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29/11/2022 | FRANCE | N°21/02257

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 29 novembre 2022, 21/02257


ARRET N°

du 29 novembre 2022



R.G : N° RG 21/02257 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDBZ





S.A.S.U. CONCEPT ITON





c/



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE



















Formule exécutoire le :

à :



la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD



la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022



APPELAN

TE :

d'un jugement rendu le 23 novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS



S.A.S.U. CONCEPT ITON

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, avocat...

ARRET N°

du 29 novembre 2022

R.G : N° RG 21/02257 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDBZ

S.A.S.U. CONCEPT ITON

c/

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD

la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 23 novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS

S.A.S.U. CONCEPT ITON

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me François SAMMUT de la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Madame Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 18 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 novembre 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président ede chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) CONCEPT'ITON, ci-après dénommée société concept'iton a ouvert un compte courant dans les livres de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance grand est Europe, ci après désignée la caisse d'épargne, le 24 juillet 2018.

Monsieur [L] [U], président de la société concept'iton, a été désigné comme seul administrateur de compte.

Un spécimen de sa signature a été déposé à l'Agence Entreprise Marne Ardennes.

Le 15 septembre 2020, Madame [D] [C], salariée comptable de la société concept'iton, a adressé à la caisse d'épargne un courriel comprenant un ordre de virement externe au profit d'un compte situé en Italie, auprès de la banque INTESA SANPAOLO SPA pour un montant de 105.192,32euros.

La banque, qui a téléphoné à la société a eu confirmation par la comptable que le virement était parfaitement régulier et conforme à la volonté du dirigeant de la société.

Le compte de la société concept'iton a été débité en conséquence de 105.192,32euros le jour même.

Le 17 septembre 2020, le gestionnaire de compte de la Caisse d'épargne a été contacté par la société concept'iton qui indiquant qu'elle avait été victime d'une escroquerie dite «' au président'», à savoir que sa comptable avait reçu les consignes de virement par mail d'un individu non identifié se faisant passer pour le dirigeant Monsieur [U], entendait demander à la caisse d'épargne d'annuler le virement.

La caisse d'épargne a adressé ce jour une demande d'annulation du virement à la banque italienne INTESA SANPAOLO dans le but de permettre à la société concept'iton de récupérer les fonds virés qui n'a pas été suivie d'effet.

Par courrier d'avocat en date du 29 septembre 2020, la société concept'iton a mis en demeure la caisse d'épargne de lui rembourser la somme versée et a mis en cause sa responsabilité'aux motifs':

que la signature figurant sur l'ordre de virement n'était pas celle du président de la société, Monsieur [L] [U]

que la confirmation de l'ordre de virement n'avait pas été formulée auprès de celui-ci, seule personne habilitée à faire fonctionner le compte.

Par exploit d'huissier en date du 26 novembre 2020, la SASU concept'iton a fait délivrer assignation à la caisse d'épargne par devant le tribunal de commerce de Reims aux fins d'obtenir la condamnation de la caisse d'épargne au remboursement de la somme de 105.192,32 euros outre intérêts de droits depuis le 15 septembre 2020, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal de commerce de Reims a reçu la Société CONCEPT'ITON en ses demandes, l'a déclarée mal fondée, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la caisse d'épargne et de prévoyance Grand Est Europe la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 13 décembre 2021 (RG 21/2207), la SASU concept' iton a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Reims.

Cette déclaration d'appel comportant une erreur dans la date du jugement de première instance, le conseil de l'appelant a fait une seconde déclaration d'appel (RG 21/2257) en date du 17 décembre 2021 pour régulariser la procédure.

La caisse a constitué avocat sur la seconde déclaration d'appel enregistrée sous RG 21/02257 et les parties ont conclu dans ce seul dossier avec une demande de jonction avec celui-ci, du dossier RG 21/2207.

Aux termes de ses dernières conclusion signifiées le 29 juillet 2022, l'appelant demande à la cour au visa des articles 1103, 1104 et 1937 du Code civil, et 3 et 27.1 des conditions générales de fonctionnement du compte courant, de déclarer la SASU concept'iton bien fondée en son appel.

Le concluant sollicite l'infirmation intégrale du jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Reims.

Statuant à nouveau':

Juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe est débitrice envers la SASU CONCEPT ITON d'une obligation de résultat au titre de restitution des fonds déposés.

Juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe a exécuté un ordre de virement revêtu dès le départ d'une fausse signature et non-conforme au spécimen déposé par le titulaire du compte.

Juger que le virement n'a pas été signé par le représentant légal, seul habilité à faire fonctionner le compte courant.

Juger que la confirmation du virement n'émane pas d'une personne habilitée à faire fonctionner le compte.

Juger que le virement de 105 192.32 euros exécuté le 15 septembre 2020 sur la base d'un faux ordre de virement est inopposable à la SASU CONCEPT ITON.

En conséquence,

Juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe n'avait pas à solliciter la confirmation du virement auprès de la comptable mais auprès de la seule personne habilitée à faire fonctionner le compte, en l'occurrence le Président de la société, Monsieur [L] [U]

Condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe à payer à la SASU concept'iton la somme de 105.192,32 euros, à titre de restitution d'une opération non autorisée, outre intérêts de droit à compter du 15 septembre 2020, date de l'exécution de l'ordre de virement frauduleux, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir

Débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe de toutes ses demandes, fins et conclusions, et appel incident éventuel.

Condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe à lui payer une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe aux entiers dépens de première instance et d'appel

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 30 mai 2022, la Caisse d'épargne, intimée,estimant n'avoir aucunement failli à son devoir de vigilance à l'occasion de l'exécution de l'ordre de virement de 105.192,32 euros qui lui a été adressé le 15 septembre 2020, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 23 novembre 2021.

Le concluant demande également à la cour de':

condamner en cause d'appel la SASU concept'iton à verser à la Caisse d'épargne et de prévoyance grand est europe une indemnité de 3 000euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner SASU concept'iton aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP SAMMUT CROON JOURNE-LEAU, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la jonction des dossiers RG 2207/21 et 2257/21.

La société concept'iton a déposé deux déclarations d'appel la seconde destinée à corriger une erreur dans la date du jugement dont appel.

Dans le cadre d'une bonne administration de la justice la jonction de la première affaire 2207/21 avec la seconde est dès lors prononcée.

Sur les obligations de remboursement de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe.

Sur le fondement de l'article 1937 du code civil le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir.

Ainsi une banque détenant des fonds pour le compte d'un client est débitrice d'une obligation de restitution des fonds déposés ou supporte la charge de la preuve qu'elle s'en est dessaisie à la demande du client au profit de celui indiqué par celui-ci pour le recevoir selon les formes convenues dans la convention de compte courant souscrit par son client.

Elle doit par ailleurs toujours agir avec vigilance ce qui implique un examen attentif des opérations qui lui sont commandées et qu'elle est chargée d'effectuer en veillant qu'elles soient en cohérence avec la connaissance qu'elle a de son client et qu'elle est chargée de recueillir, et avec ses habitudes bancaires.

La demande de remboursement de la société concept'iton d'un virement de 105 192.32 euros exécuté le 15 septembre 2020 par la banque à partir de son compte courant au profit d'un tiers doit s'apprécier dans ce cadre.

Il apparaît alors que la convention de compte courant souscrit par la société avec le dépositaire dans ses dispositions générales sous «'mandat de payer- instruction donnée par le client- procuration'», dit:

- que le consentement doit être donné par écrit,

- que le client donne mandat à la caisse de procéder à l'exécution de tous les ordres de paiement dont la signature aura une apparence conforme au(x) spécimen(s) déposé(s) lors de la signature de convention, ou ultérieurement,

- que la caisse peut exiger du donneur d'ordre toutes les indications destinées à assurer son identité et décline toute responsabilité pour les conséquences quelconques qui pourraient résulter des erreurs dans la transmission ou le contenu des messages.

Il est indiscutable et indiscuté que l'ordre de virement portant la mention «'à exécuter au plus vite de façon express'» a été fait sur un formulaire de la banque réservé à ses clients et destiné à cette action et qu'il a été envoyé à la banque à partir de l'adresse mail du comptable de la société, également qu'il comportait le cachet commercial de la société outre une signature.'

Mais en violation avec les règles de fonctionnement du compte courant cette signature ne pouvait valoir ordre de virement régulier puisque, même si elle apparait proche de celle figurant sur une ancienne pièce d'identité du dirigeant présentée par la banque, elle est éloignée du spécimen donné lors de l'ouverture du compte courant et apparaissant sur plusieurs documents échangés.'

Au regard de ces circonstances il peut être retenu que le virement avait une apparence de normalité pour une banque faisant preuve de diligence si ce n'est cette interrogation qu'elle a eu quant à la validité actuelle de la signature qui y figurait.'

Pour la lever la caisse d'épargne a téléphoné à la société.'

Mais elle ne pouvait lever l'interrogation qui se présentait à elle quant à la validité actuelle de la signature qui y figurait qu'en obtenant la confirmation de l'ordre de virement par la personne habilitée à le donner.

Cette confirmation pouvait être donnée par tout moyen selon les conditions générales s'agissant du mode de preuve du contenu et de la transmission des instructions du client.

Mais elle ne pouvait être donnée que par celui là même, ou toute personne expressément mandatée par celui là pour le représenter.

Dans la mesure où la banque n'a pas réussi à joindre le dirigeant lui même elle a estimé que la comptable salariée de la société était expressément mandatée pour confirmer cet ordre et suivant les indications de celle-ci qui leur a assuré que la signature portée sur l'ordre de virement qu'elle venait de leur transmettre de sa boîte mail était bien celle de son dirigeant, a effectué ce virement de plus de 100 000 euros vers l'étranger.

Certes il ne fait pas débat que la comptable salariée de la société, par un avenant à la convention de compte, antérieur à l'opération, et daté du 29 mai 2019, avait été désignée par le représentant statutaire de la société comme administrateur/utilisateur du compte «'moyen d'authentification fort CAP-PRO,'» autorisée avec lui à à utiliser les services Cenet Remises et à disposer d'une carte secur accès.

Mais il ne fait pas plus débat qu'elle ne pouvait néanmoins que consulter le compte et saisir des virements et qu'elle n'avait pas pouvoir de donner des ordres.

Il apparaît ainsi que si la banque s'est adressée à son interlocuteur habituel dans l'entreprise qui agissant dans le cadre de ses fonctions de comptable de la société habilitée à saisir les virements et suivre les mouvements du compte bancaire visé par l'opération et qu'elle a pu croire que celle-ci était régulièrement mandatée pour confirmer que la signature portée sur l'ordre de virement écrit qu'elle avait transmis était celle de son employeur et traduisait la volonté de ce dernier de virer la chose déposée à celui qui était indiqué pour la recevoir, son erreur ne peut néanmoins se faire au détriment de son client à qui aucune faute ne peut être reprochée puisqu'il est avéré que la salariée a été victime d'une escroquerie.

Il lui faut démontrer qu'au delà de l'apparence de pouvoir de la comptable, celle-ci avait mandat spécifique pour autoriser elle même le virement, agir au nom de son employeur et l'engager dans le fonctionnement du compte.

Or cette preuve n'est pas apportée puisque les limites des pouvoirs de la comptable ont été développées précédément et qu'aucun mandat express particulier n'est produit.

Ainsi la croyance de la banque, même légitime et compréhensible, était insuffisante en ce qu'elle est tenue d'une obligation de résultat qui ne se contente pas de croyance sans faute démontrée en lien de causalité avec le virement reproché, du seul titulaire du compte.

Elle devait donc suspendre l'ordre jusqu'à parvenir à joindre le dirigeant lui même.

A défaut elle doit supporter les conséquences d'un virement exécuté, même sans faute, lorsqu'il s'avère qu'il n'a pas été ordonné par le seul titulaire du compte ou une personne dûment habilitée par celui-ci à le faire fonctionner.

En conséquence infirmant le jugement de première instance la cour condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe à rembourser à la SASU Concept'iton la somme de 105 192.32 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2020, date de l'exécution de l'ordre de virement frauduleux.

En revanche le prononcé d'une astreinte n'est pas justifié par les éléments de la cause.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement de tribunal de commerce de Reims du 23 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Ordonne la jonction du dossier RG 2207/21 avec le dossier RG 2257/21

Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe à payer à la SASU Concept'iton la somme de 105 192,32 euros outre intérêt au taux légal à compter du 15 septembre 2020

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte

Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe à payer à la SASU Concept'iton une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe aux entiers dépens de première instance et d'appel

Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/02257
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;21.02257 ?
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