ARRET N°
du 29 novembre 2022
R.G : N° RG 21/02234 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC75
Société MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES
c/
[B]
S.A.M.C.V. SMABTP
S.C.P. CROZAT-BARAULT-MAIGROT
S.C.P. CROZAT-BARAULT-MAIGROT
Formule exécutoire le :
à :
la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU
la SELARL FOSSIER NOURDIN
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 12 novembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 3]
MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Raphaël CROON de la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU, avocat au barreau de REIMS
INTIMEES :
Madame [H] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sara NOURDIN de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS
S.A.M.C.V. SMABTP à cotisations variables entreprise régie par le Code des Assurances inscrite au RCS sous le n° 775684764 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
S.C.P. [Z]-[U] ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL PLATRIER FACADIER CHAMPENOIS (PFC)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparant, non représenté bien que régulièrement assigné
S.C.P. [Z]-[U] ès qualité de mandataire ad'hoc de la liquidation judiciaire de la SARL MACONNERIE TROYAN
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparant, non représenté bien que régulièrement assigné
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 17 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 novembre 2022,
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Par devis du 11 février 2016, Mme [H] [B] a confié à la Maçonnerie Troyan des travaux de gros oeuvre et de couverture pour sa maison d'habitation sise [Adresse 2] pour un montant de 55 743, 14 euros.
Par un second devis du 9 novembre 2016, elle a confié à la même société des travaux de ravalement de façade pour un montant de 10 466,40 euros.
La société Plâtrier Façadier Champenois (PFC), assurée auprès de la SMABTP, est intervenue en qualité de sous-traitant dans le lot ravalement pour un marché d'un montant de 7625 euros hors taxe.
Des malfaçons (des fissures et des microfissures sur les enduits de façade) se sont révélées sur le chantier.
Mme [B] a saisi le juge des référés aux fins de voir organiser une expertise judiciaire et il y a été fait droit le 23 février 2018.
M. [G] a été désigné et il a déposé son rapport le 25 avril 2019.
La société Maçonnerie Troyan, assurée auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances, a été placée en liquidation judiciaire le 9 juillet 2019.
Mme [B] a déclaré sa créance.
La société Plâtrier Façadier Champenois (PFC) a été placée en liquidation judiciaire.
Mme [B] a également déclaré sa créance.
Par actes d'huissier du 16 septembre 2019, Mme [B] a fait assigner la SCP [W] [T], ès-qualités et la SMABTP devant le tribunal judiciaire de Reims aux fins notamment de :
- à titre principal, voir engager la responsabilité de la SARL Maçonnerie Troyan sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- à titre subsidiaire, la voir engager sur celui de la responsabilité de droit commun,
- voir engager la responsabilité de la SARL PFC sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de droit commun,
- les voir condamner in solidum à réparer les préjudices subis,
- condamner la SARL PFC à lui payer la somme de 36 084,16 euros,
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Maçonnerie Troyan à la somme de 36 284,16 euros.
La société PFC et la SMABTP ont assigné en intervention forcée la société d'Assurances Mutuelles de Poitiers ès-qualités d'assureur de la société Maçonnerie Troyan.
Par jugement rendu le 12 novembre 2021, le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Maçonnerie Troyan et la responsabilité délictuelle de son sous-traitant et a :
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Maçonnerie Troyan les sommes suivantes compte tenu de sa part de responsabilité dans les désordres fixée à 85 % :
* 9810,02 euros en réparation du préjudice matériel,
* 850 euros en réparation du préjudice moral de Mme [B]
- condamné la Mutuelle de Poitiers Assurances à garantir la société Maçonnerie Troyan de l'ensemble des condamnations mises à sa charge sous réserve de la franchise contractuelle,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Plâtrier Façadier Champenois les sommes suivantes compte tenu de sa part de responsabilité dans les désordres fixée à 15 % :
* 1731,18 euros en réparation du préjudice matériel
* 150 euros en réparation du préjudice moral de Mme [B]
- débouté les parties de leur demande de garantie contre la SMABTP,
- condamné la SCP [W] [T] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Maçonnerie Troyan à payer à Mme [B] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCP [W] [T] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Maçonnerie Troyan aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue le 16 décembre 2021, la société Mutuelle de Poitiers Assurances a formé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 15 mars 2022, elle demande à la cour de :
Vu l'article 1792 du code civil,
Vu le rapport d'expertise de M. [G],
Vu le caractère non décennal des désordres allégués,
- réformer le jugement,
- débouter Mme [B] ainsi que les autres intimées de leur appel en garantie à son encontre,
- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions notifiées le 16 septembre 2022, Mme [B], formant appel incident, demande à la cour de :
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil,
Vu l'article 1241 du code civil,
Vu les articles L 641-3 et L 622-22 du code de commerce,
Vu les articles 331 et suivants du code de procédure civile,
Vu l'article 367 du code de procédure civile,
Vu les articles 700, 515 et 696 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à garantir la société Maçonnerie Troyan de l'ensemble des condamnations mises à sa charge, sous réserve de la franchise contractuelle,
* condamné la SCP [Z]-[U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de
la SARLMaçonnerie Troyan à payer à Madame [H] [B] la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* limité le quantum des sommes fixées au passif des sociétés Maçonnerie Troyan et
[Adresse 9],
* débouté Madame [H] [B] du surplus de ses demandes et notamment celles
formulées contre la SMABTP,
* condamné seulement la SCP [W] [T] à indemniser Madame [H] [B] de ses frais irrépétibles.
Statuant à nouveau :
- déclarer la société Mutuelles de Poitiers Assurances irrecevable en sa demande tendant à voir Madame [H] [B] déboutée de son appel en garantie à son encontre,
A tout le moins, et en tout état de cause, débouter la société Mutuelles de Poitiers Assurances de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- débouter la société SMABTP de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre principal,
- condamner la société Maçonnerie Troyan à indemniser le préjudice subi par Madame [H] [B] en ce que sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
A titre subsidiaire,
- condamner la société Maçonnerie Troyan à indemniser le préjudice subi par Madame [H] [B] en ce que sa responsabilité est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,
- condamner la société Plâtrier Façadier Champenois à indemniser le préjudice subi par Madame [H] [B] en ce que sa responsabilité est engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de droit commun,
En conséquence, condamner in solidum la SARL Maçonnerie Troyan et la SARL PFC à réparer le préjudice subi par Madame [H] [B],
- fixer la créance de Madame [H] [B] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL
Maçonnerie Troyan et dans les mêmes termes au passif de la liquidation judiciaire de la société Plâtrier Façadier Champenois, à la somme de 33 934,16 € décomposée comme suit :
* 23 784,16 € au titre de son préjudice matériel,
* 10 150,00 € au titre de ses préjudices accessoires,
- condamner in solidum la SARL Maçonnerie Troyan et la SARL PFC représentées par la SCP [W] [T] ès-qualités , à payer à Madame [H] [B] une somme de 3500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, outre les entiers dépens de l'instance,
- condamner in solidum la SARL Maçonnerie Troyan et la SARL PFC représentées par la SCP [W] [T], ès-qualités, à payer à Madame [H] [B] une somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, outre les entiers dépens de l'instance,
- condamner les Mutuelles de Poitiers Assurances à garantir leur assurée, la SARL Maçonnerie Troyan , de toutes condamnations prononcées à son encontre,
- condamner la SMABTP à garantir son assurée, la SARL PFC, de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Par conclusions notifiées le 14 septembre 2022, la SMABTP demande à la cour de :
Vu l'article 1231-1 du code civil,
Vu le rapport d'expertise,
Vu les pièces versées aux débats,
- rejeter l'appel formé par la compagnie Mutuelles Poitiers Assurances comme mal fondé et l'appel incident formé par Madame [B] comme mal fondé,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de leur demande de garantie formée contre la SMABTP,
- condamner in solidum, la Mutuelle de Poitiers Assurances, Madame [H] [B] à verser à la SMABTP une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité quasi délictuelle de la société PFC à
l'occasion de dommages de nature décennale,
- débouter Madame [B] de sa demande tendant à voir condamner la SMABTP à garantir
les condamnations prononcées à la charge de la société PFC dans la mesure où la
responsabilité de ce sous-traitant n'a pas lieu d'être retenue,
A titre plus subsidiaire,
- juger la SMABTP, ès-qualités d'assureur de la société PFC recevable et bien fondée en son
appel en garantie à l'encontre de la compagnie Mutuelle de Poitiers, assureur décennal de la société Troyan Maçonnerie,
- condamner la Mutuelle de Poitiers à relever indemne et à garantir intégralement la SMABTP de l'ensemble des condamnations en principal, frais et accessoires mises à sa charge,
- fixer la part de la responsabilité de la société PFC et à fortiori celle de la compagnie
SMABTP à hauteur de 10 % dans la limite des plafonds de garantie et franchises opposables
souscrits aux termes du contrat d'assurance,
- condamner la Mutuelle de Poitiers à garantir la SMABTP à hauteur de 90 % de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées tant en principal qu'en intérêts, frais et accessoires,
- juger la SMABTP recevable et bien fondée à opposer à toute demande formée à son
encontre les exclusions de garantie contractuelles et les franchises contractuellement prévues, A titre infiniment subsidiaire,
- réformer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a alloué à Madame [B] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau,
- débouter Madame [B] de toute demande formée au titre du préjudice moral,
- condamner la compagnie Mutuelle de Poitiers et Madame [B] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3000 €,
- condamner la compagnie Mutuelle de Poitiers et Madame [B] aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP Delvincourt Caulier Richard.
La déclaration d'appel a été signifiée le 16 mars 2022 à personne morale à la SCP [W] [T] ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Plâtrier Façadier Champenois (PFC) et ès-qualités de mandataire ad'hoc de la liquidation judiciaire de la société Maçonnerie Troyan.
Les conclusions des parties lui ont également été régulièrement signifiées.
Elle n'a pas constitué avocat devant la cour.
MOTIFS DE LA DECISION :
La demande formée par la société Mutuelle de Poitiers Assurances :
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, l'appel formé par la société Mutuelle de Poitiers Assurances a pour unique objet de voir écarter la garantie de son assurée, la société Maçonnerie Troyan, condamnée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour des désordres de nature non décennale, en faisant valoir qu'elle n'assure pas la garantie à ce titre mais uniquement la décennale.
Or, comme le relève à juste titre Mme [B], qui n'est pas contredite par l'appelante (celle-ci a conclu dans le délai de trois mois de son appel puis n'a plus notifié d'écritures par la suite), l'assureur de la société Maçonnerie Troyan avait demandé par conclusions au juge de première instance de:
- consacrer la responsabilité prépondérante de la SARL PFC dans la survenance du sinistre,
- consacrer la responsabilité de la SARL PFC à hauteur de 80 % des conséquences du sinistre,
- débouter Mme [B] de ses prétentions relativement au préjudice de jouissance et au préjudice moral,
- réduire le préjudice matériel sollicité par Mme [B] à la somme de 11 541,20 euros ttc tel que retenu par l'expert.
A aucun moment la société Mutuelle de Poitiers Assurances n'a contesté sa garantie, qu'elle soit engagée au titre de la garantie décennale ou au titre de la responsabilité civile de droit commun de son assurée puisqu'elle sollicitait exclusivement un partage de responsabilité entre les deux sociétés intervenues sur le chantier.
Elle reconnaissait donc sa garantie.
Elle demande à hauteur de cour que sa garantie soit écartée, prétention qu'elle n'avait jamais formulée auparavant et qui ne tend pas aux mêmes fins que celles qui avaient été soumises au premier juge qui se limitaient à un partage de responsabilité.
Sa demande doit par conséquent être déclarée irrecevable comme étant nouvelle.
La responsabilité des deux sociétés dans les désordres :
- la responsabilité de la société Maçonnerie Troyan :
* sur la garantie décennale :
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Cette garantie n'est mobilisable que lorsque le dommage porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rend impropre à sa destination.
Les travaux de rénovation entrent dans le cadre de cette garantie.
Comme en première instance, Mme [B] soutient que la responsabilité décennale de la société Maçonnerie Troyan doit être retenue à titre principal dans la mesure où l'expert judiciaire a relevé un mouvement entre les supports qui était prévisible causé par la différence de matériaux composant la façade ; elle ajoute que cela est d'autant plus grave que le recours à des briques de 11 cm d'épaisseur pour un mur extérieur n'est pas autorisé ; qu'il apparaît dès lors incontestable que les éléments de structure sont atteints et que ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage et le rendent ainsi impropre à sa destination.
Il ressort de l'expertise que des microfissures et des fissures sont apparues sur les enduits extérieurs qui ont été réalisés en façade ; qu'elles sont localisées essentiellement dans l'emprise du premier étage et que les départs de fissures se font depuis les appuis et linteaux de fenêtres.
L'expert ajoute que ce phénomène est lié à des mouvements de structure qui prennent naissance là où les matériaux sont de nature différente (brique pour un mur et blocs de ciment alvéolaire pour l'autre) et plus particulièrement aux points faibles tels que les linteaux et appuis de fenêtre; enfin que malgré l'application d'un isolant de type polystyrène pour compenser la différence du retrait et de la mise en place d'une trame en fibre de verre, le mouvement entre les supports était prévisible.
Aucun élément ne permet de considérer au vu de ce rapport que ces fissures et microfissures seraient susceptibles d'affecter la solidité de l'ouvrage, le fait que les désordres aient été prévisibles étant sans rapport avec ce critère non plus que le fait qu'un mur en briques de 0,11 m d'épaisseur en protection d'un espace habitable n'est pas autorisé.
Mme [B] ne démontre pas davantage le caractère décennal des désordres et n'apporte au surplus aucune pièce de nature à prouver qu'ils se seraient aggravés plus de six ans après la réalisation des travaux.
C'est par conséquent à bon droit qu'il a été jugé que la garantie décennale de la société Maçonnerie Troyan ne pouvait être mobilisée.
* sur la responsabilité contractuelle de droit commun :
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
C'est à bon droit que le premier juge, faisant siennes les conclusions de l'expert, a considéré que le dispositif mis en place par l'entreprise - compenser le décaissé entre les deux parties du mur de matériau différent par la fourniture et la pose de plaques de polystyrène expansé chevillé dans la maçonnerie sur laquelle a été fixée une trame de verre, un premier enduisage puis la couche définitive d'enduit - n'avait pas été réalisé conformément aux règles de l'art et que la responsabilité contractuelle de la société Maçonnerie Troyan était engagée sur un fondement contractuel.
- la responsabilité de la société Plâtrier Façadier Champenois (PFC) :
Par application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat envers l'entrepreneur avec lequel il est contractuellement lié.
Un tiers au contrat peut se fonder sur un manquement contractuel du sous-traitant à l'égard de son donner d'ordre, qui constitue un fait illicite à son égard lorsqu'il lui cause un dommage pour se prévaloir de la responsabilité délictuelle de ce sous-traitant (cass, ass.plén.13 janvier 2020 n°17-19.963 P).
La société Maçonnerie Troyan a sous-traité le lot ravalement de façade à la société PFC sans agrément de Mme [B].
La société PFC est une société spécialiste du ravalement de façades et comme telle, doit se renseigner sur le support auprès de la société Maçonnerie Troyan avant de poser l'enduit, ce qu'elle a omis de faire.
Il s'agit d'un manquement contractuel à son égard.
La responsabilité délictuelle de la société PFC est engagée à l'égard de Mme [B] pour lui avoir causé un préjudice en lien de causalité avec ce manquement.
Les préjudices :
* le préjudice matériel :
Mme [B] critique la décision de première instance qui lui a alloué la somme de 11 541,20 euros ttc au titre du montant des travaux de reprise.
Elle soutient que la réparation intégrale de son préjudice nécessite que la totalité de l'enduit en façade sur rue soit reprise et que soit démoli et remplacé le mur de briques et ce pour un montant total évalué suivant deux devis à la somme de 23 784,16 euros ttc.
L'expert judiciaire, après avoir analysé ces deux devis qui lui avaient déjà été produits, relève que la surface à considérer pour la reprise des enduits extérieurs de la façade sur rue est de 35 m2 (et non de 80 m2 comme indiqué dans les devis produits par Mme [B]), qu'un joint vertical est à prévoir sur la hauteur de la façade entre les enduits existants préservés et les enduits projetés et que les surfaces doivent être minorées pour le montage d'agglos creux et la pose d'une trame.
C'est par conséquent à juste titre et en tenant compte du savoir expertal que le préjudice matériel a été fixé à la somme de 11 541,20 euros.
* le préjudice de jouissance.
Mme [B] critique également la décision en ce qu'elle a été déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance.
Elle soutient que son préjudice peut être évalué à la somme de 150 euros par mois à compter de la fin du chantier jusqu'à la pleine réparation qui impliquera une démolition du mur puis un rétablissement en blocs de ciment et qu'à ce jour, ce préjudice peut être fixé a minima à la somme de 5400 euros , soit au total une somme de 9150 euros à parfaire par la cour au jour de la décision.
Il a été précédemment jugé que les travaux de reprise ne nécessitaient pas de démolir le mur.
Les travaux vont s'effectuer sur l'extérieur de l'habitation en créant une gêne minime pour ses occupants.
Par ailleurs, il ne résulte d'aucun élément de l'expertise que les désordres constatés, qui sont d'une ampleur et d'une gravité toutes relatives, empêcheraient actuellement et avant travaux l'accessibilité d'une pièce à l'étage de la maison.
C'est par conséquent à juste titre que Mme [B] a été déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre.
* le préjudice moral :
La décision n'est pas critiquée en ce qu'il a été alloué à Mme [B] la somme de 1000 euros à ce titre.
La fixation des créances au passif des sociétés Maçonnerie Troyan et PFC :
Le partage de responsabilité retenu par le premier juge n'a vocation à s'appliquer que dans les rapports entre les deux entreprises.
C'est par conséquent à juste titre que Mme [B] conteste le partage de responsabilité qui lui est opposé pour la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire des deux sociétés.
En effet, Mme [B] est légitime à solliciter une fixation in solidum au passif de l'entrepreneur principal et du sous-traitant et ce tant sur un fondement contractuel pour le premier que sur un fondement délictuel pour le second dès lors que leurs fautes ont contribué à la réalisation du dommage, peu important qu'ils soient tenus sur des fondements juridiques différents.
Les deux sociétés étant tenues in solidum à l'égard de Mme [B], il y a lieu de fixer sa créance aux passifs respectifs des liquidations judiciaires des sociétés Maçonnerie Troyan et PFC comme suit :
- 11 541, 20 euros ttc au titre du préjudice matériel,
- 1 000 euros au titre du préjudice moral.
La décision sera infirmée de ce seul chef.
La garantie de la SMABTP :
La SMABTP, assureur de la société PFC, n'assure que la responsabilité décennale qui n'a pas été retenue.
La décision sera par conséquent confirmée en ce que Mme [B] a été déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de cet assureur.
L'article 700 du code de procédure civile :
La décision sera confirmée.
Les demandes des parties formées à hauteur d'appel seront rejetées.
Les dépens :
La décision sera confirmée.
La société Mutuelle de Poitiers Assurances sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire ;
Déclare irrecevable comme étant nouvelle la demande formée par la société Mutuelle de Poitiers Assurances.
Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à la fixation de la créance de Mme [H] [B].
Statuant de nouveau sur ce seul point ;
Fixe la créance de Mme [H] [B] aux passifs respectifs des liquidations judiciaires des sociétés Maçonnerie Troyan et PFC comme suit :
- 11 541, 20 euros ttc au titre du préjudice matériel,
- 1 000 euros au titre du préjudice moral.
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente