ARRET N°
du 06 décembre 2022
N° RG 21/01905 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCGR
S.A.S.U. DIGIT'AGRI
c/
S.C.E.A. DE LA CROIX PHILIPPE
Formule exécutoire le :
à :
la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS
la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 13 septembre 2021 par le TJ de troyes
S.A.S.U. DIGIT'AGRI
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Angelique BAILLEUL de la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS, avocat au barreau de L'AUBE, avocat postulant et Me Hadrier DEBACKER du Cabinet OSTEN, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant
INTIMEE :
S.C.E.A. DE LA CROIX PHILIPPE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Xavier COLOMES de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocat au barreau de L'AUBE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 24 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 décembre 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Par acte d'huissier du 17 février 2021, la SASU DIGIT'AGRI a fait assigner la SCEA de la Croix Philippe devant le tribunal judiciaire de Troyes aux fins de :
- dire et juger que la créance due par la SCEA de la Croix Philippe est certaine, liquide et exigible,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la SASU DIGIT'AGRI la somme de 18 059,20 euros en paiement de trois factures,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la SASU DIGIT'AGRI la somme de 120 euros au titre de l'article D 441-5 du code de commerce,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la SASU DIGIT'AGRI la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe aux dépens.
La SCEA de la Croix Philippe n'a pas constitué avocat.
Par décision du 13 septembre 2021, le tribunal , statuant par jugement réputé contradictoire, a'débouté la SASU DIGIT'AGRI de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la demanderesse échouait à rapporter la preuve des engagements de paiement qui pèseraient sur la SCEA de la Croix Philippe, les factures produites, documents unilatéraux, n'étant corroborées par la production d'autres pièces notamment par les bons de commande acceptés par cette dernière.
Par déclaration du 15 octobre 2021, la SASU DIGIT'AGRI a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Troyes.
Par conclusions notifiées le 18 juillet 2022, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement,
En conséquence,
- juger que la créance due par la SCEA de la Croix Philippe est certaine, liquide et exigible,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la société DIGIT'AGRI la somme de 17 559,20 euros en principal,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la société DIGIT'AGRI la somme de 12 442,52 euros compte tenu des pénalités de retard,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la société DIGIT'AGRI la somme de 120 euros au titre de l'article D 441-5 du code de commerce,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe à verser à la société DIGIT'AGRI la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCEA de la Croix Philippe aux dépens.
Par conclusions notifiées le 12 septembre 2022, la SCEA de la Croix Philippe demande à la cour de:
- confirmer le jugement,
- condamner la société DIGIT'AGRI à payer à la SCEA de la Croix Philippe la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société DIGIT'AGRI aux dépens.
Elle demande que les conclusions notifiées le 27 septembre 2022 par l'appelante soient écartées.
MOTIFS DE LA DECISION':
Les conclusions de la SASU DIGIT'AGRI'du 27 septembre 2022 :
Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Ces conclusions, qui invoquent qui plus est pour la première fois, un fondement juridique subsidiaire à la demande en paiement (l'enrichissement sans cause) ont été notifiées par voie électronique après l'ordonnance de clôture.
Elles sont donc irrecevables.
Le paiement des factures':
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1353 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
La preuve d'une prestation ne peut résulter exclusivement de la facture du prestataire.
Le litige porte sur trois factures du 6 avril 2017 pour un montant de 14 524,71 euros, du 24 mai 2017 pour un montant de 238,92 euros et du 6 avril 2018 pour un montant de 3295,57 euros .
L'appelante soutient qu'il est démontré que la SCEA de la Croix Philippe a réceptionné les marchandises, qu'elle n'a jamais formulé aucune contestation et qu'elle a d'ailleurs reconnu qu'elle les devait.
Elle ajoute que celle-ci est de particulière mauvaise foi lorsqu'elle prétend aujourd'hui pour la première fois contester le prix des marchandises de la société DIGIT'AGRI.
L'intimée lui oppose que le simple fait qu'elle ait réceptionné les marchandises livrées et qu'il existe entre les parties une relation commerciale ne démontre pas un accord sur la chose et sur le prix de ces marchandises puisque les factures sont intervenues ultérieurement sans le moindre devis ou bon de commande préalable et que les bons de livraison ne prennent pas soin de détailler le prix de la marchandise.
Le seul fait que les parties aient pu être en relations d'affaires ou le soient encore ne dispense pas la SASU DIGIT'AGRI, sur laquelle repose la charge de la preuve, de démontrer que les factures dont elle demande le paiement correspondent à une commande passée par la SCEA De la Croix Philippe ou que celle-ci en a accepté la livraison.
Le fait que celle-ci ait opéré un règlement partiel de 500 euros n'est pas non plus une preuve d'acceptation du montant des factures réclamées et il correspond en tout état de cause à une autre facture puisque les parties sont en relations d'affaires (le relevé de compte de la SASU DIGIT'AGRI porte une autre référence pour ce virement que celle figurant sur les factures litigieuses).
Les factures, qui sont des documents unilatéraux, doivent être corroborées par des pièces (bons de commande ou de livraison signés).
Il n'est versé aux débats aucun bon de commande correspondant aux factures litigieuses.
S'agissant des bons de livraison, la facture du 24 mai 2017 fait état d'un bon de livraison du 21 avril 2017 qui n'est pas produit.
La facture du 6 avril 2018 fait état d'un bon de livraison du 16 février 2018 qui n'est pas signé.
Un paiement ne peut donc être exigé pour ces deux factures puisqu'il n'est pas démontré que les produits aient été commandés ou livrés.
En revanche, s'agissant de la facture du 6 avril 2017 pour un montant de 14 524,71 euros, il est fait état de deux bons de livraison':
- l'un du 13 mars 2017 mais il n'est pas produit,
- l'autre du 7 février 2017 qui est produit et qui est signé par le livreur et le client et qui correspond à une commande du 30 janvier 2017 ainsi qu'aux marchandises figurant sur la facture mais sans indication de prix';
S'agissant du prix des marchandises, c'est vainement que la SCEA De la Croix Philippe oppose à la SASU DIGIT'AGRI qu'il n'y avait aucun accord sur le prix.
En effet, les parties sont en relation d'affaires depuis de longues années et il ressort des tarifs des marchandises commercialisées entre 2015 et 2017 qu'ils étaient les mêmes ou quasiment les mêmes, voire pour certains qu'ils étaient en baisse.
Or, la débitrice a payé deux factures établies en 2015 et 2016 pour des montants identiques et n'a au demeurant jamais contesté avant la procédure d'appel, le prix des marchandises correspondant à la facture pour les produits qui lui ont été livrés le 7 février 2017.
Il en ressort que la SASU DIGIT'AGRI démontre un accord sur la chose et sur le prix s'agissant des produits livrés et acceptés le 7 février 2017 pour un montant de 9 264,12 euros au paiement duquel la SCEA De la Croix Philippe sera condamnée.
Cette somme produira intérêt au taux de 12 % résultant des conditions générales de vente versées aux débats, et ce à compter du 17 mai 2019, date à laquelle elle a accusé réception de la mise en demeure, outre sa condamnation au paiement de la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement par application de l'article D 441-5 du code de commerce.
La décision sera infirmée.
L'article 700 du code de procédure civile':
Aucune considération liée à l'équité ne justifie qu'il soit fait droit aux demandes formées à ce titre.
Les dépens':
La décision sera infirmée.
La SCEA de la Croix Philippe, in fine débitrice de la SASU DIGIT'AGRI, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS':
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire';
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 27 septembre 2022 par la SASU DIGIT'AGRI,
Infirme le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes,
Statuant à nouveau';
Condamne la SCEA de la Croix Philippe à payer à la SASU DIGIT'AGRI la somme de 9 264,12 euros avec intérêts au taux de 12 % à compter du 17 mai 2019, outre sa condamnation au paiement de la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement par application de l'article D 441-5 du code de commerce,
Déboute la SASU DIGIT'AGRI de ses autres demandes,
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCEA De la Croix Philippe aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE