable comportant des échanges SMS), il ressort clairement qu'il existait au centre [K], dont [M] [T] était le capacitaire, une ambiance délétère entre Mesdames [Z], [U] et 2 bénévoles de l'association, dont celle avec laquelle le salarié licencié entretenait une relation extraconjugale.
Ces bénévoles ont, oralement ou au travers de SMS, pu rapporter, voire colporter des propos prétendument tenus par [M] [T], dont la teneur a effectivement pu affecter Mesdames [Z] et [U].
Toutefois, ni l'une ni l'autre n'établissent que celui-ci a pu, directement, les critiquer ou dénigrer dans les termes qu'elles dénoncent.
Dans ce contexte, alors que les SMS échangés notamment par Madame [Z] avec la bénévole [W] [P] (maîtresse de [M] [T]) ne révèlent pas de la part de la première une quelconque crainte, notamment de son responsable, ou l'obligation qui lui était prétendument faite par l'un des 2 amants de faire le guet durant leurs ébats, tandis qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Madame [Z] se trouvait alors fragilisée par une situation personnelle génératrice de fatigue, un doute existe quant à l'existence des faits de harcèlement moral qu'aurait commis [M] [T] à l'encontre de ses 2 collègues.
En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, le doute doit profiter au salarié de sorte que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a dit dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de [M] [T].
*sur les conséquences indemnitaires
Sur la base d'un salaire reconstitué de 4 766,31 euros, intégrant le montant des heures supplémentaires réalisées sur les 12 derniers mois, ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés non pris, [M] [T] prétend, à bon droit, au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 9 532 euros, outre 953 euros à titre de congés payés afférents, au paiement de laquelle se trouve condamné l'employeur.
Il prétend également, à bon droit, au bénéfice d'une indemnité de licenciement, calculée conformément aux dispositions de l'article 7 de la convention collective applicable, sur la moyenne des salaires des 12 derniers mois, toutes indemnités comprises, soit la somme de 26'213 euros au paiement de laquelle se trouve condamné l'employeur.
Sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, son ancienneté dans l'entreprise (16 ans), dont il n'est pas justifié qu'elle occupe moins de 11 salariés, [M] [T] peut prétendre voir son préjudice lié à la perte de son emploi indemnisé dans une fourchette allant de 3 à 13,5 mois de salaire brut.
Au vu des justificatifs produits aux débats quant à sa situation au regard de l'emploi, postérieurement à son licenciement, les premiers juges ont exactement apprécié l'indemnisation du préjudice qu'il a subi pour la somme de 43'774,32 euros, qui doit être confirmée.
Faisant une exacte application des dispositions de l'article L 1235 - 2 du code du travail, les premiers juges ont débouté [M] [T] en sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'irrégularité de la procédure de licenciement.
La décision sera donc confirmée de ce chef.
En revanche, les premiers juges ont omis de faire, d'office, application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, ce qui doit être ordonné à hauteur de cour, selon des modalités définies aux termes du dispositif de la présente décision.
Il y a lieu de préciser que toute condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
[M] [T] prétend également au bénéfice de dommages-intérêts sur le fondement du préjudice moral qu'il aurait subi du fait de son licenciement.
Compte tenu du contexte, délétère, dans lequel est intervenue la rupture du contrat de travail, du grief énoncé à l'encontre du salarié, les premiers juges ont exactement évalué à la somme de 5 000 euros l'indemnisation du préjudice moral complémentaire subi par [M] [T].
La décision mérite d'être confirmée de ce chef.
- Sur la demande additionnelle formée par l'association Soulaines Tourisme Environnement, sur le fondement de l'exécution déloyale, par son salarié, du contrat
Compte tenu des termes de la présente décision, alors qu'au-delà de ses allégations, l'employeur ne rapporte pas la preuve des manquements de son salarié qu'il dénonce, la décision déférée mérite d'être confirmée en ce qu'elle l'a débouté en sa demande en paiement de dommages-intérêts.
- Sur les frais irrépétibles
Compte tenu des termes de la présente décision, l'association Soulaines Tourisme Environnement sera déboutée en sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, sur le même fondement, elle sera condamnée à payer à son salarié la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles que celui-ci a pu exposer à hauteur d'appel, s'ajoutant au montant de celle à laquelle elle a été condamnée en première instance, pour la décision être confirmée de ce chef.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Troyes le 23 septembre 2021 en ce qu'il a :
- condamné l'association Soulaines Tourisme Environnement à payer à [M] [T] :
*53'927,12 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,
*5 392,71 euros à titre de congés payés afférents,
*9 583 euros à titre de repos compensateurs sur heures supplémentaires,
*958 euros à titre de congés payés afférents,
*43'774,32 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
*5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'indemnisation du préjudice moral subi,
*1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté [M] [T] en sa demande en paiement d'une indemnité pour irrégularité de la procédure, pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à une obligation de sécurité, de dommages-intérêts du fait des congés non pris,
-débouté l'association Soulaines Tourisme Environnement en sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et, y ajoutant,
Condamne l'association Soulaines Tourisme Environnement à payer à [M] [T] :
- 9 532 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 953 euros à titre de congés payés afférents,
- 26'213 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables ;
Ordonne le remboursement, par l'association Soulaines Tourisme Environnement à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;
Déboute l'association Soulaines Tourisme Environnement en sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'association Soulaines Tourisme Environnement aux dépens d'appel ;
LE GREFFIER LE PR''SIDENT