ARRET N°
du 06 décembre 2022
N° RG 21/02074 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCU6
[J]
c/
[K]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL PELLETIER ASSOCIES
la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANT :
d'un jugement rendu le 07 septembre 2021 par le TJ de CHARLEVILLE-MEZIERES
Monsieur [X] [J]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
INTIME :
Monsieur [F] [K]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Emeric LACOURT de la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocat au barreau des ARDENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 24 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 décembre 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Monsieur [F] [K] a confié à Monsieur [X] [J], artisan maçon exerçant sous l'enseigne Arden Aménagements, dans le cadre d'un contrat d'entreprise, des travaux de terrassement, gros 'uvre et réseaux afférents à la construction d'un immeuble d'habitation.
Les travaux de plomberie et de chauffage ont été confiés à M. [W].
Deux devis ont été établis par M. [J] pour les travaux lui incombant les 5 et 7 septembre 2016 pour un montant total de 85 949,39 euros. La construction a débuté en janvier 2017 après acceptation des devis le 18 janvier 2017.
Entre le 23 décembre 2016 et le 25 juin 2017, Monsieur [X] [J] a adressé à Monsieur [F] [K] neuf factures pour un montant total de 80 251,36 euros, factures qui ont été payées par Monsieur [K].
Au cours du mois de septembre 2017, Monsieur [X] [J] a cessé de se présenter sur le chantier. Un procès-verbal d'abandon de chantier a été dressé le 27 septembre 2017 par la SCP Verrier. M. [J] a repris le chantier mais celui-ci a été arrêté définitivement au mois d'octobre 2017.
Monsieur [K] a saisi sa compagnie de protection juridique pour réaliser une expertise amiable, avant de saisir le 8 août 2018 le président du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en référé aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Il a été fait droit à cette demande par ordonnance de référé du 6 novembre 2018.
Un rapport d'expertise a été déposé en l'état le 20 janvier 2019 par M. [T] [Y], M. [K] n'ayant pas accepté la demande de consignation complémentaire formée par l'expert justifiée par la nécessité de s'adjoindre les services d'un géomètre et d'un économiste.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 avril 2019, Monsieur [F] [K] a prononcé la résolution unilatérale du marché.
Par acte d'huissier en date du 30 avril 2019, Monsieur [F] [K] a fait assigner Monsieur [X] [J] devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, devenu tribunal judiciaire, aux fins principalement de le voir condamner à lui restituer les sommes qu'il a perçues au titre des travaux commandés à hauteur de 80 251,36 euros, outre la réparation de son entier préjudice, à hauteur de 50 000 euros, ainsi que 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse, Monsieur [X] [J] a demandé au tribunal de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Monsieur [K], et subsidiairement de prononcer sa résolution.
En tout état de cause, il a sollicité le paiement de la somme de 15 289,21 euros au titre de l'exécution des contrats, et 10 000 euros en réparation de son préjudice.
Par décision du 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a':
- déclaré prescrites sur le fondement de l'article L 218-2 du code de la consommation les demandes formées par Monsieur [X] [J] tendant au paiement des 7 factures établies entre le 9 septembre 2016 et le 28 mai 2017 (il s'agit de factures de matériaux dont le paiement a été demandé pour la première fois par conclusions du 5 octobre 2020),
- débouté Monsieur [X] [J] de sa demande tendant au paiement des travaux supplémentaires facturés le 9 octobre 2017 pour un montant de 8 892 €,
- déclaré sans effet la résolution du marché notifiée par Monsieur [F] [K] le 29 avril 2019,
- débouté Monsieur [F] [K] de sa demande de restitution du prix,
- débouté Monsieur [X] [J] de sa demande tendant à la résiliation du contrat,
- condamné Monsieur [X] [J] à payer à Monsieur [F] [K] la somme de 20 000 € ht en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution du contrat,
- débouté Monsieur [X] [J] de sa demande en paiement de la somme de 15 289,21 €,
- débouté Monsieur [X] [J] de sa demande en paiement de la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral et financier,
- laissé à Monsieur [X] [J] et à Monsieur [F] [K] la charge de leurs dépens,
- débouté Monsieur [X] [J] et Monsieur [F] [K] de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le fond, le tribunal a considéré :
- s'agissant des travaux supplémentaires (surélévation du vide sanitaire, surélévation de l'étage du fait de colonnades plus hautes, agrandissement de la largeur du garage), que si M. [J] se prévalait de prestations supplémentaires que le client aurait commandées pour un montant de 8 892 euros, il ne démontrait pas que la facture, qui ne comportait aucune signature de M. [K] et qui avait été éditée à une époque concomitante à l'abandon du chantier, correspondait à une commande de M. [K], de sorte qu'il devait être débouté de sa demande,
- s'agissant des demandes de résiliation/résolution du contrat formées par les deux parties, que M. [K] ne pouvait valablement prononcer la résolution du contrat, les manquements commis par M. [J] n'étant pas suffisamment graves pour la justifier et qu'il devait être en conséquence débouté de sa demande tendant à la condamnation de M. [J] à lui payer la somme de 80 251,36 euros en restitution des sommes versées au titre du marché ; que M. [J] devait être pareillement débouté de sa demande principale de résiliation et subsidiairement de résolution du contrat à défaut lui aussi d'établir une inexécution suffisamment grave au sens de l'article 1224 du code civil (M. [J] reprochait à M. [K], maître d'ouvrage et maître d'oeuvre, d'avoir omis de déceler l'anomalie budgétaire du projet, et omis d'établir et de confier à l'entrepreneur des plans de structure, des bordereaux de prestations de gros-oeuvre ou de tenir des réunions de chantier avec compte-rendus),
- s'agissant des responsabilités, que si la responsabilité de M. [J] était engagée pour toutes les malfaçons constatées par l'expert, et ce nonobstant le fait que le chantier ne pouvait être achevé par l'artisan avec le budget ridiculement bas mis en exergue par l'expert, la responsabilité de l'artisan devait être atténuée du fait de l'acceptation délibérée du risque d'une construction à moindre coût par M. [K],
- s'agissant des préjudices, que compte tenu des versements effectués, M. [K] restait redevable de la somme de 5 698,03 euros sur la valeur totale du marché ; que le coût des reprises pouvait être chiffré à la somme de 30 915,66 euros (aux termes de l'expertise amiable) de laquelle il convenait de déduire la somme non réglée par M. [K] et qu'il fallait enfin tenir compte de la part de M. [K] dans la réalisation de son préjudice dont les conséquences sur le déroulement du chantier en terme de surcoût de matériaux ne pouvaient être mises à la charge de M. [J] ; qu'il convenait donc d'allouer à M. [K] la somme de 20 000 euros ht au titre de la réparation des désordres.
Par déclaration reçue le 23 novembre 2021, M. [X] [J] a formé appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières.
Le 6 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a proposé aux parties de procéder à une médiation. La médiation a été refusée par l'intimé, M. [K], l'appelant n'y étant pas opposé.
Par conclusions notifiées le 22 février 2022, M. [J] demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivant, 1226, 1231 et suivants et 1240 et suivants du code civil, de déclarer M. [J] recevable et bien fondé en son appel.
Il est demandé à la cour d'infirmer la décision de première instance, et statuant à nouveau'de :
Sur la résiliation
A titre principal':
- prononcer la résiliation du contrat aux torts de M. [K] en date d'octobre 2017,
En conséquence,
- condamner M. [K] à restituer à Monsieur [J] une somme de 15 289,21€,
A titre subsidiaire
- limiter la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre de M. [J] à la somme de 9 137 € ht,
Sur la responsabilité':
- constater que M. [K] a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle,
- subsidiairement, sa responsabilité délictuelle,
En conséquence,
- condamner M. [K] à verser à M. [J] une somme de 15 000 € en réparation de tous ses préjudices confondus,
En tout état de cause,
- débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- condamner M. [K] à verser à M. [J] une somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 11 juillet 2022, M. [F] [K], formant appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1226 du code civil et L 218-2 du code de la consommation, de':
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré sans effet la résolution du marché notifié par M. [F] [K] le 29 avril 2019, l'a débouté de sa demande de restitution du prix, a condamné M. [X] [J] à payer à M. [K] la somme de 20 000 € ht en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution du contrat, a laissé à M. [F] [K] la charge de ses dépens et l'a débouté de ses demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes formées par M. [X] [J] tendant au paiement des sept factures établies entre le 7 septembre 2016 et le 28 mai 2017, en ce qu'il a débouté M. [X] [J] de sa demande tendant au paiement des travaux facturés le 9 octobre 2017 pour un montant de 8892€, en ce qu'il a débouté M. [X] [J] de ses demandes tendant à la résiliation du contrat, l'a débouté de sa demande en paiement de la somme de 15 289,21€, de sa demande en paiement de 10 000 € en réparation de son préjudice moral et financier';
Statuant à nouveau,
- dire et juger irrecevable la demande de M. [X] [J] tendant à l'allocation d'une somme de 15 000 € en réparation de son préjudice moral et financier comme nouvelle à hauteur de cour,
- condamner M. [X] [J] à payer à M. [F] [K] la somme de 80 251,36 € en restitution des sommes payées en exécution des contrats conclus à la suite de l'émission par M. [J] des devis n°DE00000221 du 7 septembre 2016 et D143221 du 5 septembre 2016,
- condamner M. [X] [J] à payer à M. [F] [K] une indemnité d'un montant de 50 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution par M. [J] de ses obligations contractuelles,
- condamner M. [J] en tous les dépens, lesquels comprendront les frais de l'expertise ordonnée par ordonnance du juge des référés du 6 novembre 2018, dont distraction au profit de Maître Lacourt, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamner M. [J] à verser à M. [F] [K] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire des dispositions du jugement à intervenir.
MOTIFS DE LA DECISION':
Les demandes de résolution du contrat':
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
L'article 1226 du même code dispose que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.
La résolution d'un contrat ne peut être prononcée que s'il est démontré que l'inexécution contractuelle revêt un caractère de gravité suffisamment important pour la justifier.
En l'espèce, chaque partie demande la résolution du contrat aux torts exclusifs de l'autre considérant que les manquements sont suffisamment graves pour la prononcer.
- la résolution judiciaire du contrat demandée par M. [J]':
M. [J] demande l'infirmation du jugement le déboutant de sa demande de résiliation du contrat.
Il se prévaut des fautes commises par M. [K] tant en sa qualité de maître d'ouvrage qu'en sa qualité de maître d'oeuvre (qui lui a commandé des modifications importantes, notamment la surélévation du vide sanitaire, des colonnes extérieures en façade, un agrandissement de la largeur du garage et une modification de l'escalier intérieur, et qui aurait dû déceler l'anomalie budgétaire du projet), considérant au surplus que c'est lui qui dirigeait le chantier, que ces fautes sont incompatibles avec la continuation du contrat et qu'elles caractérisent une inexécution suffisamment grave pour que soit prononcée la résolution du contrat aux torts exclusifs de M. [K] à compter d'octobre 2017.
Se prévalant de l'article 1229 du code civil, il considère que s'agissant des prestations ayant trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu de faire rétroagir la résolution.
Il est avéré que le maître d'ouvrage, M. [K], ne s'est pas attaché les services d'une maîtrise d'oeuvre qualifiée pour son projet de construction.
S'il est établi aux termes du rapport d'expertise de M. [Y] et des mails échangés entre les parties que M. [K] assurait également la maîtrise d'oeuvre d'exécution du chantier dans la mesure où c'est lui qui était censé conduire l'ensemble des opérations de construction depuis la fourniture des plans, le choix des entreprises, la signature des contrats et la direction de l'exécution des travaux, aucun élément ne permet en revanche de considérer qu'il ait pu manquer gravement à ses obligations au point de justifier une résolution du contrat.
En effet, si M. [K] n'était manifestement pas en mesure d'assumer ce rôle avec l'efficacité qui peut être attendue d'un maître d'oeuvre normalement diligent dont il n'avait pas les compétences professionnelles, il n'est pas démontré pour autant par M. [J] que ces manquements aient pu rendre impossible la continuation du contrat, la cour relevant au demeurant que seuls quelques mails ont été échangés entre les parties et qu'à aucun moment, M. [K] n'a interféré dans le travail de M. [J] qui n'a d'ailleurs jamais formulé non plus avant l'introduction de la procédure, d'observations ou de protestations sur les modifications demandées au fur et à mesure de l'avancement du chantier.
C'est par conséquent à juste titre que M. [J] a été débouté par le premier juge de sa demande de résolution du contrat.
- la résolution du contrat notifiée par M. [K] à M. [J] le 29 avril 2019':
M. [K] soutient de son côté qu'il y a eu une violation grave, pérenne et définitive par M. [J] de ses obligations, qu'il s'agisse de son obligation de résultat ou de son obligation d'exécution de bonne foi de la convention justifiant qu'il ait mis fin au contrat.
Il rappelle que l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat quant aux travaux à l'exécution desquels il s'est engagé ; qu'il est de même tenu d'exécuter de bonne foi le contrat, comme tout cocontractant et avec une diligence normale et raisonnable; qu'une telle obligation lui interdit de quitter sans délai le chantier, de l'abandonner, et de cesser son activité professionnelle sans avoir exécuté les prestations promises, sans en aviser son cocontractant, et sans avoir jamais répondu aux mises en demeure ni averti qu'il cessait son activité le 31 décembre 2017.
Il précise avoir résolu le contrat, après plusieurs lettres de mise en demeure, en respectant ainsi la procédure de l'article 1226, et en procédant à deux constats d'huissier (le 21/09/2017 et 26/06/2018).
Il ressort du rapport d'expertise de M. [Y] que l'ouvrage qui devait être construit est affecté de désordres dont la matérialité est certaine.
Il n'a néanmoins pas été possible pour l'homme de l'art de donner un avis sur le degré de gravité de ces désordres susceptible de servir de fondement à une résolution du contrat.
En effet, M. [K] a refusé de payer la consignation supplémentaire demandée par M. [Y] pour qu'il puisse faire appel à un géomètre afin de faire le point sur cette construction qui apparaît à tout le moins bancale du fait de la modification de l'ouvrage en cours de chantier voulue par M. [K].
Néanmoins, en l'état du dépôt de ce rapport, aucune malfaçon ou non façon ne met en péril la solidité de l'immeuble dont les fondations sont assurées.
Il n'existe donc pas de malfaçons ou de non façons suffisamment importantes pour entraîner la résolution du contrat et la cour relève d'ailleurs, au vu du rapport de M. [Y] et du constat d'huissier du 26 juin 2018, qu'il est évoqué davantage des non façons que des malfaçons.
S'agissant de l'abandon de chantier qui est reproché par M. [K] à M. [J], constaté à deux reprises par huissier de justice les 21 septembre 2017 et 26 juin 2018, il apparaît qu'en réalité le chantier a été arrêté en raison certes de l'incapacité de l'artisan à terminer une 'uvre qui le dépassait mais également des exigences de M. [K], fonctionnaire territorial, qui exerçait les fonctions de maître d'oeuvre d'exécution sans en avoir manifestement les compétences au regard du volume de l'ouvrage qu'il avait commandé à M. [J] et dont il a demandé la modification de certains éléments au fur et à mesure de l'avancement du chantier et ce, alors que seul un véritable maître d'oeuvre aurait été habilité à valider les transformations.
Cet élément est important dans la décision de l'artisan de cesser d'intervenir sur le chantier de sorte qu'il y a lieu de considérer, comme l'a fait à bon droit le premier juge, que la notification de la résolution du contrat adressée à M. [J] par M. [K] le 29 avril 2019 doit être dépourvue d'effet.
La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a débouté les deux parties de leur demande respective de résolution du contrat.
Les responsabilités':
L'ouvrage n'a pas été réceptionné.
La responsabilité des parties doit s'analyser sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun telle qu'elle est prévue à l'article 1231-1 du code civil.
Le rapport de M. [Y], même inachevé, révèle des désordres (il sera renvoyé à l'expertise sur ce point ainsi qu'au procès-verbal de constat dressé par Maître [S] le 26 juin 2018) qui, pour ne pas justifier une résolution du contrat, démontrent la mauvaise exécution par M. [J] des travaux pourtant déjà réglés qui lui avaient été confiés ainsi qu'un manque de savoir-faire évident dans un domaine, la maçonnerie, qui était pourtant sa spécialité et il était tenu, en sa qualité de professionnel qualifié, d'une obligation de résultat à l'égard de M. [K].
M. [J] n'a pas respecté ses obligations contractuelles de sorte que sa responsabilité dans les désordres est engagée.
Néanmoins, il ne peut être fait abstraction de la légèreté avec laquelle M. [K] a mené son projet de construction d'une maison individuelle de 270 m2 comportant une piscine intérieure et un garage extérieur moyennant un devis accepté et validé pour un montant de 85 949,39 euros.
L'expert relève à cet égard qu'il était évident que ce chantier ne serait jamais achevé avec un budget de gros 'uvre aussi infime et il appartenait à M. [K], qui était également maître d'oeuvre d'exécution, de signaler à M. [J] qu'il revoit son devis.
Il est également relevé par M. [Y] que M. [K] n'a aucune compétence professionnelle en matière de bâtiment, d'organisation de chantier et de connaissances des normes et DTU.
Or, un maître d'oeuvre choisi par M. [K] aurait immédiatement reconnu l'impossibilité de construire un tel immeuble avec le budget validé par le devis.
Il n'existait enfin aucun document de chantier (CCTP, compte rendu de chantier, plans de structure et d'exécution).
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu également de retenir la responsabilité de M. [K], qui a ainsi accepté le risque d'une construction dégradée, ce qui atténue sans la faire disparaître celle retenue à l'encontre de M. [J].
Les parts de responsabilité s'établiront comme suit': 80 % à la charge de M. [J] et 20 % à la charge de M. [K].
Le compte entre les parties':
Il est acquis que ce chantier ne peut être repris par M. [J] qui a cessé son activité fin 2017.
Il convient de faire le compte entre les parties.
M. [J] expose que des restitutions réciproques devront intervenir, de sorte qu'il conviendra de chiffrer les prestations réalisées.
Afin d'établir les comptes, il soutient que Monsieur [F] [K] lui a commandé des prestations supplémentaires pour un montant de 8 892 euros qu'il s'est abstenu de régler.
Il indique, par ailleurs avoir servi d'intermédiaire pour l'achat de l'ensemble des matériaux pour un montant total de 19 591,18 euros ttc.
Il soutient que le montant global du marché s'élevait à 105 540,57 euros ttc, alors que Monsieur [F] [K] lui a réglé la somme de 80 251,36euros euros ttc, soit un reste dû de 25 289,21 €, (en réalité 15 289,21 euros dans le dispositif de ses conclusions).
A titre subsidiaire, s'il devait être condamné pour ses prétendues fautes commises, il demande que cette condamnation soit limitée à hauteur de 9137 euros ht.
M. [K] lui oppose, s'agissant des modifications de travaux, qu'en dépit des affirmations adverses, il n'a jamais commandé de surélévation du vide sanitaire, de colonnes extérieures, d'agrandissement de la largeur du garage ou de modification de l'escalier, soulignant que les pièces fournies par la partie adverse ne justifient rien dès lors que M. [K] n'avait pas donné son accord au devis fourni.
De même, en se prévalant des articles 1359 et 1362 du code civil, M. [K] rappelle la nécessité de preuves écrites au vu du montant des travaux et souligne qu' aucune commande ni devis ne correspond à la facture de 8 892 euros ttc.
S'agissant de la demande adverse tendant au remboursement du coût des matériaux, M. [K] soutient que le prix des matériaux était inclus dans les devis initiaux, et relève par ailleurs qu'aucun élément ne permet de relier les factures produites par Monsieur [X] [J] au chantier litigieux ; que les devis n°DE0000222 (21 258€) et DE0000225 (13 640€) n'ont jamais été acceptés par Monsieur [K] ; que le devis DE0000219, quant à lui a été accepté par Monsieur [K], mais jamais été exécuté par Monsieur [J].
- la prescription de la demande en paiement des factures de M. [J]':
L'article L 218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
M. [J] conteste la prescription qui lui a été opposée par le premier juge et réclame le paiement de cinq factures émises entre le 9 septembre 2016 et le 28 mai 2017 à hauteur de 20 753,12 euros, outre deux factures de matériaux établies le 31 décembre 2016 pour un montant de 1238,06 euros.
Le paiement de ces factures n'a pas été demandé dans le délai précité de sorte que c'est à juste titre que le premier juge, reprenant en cela l'argumentation développée par M. [K], a considéré que cette demande était prescrite.
- les travaux supplémentaires'et les factures de matériaux :
* les travaux supplémentaires':
Si un accord préalable sur le montant de la rémunération de l'entrepreneur n'est pas une condition de validité du contrat, il incombe à ce dernier de démontrer que les travaux supplémentaires lui ont été commandés et dans l'affirmative, que ces travaux ont bien été réalisés.
M. [J] ne démontre pas que la facture dite pour travaux supplémentaires établie le 9 octobre 2017 pour un montant de 8 892 euros ttc dont il demande la paiement correspond à des prestations qui ont été commandées par M. [K].
A supposer même qu'elles l'aient été, ce qui peut être déduit des échanges de mail entre les parties, il ne démontre pas que ces travaux ont été intégralement réalisés'; il résulte en effet de l'expertise judiciaire que l'ouvrage reste en grande partie inachevé.
C'est par conséquent à juste titre qu'il a été débouté de sa demande à ce titre.
* les factures de matériaux':
Si M. [J] réclame le paiement d'une somme de 19 591,18 euros correspondant à des factures de matériaux qu'il dit avoir avancés pour le compte de M. [K], il ne démontre pas que ces matériaux qui ont été facturés à M. [J] mais qui n'ont pas fait l'objet d'une commande de son cocontractant, sont en lien avec le chantier objet du litige.
Il n'y a donc pas lieu de rajouter ni le coût de travaux supplémentaires ni le coût des matériaux au prix initial du marché résultant des deux devis acceptés par M. [K] le 18 janvier 2017.
* le montant des sommes dues':
Le prix du marché résulte donc des deux devis acceptés par M. [K] pour un montant total de 85 949,39 euros.
M. [K] a réglé la somme de 80 251,36 euros.
Il reste donc redevable de la somme de 5 698, 03 euros.
L'expert judiciaire n'a pas chiffré le coût des reprises, ayant cessé sa mission avant son terme en raison de l'absence de versement de provision complémentaire.
Si M. [J] conteste les devis proposés par l'entreprise Durbecq pour un montant de 30 915, 56 euros contenus dans le rapport d'expertise amiable établi le 3 mai 2018 (pièce n° 8 de M. [K]), il n'apporte aucun élément pouvant permettre de contester ce montant alors que les désordres ressortent du rapport d'expertise judiciaire et du constat d'huissier précédemment évoqué et que ce rapport, versé aux débats, a pu être débattu contradictoirement par les parties, M. [J] ayant été au surplus largement mis en mesure compte tenu de la durée de la procédure d'apporter des devis moins disants, ce qu'il n'a pas fait.
Le coût des reprises sera validé pour ce montant.
M. [J] est redevable de la somme de 25 217, 53 euros ttc.
Toutefois, compte tenu du partage de responsabilité précédemment opéré, M. [J] sera condamné à payer à M. [K] la somme de 20 174 euros ttc.
La décision sera infirmée de ce chef.
Les préjudices':
Au visa des articles 1217 et 1231-1 du code civil, M. [J] entend engager la responsabilité contractuelle de Monsieur [K] du fait de ses inexécutions contractuelles, ou bien à titre subsidiaire, au visa de l'article 1240 du code civil, sa responsabilité délictuelle au fins d'obtenir une indemnisation de son préjudice subi.
Il expose à cet égard que Monsieur [K] a exigé des modifications substantielles des conditions du marché, sans pour autant en accepter les conséquences en termes de coût ; que c'est ce chantier, catastrophique sur le plan économique, qui a conduit Monsieur [J] à cesser son activité professionnelle, ce qui justifie une indemnisation à hauteur de 15 000 euros.
De son côté, M. [K] sollicite la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution par M. [J] de ses obligations contractuelles.
S'agissant de la demande en paiement de la somme de 15 000 euros en réparation de tous les préjudices confondus, il considère qu'elle n'a pas lieu d'être dès lors que Monsieur [J] est lui même à raison de sa carence fautive à l'origine de la rupture du contrat ; que sa demande est d'ailleurs irrecevable comme nouvelle à hauteur de cour, car devant le tribunal judiciaire, il ne demandait que 10 000 euros.
La demande indemnitaire de M. [J]'à hauteur de 15 000 euros :
Cette demande n'est pas nouvelle puisqu'elle avait déjà été formée en première instance et que M. [J] n'a fait qu'en relever le montant à hauteur de cour.
Elle est par conséquent recevable.
Il a été précédemment jugé que M. [J] était pour grande partie responsable des désordres et il ne démontre pas au surplus l'existence d'un lien de causalité entre le chantier litigieux et l'arrêt de son activité professionnelle.
C'est par conséquent à bon droit qu'il a été débouté de sa demande à ce titre.
La demande indemnitaire de M. [K]'à hauteur de 50 000 euros :
M. [K] sollicite le paiement de la somme de 50 000 euros englobant le paiement des sommes de 29 164,66 euros (travaux réalisés par la société Adnet) et 2442,02 euros (travaux réalisés par la société Bellevue Carrelage), du crédit de 40 000 euros qu'il a dû souscrire pour financer ces surcoûts inattendus (coût total 9 411,08 euros), mais également les tracas causés par l'arrêt du chantier'.
Ces travaux n'ont aucun lien avec ceux objet des devis acceptés par M. [K], le crédit pas davantage et c'est donc à juste titre que le premier juge l'a débouté de sa demande.
En revanche, il est établi que M. [K] a dû retourner vivre à 40 ans chez sa mère, situation toujours d'actualité cinq ans après l'arrêt du chantier, l'immeuble étant en l'état inhabitable car inachevé en l'attente d'exécution des travaux de reprise (attestations, pièces n° 46 à 49).
Il a été précédemment jugé que M. [J] portait une importante part de responsabilité dans les malfaçons, les non façons et l'arrêt du chantier de sorte qu'il sera condamné à payer à M. [K] la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral subi.
La décision sera infirmée de ce chef.
L'article 700 du code de procédure civile':
La décision sera confirmée.
En équité, chaque partie gardera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour l'instance d'appel.
Les dépens':
La décision sera confirmée.
M. [J], qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel avec recouvrement direct au profit de Maître Lacourt conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire';
Confirme le jugement rendu le 7 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières à l'exception de ses dispositions relatives au coût des travaux de reprise et du préjudice moral subi par M. [F] [K] qui sont infirmées.
Statuant à nouveau sur ces deux points';
Condamne M. [X] [J] à payer à M. [F] [K] la somme de 20 174 euros ttc au titre du coût des travaux de reprise.
Condamne M. [X] [J] à payer à M. [F] [K] la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral subi.
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [X] [J] aux dépens de l'instance d'appel avec recouvrement direct au profit de Maître Lacourt conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE