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10/01/2023 | FRANCE | N°19/01392

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 10 janvier 2023, 19/01392


ARRET N°

du 10 janvier 2023



R.G : N° RG 19/01392 - N° Portalis DBVQ-V-B7D-EWKC





S.A.R.L. CHANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE PUB L'ESCALE





c/



[X]

[E]











AL







Formule exécutoire le :

à :



la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE



la SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 10 JANVIER 2023



APPELANTE :

d'

un jugement rendu le 19 juin 2019 par le tribunal d'instance de Reims



SARL CHANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE PUB L'ESCALE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS



IN...

ARRET N°

du 10 janvier 2023

R.G : N° RG 19/01392 - N° Portalis DBVQ-V-B7D-EWKC

S.A.R.L. CHANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE PUB L'ESCALE

c/

[X]

[E]

AL

Formule exécutoire le :

à :

la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

la SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 10 JANVIER 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 juin 2019 par le tribunal d'instance de Reims

SARL CHANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE PUB L'ESCALE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Madame [G] [X] épouse [E]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Cécile REGNIER de la SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Cécile REGNIER de la SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 13 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023 et signé par M. Benoît PETY, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [B] [E] et Mme [G] [X], son épouse, sont propriétaires d'un appartement situé [Adresse 5] à [Localité 3], dont les fenêtres et terrasse donnent sur une cour intérieure, exploitée notamment par la SARL Chance, qui exerce son activité au [Adresse 2] sous l'enseigne Pub L'Escale.

Se plaignant de nuisances sonores, le 27 septembre 2018, les époux [E] ont fait assigner la SARL Chance devant le tribunal d'instance de Reims en cessation du trouble du voisinage et en indemnisation. Ils voulaient voir enjoindre à la SARL Chance de procéder aux travaux nécessaires à l'insonorisation de la terrasse, sous astreinte, et au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts et sollicitaient subsidiairement une expertise afin de déterminer les travaux nécessaires.

La SARL Chance a répondu que l'action de M. et Mme [E] était prescrite, les nuisances sonores étant connues des demandeurs depuis le 2 mars 2012, et subsidiairement, qu'elle avait investi près de 13 000 euros dans l'acoustique de la cour pour limiter les nuisances, étant précisé que le pub est situé dans un secteur particulièrement animé et bruyant.

Le jugement du 19 juin 2019, assorti de l'exécution provisoire, a :

- déclaré M. et Mme [E] recevables en leurs demandes,

- ordonné à la SARL Chance, exerçant sous l'enseigne Pub L'Escale, de procéder aux travaux nécessaires à l'insonorisation de la terrasse qu'elle exploite dans la cour à l'arrière de son établissement sis [Adresse 2],

- dit que ces travaux devront être exécutés dans le délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, sous peine d'astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois,

- dit que M. et Mme [E] pourront saisir le juge de l'exécution en cas de non-réalisation des travaux ordonnés après les délais prévus, aux fins de liquidation de l'astreinte,

- condamné la SARL Chance à payer à M. et Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la SARL Chance aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 20 juin 2019, la SARL Chance exerçant sous l'enseigne Pub L'Escale a fait appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 20 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté la demande en radiation de l'affaire du rôle de la cour,

- désigné en qualité d'expert M. [V] [P], afin qu'il indique les travaux nécessaires pour remédier aux désordres et fixé à 4 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision consignée pour moitié par chaque partie,

- rejeté la demande de M. et Mme [E] au titre des frais irrépétibles,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens d'appel.

Par ordonnance du 6 septembre 2021, M. [M] [O] a été désigné en remplacement de M. [P]. M. [O] a déposé son rapport le 17 janvier 2022.

Par conclusions du 13 septembre 2022, la SARL Chance demande à la cour d'infirmer le jugement afin de :

- constater qu'elle a réalisé les aménagements préconisés par l'expert judiciaire pour limiter au maximum les nuisances sonores générées par son activité, dans le respect de la réglementation en vigueur,

- réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts alloués aux époux [E] en réparation de leur préjudice,

- rejeter la demande des intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La SARL Chance déclare avoir fait effectuer les travaux préconisés par l'expert, et ce pour un coût largement supérieur au chiffrage de l'expert. Elle soutient que le trouble anormal de voisinage invoqué a été très exagéré, s'agissant d'un centre-ville, et que l'indemnisation accordée aux époux [E] doit être diminuée.

Selon écritures du 15 novembre 2022, M. et Mme [E] concluent au débouté de l'appel et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Ils demandent d'y ajouter la condamnation de la SARL Chance à leur payer une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi depuis 2019 jusqu'à ce jour, de débouter la SARL Chance de toutes demandes, de la condamner à leur payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, comprenant les frais de constat d'huissier et les frais liés à l'expertise judiciaire.

Les époux [E] font valoir que la SARL Chance a utilisé la terrasse jusqu'en septembre 2022 sans procéder aux travaux nécessaires à son utilisation sans nuisance, et que, malgré les travaux opérés suite à l'expertise judiciaire, les nuisances sonores persistent encore aujourd'hui. Ils soulignent que les travaux effectués ont créé une nouvelle nuisance, puisque les lumières installées au niveau de la nouvelle structure sont extrêmement vives et se répercutent sur l'ensemble des murs voisins.

Par conclusions d'incident du 15 novembre 2022, M. et Mme [E] demandent au conseiller de la mise en état d'ordonner un complément d'expertise afin de faire contrôler par M. [O] la conformité des travaux par rapport à ses préconisations et de vérifier leur efficacité. Ils veulent faire partager par moitié entre les parties la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, faire rejeter toutes demandes de la SARL Chance et réserver les dépens. Ils affirment en effet que les nuisances sonores persistent, que les climatiseurs n'ont pas été isolés comme prescrit par l'expert et que les travaux opérés ont créé une véritable caisse de résonnance, d'autant que la surface de la terrasse est maintenant plus importante.

Selon écritures en réponse à l'incident du 7 décembre 2022, la SARL Chance s'associe à la demande de complément d'expertise des époux [E].

Le conseiller de la mise en état a décidé de joindre l'incident au fond et de fixer la clôture de l'instruction de la procédure au 13 décembre 2022.

Motifs de la décision :

Sur la demande de complément d'expertise :

En page 6 de son rapport, l'expert explique que la terrasse du pub est encaissée entre les deux bâtiments formant le pub, d'autres bâtiments et l'immeuble dans lequel résident M. et Mme [E], configuration qui permet aux bruits de résonner en se répercutant entre les façades, étant observé que la limite nord de la terrasse du pub est distante de l'appartement des époux [E] d'environ trente mètres.

L'expert [O] a mesuré les bruits et estimé que les nuisances étaient caractérisées par le dépassement des valeurs réglementaires en dBA (A représentant un facteur appliqué pour refléter la manière dont l'oreille humaine entend et interprète le son) et par bande d'octave, outre le fait qu'en dehors du brouhaha pouvant provenir de la terrasse, les cris et rires constituent des bruits impulsionnels qui peuvent aggraver la gêne perçue et s'ajoutent au bruit des deux unités de climatisation/chauffage.

L'expert, relevant que la terrasse du pub est le seul endroit pouvant accueillir dans de bonnes conditions les clients fumeurs et qu'elle doit conserver un minimum d'éclairage naturel, a 'préconisé de positionner au-dessus de la terrasse deux structures décalées à deux niveaux différents, l'une recouvrant l'autre de manière suffisante (au moins un mètre) pour ne pas laisser passer le bruit tout en permettant une aération efficace.

Ces structures pourraient être faites de panneaux en polycarbonate alvéolaire recouverts sur leur face inférieure de matériaux isolants, en procédant à quelques découpes dans le matériau isolant afin de conserver un éclairage naturel (...) Les panneaux absorbants actuellement posés pourraient être réutilisés en les positionnant sur les murs, ce qui diminuerait la réverbération des bruits sur la terrasse. Enfin, la construction en bout de la terrasse du [Adresse 1] devrait être revêtue à l'intérieur d'isolant phonique.

Pour ce qui concerne les deux unités de climatisation Hitachi, il conviendrait de mettre un écran avec de l'isolant phonique entre les unités extérieures et le bâtiment du [Adresse 5]. Chaque écran peut être constitué de trois panneaux (un panneau central et deux panneaux latéraux à angle droit) à une distance suffisante des unités pour permettre leur fonctionnement normal (au moins 30 cm) et d'une hauteur suffisante pour être efficace (au moins 60 cm plus haut que l'appareil).

Tous les éléments revêtus d'isolant phonique devront être fixés avec des dispositifs évitant la transmission des vibrations de la structure sur laquelle ils seront fixés et devront couvrir cette structure.'

L'expert rappelle que les travaux destinés à supprimer les nuisances sonores n'ont pas pour but de supprimer complètement la perception des bruits provenant du pub, mais de faire en sorte qu'ils n'incommodent plus le voisinage. Il ajoute que d'autres solutions que les travaux préconisés pourraient être mises en place, mais qu'il conviendra d'en vérifier et garantir l'efficacité.

M. et Mme [E] reconnaissent que la SARL Chance a mis en oeuvre des travaux, mais affirment que ceux-ci ont créé une véritable caisse de résonnance, de sorte que les bruits sont tout aussi perceptibles depuis leur appartement, d'autant que, selon eux, la surface de la terrasse du pub est désormais plus importante et les clients plus nombreux. Par ailleurs s'y ajoute la gêne visuelle créée par des guirlandes lumineuses allumées toute la nuit. Enfin, l'isolation préconisée par l'expert pour les unités de climatisation n'a pas été respectée.

M. et Mme [E] rappellent que l'expert a proposé, en page 15 de son rapport, de vérifier l'efficacité des travaux en procédant à de nouvelles mesures de bruit, pour un coût d'environ 1 000 euros ; ils sollicitent l'organisation d'une mesure de contrôle des travaux effectués. La SARL Chance considère, quant à elle, que les propositions de l'expert ont été respectées et que l'acharnement des époux [E] est injustifié ; elle s'associe à leur demande de complément d'expertise.

Il convient dès lors de procéder au complément d'expertise réclamé par les deux parties. L'expert aura à vérifier la conformité des travaux à ses préconisations et, le cas échéant, leur efficacité en termes de limitation des nuisances sonores. La provision à valoir sur la rémunération de l'expert sera partagée par moitié entre les parties.

Par ces motifs,

Statuant avant dire droit,

Ordonne un complément d'expertise confié à M. [M] [O], demeurant [Adresse 4] à [Localité 6],

Donne mission à l'expert de contrôler la conformité des travaux réalisés par la SARL Chance avec les préconisations du rapport de M. [O] du 17 janvier 2022,

Dit que l'expert devra, le cas échéant, vérifier l'efficacité des travaux quant à la limitation des nuisances sonores,

Fixe à 1 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée pour moitié par M. et Mme [E] et pour moitié par la SARL Chance au greffe de la cour d'appel, dans le mois du prononcé du présent arrêt,

Rappelle qu'en application de l'article 271 du code de procédure civile, faute pour la partie qui en a la charge de verser la provision dans les formes et délais impartis, la désignation de l'expert deviendra caduque et l'instance sera poursuivie,

Désigne Mme Lefèvre, conseillère, pour assurer le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée,

Dit que l'expert devra accomplir sa mission dans un délai de trois mois à compter du jour où il sera informé du versement de la provision à valoir sur sa rémunération,

Réserve les dépens et la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience collégiale du mardi 13 juin 2023 à 14 h.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 19/01392
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;19.01392 ?
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