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13/12/2022 | FRANCE | N°21/02184

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 13 décembre 2022, 21/02184


ARRET N°

du 13 décembre 2022



R.G : N° RG 21/02184 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC4F





[X]

[X]





c/



S.A. FOYER REMOIS











CM







Formule exécutoire le :

à :



Me Emmanuel LUDOT



Me Clémence GIRAL-FLAYELLE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 13 DECEMBRE 2022



APPELANTS :

d'un jugement rendu le 22 novembre 2021 par le Juge des c

ontentieux de la protection de Reims



Monsieur [W] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000012 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



Représenté par Me Emmanuel LUDOT...

ARRET N°

du 13 décembre 2022

R.G : N° RG 21/02184 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC4F

[X]

[X]

c/

S.A. FOYER REMOIS

CM

Formule exécutoire le :

à :

Me Emmanuel LUDOT

Me Clémence GIRAL-FLAYELLE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 22 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Reims

Monsieur [W] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000012 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS

Madame [V] [X] épouse [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000012 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A. FOYER REMOIS

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Clémence GIRAL-FLAYELLE, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 08 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022 et signé par M. Benoît PETY, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat sous seing privé en date du 13 février 2015, la SA Foyer Rémois a donné à bail à M. [W] [X] et Mme [V] [Z] épouse [X] (ci-après les époux [X]), un appartement T4 à usage d'habitation, situé au [Adresse 1], pour un loyer mensuel de 490,68 euros (logement) outre 32,79 euros (garage) et les charges.

Les locataires s'étant avérés défaillants dans le règlement de leurs loyers courants à compter du mois de septembre 2019, un commandement de payer leur a été délivré par huissier de justice le 31 décembre 2020, précisant que la SA Foyer Rémois entendait se prévaloir de la clause résolutoire du bail, acquise à défaut de règlement des causes du commandement dans les deux mois.

Le commandement de payer est demeuré infructueux.

Par acte d'huissier en date du 4 mars 2021, la SA Foyer Rémois a assigné les époux [X] à comparaître à l'audience du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims du 10 mai 2021, aux fins de voir, à défaut de conciliation amiable :

-constater la résiliation du bail conclu le 13 février 2015 avec prise d'effet au 1er février 2015 par le jeu de la clause résolutoire,

- dire les époux [X] sans droit ni titre et ordonner en conséquence leur expulsion des lieux ainsi que celle de tout occupant de leur chef, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

-condamner solidairement les époux [X] au paiement de la somme de 2 718,18 euros correspondant aux loyers impayés, outre les intérêts au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil,

-condamner solidairement les époux [X] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel équivalent au loyer, outre les intérêts au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil,

-condamner solidairement les époux [X] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,

-rappeler le caractère exécutoire à titre provisoire de plein droit de la décision à intervenir au titre de l'article 514 du code de procédure civile.

Les époux [X] ont reconventionnellement sollicité :

-à titre principal, de juger la SA Foyer Rémois recevable mais mal-fondée en ses demandes, en conséquence, l'en débouter,

-à titre reconventionnel, de juger que la SA Foyer Rémois est responsable d'un défaut d'entretien des lieux loués ainsi que d'un trouble de jouissance à leur préjudice,

-ordonner la compensation judiciaire entre le montant des sommes invoquées par la SA Foyer Rémois au titre des loyers impayés, en ce compris les frais accessoires et de procédure, et le trouble de jouissance invoqué par eux,

-condamner la SA Foyer Rémois au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ce trouble de jouissance,

-ordonner à la SA Foyer Rémois de les reloger dans un logement entretenu et adapté à leur situation financière et familiale, de même qu'à leur état de santé,

-condamner la SA Foyer Rémois au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé du fait de la procédure abusive engagée,

-condamner la SA Foyer Rémois au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais de l'instance, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, si la juridiction venait à juger la SA Le Foyer Rémois bien-fondée en ses demandes, ils demandaient de leur accorder un délai de 30 mois pour s'acquitter de leur dette locative outre le paiement mensuel de leur loyer, de juger que le taux d'intérêts de la dette locative ne pourra excéder le taux légal et que les paiements qui seront effectués s'imputeront en priorité sur le capital, de rappeler que la décision à intervenir suspendra nécessairement les procédures d'exécution qui auraient été engagées par la SA Foyer Rémois et que les majorations d'intérêts ou pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai accordé aux débiteurs, de les dispenser de tout paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre des dépens de l'instance.

A titre plus subsidiaire, si la juridiction devait rejeter leur proposition de règlement relative à leur dette locative et que leur expulsion était ordonnée, ils sollicitaient que leur soit accordé un délai de 3 ans pour quitter le logement objet du contrat de bail litigieux du 13 février 2015 et retrouver un logement adapté à leur situation financière et familiale, ainsi qu'à leur état de santé, de les dispenser de tout paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre des dépens de l'instance.

Par jugement en date du 22 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims a, notamment :

-constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 13 février 2015 concernant le bien immobilier à usage d'habitation situé au [Adresse 1]) sont réunies à la date du 1er mars 2021,

-condamné solidairement les époux [X] à verser à la SA Foyer Rémois la somme de 4 786,75 euros,

-dit que cette somme portera intérêts au taux légal à concurrence de la somme de 2 085,23 euros à compter du commandement de payer (31 décembre 2020), conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil et à compter de la décision pour le surplus,

-autorisé les époux [X] à s'acquitter de cette somme, outre le loyer et les charges courants, en 29 mensualités de 159,56 euros chacune et une 30ème mensualité qui soldera la dette en principal et intérêts,

-précisé que chaque mensualité devra intervenir avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du jugement,

-suspendu les effets de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais accordés,

-dit que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,

-dit qu'en revanche, toute mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l'arriéré, restée impayée sept jours après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception justifiera :

.Que la clause résolutoire retrouve son plein effet,

.Que le solde de la dette devienne immédiatement exigible,

.Qu'à défaut pour eux d'avoir volontairement quitté les lieux dans les deux mois de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, la SA Foyer rémois puisse faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous les occupants de leur chef, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

.Que les époux [X] soient condamnés solidairement à verser à la SA Foyer Rémois une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire,

-condamné les époux [X] in solidum à verser à la SA Le Foyer rémois une somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné les époux [X] in solidum aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de son signalement à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, de l'assignation et de sa notification à la préfecture,

-rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire par provision,

-dit que la décision sera notifiée par le greffe à la préfecture de la Marne en application de l'article R. 412-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Les époux [X] ont régulièrement interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 7 décembre 2021, recours portant sur l'entier dispositif.

Suivant conclusions du 23 mars 2022, ils demandent à la cour de les dire recevables et bien-fondés en leur appel, d'infirmer le jugement rendu en première instance entre les parties par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Reims en date du 22 novembre 2021 en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau:

A titre principal de

-juger la SA Foyer Rémois recevable mais mal-fondée en ses demandes,

En conséquence,

-la juger mal-fondée en son appel incident, ainsi qu'en toutes ses demandes et l'en débouter,

A titre reconventionnel de :

-juger que la SA Foyer Rémois est responsable d'un défaut d'entretien des lieux loués ainsi que d'un trouble de jouissance à leur préjudice,

-ordonner la compensation judiciaire entre le montant des sommes invoquées par la SA Foyer Rémois au titre des loyers impayés, en ce compris les frais accessoires et de procédure, et le trouble de jouissance invoqué par eux,

-condamner la SA Foyer Rémois au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance causé,

-lui ordonner de les reloger dans un logement entretenu et adapté à leur situation financière et familiale, de même qu'à leur état de santé,

-condamner la SA Foyer Rémois au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral à eux causé du fait de la procédure abusive engagée,

-condamner la société Foyer Rémois au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais de l'instance, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre subsidiaire, ils demandent :

-de leur accorder un délai de 30 mois pour s'acquitter de leur dette locative outre le paiement mensuel de leur loyer,

-de juger que le taux d'intérêts de la dette locative ne pourra excéder le taux légal et que les paiements qui seront effectués s'imputeront en priorité sur le capital,

-de rappeler que la décision à intervenir suspendra nécessairement les procédures d'exécution qui auraient été engagées par la SA Foyer Rémois et que les majorations d'intérêts ou pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai accordé aux débiteurs,

-de les dispenser de tout paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre des dépens de première instance et d'appel.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à rejeter leur proposition de règlement de leur dette locative et ordonnait leur expulsion, ils demandent :

-de leur accorder un délai de 3 ans pour quitter le logement objet du contrat de bail litigieux du 13 février 2015 et retrouver un logement adapté à leur situation financière et familiale, ainsi qu'à leur état de santé,

-de les dispenser de tout paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre des dépens de première instance et d'appel.

Suivant écritures du 18 mars 2022, la SA Foyer Rémois demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux et de la protection en date du 22 novembre 2021 en ce qu'il a :

-constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sont réunies à la date du 1er mars 2021,

-condamné solidairement les époux [X] à lui verser la somme de 4 786,75 euros et dit que cette somme portera intérêts au taux légal à concurrence de la somme de 2 085,23 euros à compter du commandement de payer (31 décembre 2020) conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil et à compter de la décision pour le surplus,

-débouté les époux [X] du surplus de leurs demandes.

Elle demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

-autorisé les époux [X] à s'acquitter de cette somme, outre le loyer et les charges courants, en 29 mensualités de 159,56 euros chacune et une 30 ème mensualité qui soldera la dette en principal et intérêts,

-précisé que chaque mensualité devra intervenir avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du présent jugement,

-suspendu les effets de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais accordé,

-dit que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,

-dit qu'en revanche, toute mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l'arriéré, restée impayée sept jours après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception justifiera :

.que la clause résolutoire retrouve son plein effet,

.que le solde de la dette devienne immédiatement exigible,

.qu'à défaut pour les époux [X] d'avoir volontairement libéré les lieux dans les deux mois de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, la SA Le Foyer Rémois pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous les occupants de son chef, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

et statuant à nouveau, en conséquence de la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail, d'ordonner l'expulsion des époux [X] ainsi que celle de tous occupants de leur chef,

dire qu'ils devront rendre les lieux libres de toute occupation de leur chef dans le délai de 2 mois à compter du commandement de quitter les lieux et restituer les clés du logement, faute de quoi, la SA Le Foyer Rémois pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

les condamner solidairement à lui payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et de la provision sur charges qui aurait été dus en l'absence de résiliation du bail, jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire.

A titre subsidiaire, si la cour confirmait l'octroi des délais de paiement, la SA Foyer Rémois demande de :

dire que toute mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l'arriéré restée impayée justifiera :

.que la clause résolutoire retrouve son plein effet ;

.que l'intégralité de la dette redeviendra immédiatement exigible,

.qu'à défaut les époux [X] seront condamnés à verser solidairement à la SA Le Foyer Rémois une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et de la provision sur charges qui aurait été dus en l'absence de résiliation du bail, jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire,

Elle demande de débouter les époux [X] de leurs autres demandes plus amples ou contraire, de les condamner solidairement au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction est requise au profit de leur conseil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.

Sur ce, la cour,

I- Sur la dette locative et la clause résolutoire

Les époux [X] ne contestent pas la réalité et le montant de la dette locative, ni véritablement le fait, acquis aux débats, que la clause résolutoire reçoive application, faute pour eux d'avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai de deux mois de sa délivrance, de sorte que ces deux premières dispositions du jugement querellé sont nécessairement confirmées.

II- Sur la demande en dommages et intérêts pour troubles de jouissance

Les appelants reprennent, à titre principal, leur demande de compensation de leur dette locative avec l'indemnité qu'ils réclament au titre d'un trouble de jouissance.

Par application des article 1719 et 1728 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (...).

Le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

A l'appui de leur demande, les appelants soutiennent être empêchés de jouir correctement de leur logement à cause 'de nombreux désordres, lesquels n'ont jamais fait l'objet de réparations de la part' du Foyer Rémois.

Ils en veulent pour preuve, notamment, les photographies produites qui ne sont toutefois pas datées et ne permettent pas de s'assurer qu'il s'agit bien de l'immeuble litigieux.

Ils ne produisent aucun constat d'huissier, ni devis de reprises.

Ils versent également aux débats un rapport de visite ancien, établi le 10 février 2016 par la Confédération Générale du Logement, qui fait suite à un accident domestique dont a été victime Mme [X], laquelle a chuté dans la cuisine à raison d'un carrelage fissuré et éclaté, l'instabilité du sol ayant alors été mise en évidence (pièce n°23).

Cette chute a également donné lieu à la condamnation du Foyer Rémois, par un arrêt de la cour du 12 mai 2020, à verser à Mme [V] [X] la somme de 2 500 euros au titre du préjudice subi (outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles), le bailleur ayant été jugé responsable des suites de cet accident domestique. La cour avait alors relevé que les dégradations du sol de la cuisine ne pouvaient être entièrement imputées aux locataires à qui le bailleur reprochait un défaut d'entretien, au vu notamment du rapport de la Confédération Générale du Logement susvisé.

Toutefois, la cour relève que le préjudice de jouissance allégué concerne la période pour laquelle le bailleur réclame paiement des loyers impayés, soit une période très largement postérieure à 2016, puisque le commandement de payer vise des loyers impayés à compter de septembre 2019. Il n'est communiqué aucun élément récent dont il résulterait que le carrelage soit toujours dans cet état, et les photographies mentionnées plus haut ne concernent pas ledit carrelage, mais plutôt des traces d'humidité.

Par ailleurs, l'article de presse communiqué n'est pas daté, et, en tout état de cause, s'il évoque, de façon générale, le mécontentement des occupants de l'immeuble du [Adresse 1] à raison d'infiltrations, il ne fait nulle mention spécifique de l'appartement des époux [X].

Il sera en outre rappelé que l'état des lieux d'entrée en date du 5 juin 2012, établi contradictoirement, mentionne pour l'ensemble, soit un 'état d'usage' soit un 'bon état d'usage'.

Il résulte par ailleurs des pièces produites par le bailleur qu'au mois de février 2018, une visite des lieux s'est tenue à la suite d'une demande de mutation des époux [X], en présence d'un représentant de la Confédération Générale du Logement. Il résulte des constats alors faits, qui sont longuement détaillés en pièce n°10, et documentés par des photographies, un état de dégradation important induit par un défaut d'entretien, 'l'air ambiant est vicié, conséquence d'un défaut d'aération et de ventilation du logement du fait de l'obstruction par les locataires des entrées et sorties d'air'.

Lors d'une autre visite à domicile, le 26 mars 2019, il a été constaté la présence d'un scooter dans l'entrée et il a été rappelé aux locataires que tout véhicule devait être stationné hors du logement et que le stockage, sous quelque forme que ce soit, de matières inflammables était strictement interdit dans les lieux loués.

La cour observe enfin qu'aux termes de leurs demandes subsidiaires, les appelants sollicitent de pouvoir bénéficier d'un délai de trois ans pour rester dans ce logement, ce qui relativise quelque peu la pertinence de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance.

Dans ces conditions, les locataires ne démontrent pas un préjudice de jouissance qui résulterait d'une faute du bailleur, et c'est à juste titre que le premier juge les a déboutés de ce chef de demande.

Ils sont par conséquent également déboutés de leur demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la SA Foyer Rémois 'de les reloger dans un logement entretenu et adapté à leur situation financière et familiale'. Cette demande avait déjà été formée en première instance, ils en avaient été déboutés au titre du surplus de leurs prétentions, ce en quoi le premier juge est encore confirmé.

III- Sur les délais

Le Foyer Rémois forme appel incident du chef de l'octroi des délais de paiements accordés par le premier juge, outre conséquences corrélatives telles que sollicitées en leur dispositif.

Les époux [X] poursuivent, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a octroyé des délais sur 30 mois, outre demandes corrélatives rappelées ci-dessus.

Par application de l'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 tendant à l'amélioration des rapports locatifs, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa.

L'article 1343-5 du code civil précise que :

'Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge'.

Le premier juge a retenu que 'bien qu'ils ne justifient pas de leur capacité désormais à s'acquitter du paiement de leur loyer résiduel ainsi que d'une fraction de l'arriéré locatif, compte tenu (...) de la situation personnelle des époux défendeurs (familiale, financière et médicale) et des propositions de règlement formulées', ils 'seront autorisés à se libérer du montant de leur dette selon les modalités qui seront rappelées au dispositif'.

Le bailleur indique :

-qu'en exécution de l'arrêt de la cour du 12 mai 2020 susvisé, il été adressé aux époux [X] un chèque de 4 026 euros en juin 2020, que cette somme n'a manifestement pas été affectée au règlement de la dette locative,

-qu'à hauteur de cour, les époux [X] ne justifient pas plus que devant le premier juge de capacités financières qui leur permettraient de régler mensuellement leur loyer résiduel et l'arriéré,

-qu'ils ont bénéficié d'un rétablissement de l'APL en novembre 2021 et de deux rappels d'APL pour un montant total de 2 669,18 euros,

-que pour autant, et malgré le rétablissement de cette aide, ils ont été défaillants, le dernier règlement remontant à janvier 2022,

-que l'arriéré locatif s'établit, au vu du dernier décompte, à la somme de 3 216,10 euros (décompte actualisé au 17 mars 2022).

Toutefois, la situation de santé des locataires est fragile. M. [X], atteint d'une myasthenie auto-immune, est en fauteuil roulant et est appareillé 24 h/24 par une ventilation invasive sur trachéotomie. Il est inscrit sur la liste des patients à haut risque vital par l'Agence Régionale de Santé. Mme [X] souffre de problèmes psychologiques.

A hauteur de cour, les appelants justifient de leur situation financière : M. [X] perçoit une AAH avec majoration d'un montant mensuel de l'ordre de 1 000 euros. Mme [X] perçoit un revenu modique tiré de sa qualité de tierce personne pour les soins de son époux (revenus de 4 099 euros en 2020). Le couple a trois enfants dont un à charge, [J], lequel, selon le tableau produit en pièce n°42, perçoit également une AAH de l'ordre de 900 euros par mois.

Le versement des APL a été rétabli fin 2021, soit après le jugement rendu. Le montant de cette aide est de l'ordre de 369,46 euros pour un loyer d'environ 506,28 euros, outre garage (et charges du garage) 35,64 euros, et charges mensuelles de 176,94 euros (selon l'avis d'échéance pour novembre 2021).

Depuis le jugement dont appel, les époux [X] ont procédé à plusieurs paiements:

.300 euros et 100 euros le 6 novembre 2021,

.300 euros et 100 euros le 7 décembre 2021,

.450 euros le 18 janvier 2022.

La dette s'établit, au 17 mars 2022, à 3 216,10 euros.

Dans ces conditions, eu égard au montant relativement modeste de la dette, à une situation qui mérite une attention toute particulière, il y a lieu de confirmer le premier juge en ce qu'il a octroyé les délais de paiement susvisés.

Il sera ajouté au jugement, en application des textes susvisés, ce conformément à la demande des appelants :

-que le taux d'intérêts de la dette locative ne pourra excéder le taux légal et que les paiements qui seront effectués s'imputeront en priorité sur le capital,

-que la décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par la SA Foyer Rémois et que les majorations d'intérêts ou pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai accordé aux débiteurs.

La SA Foyer Rémois demande, pour le cas où l'octroi de délais serait confirmé, de supprimer la formalité d'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception pour toute mensualité impayée de l'échéancier, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges ou de l'arriéré, pour que la clause résolutoire retrouve plein effet.

En effet l'article L 353-15-2 du code de la construction prévoit que 'lorsque le bail de l'occupant d'un logement appartenant à un organisme d'habitations à loyer modéré ou géré par lui est résilié par décision judiciaire pour défaut de paiement de loyer et de charges, la signature d'un protocole d'accord conclu entre le bailleur et l'intéressé en vue du rétablissement du bail vaut titre d'occupation et donne droit à l'aide personnalisée au logement (....) . Si les engagements pris par l'occupant ne sont pas respectés, le bailleur retrouve le droit de faire exécuter la décision judiciaire prononçant ou constatant la résiliation du bail'.

Ce texte ne prévoit en effet pas la formalité de l'envoi d'une lettre recommandée préalable comme l'a dit le premier juge.

IV- Sur la demande en dommages et intérêts

Les époux [X] forment une demande en dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral en lien avec la procédure engagée, qu'ils estiment abusive.

Cette demande avait été présentée au premier juge, qui ne l'a pas expressément examinée dans ses motifs, mais qui a débouté les époux [X] du surplus de leurs demandes.

La teneur du présent arrêt confirmatif, qui reconnaît pour l'essentiel le bailleur fondé en ses demandes, conduit logiquement à confirmer le rejet de cette prétention.

V- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge des époux [X], en ce compris notamment le coût du commandement de payer, de son signalement à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, de l'assignation et de sa notification à la préfecture.

L'équité conduit toutefois à infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les locataires à une indemnité pour frais irrépétibles.

Les appelants succombent à titre principal en leur recours. Ils sont par conséquent tenus aux dépens d'appel.

En revanche, les mêmes considérations d'équité conduisent à rejeter la demande en frais irrépétibles de l'intimée.

Par ces motifs,

Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection de Reims en ses seules dispositions ayant :

.condamné in solidum les époux [X] à payer à la SA Le Foyer Rémois la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

.dit y avoir lieu à envoi d'une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec accusé de réception avant la reprise des effets de la clause résolutoire, l'exigibilité de la dette, l'expulsion et la condamnation à une indemnité d'occupation, en cas de défaut de paiement de toute mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer, des charges courantes ou de l'arriéré,

Statuant à nouveau sur ces deux points,

Déboute la SA Le Foyer Rémois de sa demande en frais irrépétibles,

Dit n'y avoir lieu à envoi d'une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec accusé de réception pour la reprise des effets de la clause résolutoire, l'exigibilité de la dette, l'expulsion et la condamnation à une indemnité d'occupation, en cas de défaut de paiement de toute mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer, des charges courantes ou de l'arriéré,

Confirme le jugement pour le surplus,

Ajoutant au jugement,

Dit que le taux d'intérêts de la dette locative ne pourra excéder le taux légal et que les paiements qui seront effectués s'imputeront en priorité sur le capital,

Rappelle que la décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par la SA Foyer Rémois et que les majorations d'intérêts ou pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai accordé aux débiteurs,

Rejette les demandes en frais irrépétibles,

Condamne M. [W] [X] et Mme [V] [Z] épouse [X], in solidum, aux dépens d'appel, et accorde à maître Giral-Flayelle le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 21/02184
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.02184 ?
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