Arrêt n°
du 14/12/2022
N° RG 21/01808
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 14 décembre 2022
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 1er septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00179 et F 20/00547)
L'UNION REGIONALE INTERPROFESSIONNELLE CFDT GRAND EST
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par la SELARL LE CAB AVOCATS, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 novembre 2022, prorogée au 14 décembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Monsieur [Y] [C] a été élu secrétaire général de l'UD CFDT de la Marne à compter du 1er juillet 2005.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er février 2006, l'Union Régionale Interprofessionnelle CFDT Champagne Ardenne a embauché Monsieur [Y] [C] en qualité de permanent syndical.
Suivant avenant en date du 8 septembre 2006, en raison de son élection comme secrétaire général à l'Union Départementale CFDT de la Marne, Monsieur [Y] [C] a bénéficié d'une reprise d'ancienneté au 1er juillet 2005.
A la fin de l'année 2017, les Unions Régionales Interprofessionnelles Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne ont fusionné pour constituer l'URI CFDT Grand Est, constituée de quatre instances électives : le congrès, le conseil syndical régional, le bureau régional et la commission exécutive régionale.
Le 7 décembre 2017, Monsieur [Y] [C] a été élu membre du bureau régional et secrétaire régional à la commission exécutive.
Il s'est vu confier à compter du mois de janvier 2018 la mission de coordonner les ressources humaines et a reçu le 2 janvier 2018 une délégation de pouvoirs dans le domaine des ressources humaines.
Au 1er juillet 2018, le contrat de travail de Monsieur [Y] [C] en qualité de permanent syndical a été transféré à l'URI CFDT Grand Est.
Monsieur [Y] [C] a connu des arrêts-maladie au cours des mois de novembre et décembre 2018, puis a été en arrêt de travail continu à compter du 30 janvier 2019.
Le 8 janvier 2019, le secrétaire général de la commission exécutive a retiré à Monsieur [Y] [C] son mandat et sa délégation en matière de ressources humaines.
Par courrier du 30 janvier 2019 adressé à ses collègues du bureau régional, Monsieur [Y] [C] a dénoncé qu'il vivait du harcèlement.
Une commission mixte d'enquête était mise en place.
Lors de la séance des 27 et 28 mars 2019, le bureau régional de l'URI Grand Est a retiré à Monsieur [Y] [C] son mandat de secrétaire régional, lequel restait alors membre du bureau régional, secrétaire général de l'UD Marne et salarié de l'URI CFDT Grand Est.
Chacune des commissions rendait son avis le 2 mai 2019. Monsieur [V] [X], représentant l'employeur, concluait à l'absence d'une situation de harcèlement moral. Les représentantes des salariés ne se positionnaient pas sur le bien-fondé ou non d'un harcèlement.
Le 7 juin 2019, Monsieur [Y] [C] saisissait notamment le conseil de prud'hommes de Reims d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 15 juillet 2019, le médecin du travail rendait un avis d'inaptitude de Monsieur [Y] [C] à tous les postes.
Monsieur [Y] [C] était alors licencié le 27 août 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 8 juin 2020, l'affaire était radiée devant le conseil de prud'hommes et réenrôlée à la demande de Monsieur [Y] [C].
Par jugement en date du 1er septembre 2021, le conseil de prud'hommes :
- a ordonné la jonction des affaires,
- s'est dit compétent pour connaître du litige opposant Monsieur [Y] [C] à l'URI CFDT Grand Est,
- a dit et jugé qu'il y a eu des faits de harcèlement moral envers Monsieur [Y] [C],
- a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [Y] [C] aux torts et griefs de l'URI CFDT Grand Est,
- a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [Y] [C] est nul,
- a dit et jugé que Monsieur [Y] [C] n'a pas le statut de salarié protégé,
en conséquence,
- a condamné l'URI CFDT Grand Est à payer à Monsieur [Y] [C] les sommes de :
. 10943,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1094,30 euros au titre des congés payés y afférents,
. 303,95 euros au titre du reliquat sur indemnité de licenciement,
. 5998,12 euros au titre du complément indemnité de licenciement,
. 50000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul pour harcèlement moral,
- a débouté Monsieur [Y] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- a débouté Monsieur [Y] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement illicite,
- a condamné l'URI CFDT Grand Est à payer à Monsieur [Y] [C] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a ordonné à l'URI CFDT Grand Est la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, du solde de tout compte, de l'attestation Pôle Emploi à Monsieur [Y] [C] sous astreinte,
- a condamné l'URI CFDT Grand Est à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [Y] [C] du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
- a constaté que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article R.1454-28 du code du travail pour les condamnations visées à l'article R.1454'14 du code du travail,
- a ordonné l'exécution provisoire s'agissant des dommages-intérêts,
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- a condamné l'URI Grand Est aux dépens.
Le 27 septembre 2021, l'URI CFDT Grand Est a formé une déclaration d'appel.
Dans ses écritures en date du 26 août 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit et jugé que Monsieur [Y] [C] n'a pas le statut de salarié protégé, débouté Monsieur [Y] [C] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement illicite et de ses plus amples demandes. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- constater in limine litis que les faits invoqués par Monsieur [Y] [C] concernent son mandat d'élu et ne relèvent pas du droit du travail,
- se déclarer incompétente pour connaître des demandes de Monsieur [Y] [C],
à titre subsidiaire,
- constater que les demandes de Monsieur [Y] [C] ne sont pas fondées,
- débouter Monsieur [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur [Y] [C] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses écritures en date du 29 août 2022, Monsieur [Y] [C] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit et jugé qu'il n'a pas le statut de salarié protégé, et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour licenciement illicite, de ses plus amples demandes, et de sa demande de voir reconnaître les interférences numéro 1,5, 6,7, 8 et 9. Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- constater qu'il a le statut de salarié protégé,
- se déclarer compétente pour examiner ses demandes,
- dire et juger que les faits reprochés à l'employeur sont constitutifs de harcèlement, de nature à considérer que cela doit avoir les effets d'un licenciement nul,
- dire et juger que la résiliation judiciaire doit avoir les effets d'un licenciement illicite pour défaut d'autorisation administrative,
- dire et juger que le licenciement pour inaptitude prononcé à son encontre est abusif,
en conséquence,
- condamner l'URI CFDT Grand Est à lui payer les sommes de :
. 50000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul pour harcèlement,
. 109430,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite,
. 45292,02 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 303,99 euros au titre du reliquat de l'indemnité légale de licenciement,
. 10943,04 euros au titre de l'indemnité de préavis,
. 1094,30 euros au titre des congés payés y afférents,
. 21886,08 euros au titre de l'indemnité de départ,
. 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande en outre qu'il soit enjoint à l'URI Grand Est de lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte, qu'elle soit condamnée aux dépens et déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Initialement fixé au 16 novembre 2022, le délibéré a été prorogé au 14 décembre 2022 en raison d'un problème de greffe.
Motifs :
- Sur la compétence :
L'URI CFDT Grand Est demande à la cour de se déclarer incompétente au motif que les faits invoqués par Monsieur [Y] [C] concernent son mandat d'élu et ne relèvent pas du droit du travail tandis que Monsieur [Y] [C] demande à la cour de confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent.
C'est à raison que les premiers juges se sont déclarés compétents pour connaître du litige qui oppose Monsieur [Y] [C] à l'URI CFDT Grand Est, dès lors qu'un contrat de travail les lie. C'est dans le cadre des faits invoqués par le salarié à l'appui du harcèlement moral, qu'il appartiendra à la cour de dire s'ils se situent ou non dans le champ de son activité salariée.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
- Sur le harcèlement moral :
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-2 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Monsieur [Y] [C] soutient qu'il a été harcelé dans le cadre de son activité salariée et invoque de nombreux faits à ce titre, parmi lesquels ce qu'il nomme des interférences, tandis que l'URI CFDT Grand Est soutient que tous les faits invoqués par le salarié au soutien du harcèlement moral le sont dans l'exercice de son mandat d'élu et qu'en toute hypothèse, ils ne présentent aucun caractère harcelant.
Si Monsieur [Y] [C] était d'une part salarié de l'URI CFDT Grand Est en qualité de permanent syndical et d'autre part avait un mandat de secrétaire régional, membre de la commission exécutive en charge des ressources humaines au sein de l'URI CFDT Grand Est et qu'il avait reçu une délégation de pouvoirs à ce titre, l'exercice de son activité salariée et celui de son mandat étaient imbriqués.
Ainsi, le 21 août 2018, Monsieur [Y] [C] adressait-il à Monsieur [S] [F], secrétaire de l'URI CFDT Grand Est, un mail ayant pour objet : 'répartition du temps de travail', ainsi rédigé :
'Voici la répartition de mon temps pour les mois à venir. J'ai scindé les instances URI, l'UD et mon mandat URI. Je n'ai pas compté de temps pour des actions comme les présences aux foires, salons.
. Instance URI : 13% (215JT/24jours)
(....)
. UD : 33,50% (215JT/72jours)
(....)
. Mandat URI (RRH) : 66% (215JT/141jours)
(...).
Un tel mail n'a pas appelé de contestation de la part de l'URI CFDT Grand Est. Il est vain pour elle, de prétendre tout au plus dans le cadre de ses écritures, qu'il s'agit de deux statuts bien distincts, sans indiquer dans ces conditions, les tâches concrètes du contrat de travail de Monsieur [Y] [C] dans le cadre de son activité à temps complet.
Monsieur [Y] [C] reproche en premier lieu à son employeur de ne pas l'avoir soutenu, quand il en lui a fait la demande, à l'occasion d'insultes qu'il avait reçues de la part du trésorier.
Le 30 octobre 2018, le trésorier adresse à Monsieur [Y] [C] ainsi qu'à deux autres personnes, un mail en réponse à celui que Monsieur [Y] [C] lui avait adressé dans lequel il lui reproche de façon virulente de ne pas faire son travail et le termine en indiquant 'je ne continue pas à travailler avec un clampin comme toi'.
Moins de 20 minutes après sa réception, Monsieur [Y] [C] adressait à Monsieur [S] [F] un mail dans lequel il lui disait que sans soutien réel fort de sa part pour combattre cet état de fait de violence, il allait craquer. Il lui indiquait encore qu'il avait besoin de savoir quelle serait son initiative sur ces nouveaux faits graves à son encontre.
Aucune suite n'a été apportée à cette demande. Le 2 novembre 2018, Monsieur [Y] [C] était placé en arrêt-maladie.
Monsieur [Y] [C] soutient ensuite que l'URI CFDT Grand Est lui a demandé de démissionner de ses fonctions d'élu, ce que l'URI CFDT Grand Est reconnaît en page 10 de ses écritures, et ce à la date du 15 novembre 2018. Monsieur [Y] [C] n'a pas donné suite à cette demande.
C'est dans ces conditions que Monsieur [S] [F], secrétaire général, lui a retiré la mission RRH qu'il lui avait confiée et sa délégation de pouvoirs le 8 janvier 2019, de sorte qu'au regard de l'imbrication de son poste de salarié et de son mandat, la perte de celui-ci le privait, comme il l'écrit, d'une grande part de son travail.
Enfin, Monsieur [Y] [C] a connu plusieurs arrêts de travail au cours des mois de novembre et décembre 2018 et a été en arrêt de travail continu à compter du 30 janvier 2019.
De tels éléments pris dans leur ensemble laissent présumer des agissements de harcèlement moral -il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner les autres faits invoqués par Monsieur [Y] [C]- de sorte qu'il appartient à l'URI CFDT Grand Est d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'URI CFDT Grand Est réplique à tort que le conflit opposant Monsieur [Y] [C] au trésorier est exclusivement un conflit entre deux élus alors que celui-ci s'inscrit aussi -au vu de ce qui a été précédemment retenu- dans le champ de son activité salariée dans le cadre de ses échanges au titre de sa mission RRH. C'est bien d'ailleurs ce que Monsieur [S] [F] écrivait dans un courrier du 2 décembre 2018 rédigé en ces termes : 'certains propos des échanges entre le Trésorier et le R.H ne sont pas acceptables entre deux salariés, et encore moins entre deux responsables de l'URI'.
L'URI CFDT Grand Est ne conteste pas ne pas avoir donné de suite à la demande de soutien de Monsieur [Y] [C], Monsieur [S] [F] soulignant que la réponse du trésorier s'inscrivait dans la suite logique des calomnies de Monsieur [Y] [C] aux termes desquelles il l'aurait accusé dans son mail de 'profiter de sa mission de trésorier pour s'en mettre plein les poches'. Or, une telle expression n'est pas employée dans le mail et de surcroît, Monsieur [S] [F] a en son temps eu une explication avec le trésorier pour qu'il ne soit pas mis devant le fait accompli d'une augmentation (en l'occurence celle des salariés d'Alsace).
L'URI CFDT Grand Est n'a donc pas donné de réponse à Monsieur [Y] [C], et ce alors même que dans un mail du 5 décembre 2018, son secrétaire général écrivait que 'chacun d'entre nous mesure à quel point le relationnel est dégradé entre plusieurs membres de la CE'.
Si l'URI CFDT Grand Est réplique à raison que la mission RRH, s'agissant d'un mandat confié par le secrétaire, pouvait être retiré à Monsieur [Y] [C], elle devait toutefois en tant qu'employeur, s'assurer de l'absence de conséquence du retrait de son mandat sur le contenu de son activité salariée.
Or, elle n'a pris aucune mesure en ce sens et ce n'est que le 27 février 2019, alors que Monsieur [Y] [C] est en arrêt-maladie depuis le 30 janvier 2019, que l'URI CFDT Grand Est propose à ce dernier une nouvelle mission d'assistance au secrétaire général dans le secteur international.
Il ressort donc de ces éléments que Monsieur [Y] [C] a été invité à démissionner de son mandat -ce qui le privait de fait d'une partie de son activité salariée- et face à son refus, s'est vu retirer son mandat de secrétaire régional, sans contrepartie au titre de son activité salariée.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que Monsieur [Y] [C] a été victime de harcèlement moral.
- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Monsieur [Y] [C] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'URI CFDT Grand Est.
L'URI CFDT Grand Est s'oppose vainement à une telle demande dès lors que les faits de harcèlement moral sont établis et qu'en conséquence, le manquement reproché à l'URI CFDT Grand Est à ses obligations est d'une gravité suffisante pour avoir empêché la poursuite de la relation contractuelle.
C'est encore à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'en application de l'article L.1152-3 du code du travail, la résiliation judiciaire du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul.
Le jugement doit être confirmé de ce chef.
- Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de L'URI CFDT Grand Est :
Dès lors que le licenciement produit les effets d'un licenciement nul, Monsieur [Y] [C] peut prétendre à des dommages-intérêts qui ne peuvent être inférieurs, en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, aux salaires des six derniers mois.
Monsieur [Y] [C] réclame la somme de 50000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ce qui correspond, non pas à 23 mois de salaire comme le soutient l'URI CFDT Grand Est, mais à 13,7 mois sur la base d'un salaire brut de 3647,68 euros.
Monsieur [Y] [C] était âgé de 55 ans à la date à laquelle la résiliation judiciaire du contrat de travail a produit son effet, c'est-à-dire à la date du licenciement.
Postérieurement à cette date, il a perçu l'ARE puis a travaillé en contrat à durée déterminée pour le compte de la société ATS, qui l'a embauché à durée indéterminée à compter du 30 avril 2021, dans le cadre d'un forfait-jours de 173 jours, pour une rémunération brute de 52996,95 euros par an, soit une rémunération supérieure à celle qui était la sienne précédemment. Il ne dispose plus toutefois d'une voiture de fonction alors qu'il travaille à [Localité 6] et habite à [Localité 5]. Il ne justifie pas du montant prétendument imputé sur l'ARE provenant du revenu des cours qu'il a continué à dispenser en qualité de vacataire, au titre desquels Pôle Emploi le considérait, selon ses explications, en reprise d'activité.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la somme de 35000 euros apparaît de nature à réparer le préjudice subi.
Dès lors que des dommages-intérêts pour licenciement nul sont accordés à Monsieur [Y] [C], celui-ci ne peut pas prétendre en sus à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de sa demande à ce titre.
Monsieur [Y] [C] est bien-fondé en sa demande d'indemnité de préavis, correspondant à 3 mois de salaire, soit la somme de 10943,04 euros, outre les congés payés, et ce en application de l'article 29 de l'accord d'entreprise du 29 juillet 2012.
Le jugement doit donc être infirmé du chef des dommages-intérêts pour licenciement nul et confirmé pour le surplus.
- Sur l'indemnité de départ et sur l'indemnité de licenciement :
De façon contradictoire dans le dispositif de ses écritures, Monsieur [Y] [C] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'URI CFDT Grand Est à lui payer la somme de 303,95 euros au titre du reliquat sur indemnité de licenciement, 5998,12 euros au titre du complément à indemnité de licenciement et demande en outre la condamnation de l'URI CFDT Grand Est à lui payer la somme de 21886,08 euros au titre de l'indemnité de départ, et ce alors précisément qu'il demande tout au plus dans ses motifs la confirmation du jugement au titre des deux premières sommes.
Aux termes de l'article 22 intitulé 'indemnité de départ de tous les salariés' du chapître VI-Départ de l'accord d'entreprise du 27 juillet 2012, il est prévu que :
'Cette indemnité de départ de tous les salariés de l'URI se calcule sur la base du dernier salaire mensuel net à :
-1/2 mois de salaire après la fin de la période d'essai et jusqu'à un an de présence,
-1 mois de salaire de 1 à 3 ans de présence,
-1/2 mois supplémentaire par année de présence à partir de la 4ème année avec maximum de 6 mois'.
Aux termes de l'article 30 intitulé 'indemnité de licenciement' du chapître VIII- Démission-Licenciement, il est prévu que :
'L'indemnité de licenciement est due au salarié dans les mêmes conditions que l'indemnité de départ (Art 22), sauf en cas de faute grave.
Cette ancienneté est prise en compte à la date du 1er contrat de travail, dans une structure CFDT en excluant les périodes non travaillées à la CFDT'.
Sous couvert d'une demande au titre d'un cumul du solde de l'indemnité légale de licenciement et du différentiel entre l'indemnité de licenciement prévue à l'article 30 de l'accord d'entreprise calculée dans les conditions de l'article 22 du même accord et l'indemnité légale de licenciement, Monsieur [Y] [C] réclame en réalité la condamnation de l'URI CFDT Grand Est à lui payer le solde du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
C'est donc à tort dans ces conditions que l'URI CFDT Grand Est s'oppose à une telle demande.
En application des articles 22 et 30 dudit accord, et au regard d'une indemnité pour 14 années de présence, non pas de 6 mois de salaire comme l'écrit le salarié, mais de 9 mois du dernier salaire net, et déduction faite de l'indemnité légale perçue par Monsieur [Y] [C], il sera donc fait droit dans les limites de celle-ci, à sa demande.
Le jugement doit donc être confirmé du chef de la condamnation de l'URI CFDT Grand Est à payer à Monsieur [Y] [C] les sommes de 303,95 euros et de 5998,12 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Monsieur [Y] [C] doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 21886,08 euros au titre de l'indemnité de départ au soutien de laquelle il ne présente aucun moyen.
- Sur les dommages-intérêts pour violation du statut protecteur :
Se prétendant salarié protégé en sa qualité d'administrateur de l'AG2R La Mondiale, ce que conteste l'URI CFDT Grand Est et ce que n'ont d'ailleurs pas retenu les premiers juges, Monsieur [Y] [C] demande à la cour de condamner l'URI CFDT Grand Est à lui payer la somme de 109430,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite, représentant 30 mois de salaire.
Or, pas plus qu'en première instance, Monsieur [Y] [C] ne produit de pièce établissant qu'il avait la qualité de salarié protégé.
En effet, bénéficie de la protection contre le licenciement prévue à l'article L.2411-1 du code du travail, le salarié notamment investi du mandat de membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération mentionnée à l'article L.114-24 du code de la mutualité.
Or, tout au plus Monsieur [Y] [C] établit-il qu'il était à la date de son licenciement membre du comité social territorial retraite AG2R AGIRC ARCO de sorte qu'il n'avait pas à ce titre la qualité de membre du conseil d'administration d'une mutuelle.
Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement illicite.
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Le jugement doit être confirmé du chef de la remise d'un bulletin de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés, sans qu'il soit toutefois nécessaire d'ordonner une astreinte.
Il doit encore être confirmé du chef des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dont les conditions d'application sont réunies.
L'URI CFDT Grand Est doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée en équité à payer à Monsieur [Y] [C], en sus de l'indemnité de procédure allouée en première instance, la somme de 1500 euros.
Par ces motifs :
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné l'URI CFDT Grand Est à payer à Monsieur [Y] [C] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et sauf du chef de l'astreinte ;
L'infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne l'URI CFDT Grand Est à payer à Monsieur [Y] [C] la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Dit n'y avoir lieu à astreinte ;
Déboute Monsieur [Y] [C] de sa demande en paiement de la somme de 21 886,08 euros au titre de l'indemnité de départ ;
Condamne l'URI CFDT Grand Est à payer à Monsieur [Y] [C] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute l'URI CFDT Grand Est de sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne l'URI CFDT Grand Est aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT