ARRET N°
du 06 décembre 2022
N° RG 21/02225 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC66
S.A.R.L. CEGAU
c/
S.A.S. GROUPE BJ
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
d'une décision rendue le 30 novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de TROYES
S.A.R.L. CEGAU
[Adresse 3]
[Localité 1]/FRANCE
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS
INTIMEE :
S.A.S. GROUPE BJ
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Julien FROMGET de la SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES, avocat au barreau de L'AUBE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 24 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 décembre 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Par acte sous seing privé en date du 13 juin 2020, la SAS groupe BJ a acquis l'intégralité des parts sociales composant le capital de l'EURL Maison Gautier (boucherie [M]), qui était alors détenue à 100% par la SARL CEGAU, le cédant, dirigée par Monsieur [R] [M].
Cette opération a été conclue au prix provisoire de 348 000€, étant convenu que le prix définitif serait déterminé à la suite de l'arrêté contradictoire des comptes intermédiaires au 12 juin 2020, lesquels n'étaient pas encore établis au jour de la régularisation de l'acte de cession.
Au sein du même acte, les parties ont également convenu d'une garantie d'actif et de passif par laquelle la société CEGAU se portait garante des déclarations effectuées et des engagements pris lors de la conclusion du compromis, et réitéré dans l'acte de cession. Cette garantie s'appliquant aux comptes de cession établis le 12juin 2020 a été convenue pour une durée de trois ans à compter de la date de cession.
Les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2019 et le procès-verbal d'approbation des comptes de l'EURL maison [M], en date du 10 janvier 2021, ont été communiqués à la SAS groupe BJ le 12 janvier 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 février 2021, la SAS groupe BJ a notifié à la SARL CEGAU ses observations concernant des déclarations erronées ou incomplètes, notamment':
- 36 501€ au titre de la distribution de dividendes effectué au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2019, en violation des engagements pris dans l'acte de cession,
- 22 398€ HT au titre de créances clients non facturées et non recouvrées,
- 24 704,28€ au titre d'actifs qui auraient été détournés.
La société groupe BJ a souhaité , au terme de ce courrier, recourir à la garantie de passif dans les termes prévus dans le contrat, et a sollicité de la société Cegau une indemnisation d'un montant total de 83 606,28€. Aucune réponse de la société CEGAU n'a été donnée à la SAS groupe BJ à la suite de ce courrier.
Par requête en date du 7 mai 2021, la société groupe BJ a saisi le président du tribunal de commerce de Troyes afin d'être autorisée à pratiquer une saisie conservatoire à concurrence de sa créance de 83 606,28€. Cette autorisation lui a été donnée par ordonnance du 25 mai 2021.
Selon assignation en date du 12 juillet 2021, la SAS groupe BJ a saisi le tribunal de commerce de Troyes aux fins de voir condamner la SARL CEGAU à lui verser la somme de 83 606,28 euros en exécution de la garantie de passif conclue par la convention du 13 juin 2020 et aux fins de voir la SARL CEGAU condamner à transmettre tous les documents et factures permettant l'identification des données du FEC, ainsi que les livres de salaires et les états de charges, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Enfin, la SAS groupe BJ a sollicité la condamnation de la SARL CEGAU à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctionner une résistance abusive et injustifiée, outre 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision du 30 novembre 2021, le tribunal de commerce de Troyes, statuant par jugement réputé contradictoire a':
- reçu la SAS groupe BJ en ses demandes,
- déclaré la SAS groupe BJ partiellement fondée,
- condamné la SARL CEGAU à verser à la SAS groupe BJ la somme de 83 606,28 euros en exécution de la garantie de passif conclue par convention régularisée le 13 juin 2020,
- ordonné à la SARL CEGAU de remettre à la SAS groupe BJ, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, l'intégralité des pièces comptables et sociales relatives à l'EURL maison [M], et plus particulièrement :
- les documents et factures permettant l'identification des données du FEC,
- les livres de salaires et les états de charges,
sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
- débouté la SAS groupe BJ de sa demande de dommages et intérêts pour sanctionner la résistance abusive et injustifiée,
- condamné la SARL CEGAU à verser à la SAS groupe BJ la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire,
- condamné la SARL CEGAU aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 15 décembre 2021, la SARL CEGAU a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Troyes.
Le 24 mars 2022, le conseiller de la mise en état a proposé aux parties de procéder à une médiation. La SARL CEGAU y était favorable, mais la SAS groupe BJ n'a pas entendu y participer.
Par conclusions notifiées le 15 mars 2022, la SARL CEGAU demande à la cour de :
- juger recevable et fondé son appel,
- juger nulle et de nul effet l'assignation délivrée par acte d'huissier de justice en date du 12 juillet 2021 et, par voie de conséquence, annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes en date du 30 novembre 2021,
- juger qu'en l'absence de saisine régulière du premier juge, l'effet dévolutif de l'appel n'a pas reçu application,
- juger, en conséquence, que la cour n'est pas saisie du litige et ne peut statuer au fond,
- condamner la SAS groupe BJ à verser à la SARL CEGAU une indemnité de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS groupe BJ aux entiers dépens, avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement au profit de Maître Pascal Guillaume, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 17 juin 2022, la SARL groupe BJ demande à la cour de:
- débouter la SARL CEGAU de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement rendu le 30 novembre 2021 par le tribunal de commerce en toutes ses dispositions,
- condamner la SARL CEGAU à verser à la SAS groupe BJ la somme de 5000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SARL CEGAU aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION':
Aux termes de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel et commercial, est faite au lieu de son établissement.
A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.
Il sera précisé à titre liminaire que l'assignation du 12 juillet 2021 dont il est sollicité'la nullité n'est pas versée aux débats.
Néanmoins, dans la mesure où cette demande n'est pas fondée sur une absence de diligences de l'huissier (celui-ci a signifié son acte suivant les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile à la SARL CEGAU) mais sur un irrespect par la société Groupe BJ des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile pour comportement déloyal, la cour peut valablement se saisir du litige.
L'appelante soulève la nullité de l'acte d'assignation de première instance, qui n'a pas été vue par les juges du tribunal de commerce, ce qui constitue un manquement grave aux droits de la défense et au principe du contradictoire.
Elle soutient que l'assignation délivrée le 12 juillet 2021 a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses, tel que prévu par l'article 659 du code de procédure civile.
Elle souligne le non respect par la SAS groupe BJ des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile , dès lors que cette dernière a procédé à l'assignation de la SARL CEGAU à une adresse dont elle savait qu'elle ne correspondait pas à la réalité (étant l'ancienne adresse de l'EURL [M], or la société n'était plus domiciliée à cette adresse depuis la cession).
De même, il est souligné que la SAS groupe BJ avait connaissance du domicile du dirigeant de la SARL CEGAU, Monsieur [M], dès lors qu'elle lui avait fait parvenir une LRAR le 12 février 2021, recommandé réceptionné par Monsieur [M] le 17 février 2021.
C'est donc volontairement que la société groupe BJ a assigné à la mauvaise adresse, en ne fournissant pas à l'huissier de justice instrumentaire les renseignements qui lui auraient permis de signifier l'assignation introductive d'instance.
Elle en déduit que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance l'a mise dans l'impossibilité de présenter sa défense en première instance, ce qui la prive du double degré de juridiction.
L'intimée invoque la négligence du gérant de la SARL CEGAU qui n'a pas procédé au transfert du siège social de la SARL CEGAU avant le 27 octobre 2021, soit un an et demi après la cession, l'adresse avant transfert correspondant bien à celle de l'EURL maison [M], à laquelle la SAS groupe BJ a adressé l'assignation et précise qu'elle n'avait pas connaissance de la nouvelle domiciliation du siège social, à l'adresse personnelle de son gérant, la LRAR réceptionnée au domicile du gérant n'étant qu'une copie, à titre informatif, du courrier de mise en demeure, adressé, à titre principal, au siège social.
Elle ajoute que l'assignation a donc été envoyée au dernier domicile officiellement connu de la SARL CEGAU et que la négligence de la SARL CEGAU est démontrée en ce que Monsieur [M] n'a pas fait opposition à la saisie conservatoire pratiquée sur le compte bancaire de la SARL CEGAU le 14 juin 2021 et que rien ne l'obligeait à adresser l'assignation au domicile de Monsieur [M], une jurisprudence constante considérant que l'assignation d'une personne morale de droit privé doit être adressée à son siège social, et non au domicile du gérant, conformément aux dispositions de l'article 690 du code de procédure civile.
Sur le fond, elle soutient, concernant la mise en 'uvre de la garantie de passif, que la société CEGAU, au regard de la convention conclue entre les parties, avait jusqu'au 16 avril 2021 pour s'opposer à la mise en 'uvre de la garantie (délai de 60 jours pour s'opposer à la réclamation reçue le 16 février 2021), ce qu'elle n'a pas fait et qu'en application de l'article 1103 du code civil et de la convention conclue entre les parties, la société CEGAU est réputée avoir accepté tacitement la réclamation effectuée par la société groupe BJ et est donc redevable de la somme de 83 606,28€.
Concernant la communication des documents comptables et des archives de l'EURL maison [M], elle soutient que celle-ci était prévue dans l'acte de cession du 13 juin 2020, or malgré les réclamations dans le courrier de mise en demeure du 12 février 2021, la société CEGAU n'a rien transmis à la SAS groupe BJ.
Il ressort de l'article susvisé que la signification d'un acte à une personne morale doit être faite au lieu de son siège social et non au domicile personnel de son gérant.
Il résulte des pièces versées aux débats que malgré la vente le 13 juin 2020 de la totalité des parts sociales qu'elle détenait dans l'EURL Maison Gautier à la SAS Groupe BJ , la SARL CEGAU, par la voie de son gérant, M. [M], n'a procédé au transfert de son siège social que le 27 octobre 2021, soit plus de seize mois après cette opération.
Cet élément ressort de la signification du jugement frappé d'appel qui a été délivrée le 10 décembre 2021 à la SARL CEGAU à son siège social à [Adresse 7], étant précisé que le précédent siège social de cette société se situait [Adresse 6].
C'est par conséquent par la seule négligence de son gérant que l'assignation délivrée à la SARL CEGAU le 12 juillet 2021 lui a été délivrée suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
L'appelante ne peut davantage se prévaloir de la copie d'un courrier de mise en demeure adressée par la SAS Groupe BJ à M. [M] le 12 février 2021 activant la garantie de passif , qui n'était qu'un courrier informatif adressé au gérant de la SARL CEGAU, [Adresse 2] et qui n'était pas en tout cas à l'époque le siège social de la société.
Il n'y a donc aucune violation de l'article 15 du code de procédure civile par la SAS Groupe BJ mais il y a au contraire une négligence de M. [M] à ne pas avoir fait transférer le siège social de la SARL CEGAU dans des délais raisonnables.
La SARL CEGAU sera déboutée de sa demande d'annulation du jugement attaqué.
Il est de jurisprudence constante que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, si elle écarte cette nullité, ne peut statuer au fond qu'après que les parties ont été invitées à conclure au fond.
L'appelante n'a pas conclu au fond.
Cette affaire n'est donc pas en état d'être jugée'; il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture du 27 septembre 2022 et d'enjoindre à la SARL CEGAU de conclure suivant le calendrier impératif suivant':
conclusions de l'appelante avant le 2 février 2023,
conclusions en réponse de l'intimée avant le 4 avril 2023,
clôture le 11 avril 2023 pour une audience de plaidoiries fixée au 2 mai 2023.
PAR CES MOTIFS':
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire';
Déboute la SARL CEGAU de sa demande d'annulation du jugement rendu le 30 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Troyes.
Révoque l'ordonnance de clôture du 27 septembre 2022 et enjoint à la SARL CEGAU de conclure suivant le calendrier impératif suivant':
- conclusions de l'appelante avant le 2 février 2023,
- conclusions en réponse de l'intimée avant le 4 avril 2023,
- clôture le 11 avril 2023 pour une audience de plaidoiries fixée au 2 mai 2023.
Réserve les autres demandes et les dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE