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11/01/2023 | FRANCE | N°21/01826

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 11 janvier 2023, 21/01826


Arrêt n°

du 11/01/2023





N° RG 21/01826





CRW/ML









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 11 janvier 2023





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 1er septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00290)



La S.A.S.U. QUANTIUM [Localité 4] BY AUTOSPHERE

venant aux droits de la SAS LE VIGNOBLE

[Adresse 1]

[Loc

alité 4]



Représentée par la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et la SELAFA ACD, avocats au barreau de NANCY





INTIMÉ :



Monsieur [G] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par la SELARL FILOR AVO...

Arrêt n°

du 11/01/2023

N° RG 21/01826

CRW/ML

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 11 janvier 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 1er septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00290)

La S.A.S.U. QUANTIUM [Localité 4] BY AUTOSPHERE

venant aux droits de la SAS LE VIGNOBLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et la SELAFA ACD, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [G] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 octobre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 23 novembre 2022, prorogée au 11 janvier 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

[G] [Y] a été embauché par la SAS Le Vignoble devenue la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère selon contrat à durée indéterminée à compter du 22 mars 2013 en qualité de conseiller des ventes, statut cadre, niveau A de la convention collective des services de l'automobile.

Par avenant à son contrat de travail, à effet du 1er février 2018, il a été promu adjoint au chef des ventes, relevant de la catégorie cadre, niveau II, degré A de la même convention collective.

Ses fonctions s'exerçaient dans le cadre d'un forfait annuel de 218 jours tandis que sa rémunération était composée d'une partie fixe d'un montant de 1850 euros outre des primes calculées sur le montant des ventes.

Le salarié revendique un salaire mensuel de 6507,41 euros tandis que l'employeur fait état d'un salaire moyen de 5835,36 euros.

Le 11 juillet 2019, [G] [Y] a été placé en arrêt maladie pour syndrome anxieux réactionnel.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2019, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire, pour celui-ci se tenir le 12 août 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 août 2019, l'employeur a notifié à [G] [Y] un avertissement, que celui-ci a contesté.

Concomitamment, alors qu'il était hospitalisé depuis le 26 juillet 2019, en raison des pressions qu'il subissait de la part de son employeur durant son arrêt maladie, prétend le salarié, il a informé son directeur des faits de harcèlement moral qu'il subissait de la part de son responsable et de la dégradation de ses conditions de travail.

Le 30 juillet 2019, l'employeur a informé son salarié de la suspension du versement des indemnités journalières, rétroactivement depuis le 24 juillet 2019 au motif que le médecin contrôleur du travail n'avait pu le rencontrer lorsqu'il s'était déplacé à son domicile.

Toutefois, le 13 août 2019, le médecin du travail a conclu à l'impossibilité pour [G] [Y] de reprendre son activité.

Lors de la visite médicale de reprise, intervenue le 19 septembre 2019, le médecin du travail a conclu que [G] [Y] était « inapte au poste. Ne peut reprendre son poste actuel sans aggraver son état de santé, apte dans un autre poste équivalent dans des conditions de travail relationnelles différentes. »

Après avoir proposé à son salarié un reclassement sur un poste d'assistant de vente automobile, dans une autre société du groupe, qu'a refusé le salarié, la société Le Vignoble a convoqué [G] [Y] à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour celui-ci se tenir le 4 novembre 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2019, la société Le Vignoble a notifié à [G] [Y] son licenciement, au motif de son inaptitude médicalement constatée et de l'impossibilité de le reclasser.

Prétendant à la nullité de la convention de forfait jours et au paiement, subséquent, d'un rappel d'heures supplémentaires, à l'annulation de l'avertissement qui lui a été décerné et contestant la légitimité, subsidiairement le bien-fondé du licenciement dont il a fait l'objet, [G] [Y] a saisi, par requête enregistrée au greffe le 26 mai 2020, le conseil de prud'hommes de Reims pour voir condamner la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère, venant aux droits de la SAS Le Vignoble, à lui payer les sommes suivantes, sur la base d'un salaire mensuel brut de 6507,41 euros :

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

- 1812,39 euros bruts à titre d'heures supplémentaires sur 2016,

- 181,20 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 12'954,70 euros bruts à titre d'heures supplémentaires sur 2017,

- 1295,47 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 14'751,05 euros brut à titre d'heures supplémentaires sur 2018,

- 1475,10 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 7828,63 euros bruts à titre d'heures supplémentaires sur 2019,

- 782,86 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 2262 euros à titre de rappel de commissions de base VN de mai 2019,

- 262,20 euros à titre de congés payés afférents,

- 26'029,64 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 26'029,64 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 26'029,64 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 6507,41 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,

- 19'522,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1952,22 euros à titre de congés payés afférents,

- 45'551,87 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 39 044,46 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Reims a :

-annulé l'avertissement du 19 août 2019,

-prononcé la nullité du licenciement de [G] [Y], produisant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

-condamné la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère à payer à [G] [Y] les sommes de :

500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée,

45'551,87 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

19'522,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1952,22 euros à titre de congés payés afférents,

26'029,64 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

26'029,64 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

2260 euros à titre de rappel de commissions de base VN au titre du mois de mai 2019

262,20 euros à titre de congés payés afférents

1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-fait application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail

-débouté les parties en leurs autres demandes.

La SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère a interjeté appel de cette décision le 30 septembre 2021.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 5 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère, contestant que son salarié a pu faire l'objet d'un harcèlement moral, sollicite la confirmation du jugement, quant aux chefs de demande dont a été débouté son salarié, son infirmation du chef des condamnations prononcées à son encontre, prétendant in fine au débouté de [G] [Y] en l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 4 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles [G] [Y], continuant de prétendre au bien-fondé de ses prétentions, sollicite l'infirmation du jugement quant aux chefs de demandes dont il a été débouté, renouvelant ainsi ses prétentions à paiement de ces chefs.

Il y a toutefois lieu de souligner que, comme relevé par la partie appelante, il renonce expressément, dans ses écritures, à sa demande en paiement fondée sur l'irrégularité de la procédure de licenciement.

Enfin, il sollicite la condamnation de son employeur au paiement d'une indemnité de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce,

Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

* Sur la convention de forfait-jours

[G] [Y] soutient, à titre principal, que les dispositions conventionnelles sont insuffisantes et non conformes à la jurisprudence relative à la protection du salarié pour prétendre à la nullité de la convention de forfait. A titre subsidiaire, il soutient que l'employeur a été défaillant dans l'exécution de la convention de forfait, la privant d'effet.

La relation salariale peut être soumise, quant à la durée du travail, à une convention individuelle de forfait en heures ou en jours, en application des dispositions des articles L.3121-53 et suivants du code du travail, pour les salariés relevant de la liste établie par les dispositions de l'article L.3121-58 du même code.

Aux termes des dispositions de l'article L.3121-63 du code du travail, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année, est prévue par un accord collectif d'entreprise ou à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Les accords collectifs permettant le recours aux conventions de forfait en jours doivent comporter des stipulations qui assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journalier et hebdomadaire.

Il est admis que pour être valable, ce dispositif doit prévoir des modalités de contrôle sur la charge de travail et des moyens d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, notamment sous la forme de la tenue d'un entretien annuel portant précisément sur la charge de travail, l'organisation et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

' défaut de telles garanties, l'accord est nul et il en est de même de la convention individuelle de forfait conclue en application d'un tel accord.

En revanche, cette dernière est seulement privée d'effet ou inopposable au salarié lorsque l'employeur a été défaillant dans la mise en oeuvre des mécanismes de contrôle et de suivi prévus par la convention ou l'accord collectif d'entreprise.

En l'espèce, le contrat de travail de [G] [Y] prévoit une convention de forfait-jours.

Le contrat de travail est soumis aux dispositions de la convention collective nationale des services de l'automobile.

Les dispositions relatives à la convention de forfait jours de l'article 4.06 de la convention collective sont reprises à l'article 4 du contrat de travail. Elles prévoient qu'un document de contrôle doit être établi chaque semaine en double exemplaire et signé par le salarié, puis l'employeur faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos.

Le salarié doit en outre bénéficier d'un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité.

Or, dans un arrêt du 9 novembre 2016, la Cour de cassation a jugé que ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Le forfait-jours qui figure dans le contrat de travail de [G] [Y] est donc nul.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

La cour accueillant la demande de nullité de la convention de forfait, il n'y a pas lieu à l'examen de la demande subsidiaire tendant à voir déclarer cette convention privée d'effet.

* Sur les heures supplémentaires

La convention de forfait étant nulle, la durée du travail de [G] [Y] doit être appréciée au regard de la durée légale de 35 heures. Celui-ci peut donc prétendre au paiement des heures supplémentaires qu'il a, le cas échéant, réalisées.

- la prescription

En l'espèce, [G] [Y] sollicite un rappel de paiement d'heures supplémentaires pour la période courant du 14 novembre 2016 au 7 juillet 2019.

La SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère lui oppose la prescription pour les demandes antérieures au 26 mai 2017, compte tenu de la date de saisine du conseil de prud'hommes du 26 mai 2020.

En application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail, le salarié peut former une demande en paiement des heures supplémentaires au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, le contrat de travail ayant été rompu le 6 novembre 2019, [G] [Y] peut solliciter le paiement d'heures supplémentaires à compter du 6 novembre 2016.

Le moyen tiré de la prescription invoqué par l'employeur sera donc rejeté.

- le bien-fondé de la demande

S'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, [G] [Y] produit aux débats un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées, chaque semaine, précisant le nombre d'heures majorées à 125 % et à 150 % pour la période courant du 14 novembre 2016 au 7 juillet 2019. Il y joint des attestations de salariés témoignant de sa présence, sur demande de l'employeur, lors de ses jours de repos, ainsi qu'avant et après les horaires d'ouverture de la concession.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, en utilisant ses propres éléments et en justifiant ainsi des horaires effectivement réalisés par [G] [Y], ce qu'il ne fait pas.

En effet, il conteste les attestations versées en faisant valoir que celles-ci sont vagues et émanent, pour deux d'entres elles, d'anciens salariés avec lesquels la société est en litige mais ne produit aucun élément utile sur les horaires de travail.

Il ne formule pas davantage de contestation sur le tableau de [G] [Y] et ne produit aucun élément permettant de remettre en cause le décompte proposé par le salarié.

En conséquence, [G] [Y] sera accueilli en sa demande en paiement d' heures supplémentaires pour les sommes sollicitées.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

* Sur le travail dissimulé

Il résulte de l'application des dispositions des articles L.8221-3 et suivants du code du travail que l'exécution d'un travail dissimulé, ouvre droit, pour le salarié dont le contrat est rompu, quel qu'en soit le mode, au bénéfice d'une indemnité forfaitaire équivalant à 6 mois de salaire.

Il appartient à [G] [Y] qui sollicite une indemnité au titre du travail dissimulé de rapporter la preuve de l'intention de dissimulation de la part de l'entreprise.

[G] [Y] affirme que son employeur s'est affranchi des règles légales sur le temps de travail en le sollicitant à toute heure, sans respecter son droit au repos et en lui imposant de signer de fausses déclarations d'heures pour prétendre respecter ses obligations.

[G] [Y] ajoute que la caractère intentionnel est manifeste au regard des bulletins de paie qui mentionnent clairement un dépassement de son forfait jours.

Il fait enfin valoir que les fiches de paie ne correspondent pas aux fiches de suivi annuel du forfait jours, notamment en 2018.

Au soutien de ses affirmations, il produit aux débats une attestation d'un salarié qui déclare avoir constaté 'le fait de faire de faux documents pour les jours de présence afin de respecter le contrat de travail (alors qu'il était demandé de venir travailler quand même, même sur un jour de repos)'. Cependant, cette affirmation n'est pas suffisamment précise et ne renseigne pas la qualité de la personne concernée.

En revanche, plusieurs salariés témoignent de la présence de [G] [Y] sur son lieu de travail lors de ses jours de repos, le jeudi, en raison de demandes insistantes de son responsable hiérarchique.

Or les fiches de suivi du forfait jours porte la mention 'RH' les jeudis.

En outre, les bulletins de paie de 2018 mentionnent à plusieurs reprises un nombre de jours inférieur à celui figurant dans le tableau de suivi du forfait jours sans que l'employeur n'apporte la moindre explication à cette différence.

Ces éléments sont de nature à caractériser l'élément intentionnel de dissimulation du travail.

[G] [Y] est donc fondé à solliciter la somme, non contestée, de 39.044,46 euros correspondant à six mois de salaires à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

* Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

[G] [Y] sollicite la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 26.029,64 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice résultant de l'exécution déloyale de son contrat de travail.

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

[G] [Y] soutient que l'employeur a fait preuve d'un comportement particulièrement déloyal dans l'exécution et invoque les mêmes moyens que ceux présentés à l'appui de la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

La réparation d'un préjudice résultant de manquements de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir, d'une part, la réalité de ces manquements, d'autre part, l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Il résulte des précédents développements que la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère n'a pas loyalement exécuté le contrat de travail. Toutefois, [G] [Y] ne justifie ni de l'existence, ni de l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi.

En conséquence, [G] [Y] sera débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef, par substitution de motifs.

* Sur le rappel de prime sur commission de base VN

[G] [Y] soutient ne pas avoir été payé de la commission VN de mai 2019 d'un montant de 2.262 euros.

L'employeur conteste le droit à ce paiement expliquant que les conditions n'étaient pas réunies.

Aux termes du 'pay plan' du 1er février 2019, la commission de base VN nécessite notamment la réalisation de 51% minimum d'activation Audit Connect.

Il ressort du document de suivi mensuel et pourcentage audit connect qu'en mai 2019, le pourcentage d'activation du site s'élevait à 47,13%.

En conséquence, [G] [Y] doit être débouté de sa demande et le jugement infirmé de ce chef.

Il sera également ajouté que les pièces produites par [G] [Y] et retenues par le conseil de prud'hommes ne sont pas de nature à justifier du bien-fondé de sa demande. En effet, il est impossible de déterminer la provenance ni l'auteur de la pièce 22 intitulée 'tableau récapitulatif de variable audi [Localité 4]' et la pièce 23 relative au 'suivi bonus audit connect' qui concerne le mois de juin 2019.

De même, [G] [Y] affirme sans l'établir que 'l'animation du constructeur' est calculée sur le trimestre.

* Sur l'avertissement du 19 août 2019

Il appartient au juge, en application des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction sur la base des éléments produits par l'employeur, qu'il a retenu pour décider de sa sanction. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'avertissement est ainsi libellé :

' nous avons pu, s'agissant de votre seconde activité, constater diverses carences dans l'exercice de vos missions.

En effet, dans le cadre de ces dernières, il vous est notamment demandé de venir en appui et de suivre l'activité des conseilleurs commerciaux ou des vendeurs. Le suivi oral et par mail que vous prétendez réaliser auprès de ces commerciaux n'est pas suffisant et conforme à ce qui est préconisé en interne dans le cadre de ce suivi. Dans ces conditions, il vous est impossible de pouvoir rapporter à votre responsable hiérarchique les documents de suivi de l'activité des vendeurs.

La gestion des informations clients reçues sur internet ainsi que le traitement des réclamations et la gestion des litiges relèvent également de vos fonctions. Néanmoins, nous constatons que le montage des dossiers n'est pas suivi. Vous établissez certes un tableau de suivi, mais pour lequel aucune analyse ou action n'est mise en place. En outre, les réclamations des clients, bel et bien existantes malgré la teneur de vos propos restent à ce jour non traitées.

Par ailleurs, au regard de votre fiche RNQSA, vous avez pour mission de participer à la mise en oeuvre et au suivi du plan d'actions commerciales.

Force est de constater que le mécaplanning n'a pas été tenu, qu'aucune relance des fichiers clients n'a été faite ou préparée et que les actions commerciales ont seulement été relayées par mail et dans le rapport de ventes.

Enfin, vous ne répondez pas à votre mission de gestion et d'animation de votre point de vente. Ce qui peut se démontrer par les résultats obtenus sur Audi connect qui sont malgré nos diverses mises en garde bien en dessous des moyennes France.

Lors de l'entretien du 12 août, nous vous avons exposé l'ensemble de ces manquements, et nous vous avons demandé si vous aviez des précisions à nous apporter. Vous avez reconnu ne pas remplir les missions de suivi qui vous étaient imparties dans le cadre d'un poste d'adjoint au chef des ventes.

La non-réalisation des principales missions attachées à vos fonctions dénote un manque d'implication professionnelle et constitue un manquement à vos obligations professionnelles.

Pour ces faits, nous vous notifions donc un avertissement qui sera versé à votre dossier professionnel. »

Il est constant que [G] [Y] a occupé le poste d'adjoint au chef des ventes à compter du 1er février 2018.

[G] [Y] reproche à son employeur de ne pas l'avoir formé à ce poste tandis que ce dernier fait valoir qu'il s'agit d'une évolution normale du poste de conseiller des ventes précédemment occupé par [G] [Y] et qu'aucune formation n'est requise.

Cependant, cette fonction recouvre, selon la fiche de poste, des tâches nouvelles par rapport au poste précédemment occupé, relatives à la gestion et au suivi de l'activité vente ainsi qu'à l'animation de l'équipe commerciale.

Or, l'employeur est tenu, en application des dispositions de l'article L.6321-1 du code du travail, d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Si, lors de l'entretien annuel d'évaluation de janvier 2019, il a été noté pour les objectifs 2019 ' accompagnement de la direction pour le suivi des commerciaux', la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère ne justifie pas de la mise en oeuvre effective de cet accompagnement.

En outre, le supérieur hiérarchique de [G] [Y] atteste avoir été alerté 'à plusieurs reprises' par celui-ci de ne pas avoir suffisamment de temps pour accomplir ses tâches. Or, il n'est justifié d'aucun élément de réponse.

Par ailleurs, [G] [Y] affirme qu'il a été mis fin à ses fonctions d'adjoint pour repasser à celles initiales de vendeur à la suite d'une réunion organisée en mars 2019. L'employeur conteste cette affirmation et se prévaut de l'absence d'avenant au contrat de travail contractualisant cette rétrogradation, ainsi que des bulletins de paie et de l'avis d'inaptitude du 19 septembre 2019 portant tous la mention d''adjoint au chef de vente'

Cependant, [G] [Y] verse aux débats les attestations de plusieurs salariés confirmant cette rétrogradation à compter de mars 2019.

En tout état de cause, la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère reproche à [G] [Y] la non-réalisation des principales missions attachées à la fonction d'adjoint au chef des ventes ce qui, selon elle, dénote un manque d'implication professionnelle de sa part, sans établir les griefs reprochés.

En effet, si elle énumère les tâches que [G] [Y] n'aurait pas accomplies, elle produit pour justifier des griefs reprochés, uniquement l'attestation du responsable hiérarchique de celui-ci. Or, le seul manquement relevé dans celle-ci est 'le suivi qu'il devait réaliser en entretien hebdomadaire avec l'équipe VN n'était pas fait'. Cette attestation est insuffisante à établir les griefs.

De plus, dans le même temps, ce témoin explique qu'il recevait [G] [Y] chaque semaine pour 'évoquer le suivi hebdomadaire des collaborateurs de l'équipe VN, le suivi des lead à effectuer et à relancer et le management de l'équipe par rapport aux objectifs mensuels' et qualifie ces rendez-vous hebdomadaires de 'constructifs'.

De même, La SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère reproche l'absence de document écrit dans le cadre de l'appui aux commerciaux mais la fiche de poste ne précise pas que le suivi doit être effectué par écrit.

En outre, [G] [Y] verse aux débats des documents de nature à justifier de son activité. Or, si la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère conteste leurs mises en oeuvre effectives, elle n'en apporte pas la preuve contraire.

En définitive, la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère ne fait que procéder par voie d'affirmation sans établir les griefs reprochés.

Face à de tels éléments, insuffisants, tandis que le doute doit profiter au salarié, il y a lieu d'annuler l'avertissement du 19 août 2019.

En revanche, [G] [Y], ne justifiant ni de l'existence, ni de l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de cet avertissement injustifié, doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

* Sur le harcèlement moral

Il résulte de l'application des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'application des dispositions de l'article L.1154-1 du même code, en sa rédaction applicable à l'espèce, qu'il appartient au salarié, qui invoque avoir subi des faits de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants constituant, selon lui, un harcèlement.

Lorsque ces faits sont établis, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, y compris les documents médicaux éventuellement produits, pris en leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, [G] [Y] affirme avoir fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique depuis sa prise de fonction d'adjoint au chef des ventes.

Il invoque les faits suivants :

- prise de nouvelles fonctions sans formation en management malgré ses demandes,

- charge de travail doublée avec le maintien de ses objectifs de conseiller de ventes,

- non-respect des horaires, jours de travail et repos,

- violation du droit à la déconnexion, recevant des mails et sms en dehors de son temps de travail,

- menaces, insultes, marques d'agressivité et rabaissement qui ont eu un impact sur sa santé physique et morale.

- reproches injustifiés dans l'exécution des missions d'adjoint au chef des ventes alors qu'il avait été décidé en mars 2019 qu'il reprenait ses précédentes fonctions de conseiller des ventes,

- privation des indemnités complémentaires aux indemnités journalières de sécurité sociale à la suite d'une contre-visite médicale organisée par l'employeur pendant ses heures de sorties autorisées,

- pression pendant son arrêt de travail avec demande de restitution de son véhicule de fonction,

- non-paiement de la commission de base VN en mai 2019,

- diffusion d'une offre d'emploi pendant son arrêt maladie pour un poste de conseiller commercial,

- annulation, pendant son arrêt maladie, d'un achat de véhicule effectué par ses soins au profit de sa soeur

Au soutien de sa demande, [G] [Y] verse aux débats :

un courrier du 30 juillet 2019 de l'employeur sollicitant la restitution du véhicule de fonction pendant son arrêt maladie 'conformément à son contrat de travail',

s'agissant des indemnités complémentaires: deux avis de contre-visites médicales patronales, le courrier de l'employeur l'informant de la suspension des indemnités journalières complémentaires, son courrier de contestation et la réponse de l'employeur dans laquelle celui-ci explique que si les sorties de [G] [Y] sont libres, le médecin contrôleur a déposé un avis dans sa boîte aux lettres l'informant d'un nouveau contrôle le lendemain entre 12h et 14h et que malgré cette information, [G] [Y] ne s'est pas rendu disponible. Aussi en l'absence de motif légitime justifiant ces absences, la société estime pouvoir suspendre les versements des indemnités,

un courrier daté du 30 juillet 2019 dans lequel il dénonce ses conditions de travail, ainsi que celui de son avocat en date du 6 septembre 2019 et le courrier réponse de l'employeur du 9 septembre 2019 dans lequel il répond point par point aux difficultés soulevées par [G] [Y], s'étonne des faits dénoncés et indique inscrire à l'ordre du jour de la prochaine réunion des représentants du personnel ce problème des conditions de travail,

des échanges de sms avec son responsable hiérarchique dont un adressé par ce dernier un matin à 5h33 et un autre du 12 juillet 2019 l'informant d'une annulation de la vente du véhicule pour sa soeur à la demande du directeur général,

l'offre de poste de conseiller commercial en date du 11 juillet,

des attestations de salariés témoignant de' brimades incessantes de la part de la hiérarchie', 'pression' et 'brimades et intimidation envers une partie de l'équipe commerciale dont M. [Y] faisait partie', '. Un salarié indique que celui-ci était 'sans cesse rabaissé lors des réunions du matin devant l'équipe des ventes par son responsable hiérarchique et indique également le discours de M. [H] (responsable hiérarchique) était clair: mettre à bout les anciens du garage pour qu'ils partent sans que cela lui coûte un sous'. Tous témoignent de pression à l'égard de [G] [Y] et de sa présence sur le lieu de travail, à la demande de la direction, lors de ses jours de repos.

Ces attestations, si elles ne permettent pas de connaître la date des faits relatés, sont néanmoins concordantes en ce qu'elles décrivent un comportement de l'employeur particulièrement inapproprié. Elles permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Il appartient désormais à l'employeur de rapporter la preuve que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Or, si l'employeur rapporte de tels éléments pour certains des griefs formulés par son salarié, tel n'est pas le cas pour les brimades et pressions invoquées. En effet, il conteste les attestations versées par le salarié considérant qu'elles ne sont pas probantes en raison de leur imprécision mais n'apporte pas d'éléments de preuve contraires.

La SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère verse aux débats les attestations de ses actuels employés, indiquant n'avoir aucun problème relationnel avec leur employeur et n'avoir jamais constaté de fait de harcèlement. Ces témoignages ne sont toutefois pas de nature à contredire les propos relatés par les témoignages rapportés par le salarié. Ils ne démontrent pas davantage que les allégations de harcèlement formées par l'intéressé sont fausses.

Il résulte en outre des précédents développements que les manquements reprochés à [G] [Y] et qui ont fondé l'avertissement du 19 août 2019 n'étaient pas établis.

Par ailleurs, [G] [Y] produit aux débats des documents médicaux attestant de son état de santé notamment un arrêt de travail, une prescription médicale d'anxiolytiques et une lettre d'orientation chez un psychiatre datés du 11 juillet 2019. Par courrier du 17 juillet 2019, le médecin du travail a également sollicité l'avis d'un confrère compte tenu des 'difficultés récentes d'origine professionnelle qui ont depuis une conséquence sur sa santé'.

L'ensemble des éléments versés aux débats établissent que [G] [Y] a été victime de la part de son employeur d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral qui ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a accueilli [G] [Y] en sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

En revanche, s'agissant du préjudice résultant de ce harcèlement, l'évaluation du conseil de prud'hommes doit être réformée. Ainsi, compte tenu de la nature et de la durée des agissements, la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère sera condamnée à payer à [G] [Y] la somme de 5.000 euros.

* Sur l'obligation de sécurité

[G] [Y] soutient que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en ce compris son obligation de prévention des risques psychosociaux.

L'employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité en matière de protection de leur santé et de leur sécurité telle que prévue par les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.

En matière de harcèlement moral, il doit prendre toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu'il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.

Lorsqu'est invoqué un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, il lui incombe, pour exonération de sa responsabilité, d'établir qu'il ne pouvait avoir conscience du danger auquel son salarié se trouvait exposé ou qu'il avait pris les mesures nécessaires pour l'en prémunir.

En l'espèce, [G] [Y] reproche à la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère de n'avoir pris aucune mesure préventive pour éviter la situation de harcèlement ni aucune mesure palliative. Il fait valoir qu'après son courrier de dénonciation de ses conditions de travail du 30 juillet 2019, l'employeur n'a pris aucune mesure pour s'assurer de remédier à la situation et faire le point avec les responsables.

L'employeur conteste et prétend qu'il n'y a eu aucune inertie de sa part dès lors qu'il a inscrit cette difficulté à l'ordre du jour du CSE du 27 septembre 2019 et qu'il a associé l'inspecteur du travail à la réunion du CSE.

Cependant, il ressort du compte-rendu de cette réunion que la question de la dégradation de l'ambiance de travail a été inscrite sans aucune précision. En outre, la réponse ayant été 'aucune remontée au niveau du personnel, concernant une dégradation de l'ambiance de travail', aucune investigation complémentaire n'a été menée.

[G] [Y] invoque également l'absence de visite médicale depuis mars 2015. L'employeur se défend en expliquant avoir relancé vainement à plusieurs reprises la médecine du travail, de sorte que cet état de fait ne peut lui être imputé.

[G] [Y] déplore enfin la violation du droit à la déconnexion. Sur ce point, l'employeur se prévaut de la confirmation par [G] [Y] du respect de ce droit dans ses entretiens annuels.

En définitive, l'employeur rejette sa responsabilité mais il n'établit pas avoir pris toutes les mesures nécessaires efficaces pour remplir son obligation de sécurité en matière de protection de la santé de son salarié.

En outre, il est constant que des agissements de harcèlement moral dans l'entreprise, notamment quand ils sont imputables à l'employeur, impliquent que celui-ci a failli à son obligation de prévention, ou, à tout le moins que la prévention n'a pas produit ses effets.

Toutefois, en l'absence de préjudice nécessaire, il appartient au salarié qui sollicite une indemnisation complémentaire, en tout cas des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement moral et au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de justifier de préjudices distincts, et ce, hors réparation de la perte injustifiée ou abusive d'emploi qui relève de l'indemnisation du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, [G] [Y] explique qu'il s'est senti ignoré par son employeur qui n'a pas réagi de manière effective à son alerte exprimée par courrier du 30 juillet 2019. Il regrette également de ne pas avoir pu exprimer la souffrance ressentie au travail auprès du médecin du travail.

[G] [Y] justifie ainsi d'un préjudice distinct né du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de sorte que la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère sera condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé sur le montant alloué à cette demande.

Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

Il est observé, à titre liminaire, que [G] [Y] ne maintient pas sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre d'une procédure irrégulière de licenciement. En conséquence, il ne sera pas statué sur cette demande.

* Sur la nullité du licenciement

' titre principal, [G] [Y] soutient que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est nul en raison du harcèlement moral qu'il a subi.

Le harcèlement moral étant caractérisé, il incombe à [G] [Y] d'établir que le licenciement dont il a fait l'objet, sur le fondement de son inaptitude, résulte, au moins pour partie de celui-ci.

En l'espèce, les documents médicaux font état d'un syndrome anxieux réactionnel en date du 11 juillet 2019 . Ce même jour, [G] [Y] a été adressé à un psychiatre qu'il a consulté le 17 juillet 2019.

Le 17 juillet 2019 également, le médecin du travail a sollicité l'avis d'un médecin spécialisé dans la souffrance au travail afin de formuler des propositions de reclassement ou d'aménagement de poste et a indiqué 'sur le plan professionnel, il occupe le poste de vendeur en automobile. Il vient me dire les difficultés récentes d'origine professionnelle qui ont depuis une conséquence sur sa santé, sa motivation, son sommeil'.

L'avis d'inaptitude du 19 septembre 2019 est ainsi libellé: 'ne peut reprendre son poste actuel sans aggraver son état de santé. Apte dans un autre poste équivalent dans des conditions de travail et relationnelles différentes.'

Ces éléments établissent un lien de causalité entre les faits de harcèlement moral dénoncés et l'inaptitude de [G] [Y].

Il est donc établi que l'inaptitude du salarié a trouvé sa cause directe et certaine dans les actes de harcèlement moral perpétrés par l'employeur.

Le lien entre le harcèlement moral et la déclaration d'inaptitude du salarié étant établi, la nullité du licenciement s'impose en application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail.

La demande principale en nullité étant accueillie, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

* Sur les conséquences financières

Le jugement déféré sera confirmé des chefs de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, au paiement desquels il a condamné l'employeur, non contestés dans leur quantum.

[G] [Y] peut en outre prétendre à des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.

Les parties s'opposent sur le montant du salaire de référence à retenir. [G] [Y] a retenu le montant le plus favorable entre la moyenne des trois derniers mois de salaire et celle des douze dernier mois, tandis que l'employeur se prévalant des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, retient le salaire brut moyen perçu au cours des six mois précédant la période de maladie soit de janvier 2019 à juin 2019.

En l'espèce, il convient d'appliquer les dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail qui énonce 'l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.'

Le montant du salaire de référence pour calculer le montant des dommages-intérêts pour licenciement nul doit prendre en compte les heures supplémentaires effectuées par le salarié.

Ainsi, compte tenu de l'âge de [G] [Y], de son salaire des six mois précédant son arrêt maladie incluant les heures supplémentaires, de son ancienneté et de sa situation au regard de l'emploi postérieurement au licenciement, la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère sera condamnée à payer à celui-ci la somme de 43.000 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement nul.

La décision mérite d'être confirmée en ce qu'elle a fait, à bon droit, application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu des termes de la présente décision, confirmant en son principe le jugement déféré, la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère sera déboutée en sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, sur le même fondement, elle sera condamnée à payer à [G] [Y] une indemnité de 1.000 euros, s'ajoutant à celle ordonnée par les premiers juges, dont la décision sera confirmée.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims le 1er septembre 2021 en ce qu'il a:

- annulé l'avertissement du 19 août 2019,

- prononcé la nullité du licenciement de [G] [Y] sauf à faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère à payer à [G] [Y] les sommes de:

19.522,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1.952,22 euros à titre de congés payés afférents,

1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

- condamné la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère aux dépens de l'instance ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare nulle la convention de forfait jours ;

Condamne la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère à payer à [G] [Y] les sommes suivantes:

- 1.812,39 euros bruts à titre d'heures supplémentaires sur 2016,

- 181,20 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 12.954,70 euros bruts à titre d'heures supplémentaires sur 2017,

- 1.295,47 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 14.751,05 euros brut à titre d'heures supplémentaires sur 2018,

- 1.475,10 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 7.828,63 euros bruts à titre d'heures supplémentaires sur 2019,

- 782,86 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 39 044,46 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 43.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables ;

Condamne la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère à payer à [G] [Y] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a pu exposer à hauteur d'appel ;

Déboute la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Quantium [Localité 4] by Autosphère aux dépens d'appel

LE GREFFIER LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01826
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;21.01826 ?
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