ARRET N°
du 06 décembre 2022
N° RG 21/01993 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCN4
S.C.I. FLORILLAZ
c/
[D]
S.A.S. COLOMBE SEBASTIEN
S.A. MMA IARD
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
S.A.R.L. TIMOTIMO
Formule exécutoire le :
à :
la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES
la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT
la SELARL RAFFIN ASSOCIES
la SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 24 septembre 2021 par le TJ de [Localité 5]
S.C.I. FLORILLAZ
[Adresse 4]
[Localité 5]/FRANCE
Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et Me Antoine MOREL de la SELARL MOREL-THIBAUT, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant
INTIMEES :
Madame [J] [D]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Colette HYONNE de la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT, avocat au barreau de REIMS
S.A.S. COLOMBE SEBASTIEN SAS immatriculée au RCS de SAINT QUENTIN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège.
Les Près de la Cour
[Localité 1]
Représentée par Me Damien JOCHUM de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
S.A. MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Sihem METIDJI-TALBI de la SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Sihem METIDJI-TALBI de la SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
S.A.R.L. TIMOTIMO agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié de droit audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Monsieur Cédric LECLER, conseiller
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 25 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 décembre 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS , PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par acte authentique en date du 12 mai 2006, la société à responsabilité limitée Timotimo (la société Timotimo) a vendu à Madame [J] [D] une maison à usage d'habitation située [Adresse 4].
Courant 2008, Madame [D] a décidé de procéder à la réfection de la toiture pour remédier à l'apparition de fuites.
Elle a mandaté à cet effet la société par actions simplifiée Colombe Sébastien (la société Colombe), assurée auprès de la société Mma Iard Assurances Mutuelles et de la société anonyme Mma Iard (les sociétés Mma), qui a réalisé la pose d'une couverture en ardoises naturelles posées sur une sous-toiture elle-même fixée sur les panneaux en bois existants.
Le 20 mai 2008, ces travaux ont été facturés à 18'500 euros.
Par acte authentique en date du 30 septembre 2011, Madame [D] a cédé cet immeuble à la société civile immobilière Florillaz (la société Florillaz) pour un prix de 700'000 euros.
Courant 2012, la société Florillaz a confié à la société responsabilité Forma la pose de stores extérieurs électriques sur les quatre fenêtres de toit équipant les brisis de la couverture de la maison.
Au cours de l'automne 2013, la société Florillaz a déploré l'apparition d'infiltrations d'eau dans les combles.
La société Florillaz a déclaré son sinistre à son assureur la société anonyme Filia Maif, laquelle a missionné le cabinet Eurexo Tecs pour procéder à une expertise amiable.
À l'issue des trois réunions d'expertise, le cabinet Eurexo a mis en évidence plusieurs désordres:
- désordre n°1: infiltrations d'eau à l'intérieur des combles aménagés provoqués par une défaillance d'un filet de plomb à la jonction d'un brisis et du terrasson de la couverture, et imputable à la société Colombe;
- désordre n°2: percement par la société Forma de bavettes en zinc des fenêtres du toit afin de faire passer les câbles d'alimentation des stores extérieurs électriques et de réalisation de l'étanchéité de ces passages de câbles avec du mastic élastomère;
- désordre n°3: pourrissement des extrémités des solives constituant le plancher des combles au niveau de leur encastrement dans les murs de façade;
- désordre n°4: affaissement de la partie centrale du plancher des combles entraînant la présence de microfissures au niveau du plafond d'une chambre du deuxième étage situé sous les combles;
- désordre n°5: présence d'auréoles d'humidité en sous face des panneaux en bois disposés au-dessus de la sous-toiture installée par la société Colombe, de pourrissement d'un chevron et de traces d'eau dans la laine de verre fixée entre les chevrons.
Les 29 juin et 6 juillet 2016, la société Florillaz a fait assigner Madame [D], la société Colombe, et la société Forma devant le juge des référés pour voir organiser une mesure d'expertise relative aux désordres décrits dans le rapport d'expertise amiable.
Par ordonnance en date du 25 novembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a ordonné une expertise judiciaire, et a désigné comme expert Monsieur [L] [Z].
Par la suite, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Timotimo puis à la société anonyme Gan Assurances, en qualité d'assureur de la société à responsabilité limitée Pgbaticoncept.
Le 14 mars 2019, l'expert a déposé son rapport définitif.
Il y a listé de nouveaux désordres:
- désordre n°6: non-conformité aux règles de l'art et au Dtu 40. 41 de la couverture;
- désordre n°7: pourriture molle de certains éléments de charpente (panne sous le terrasson, chevrons et sablières).
Le 18 mai 2018, la société Florillaz a assigné au fond la société Colombe et les sociétés Mma devant le tribunal judiciaire de Reims.
Les 14 et 20 février 2019, la société Florillaz a assigné au fond Madame [D] et la société Timotimo devant le tribunal judiciaire de Reims.
Le 1er avril 2019, les deux procédures y afférentes ont été jointes.
Le 4 avril 2019, la société Timotimo a assigné en intervention forcée la société Gan, en sa qualité d'assureur de la société Pgbaticoncept.
Le 2 septembre 2019, cette dernière procédure a été jointe aux deux précédentes.
En dernier lieu, la société Florillaz a demandé de:
A titre principal,
- condamner la société Timotimo à lui payer une somme de 17'328,11 euros indexée sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 en réparation de la partie du désordre n°3 d'incapacité du plancher à supporter des surcharges d'exploitation supérieure à 100 daN/m2 et du désordre n°4;
- condamner in solidum la société Colombe, et les sociétés Mma à lui payer une somme de 64'376,96 euros indexée sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 en réparation des désordres n°5 et 6;
- condamner in solidum la société Timotimo, Madame [D], la société Colombe et les sociétés Mma lui payer une somme de 30'685 euros indexés sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 en réparation de la partie du désordre n°7 relative à l'insuffisance de résistance des poutres n°1, 2, 3, 4 et 5 et de la charpente;
- condamner in solidum la société Timotimo, Madame [D], la société Colombe et les sociétés Mma à lui payer une somme de 307 euros par mois du 20 septembre 2013 au prononcé du jugement à intervenir en réparation de son préjudice de jouissance;
- condamner in solidum la société Timotimo, Madame [D], la société Colombe et les sociétés Mma aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire taxée à la somme de 6221,05 euros, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 12'000 euros au titre des frais irrépétibles;
A titre subsidiaire,
- condamner la société Timotimo à lui payer une somme de 17'328,11 euros indexée sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 en réparation de la partie du désordre n°3 d'incapacité du plancher à supporter des surcharges d'exploitation supérieure à 100 daN/m2 et du désordre n°4;
- condamner in solidum la société Colombe à lui payer une somme de 64'376,96 euros indexée sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 en réparation des désordres n°5 et 6;
- condamner in solidum la société Timotimo, Madame [D] et la société Colombe à lui payer une somme de 30'685 euros indexés sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 en réparation de la partie du désordre n°7 relative à l'insuffisance de résistance des poutres n°1, 2, 3, 4 et 5 et de la charpente;
- condamner in solidum la société Timotimo, Madame [D], et la société Colombe à lui payer une somme de 307 euros par mois du 20 septembre 2013 au prononcé du jugement à intervenir en réparation de son préjudice de jouissance;
- condamner in solidum la société Timotimo, Madame [D] et la société Colombe aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire taxés à la somme de 6221,05 euros, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 12'000 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, Madame [D] a demandé de:
- débouter la société Florillaz de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles étaient dirigées à son encontre;
- condamner la société Florillaz à lui verser une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que sa propre action ne se heurtait à aucune prescription telle qu'invoquée par la société Timotimo;
- la dire et juger recevable et bien fondée à voir consacrer la responsabilité de, vendeurs professionnels, au titre de la garantie des vices cachés, aucune clause exclusive ou limitative de garantie ne pouvant lui être opposée;
A titre encore plus subsidiaire,
- la dire et juger recevable et bien fondée à voir consacrer la responsabilité de la société Timotimo, vendeur professionnel, sur un fondement délictuel pour dol;
- la dire et juger recevable et bien fondée à voir consacrer la responsabilité décennale de la société Colombe, et à voir mobiliser les garanties souscrites par l'entreprise auprès des sociétés Mma;
- condamner, en conséquence, in solidum la société Timotimo, la société Colombe, et les sociétés Mma à la relever indemne et à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Florillaz au titre des désordres, au titre du trouble de jouissance, au titre des dépens et frais irrépétibles, aucune somme ne devant en définitive rester à sa propre charge;
- condamner in solidum la société Timotimo, la société Colombe, et les sociétés Mma à lui verser une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles;
- rejeter toutes demandes plus amples ou contraires dirigées à son encontre;
- condamner la société Florillaz et ou in solidum la société Timotimo, la société Colombe et les sociétés Mma aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil.
En dernier lieu, la société Timotimo demande de:
- déclarer la société Florillaz irrecevable en ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés;
Subsidiairement,
- débouter Madame [D] de toutes ses demandes formulées à son encontre;
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société Gan en qualité d'assureur de la société Pgbaticoncept;
En tout état de cause,
- condamner tout succombant aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, la société Colombe a demandé de:
- débouter la société Florillaz de l'ensemble de ses demandes à son égard;
- limiter à titre subsidiaire le montant des condamnations à son égard à la somme de 14'415 euros correspondant à la reprise de la couverture;
- dire et juger que les sociétés Mma devrait la garantir du montant des éventuelles condamnations prononcées à son encontre;
- débouter en tout état de cause la société Florillaz du surplus de ses demandes, et notamment celles relatives au préjudice de jouissance, ainsi qu'aux dépens et frais irrépétibles;
- débouter Madame [D] de sa demande en garantie dirigée contre elle-même;
- condamner la société Florillaz à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, les sociétés Mma ont demandé de:
- déclarer la société Florillaz mal fondée en toutes ses demandes dirigées contre elles-mêmes;
- déclarer la société Colombe tout autant mal fondée en ses demandes dirigées contre elles-mêmes;
- les en débouter;
- condamner la société Florillaz aux dépens avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, la société Gan Assurances a demandé de:
- dire et juger que les travaux réalisés par la société Pg Baticoncept en 2004 n'étaient plus couverts par sa propre garantie, dans la mesure où le délai décennal était expiré depuis 2014;
- la mettre purement et simplement hors de cause, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Pg Baticoncept;
- débouter la société Timotimo de sa demande de garantie dirigée à son encontre;
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'aucun désordre de nature décennale ne pouvait être reproché à la société Pg Baticoncept;
- débouter la société Timotimo de son action en garantie exercée à son encontre;
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que les désordres invoqués par les demandeurs principaux, pour lesquels la responsabilité de la société Timotimo était recherchée, n'étaient pas en lien avec les travaux réalisés par la société Pg Baticoncept;
En tout état de cause,
- condamner la société Timotimo à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire en date du 24 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a:
- déclaré la société Florillaz irrecevable en ses demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'encontre de la société Timotimo;
- débouter la société Florillaz en ses demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'encontre de Madame [D];
- condamné in solidum la société Colombe et les sociétés Mma à verser à la société Florillaz au titre de la garantie décennale due pour les désordres n°5 et 6 décrits au rapport d'expertise judiciaire établi par Monsieur [Z] le 28 février 2019:
- 64'376,96 euros ttc, outre indexation sur l'indice BT 01 depuis le mois de juin 2017, au titre du coût des travaux de reprise des désordres n°5 et 6;
- 12'894 euros en réparation de son préjudice de jouissance, arrêté au jour du jugement;
- condamné in solidum la société Colombe et les sociétés Mma à verser à la société Florillaz la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles;
- condamné in solidum la société Colombe et les sociétés Mma à verser à Madame [D] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes;
- condamné la société Colombe et les sociétés Mma aux dépens, comprenant les frais de l'expertise judiciaire, à hauteur de 50 %.
Le 8 novembre 2021, la société Florillaz a relevé appel de ce jugement, en intimant la société Timotimo et Madame [D].
Madame [D] a assigné en appel provoqué pour signifier la déclaration d'appel et les écritures en date du 7 février 2022 de la société Florillaz à:
- la société Colombe le 4 mai 2022 à étude d'huissier;
- la société Mma Iard Assurances Mutuelles le 3 mai 2022 à sa personne;
- la société anonyme Mma Iard le 3 mai 2022 à sa personne.
Le 27 septembre 2022, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.
Par note diffusée sur le réseau privé virtuel avocat en date du 26 octobre 2022, la cour a invité les parties à présenter leurs observations pour le 10 novembre 2022 au plus tard sur le moyen relevé d'office portant sur les prétentions de la société Florillaz à l'encontre de Madame [D], tenant à ce que le dommage d'une victime d'un dol ayant choisi d'exercer l'action indemnitaire y afférente, en laissant subsister le contrat dont elle n'a pas demandé l'annulation, s'analyse exclusivement en une perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter.
Le 26 octobre 2022, la société Florillaz a déposé une note en délibéré.
Le 9 novembre 2022, Madame [D] a déposé une note en délibéré.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées:
- le 27 juillet 2022 et 26 octobre 2022 (note en délibéré) par la société Florillaz, appelante;
- le 26 septembre 2022 à 14 heures 31 et le 9 novembre 2022 (note en délibéré) par Madame [D], intimée;
- le 28 avril 2022 par la société Timotimo, intimée;
- le 3 août 2022 par la société Colombe, intimée en appel provoqué;
- le 2 août 2022 par les sociétés Mma, intimées en appel provoqué.
La société Florillaz demande l'infirmation du jugement en ce qu'il:
- l'a déclarée irrecevable en ses demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'encontre de la société Timotimo;
- l'a déboutée de ses demandes sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'encontre de Madame [D];
- a débouté les parties du surplus de leurs prétentions.
Elle réitère l'ensemble de ses prétentions initiales subsidiaires dirigées contre Madame [D] et la société Timotimo, sauf à abandonner ses demandes au titre de la réparation des désordres n°5 et 6, et demander désormais la condamnation in solidum des deux susnommées à la moitié des dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire taxés à la somme de 6221,05 euros et aux dépens d'appel, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer les sommes de 6000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Madame [D] demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions la concernant, de débouter la société Florillaz de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre, et de la condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
A titre subsidiaire, Madame [D] réitère l'ensemble de ses demandes formées à titre encore plus subsidiaire, tendant notamment à être garantie par la société Timotimo, la société Colombe, et les sociétés Mma.
La société Timotimo a demandé de déclarer irrecevable l'appel de la société Florillaz au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, la société Timotimo a demandé de déclarer la société Florillaz irrecevable en ses demandes, et en tout de cause, Madame [D] à solliciter sa propre garantie.
A titre subsidiaire, la société Timotimo demande de débouter la société Florillaz de sa demande formée directement à son encontre, et de débouter Madame [D] de toutes ses demandes en garantie formées à son encontre.
La société Timotimo demande encore la condamnation de tout succombant aux entiers dépens des deux instances, et à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
A titre principal, la société Colombe demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Madame [D] de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre, et de la débouter de l'ensemble de ses demandes à son encontre formées dans le cadre de son appel provoqué.
A titre subsidiaire, elle demande à être garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens, capitalisation comprise par les sociétés Mma.
En tout état de cause, la société Colombe demande la condamnation de Madame [D] aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Les sociétés Mma demandent de débouter Madame [D] de l'ensemble de ses demandes formées à leur encontre et de confirmer le jugement déféré.
Les deux compagnies d'assurances demandent la condamnation de Madame [D] aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de leur conseil, et à leur payer la somme de 3000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles d'appel.
MOTIVATION:
Sur l'irrecevabilité de l'appel de la société Florillaz soulevée par la société Timotimo:
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, en son premier alinéa,
A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Au visa de ce texte, la société Timotimo demande à la cour de constater que l'appel de la société Florillaz n'est pas fondé en droit, en ce qu'aucun fondement ne lui permettrait d'obtenir sa condamnation directe à l'indemniser de son préjudice prétendu: elle entend en voir déduire que l'appel de celle-ci serait irrecevable.
Mais le texte susdit, qui impose aux parties une concentration de leurs prétentions au fond dès leurs premières conclusions, et dont la sanction consiste en l'irrecevabilité des nouvelles prétentions formulées par des conclusions postérieures, se trouve sans incidence sur la recevabilité de l'appel de la partie qui l'a formé.
Le moyen invoqué par la société Timotimo à l'appui d'une telle prétention manque en droit.
Au surplus, il sera observé que la société Florillaz, dès ses premières écritures déposées le 7 février 2022, avait formulé l'intégralité de ses prétentions, y compris à l'encontre de la société Timotimo, qu'elle a ultérieurement maintenues dans ses dernières écritures du 28 avril 2022.
Il conviendra donc de déclarer recevable l'appel formé par la société Florillaz.
Sur la recevabilité des demandes formées par la société Florillaz fondées sur la garantie des vices cachés contre la société Timotimo:
L'article 1648 du code civil dispose que l'action en vice rédhibitoire doit être intentée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice.
Selon les circonstances de la cause, ce délai peut éventuellement courir à partir du moment où la victime a eu connaissance du vice dans son ampleur et ses conséquences.
Mais la connaissance d'un vice ne doit pas se confondre avec la connaissance des causes techniques de celui-ci (Cass. 1ère civ., 5 février 2020, n°18-24.365).
Le délai biennal de l'action en garantie des vices cachés est un délai de forclusion (Cass. 3e civ., 5 janvier 2022, n°20-22.670, publié).
C'est à celui qui invoque la forclusion d'une telle action qu'il appartient de démontrer que son auteur avait connaissance des vices et avait laissé expiré le délai d'épreuve.
Selon l'article 2220 du code civil, les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre.
Selon l'article 2239 du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit, avant tout procès, à une demande de mesure d'instruction, ce délai de prescription ne recommençant à courir pour une durée qui ne peut pas être inférieure à 6 mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
Mais la suspension de la prescription prévue par ce texte n'est pas applicable au délai de forclusion (Cass. 3e civ., 3 juin 2015, n°14-15.796, publié).
Selon l'article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Mais une assignation n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des désordres qu'elle vise.
Selon l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Il en résulte que le délai pour agir n'est interrompu que pendant la durée de l'instance, à laquelle a mis fin l'ordonnance nommant un expert.
Une demande d'expertise devant le juge des référés équivaut à une demande en justice.
Des conclusions constituent une demande en justice.
Pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une citation en justice, même en référé, doit être signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire.
Seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription, et lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n°19-13.459, publié).
Il ressort de la première réunion d'expertise amiable réalisée le 1er octobre 2015 par le cabinet Eurexo le constat:
- des infiltrations d'eau à l'intérieur des combles aménagés, qui étaient provoquées par une défaillance de filet à plomb à la jonction d'un brisis et du terrasson de la couverture, et étaient imputables à la société Colombe;
- du percement par la société Forma des bavettes dans une des fenêtres du toit, afin de faire passer les câbles d'alimentation des stores extérieurs électriques, et de réalisation de l'étanchéité de ces passages de câbles avec du mastic élastomère;
- du pourrissement des extrémités des solives constituant le plancher des combles au niveau de leur encastrement dans les murs de façades;
- de l'affaissement de la partie centrale du plancher des combles entraînant la présence de microfissures au niveau du plafond d'une chambre du deuxième étage situé sous les combles;
- de la présence d'auréoles d'humidité en sous face des panneaux en bois disposés au-dessus du chevronnage et en dessous de la sous-toiture installée par la société Colombe, et l'existence de la pourriture d'un chevron et de traces d'eau dans la laine de verre fixée entre les chevrons.
Dans son rapport en date du 13 avril 2016, le cabinet Ecobat confirme les précédentes constatations techniques du 1er octobre 2015, et préconise en outre une reprise complète de la charpente en raison d'une pourriture molle de certains éléments de charpente (panne sous le terrasson, chevrons et sablières) et la pose d'une chandelle entraînant des dommages aux planchers des combles, en évoquant alors expressément la « sinistralité » de la charpente.
La société Florillaz soutient que la partie du désordre n°3 d'incapacité du plancher à supporter des surcharges exploitation supérieures à 100 daN/m2 et la partie du désordre n°7 relative à l'insuffisance de résistance des poutres n°1 à 5 et de la charpente, n'auraient pas été mises en évidence par le rapport Ecobat du 13 avril 2016, mais l'auraient été exclusivement par l'examen de la note aux parties n° 1 diffusée le 13 avril 2017 par l'expert judiciaire, à la suite de la réunion tenue le 27 janvier 2017.
S'agissant de la partie du désordre n°3, tenant à l'insuffisance de capacité de charge du plancher, et de la partie du désordre n°7 relative à l'insuffisance de résistance des poutres et du plancher, celle-ci découle suffisamment notamment du constat du pourrissement des extrémités des solives constituant le plancher des combles, ainsi que de la préconisation d'une reprise complète de la charpente en raison d'une pourriture molle de certains éléments de charpente et la pose d'une chandelle entraînant des dommages aux planchers des combles: et ces constats sont déjà réalisés à l'occasion des examens techniques ayant donné lieu aux rapports déposés les 1er octobre 2015 et 13 avril 2016.
Au surplus, dans son assignation délivrée le 6 juillet 2016, reprenant les éléments techniques des deux expertises amiables susdites, la société Florillaz vient elle-même soutenir que les désordres, notamment ceux listés n°3 et 7, sont susceptibles d'engager la responsabilité décennale du constructeur la société Colombe et la responsabilité pour vices cachés de Madame [D]:
la société Florillaz vient ainsi par-là même marquer sa connaissance suffisante de ce que ces désordres rendaient l'immeuble impropre à sa destination ou en affectaient sa solidité.
La société Florillaz concède que si le désordre n°4 d'affaissement de la partie centrale du plancher avait été consigné dans le rapport Ecobat du 13 avril 2016, elle-même n'a eu une connaissance précise de la nature exacte et du degré de gravité de ce désordre que par le rapport d'expertise judiciaire déposée le 14 mars 2019, tout en observant que le coût des travaux de reprise afférents à ce désordre est en tout état de cause inclus dans celui de la partie du désordre n°3 d'incapacité du plancher à supporter des surcharges exploitation supérieures à 100 daN/m2.
Mais s'agissant du désordre n°4 d'affaissement de la partie centrale du plancher, le rapport d'expertise judiciaire se borne à enquêter sur les causes techniques de celle-ci, à proposer des solutions de reprise, et à en déterminer l'imputabilité, sans apporter plus d'éléments sur l'ampleur ou les conséquences de ce désordre que les mesures antérieures d'expertise amiables susdites.
Au surplus, il ressort de l'assignation en référé expertise délivrée le 6 juillet 2016 par la société Florillaz, reprenant les éléments techniques des deux expertises amiables susdites, que notamment le désordre n°4 est susceptible d'engager la responsabilité décennale du constructeur la société Colombe et la responsabilité pour vices cachés de Madame [D]: la société Florillaz vient ainsi par-là même marquer sa connaissance suffisante de ce que ce désordre rendait l'immeuble impropre à sa destination ou en affectait sa solidité.
Il sera donc considéré que la société Florillaz avait ainsi connaissance de l'intégralité des désordres susdits, dans leur ampleur et leurs conséquences, au plus tard le 13 avril 2016.
C'est Madame [D] qui a assigné la société Timotimo en référé expertise le 16 juin 2017, de sorte que par ordonnance en date du 27 octobre 2017, le juge des référés a déclaré communes à la société Timotimo les opérations d'expertise en cours.
Mais dans le cours de l'instance en référé expertise, la société Florillaz n'a présenté aucune demande à l'encontre de la société Timotimo.
Dès lors, la procédure afférente à cette mesure d'instruction n'a eu aucun effet interruptif quant au délai de forclusion des demandes de la société Florillaz à l'encontre de la société Timotimo.
Et ce délai n'a pas non plus été suspendu lors du cours des opérations d'expertise judiciaire.
Ainsi, le délai biennal de forclusion de l'action en garantie des vices cachés de la société Florillaz à l'encontre de la société Timotimo, ayant commencé à courir le 13 avril 2016, venait à échéance au 13 avril 2018, tandis que la première n'avait assigné au fond la seconde que le 20 février 2019.
L'action en garantie des vices cachés de la société Florillaz à l'encontre de la société Timotimo est donc forclose.
Il y aura donc lieu de déclarer irrecevable l'action en garantie des vices cachés engagée par la société Florillaz à l'encontre de la société Timotimo, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le fond de l'action de la société Florillaz à l'encontre de Madame [D]:
Selon l'article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige,
Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont-elles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas, et doit être prouvé.
La victime d'un dol ayant fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat peut obtenir la réparation du préjudice correspondant uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses (Cass. com., 10 juillet 2012, n°11-21.954, publié), ou de ne pas contracter (Cass. com., 21 juin 2016, n°14-29.874).
Constitue une perte de chance, la disparition certaine d'une éventualité favorable, et celle-ci ne peut jamais être égale à cette éventualité, si elle s'était réalisée.
Il ressort de ses écritures que la société Florillaz entend exercer à l'encontre de Madame [D] uniquement une action en responsabilité délictuelle pour dol (pages 10 et 11) pour lui réclamer réparation de coût des travaux de reprise du désordre n°4 et d'une partie des désordres n°3 et 7, ainsi que la réparation de son préjudice de jouissance résultant des dits désordres.
Mais à aucun moment, la société Florillaz n'a demandé l'annulation du contrat de vente.
Ainsi, la réparation des préjudices que la société Florillaz réclame à Madame [D] est vouée à l'échec en l'absence de demande d'annulation du contrat de vente et en l'absence de l'invocation de toute perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions avantageuses, ou de ne pas contracter.
La société Florillaz sera donc déboutée de ses demandes fondées sur la responsabilité délictuelle pour dol à l'encontre de Madame [D], formées à hauteur d'appel.
Subséquemment, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Florillaz de son action en garantie des vices cachés dirigée contre Madame [D], alors que ce fondement n'est plus invoqué à hauteur de cour.
Sur le surplus des demandes des parties:
Alors que la réparation du désordre n°7, dont la société Florillaz recherche réparation auprès d'elle ne peut pas prospérer à l'égard de Madame [D], l'action de celle-ci, tendant à demander à être garantie de toutes condamnations à cet égard par la société Colombe, et l'action de la société Colombe tendant à en être elle-même garantie par ses propres assureurs, seront rejetées, et le jugement sera confirmé de ces chefs.
* * * * *
Il sera observé que s'agissant du préjudice de jouissance, le premier juge a considéré que la société Colombe et ses assureurs étaient tenus d'en répondre à hauteur de 50 %.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Colombe et ses deux assureurs à payer à la société Florillaz les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire à hauteur de 50 %, et à payer à la société Florillaz la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Il sera confirmé pour avoir condamné la société Colombe et ses deux assureurs à payer à Madame [D] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Il sera confirmé pour avoir débouté en équité les société Timotimo et Gan de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance.
Il sera confirmé pour avoir débouté les autres parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance.
Succombante à son égard à hauteur de cour, la société Florillaz sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel dirigée contre Madame [D], et sera condamnée à lui payer au même titre la somme de 3000 euros.
La société Florillaz sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel à l'encontre de la société Timotimo.
Cette dernière sera aussi déboutée de sa demande au même titre eu égard à des considérations d'équité.
La société Colombe et ses deux assureurs seront déboutés de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel dirigées contre Madame [D].
En l'état de l'absence d'objet de sa demande en garantie à l'égard du constructeur susdit au titre du désordre n°7 à hauteur de cour, Madame [D] sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles d'appel à l'encontre de la société Colombe et de ses deux assureurs, mais encore à l'égard de la société Timotimo.
Succombante à hauteur de cour en ses prétentions non accueillies en première instance, la société Florillaz sera condamnée aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit des conseils respectifs de Madame [D] et de la société Timotimo.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable l'appel formé par la société civile immobilière Florillaz;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Y ajoutant:
Déboute la société civile immobilière Florillaz de ses demandes fondées sur la responsabilité délictuelle pour dol à l'encontre de Madame [J] [D];
Déboute la société civile immobilière Florillaz de ses demandes au titre des frais irrépétibles d'appel;
Déboute la société à responsabilité limitée Timotimo de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel;
Déboute la société par actions simplifiée Colombe Sébastien, la société anonyme Mma Iard, et la société Mma Iard Assurances Mutuelles de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel;
Déboute Madame [J] [D] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel dirigée contre la société par actions simplifiée Colombe Sébastien, la société anonyme Mma Iard, la société Mma Iard Assurances Mutuelles et la société à responsabilité limitée Timotimo;
Condamne la société civile immobilière Florillaz à payer à Madame [J] [D] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;
Condamne la société civile immobilière Florillaz aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de la Scp Badre Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, conseil de Madame [J] [D], et au profit de la Scp Rahola Creusat Lefevre, conseil de la société à responsabilité limitée Timotimo, de ceux des dépens d'appel dont elles ont eu à faire l'avance sans en avoir reçu provision.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE