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06/12/2022 | FRANCE | N°21/02146

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 06 décembre 2022, 21/02146


ARRET N°

du 06 décembre 2022



N° RG 21/02146 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCZS





S.A. AVIVA ASSURANCES





c/



S.A.S.U. ASTIER VICTOR



















Formule exécutoire le :

à :



la SELARL RAFFIN ASSOCIES



Me Dominique ROUSSEL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 06 DECEMBRE 2022



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 octobre 2021 par le TJ de REIMS

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S.A. AVIVA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulan et le cabinet OMEN AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant







INTIMEE :



S...

ARRET N°

du 06 décembre 2022

N° RG 21/02146 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCZS

S.A. AVIVA ASSURANCES

c/

S.A.S.U. ASTIER VICTOR

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL RAFFIN ASSOCIES

Me Dominique ROUSSEL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 06 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 octobre 2021 par le TJ de REIMS

S.A. AVIVA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulan et le cabinet OMEN AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.S.U. ASTIER VICTOR prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit au siège social

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Dominique ROUSSEL, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 25 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 décembre 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS , PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte d'engagement en date du 14 décembre 2009, la commune de [Localité 4] a confié le lot couverture au titre de travaux sur la basilique Sainte Clotilde à [Localité 4] à la société par actions simplifiées actionnaire unique Astier Victor (la société Astier), assurée auprès de la société anonyme Aviva assurances (la société Aviva), conjointement avec les sociétés Gayet et Vitoux.

Le 18 avril 2012, un incendie s'est déclaré sous la couverture de la basilique, sur laquelle intervenaient les titulaires du lot couverture.

Le 19 avril 2012, la société Astier a déclaré le sinistre auprès de la société Aviva.

Le 24 avril 2012, la société Aviva a avisé la société Astier que la police d'assurance qu'elle avait souscrite, dans son volet responsabilité civile exploitation, comportait, s'agissant de la garantie des dommages aux existants, un plafond de 160 000 euros.

Le 10 février 2014, le rapport d'expertise du cabinet Eurexo, mandaté par la Smacl, assureur de la commune de [Localité 4], a:

- évalué les dommages à la somme de 1'145'895 euros toutes taxes comprises après déduction de la vétusté;

- conclu à l'entière responsabilité de la société Astier dans la survenue du sinistre.

Par jugement en date du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne:

- a condamné solidairement les sociétés Gayet, Vitoux et Astier à verser à la Smacl la somme de 1'098'484 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, outre capitalisation;

- a condamné la société Astier à garantir les sociétés Gayet et Vitoux de la totalité de cette condamnation;

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les appels en garantie formés par les sociétés Gayet, Vitoux et Astier à l'encontre de la société Aviva.

Par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 16 juin 2020, les dispositions sus dites de la décision de la première juridiction administrative ont été confirmées.

Le 27 décembre 2018, la société Astier a attrait devant le tribunal de grande instance de [Localité 4] la société Aviva aux fins d'appel en garantie.

En dernier lieu, la société Astier a demandé de:

- juger qu'il existait une ambiguïté au sein du contrat en raison d'une part de l'existence de clauses peu claires, et d'autre part, d'une absence de cause de la police d'assurance souscrite;

- condamner la société Aviva à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations en principal, intérêts et frais de toute nature, qui pourraient être mises à sa charge devant les juridictions administratives au profit de la Smacl;

En toute hypothèse,

- juger que la société Aviva avait commis une faute caractérisée par son manquement à son devoir d'information et de conseil à son égard;

- condamner la société Aviva à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations en principal, intérêts et frais de toute nature, qui pourraient être mises à sa charge devant les juridictions administratives au profit de la Smacl;

En conséquence,

- condamner la société Aviva lui verser la somme de 30'000 euros au titre du préjudice moral;

- condamner la société Aviva à lui payer une somme de 20'000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société Aviva a demandé de débouter la société Astier de l'ensemble de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 25'000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 19 octobre 2021, le tribunal judiciaire de [Localité 4] a:

- rappelé que par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait condamné solidairement les sociétés Gayet, Vitoux et Astier à verser à la Smacl la somme de 1'098'484 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, et dit que les intérêts échus à la date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seraient capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts;

- condamné la société Aviva à garantir la société Astier de la moitié de cette condamnation ;

- condamné la société Aviva à payer la société Astier la somme de 6000 euros au titre du préjudice moral;

- débouté la société Astier du surplus de ses demandes;

- condamné la société Aviva à payer à la société Astier la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 3 décembre 2021, la société Aviva a relevé appel de ce jugement.

Le 27 septembre 2022, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

Le 27 septembre 2022, la société Abeille a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture.

Le 27 septembre 2022, la société Astier s'est opposée à la révocation de l'ordonnance de clôture.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées:

- le 27 septembre 2022 à 8 heures 59 par la société anonyme Abeille Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances, appelante;

- le 26 septembre 2022 à 18 heures par la société Astier, intimée.

Par voie d'infirmation, la société Abeille demande de débouter la société Astier de toutes ses prétentions formées à son encontre, et de la condamner à lui payer une somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Par voie d'infirmation, la société Astier réitère l'intégralité de ses prétentions initiales, sauf à limiter à 15 000 euros sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.

MOTIVATION:

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture:

Des écritures, signifiées le jour même de l'ordonnance de clôture, sont présumées l'avoir été avant celle-ci, et ont été produites en temps utile dès lors qu'elles ne contiennent pas de moyen nouveau nuisant à la partie adverse ou nécessitant une réponse (Cass. com., 4 juillet 2006, n°04-19.577, Bull. 2006, IV, n°164).

Le 27 septembre 2022 à 8 heures 30 a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

Le 27 septembre 2022 à 8 heures 58, la société Abeille a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, ce à quoi s'est opposée la société Astier.

Le 27 septembre 2022 à 8 heures 59, la société Abeille a déposé de nouvelles conclusions n°4.

Déposées le jour même de la clôture, les conclusions n°4 de la société Abeille sont ainsi présumées avoir été déposées avant la clôture.

Et l'examen des conclusions n°4 de la société Abeille ne fait pas ressortir que celle-ci aurait présenté des moyens qui n'auraient pas été déjà développés dans ses précédentes conclusions n°3 déposées le 26 septembre 2022 à 14 heures 17.

Au surplus, la société Astier ne vient pas formuler un tel grief à l'encontre des écritures n°4 de la société Abeille.

Il en sera déduit que les écritures n°4 de la société Abeille ont été déposées en temps utile.

Du tout, il y aura lieu de dire n'y avoir lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture.

Sur l'application du plafond de garantie:

Dans un premier temps, et compte tenu des demandes des parties concordantes sur ce point, il y aura lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a rappelé que par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait condamné solidairement les sociétés Gayet, Vitoux et Astier à verser à la Smacl la somme de 1'098'484 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, et dit que les intérêts échus à la date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seraient capitalisés à chacune de ces dates pour produire même des intérêts.

Sur l'absence de caractères très apparents, apparents, et sur la nécessité d'interpréter le contrat en faveur de l'assurée:

Selon l'article L. 112-3 du même code, en son premier alinéa, le contrat d'assurance et les informations transmises par l'assureur aux souscripteurs mentionnés dans le présent code sont rédigés par écrit, en français, en caractères apparents.

Selon l'article L. 112-4 du même code, les clauses des polices, édictant des nullités, des déchéances, ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Si les nullités, exclusions et déchéances de garanties doivent être formulées dans la police en caractères très apparents, les autres conditions de la garantie, y compris les clauses de plafonnement, ne sont soumises à aucune exigence typographique (Cass. 2e civ., 15 mars 2007, n°06-12.104).

Il appartient au juge d'interpréter une clause contractuelle ambiguë ou équivoque.

Mais une clause contractuelle claire et précise doit être appliquée sans être interprétée.

La société Astier fait grief à la clause de plafonnement des dommages aux existants, dans son volet responsabilité civile exploitation, de son absence de caractère très apparent, de manière à attirer spécialement son attention, de son absence de caractère apparent, de son absence de clarté et de son ambiguïté.

Elle entend en voir déduire que la clause ambiguë de ce contrat d'adhésion doit être interprétée en sa faveur.

Dans un premier temps, il sera rappelé que la clause susdite, de plafonnement, n'est pas soumise aux exigences typographiques propres aux clauses portant sur une nullité, une déchéance, ou une exclusion.

En sa page 54, les conditions générales des garanties définissent les existants comme les parties immobilières anciennes d'une construction appartenant ou destinées à appartenir au maître d'ouvrage, existant avant l'ouverture du chantier, sur, sous, dans ou en contiguïté desquelles sont exécutées des travaux.

En sa page 52, les conditions générales définissent les biens confiés comme un bien immobilier appartenant à des tiers, dont l'assuré a l'usage ou la garde dans le cadre de son activité mais qui ne font pas l'objet de sa prestation: mobilier ou outillage mis à disposition de l'assuré pendant la durée des travaux.

En outre, il ressort des conditions particulières de la police, dont la société Astier a produit un exemplaire, revêtu de sa signature et de son cachet, et portant la date du 10 décembre 2008, que le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales préalablement à la signature des conditions particulières.

Et il ressort du tableau inséré en page 5 des conditions particulières de la garantie civile d'exploitation que:

- les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs sont plafonnés à 6,1 millions d'euros par sinistre, dont les accidents du travail ou les maladies professionnelles résultant de la faute inexcusable de l'employeur ou de ses substitués, qui sont eux-mêmes plafonnés à 1,6 millions d'euros par année d'assurance;

- les dommages matériels et immatériels consécutifs sont plafonnés à 1 million d'euros par sinistre, dont les dommages aux existants et aux biens confiés, eux-mêmes plafonnés à 160'000 euros par sinistre, dont 16'000 euros pendant le transport des biens confiés à caractère régulier.

Il ressort des éléments susdits, l'indication apparente et dénuée d'ambiguïté de ce que la garantie de l'assureur portant sur les dommages aux existants est plafonnée à 160 000 euros par sinistre.

Subséquemment, les clauses susdites, par leur clarté et leur précision, sont exclusives de toute nécessité d'interprétation.

Dès lors, la société Astier ne peut pas raisonnablement soutenir sa croyance légitime selon laquelle elle se serait trouvée couverte à hauteur de 6,1 millions d'euros par sinistre ou à tout le moins à concurrence de 1 million d'euros par sinistre, et que les montants susdits s'appliquaient aussi aux dommages aux existants.

Sur l'absence de cause et l'absence de substance du contrat d'assurance:

Selon l'article 1131 du Code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016,

L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Selon l'article 1169 du Code civil, dans sa version applicable au 1er octobre 2016,

Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

Selon l'article 1171 du même code dans la même version,

Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'adéquation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

L'article L. 113-1 du code des assurances dispose que les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive.

Si les exclusions de risque doivent être formelles et limitées, cette double exigence ne s'applique pas aux clauses se bornant à limiter la garantie de l'assureur (Cass. 1ère civ., 15 juillet 1999, n°97-15.780, Bull. 1999, I, n°240).

La société Astier soutient que la clause de plafonnement des dommages aux existants de la garantie responsabilité civile exploitation viderait le contrat d'assurance de sa substance, et que le versement des primes y afférentes se heurterait à une absence de véritable contrepartie, par la suppression de la majeure partie de l'aléa relatif au versement de l'indemnité d'assurance.

Elle vient préciser que la contrepartie de l'assurance est dérisoire en raison de l'excessive faiblesse du plafond.

Elle entend en voir déduire que le contrat serait ainsi aussi dépourvu de cause.

Eu égard à la nature de la clause susdite, de plafonnement de garantie, il ne peut pas être soutenu qu'elle viderait la garantie de sa substance au sens du premier de ces textes.

Il ressort du tableau annexé aux conditions particulières que la société Aviva garantissait la société Astier non seulement au titre de la responsabilité civile exploitation, et après livraison des travaux, mais encore au titre de la responsabilité civile décennale, et pour cette dernière non seulement au titre d'une garantie base obligatoire, mais encore au titre de diverses garanties complémentaires.

Ainsi, en ce que les primes d'assurances ont pour contrepartie l'ensemble des garanties offertes par l'assureur, et non pas la seule garantie des dommages aux existants et aux biens confiés dans le cadre de la responsabilité civile exploitation, et que le plafond de garantie relatif aux dommages aux existants ne peut pas être qualifié de dérisoire, il ne peut pas être soutenu que la clause susdite viderait le contrat de sa substance, ni que ce dernier soit dépourvu de cause.

Enfin, en ce que la souscription du contrat d'assurance litigieux est très antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 du nouveau code civil, la société Astier ne peut se prévaloir des articles 1169 et 1171 du code civil, applicable aux obligations souscrites à compter du 1er octobre 2016.

Sur l'irrespect allégué de la convention du 8 septembre 2005:

Il ressort de l'article L. 243-1-1 II du code des assurances que les existants, sauf s'ils deviennent techniquement indivisibles dans l'ouvrage neuf en étant totalement incorporés à ce dernier, sont exclus du domaine de l'assurance obligatoire en matière de construction.

Une convention en date du 8 septembre 2005 passée entre l'Etat, les assureurs et les maîtres de l'ouvrage, prévoit que les seconds s'engagent à proposer systématiquement aux maîtres de l'ouvrage une garantie dommage aux existants autonome, avec liberté pour les assurés de la souscrire, ou non, et dont l'offre de garantie correspondra au minimum à la couverture des coûts afférents à la remise en état des existants.

Mais de par l'effet relatif des contrats, les effets obligatoires de la convention susdite sont limités à leurs seuls signataires, et la société Astier, simple locataire d'ouvrage ou sous-traitant, n'y est pas partie: de la sorte, l'existence de cette convention se trouve sans effet sur le contrat passé entre la société Astier et la société Aviva.

Au surplus, la société Aviva observe exactement que la convention susdite porte exclusivement sur l'assurance construction obligatoire, c'est à dire la garantie dommages ouvrage ou la garantie décennale.

Or, en ce que le dommage est survenu en cours de chantier, et avant la réception des travaux afférents au lot couverture confié aux sociétés Gayet, Vitoux et Astier, alors que cette dernière était en train de réaliser les travaux au jour du sinistre, seule se trouvait mobilisable la garantie de responsabilité civile exploitation souscrite par cette dernière.

Dès lors, l'invocation par la société Astier de la convention du 8 septembre 2005, se trouve en l'espèce sans emport quant à l'application du contrat d'assurance liant les parties.

Sur l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties:

Selon l'article L. 442-6 I. du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, et issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008,

Engage la responsabilité de son auteur et oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

...

2° de soumettre de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Les conditions particulières produites par la société Aviva montrent que celles-ci ont été souscrites le 10 décembre 2008, avec une prise d'effet au 1er septembre 2008, de telle sorte qu'il sera retenu que seul le texte légal susdit est applicable au contrat litigieux, et non pas l'article 1171 du code civil, dans sa version applicable au 1er octobre 2016, invoqué à tort par la société Astier.

En ce que ces conditions particulières fixent à 3643 euros hors taxes ou à 3986 euros toutes taxes comprises le montant de la cotisation forfaitaire annuelle, et au regard de l'ensemble des garanties offertes par l'assureur, sus développées, la clause de plafonnement à 160 000 euros des dommages aux existants et aux biens confiés, afférents à la garantie de la responsabilité civile exploitation, ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Sur le manquement de l'assureur à son devoir de conseil et à son obligation d'information:

Sur le manquement au devoir de conseil:

L'assureur est tenu à une obligation de conseil, laquelle porte sur l'adéquation des garanties proposées aux besoins de l'assuré.

Cette obligation existe, même si les clauses du contrat sont claires et précises.

Cette obligation de conseil se poursuit tout au long de l'exécution contractuelle.

C'est à l'assureur qu'il appartient de démontrer qu'il a observé son devoir de conseil.

Le devoir de conseil de l'assureur s'apprécie en fonction de la complexité de l'opération d'assurance et des propres compétences du souscripteur, et se trouve atténué à l'égard d'un professionnel assurant les risques de son activité.

Le devoir de conseil ne peut porter que sur les risques connus de l'assureur, et le candidat à l'assurance doit établir qu'il a suffisamment et exactement informé l'assureur des risques à assurer.

De manière liminaire, la société Astier, professionnel du bâtiment, ne vient jamais soutenir, et moins encore démontrer avoir, à un quelconque moment de la relation contractuelle, spontanément avisé la société Aviva qu'elle était amenée à intervenir sur des ensembles immobiliers d'une valeur patrimoniale et architecturale très élevée, notamment par suite de l'acte d'engagement du 14 décembre 2009 passé avec la commune de [Localité 4].

Elle se borne ainsi à soutenir que la société Aviva avait connaissance de la nature exacte de sa propre activité.

Mais, il ne ressort pas des courriers par lequel l'assureur a transmis à la société Astier la police litigieuse, la connaissance de la nature exacte de l'activité en litige, laquelle ne peut pas se déduire de la seule mention d'une étude préalable des besoins du client.

Au surplus, si la société Astier critique la valeur probante des échanges mails internes à l'assureur et à son agent général, elle ne vient pas arguer ceux-ci de faux.

Dès lors que ces pièces ne procèdent pas exclusivement de l'assureur, mais procèdent de ses échanges avec un tiers en relation avec la société Astier, c'est à dire son agent général, il y aura lieu de retenir la valeur probante de ces éléments, et ce d'autant plus que la société Astier vient aussi le soutenir pour mettre en exergue qu'à son sens, ils démontrent que l'assureur avait connaissance du caractère inadapté de la police initialement souscrite.

Il ressort ainsi des échanges de mails internes à l'assureur et à son agent général, corroborés par le projet de contrat dit Edifice, prenant effet au 1er janvier 2011, que dans le courant de l'année 2011, la société Aviva a proposé à l'assurée une augmentation de ses garanties, pour faire passer à 200 000 euros le montant du plafond litigieux - avec prime annuelle augmentée à 6023 euros ttc (au lieu de 3989 euros ttc ), mais en se fondant essentiellement sur la seule augmentation chiffrée de l'activité, prenant pour base un chiffre d'affaire de 530 000 euros (au lieu de 500 000 euros ) et de 5 salariées (au lieu de 3).

Ces mêmes éléments établissent que la société Astier, contactée aux fins de modifier son contrat sur la base de l'augmentation de son chiffre d'affaire et d'activité, a refusé de donner suite à la proposition de l'assureur, en faisant essentiellement valoir que l'écart tarifaire résultant de la proposition de souscription du contrat Edifice était trop important, qu'il n'y avait pas lieu de retenir une augmentation de ses effectifs, en ce que les embauches d'intérimaires ne conduisaient pas à la réalisation d'un nombre d'heures suffisant à son sens pour équivaloir à une augmentation de ses effectifs à hauteur de 5 salariés.

Il ressort du mail en réponse à la demande formulée le 11 juillet 2011 que le contrat initial est inadapté et plus onéreux que le contrat dit Edifice, et que le client réalise de plus une activité sensible, et qu'il y a un sinistre ouvert sur le contrat en cours.

Mais cette seule mention, équivoque, tenant à la réalisation d'une activité sensible par le client, ne saurait équivaloir à la connaissance, par l'assureur, de ce que la société Astier était désormais amenée à intervenir sur des ensembles immobiliers d'une valeur patrimoniale et architecturale très élevée, notamment par suite de l'acte d'engagement du 14 décembre 2009 passé avec la commune de [Localité 4].

Il ressort du document intitulé "Astier Victor" portant la date du 12 octobre 2011, produit par l'assureur, et adressée par ce dernier à son agent général, un projet de modification de la police proposée à la société Astier, qui aurait notamment rehaussé très sensiblement le plafond propre à la garantie des dommages aux existants à 600 000 euros, pour un montant de prime annuelle variant entre 11 389,06 euros, avec une franchise de 1500 euros, et 13 346,69 euros, avec une franchise de 500 euros.

Mais cette étude a aussi sensiblement rehaussé les plafonds des autres garanties, pour:

- déplafonner la garantie décennale pour travaux de construction soumis à l'assurance obligatoire, la faisant passer de 6,1 millions d'euros par sinistre à la hauteur du coût des réparations;

- faisant passer les dommages matériels et immatériels consécutifs à la responsabilité civile exploitation de 1 million d'euros par sinistre à 1,5 millions pour les dommages matériels par année et par sinistre, et pour les dommages immatériels à 200 000 euros par sinistre et 400 000 euros par année.

Mais cette étude prend aussi pour base un chiffre d'affaires hors taxe de 530 000 euros taxes, tout comme les propositions susdites au titre du contrat Edifice.

Certes, le mail de transmission de cette étude précise que celle-ci a été réalisée sur la base des informations communiquées, mais sans autre précision.

Sans qu'il y ait lieu de s'attacher exclusivement à la seule hausse proposée du plafond de garantie propre aux dommages aux existants, il ne peut pas suffisamment se déduire de la proposition de l'assureur, consistant à rehausser sensiblement l'ensemble des garanties proposées par ce dernier projet de contrat, que la société Aviva savait nécessairement que la société Astier intervenait sur des ouvrages de grande valeur patrimoniale et pécuniaire.

Il sera ainsi considéré que ce dernier projet de contrat s'inscrit également, mais seulement dans la connaissance, par l'assureur, de l'évolution du chiffre d'affaire et des effectifs de la société Astier.

Du tout, il sera retenu que l'assureur n'avait pas connaissance de la nature exacte des interventions de l'assurée sur les édifices à forte valeur patrimoniale: ainsi, il n'avait pasl'obligation de conseiller spécifiquement la société Astier sur l'adaptation des garanties offertes à la nature de son activité, qui lui était inconnue.

Certes, à l'inverse du contrat Edifice, l'assureur ne démontre pas avoir communiqué cette étude dénommée Astier Victor ou la teneur de celle-ci à la société Astier.

Mais dès lors que la société Astier avait refusé de faire passer de 3989 euros ttc (contrat initial) à 6023 euros ttc (contrat Edifice) le montant annuel de ses primes, il était évident qu'elle aurait également refusé de faire porter celui-ci à 11 389,06 euros au moins (projet de contrat issu de l'étude Astier Victor).

Ainsi et surabondamment, la société Astier défaille à démontrer que plus amplement conseillée, elle aurait souscrit des garanties comportant un plafond plus élevé au titre de la garantie des dommages aux existants.

Les prétentions de la société Astier ne pourront donc pas prospérer sur la base d'un manquement de l'assureur à son devoir de conseil.

Sur le manquement à l'obligation d'information:

L'assureur est tenu à une obligation d'information, laquelle se poursuit tout au long de l'exécution contractuelle.

C'est à l'assureur qu'il appartient de démontrer qu'il a observé son obligation d'information.

La société Astier fait encore grief à la société Aviva d'avoir manqué à son obligation d'information.

Mais il ressort de l'exemplaire de la police litigieuse, produit par la société Astier elle-même, et portant la signature et le cachet des deux parties ainsi que la date du 10 décembre 2008, que l'assurée reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales, définissant notamment la notion d'existants.

Et pour le surplus, il sera renvoyé aux développements figurant plus haut, pour en retenir que la société Astier, professionnel du bâtiment, par la communication des conditions particulières, avait connaissance du plafond de garantie propre aux dommages aux existants, et que ce dernier figurait de manière apparente dans le tableau propre aux garanties souscrites.

Le reliquat des moyens développés sous couvert de manquement au devoir d'information relève en réalité du grief de manquement au devoir de conseil, et il sera renvoyé à cette fin aux développements figurant plus haut.

Les prétentions de la société Astier ne pourront donc pas prospérer sur la base d'un manquement de l'assureur à son obligation d'information.

* * * * *

En conclusion, la société Astier sera déboutée de sa demande tendant à être garantie par l'assureur de toutes condamnations mises à sa charge par les juridictions administratives au profit de la Smacl, ainsi que de sa demande indemnitaire pour manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil, et le jugement sera infirmé de ces chefs.

* * * * *

Il sera rappelé que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Aviva aux entiers dépens de première instance, et à payer à la société Astier la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

La société Astier sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, et sera condamnée à payer au même titre à la société Abeille la somme de 8000 euros au même titre.

La société Astier sera aussi condamnée aux entiers dépens des deux instances.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit n'y avoir lieu à la révocation de l'ordonnance de clôture;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant:

Déboute la société par actions simplifiée Astier Victor de l'intégralité de ses prétentions formées à l'encontre la société anonyme Abeille Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances;

Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré;

Condamne la société par actions simplifiée Astier Victor aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à la société anonyme Abeille Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances, la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/02146
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;21.02146 ?
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