ARRET N°
du 29 novembre 2022
R.G : N° RG 21/02227 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC7G
DOCTEUR [O]
Compagnie d'assurance CABINET BRANCHET ASSURANCE
Compagnie d'assurance MIC DAC
c/
[T]
Etablissement CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MA RNE
Formule exécutoire le :
à :
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
Me Carole MANNI
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 02 juillet 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS
Dr [F] [O]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître SOULIER avocat au barreau de PARIS
Compagnie d'assurance cabinet BRANCHET assurance
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître SOULIER avocat au barreau de PARIS
Compagnie d'assurance MIC DAC
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître SOULIER avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
Madame [E] [T] épouse [A]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Carole MANNI, avocat au barreau de REIMS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MARNE établissement de droit privé en charge d'un service public régi par le Code de la Sécurité Sociale agissant poursuites et diligences de son directeur domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Christophe VAUCOIS, avocat au barreau des ARDENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidentede chambre
Monsieur Cédric LECLER, conseiller
Madame Sandrine PILON, conseiller
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé.
DEBATS :
A l'audience publique du 18 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 novembre 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Le 2 juillet 2008, Madame [E] [T] épouse [A] (Madame [A]) a subi une intervention chirurgicale par le docteur [F] [O], urologue exerçant au sein de la polyclinique des Bleuets, consistant en une promontofixation coelioscopique (pose de deux bandelettes recto vaginales et vésico-vaginales) et la mise en place d'une troisième bandelette sous urétrale (tot) à la suite d'un diagnostic de prolapsus et d'incontinence urinaire.
Jusqu'en 2009, se plaignant de douleurs intolérables persistant à la suite de cette opération, Madame [A] a consulté à plusieurs reprises le docteur [O], puis d'autres médecins.
Entre 2008 et 2017, elle a subi 9 nouvelles opérations chirurgicales et 11 nouvelles hospitalisations.
Le 28 février 2011, le docteur [N], gastro-entérologue au sein de la polyclinique Courlancy, a pratiqué sur Madame [A] une coelioscopie, qui a révélé une perforation de la face antérieure du rectum par un matériel prothétique.
En 2017, le docteur [I] a procédé à l'extraction des prothèses, ce à la suite de quoi Madame [A] a déclaré ressentir une nette amélioration de son état.
Les 12 et 22 juin 2017, Madame [A] a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims Monsieur [O], la société anonyme polyclinique Courlancy et la caisse primaire d'assurance maladie, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire et de déclarer l'ordonnance à intervenir opposable à la caisse.
Par ordonnance en date du 15 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a désigné comme expert Madame [G] [U].
Par ordonnance en date du 11 juillet 2018, les opérations d'expertise ont été étendues au docteur [D].
Le 3 janvier 2019, l'expert commis a déposé son rapport définitif.
Les 7, 13 et 14 novembre 2019, Madame [A] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Reims, devenue tribunal judiciaire de Reims, Monsieur [O], le cabinet Branchet Assurance et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne (la caisse) aux fins de voir ordonner un complément d'expertise, obtenir des indemnités provisionnelles, ainsi que la réparation de la perte de chance de ne pas subir l'opération litigieuse, et de son préjudice moral.
En dernier lieu, Madame [A] a demandé:
- d'ordonner un complément d'expertise visant à procéder au chiffrage intégral du préjudice qu'elle avait subi ensuite des faits fautifs imputables à Monsieur [O];
- de condamner in solidum Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet à lui payer la somme de 25'000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice
et ce dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise complémentaire;
à titre subsidiaire,
- d'ordonner l'organisation d'une mesure de contre-expertise permettant de faire la lumière sur l'étendue des responsabilités et dommages, laquelle serait confiée à tel expert qu'il plût au tribunal de céans avec la même mission que celle fixée dans le cas de l'ordonnance de référé du 15 septembre 2017;
- condamner in solidum Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet à lui payer la somme de 10'000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et ce dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise complémentaire;
à titre infiniment subsidiaire,
- condamner in solidum Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet à lui payer la somme de 37'962,50 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice, laquelle se décomposait comme suivait:
- 13'750 euros au titre de l'assistance par tierce personne;
- 12'212,50 euros au titre de l'indemnisation du déficit temporaire;
- 10'000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances endurées;
- 2000 euros au titre du préjudice esthétique permanent;
en tout état de cause,
- déclarer le jugement commun et opposable à la caisse;
- condamner in solidum Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet à lui payer la somme de 50'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas subir l'opération litigieuse et la somme de 10'000 euros au titre de son préjudice moral;
- débouter Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet de toutes demandes plus amples ou contraires;
- condamner in solidum Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet à payer à Maître Carole Manni la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 37 du décret n° 91-1206 du 19 novembre 1991, codifié à l'article 700 2° du code de procédure civile;
- condamner in solidum Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet aux entiers dépens ce compris les frais d'expertise.
En dernier lieu, Monsieur [O], la compagnie Mic Dac et le cabinet Branchet ont demandé de:
- prononcer la mise hors de cause du cabinet Branchet, recevoir l'intervention volontaire de la compagnie Mic et son intervention volontaire à la présente instance;
à titre principal,
- débouter Madame [A] de l'intégralité de ses demandes;
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une nouvelle mission d'expertise fût ordonnée:
- donner acte à Monsieur [O] de ses protestations et réserves sur les faits exposés dans l'assignation et qu'il s'en rapportait à justice en ce qui concernait la mesure d'instruction sollicitée;
- donner à l'expert une mission comportant notamment les points suivants:
- décrire l'état antérieur de Madame [A];
- décrire l'état actuel de Madame [A];
- dire si les actes des soins prodigués à Madame [A] par Monsieur [O]
à la polyclinique Courlancy avaient été indiqués, attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque des faits, et dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manques de précaution nécessaires, négligences pré, per et post opératoires, maladresses et autres défaillances relevées;
- fournir tous les éléments permettant d'apprécier la responsabilité des différents intervenants, praticiens, personnes physiques ou morales auprès de Madame [A];
- donner un avis sur l'existence ou l'absence de lien de causalité entre le ou les manquements thérapeutiques éventuellement relevés et l'état de santé dont se plaignait Madame [A];
- préciser si ce lien de causalité présentait un caractère certain, direct et exclusif ou si seule une perte de chance pouvait éventuellement être envisagée;
- s'il s'agissait d'une perte de chance, préciser dans quelle proportion (en pourcentage) celle-ci était à l'origine de l'état de santé actuel de Madame [A];
- préciser s'il s'agissait, en l'espèce de la réalisation d'un aléa thérapeutique, à savoir un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait pas être maîtrisé;
- évaluer les différents postes de préjudice personnel de Madame [A] découlant de la situation décrite, en ne s'attachant qu'aux éléments de préjudice résultant d'éventuels manquements imputables au requis et en excluant ceux se rattachant aux suites normales de l'intervention pratiquée ou à son état antérieur;
......
- se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme social de Madame [A] et indiquer si les frais qui y étaient inclus étaient bien en relation directe, certaine et exclusive avec les faits de la cause;
- à défaut de constater un manquement, préciser les éléments de préjudice éventuellement imputable à une infection nosocomiale ou à un accident médical non fautif, de façon à déterminer s'ils eussent pu donner lieu à une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) au titre de la solidarité nationale;
- dans le cas où l'expert retînt, en conclusion de son pré-rapport d'expertise, la survenue d'un accident médical non fautif ou d'une infection nosocomiale susceptible d'entraîner une indemnisation par l'Oniam, au titre de la solidarité nationale, dire qu'il lui appartiendrait d'inviter la partie défenderesse à appeler l'Oniam dans la cause afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise;
à titre infiniment subsidiaire,
- ramener les prétentions indemnitaires de Madame [A] à de plus justes proportions en tenant compte des propositions suivantes:
- 10'312 euros au titre de la tierce personne;
- 9630 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire;
- 10'000 euros au titre des souffrances endurées;
- 1200 euros au titre du préjudice esthétique;
- 5000 euros au titre du préjudice d'impréparation.
En dernier lieu, la caisse a demandé de:
- débouter purement et simplement Monsieur [O] et la société par actions simplifiée François Branchet, son assureur, de l'ensemble de leurs moyens prétentions et demandes;
- condamner in solidum Monsieur [O] et la société François Branchet à lui payer les sommes de :
- 8942,57 euros au titre des débours exposés;
- 1091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion;
- les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de signification de ses présentes conclusions, soit le 13 janvier 2020, avec capitalisation des intérêts par année entière;
- 1500 euros au titre des frais irrépétibles;
- condamner in solidum Monsieur [O] et la société François Branchet aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil.
Par jugement contradictoire en date du 2 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Reims a:
- prononcé la mise hors de cause de la société cabinet Branchet Assurance;
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la compagnie Mic Dac;
- rejeté la demande de complément d'expertise de Madame [A];
- ordonner avant dire droit une contre-expertise médicale de Madame [A] et commis pour y procéder le Docteur [M] [R] avec pour mission de:
1°) convoquer les parties et leurs conseils en les informant de leur droit de se faire assister par un médecin conseil de leur choix;
2°) fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activité professionnelle, son statut exact et/ou sa formation s'il s'agissait d'un demandeur d'emploi;
3°) se faire communiquer par la victime, ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs aux interventions litigieuses et à l'accident médical;
4°) A partir des déclarations de la victime imputables aux faits dommageables et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et de rééducation et, pour chaque période d'hospitalisation ou de rééducation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins;
5°) indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident et, si possible la date de la fin de ceux-ci;
6°) décrire, en cas de difficulté particulière éprouvée par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire était alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité son imputabilité ;
7°) si nécessaire, reproduire intégralement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution;
8°) prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits;
9°) recueillir les doléances de la victime en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences;
10°) décrire l'éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui pouvaient avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse:
- au cas où il eût entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable;
- au cas où il n'y eût pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme avait été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se fût de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir;
11°) procéder à l'examen clinique détaillé (y compris taille et poids) en fonction des lésions initiales et des doléances créées par la victime, en assurant la protection de son intimité, et informer ensuite contradictoirement les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ces constatations et de leurs conséquences;
12°) analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur, pour la période postérieure au 28 février 2011:
- la réalité des lésions initiales;
- la réalité de l'état séquellaire en décrivant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident;
- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales, et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur;
13°) fournir tous les éléments permettant d'apprécier la responsabilité des différents intervenants, praticiens, personnes physiques ou morales, auprès de Madame [A] à compter du 28 février 2011 ;
14°) donner un avis sur l'existence ou l'absence de lien de causalité entre le ou les manquements thérapeutiques éventuellement relevés et l'état de santé dont se plaignait Madame [A] à compter du 28 février 2011;
15°) préciser si ce lien de causalité présentait un caractère certain et direct ou si seule une perte de chance pouvait éventuellement être envisagée;
16°) s'il s'agissait d'une perte de chance, préciser dans quelle proportion (en pourcentage) celle-ci était à l'origine de l'état de santé actuel de Madame [A] à compter du 28 février 2011;
17°) préciser s'il s'agissait, en l'espèce, de la réalisation d'un aléa thérapeutique, à savoir un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé;
18°) à défaut de constater un manquement, préciser les éléments du préjudice éventuellement imputables à une infection nosocomiale ou à un accident médical non fautif, de façon à déterminer s'ils pussent donner lieu à une indemnisation par l'Oniam au titre de la solidarité nationale;
19°) dans le cas où fût retenue la survenue d'un accident médical non fautif ou d'une infection nosocomiale susceptibles d'entraîner une indemnisation par l'Oniam au titre de la solidarité nationale, inviter la partie demanderesse à appeler l'Oniam dans la cause afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertises;
...
26°) donner un avis motivé sur l'existence et l'étendue d'un préjudice d'impréparation médicale;
27°) se faire communiquer par les victimes ou les autres parties l'état des débours définitifs de la caisse du 26 novembre 2019 et indiquer si les frais qui y étaient inclus étaient bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'intervention litigieuse de Monsieur [O];
- condamné in solidum Monsieur [O] et la compagnie Mic Dac au paiement de la somme de 10'000 euros à Madame [A] à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur son indemnisation;
- sursis à statuer sur les autres demandes des parties, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 5 septembre 2022 à 9 heures pour les conclusions de Madame [A] suite au dépôt du rapport d'expertise judiciaire;
- déclaré le jugement commun à la caisse;
- réservé les frais et les dépens.
Le 15 décembre 2021, Monsieur [O], le cabinet Branchet Assurance et la compagnie Mic Dac, prise en la personne de son représentant légal en France la société Branchet, ont relevé appel de ce jugement.
Le 20 septembre 2022, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
Par message sur le réseau privé virtuel avocat en date du 20 octobre 2022, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office par la cour, tenant à l'irrecevabilité de l'appel de la caisse au regard de l'article 380 du code de procédure civile pour le 8 novembre 2022 au plus tard.
Le 2 novembre 2022, Madame [A] a produit une note en délibéré.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Pour plus ample exposé, il est expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:
- le 4 mars 2022 par Monsieur [O], le cabinet Branchet Assurance et la compagnie Mic Dac, appelants;
- le 27 avril 2022 par Madame [A], intimée;
- le 11 mars 2022 par la caisse, intimée.
Monsieur [O], le cabinet Branchet Assurance et la compagnie Mic Dac demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause du cabinet Branchet et donné acte à la compagnie Mic de son intervention volontaire à la présente instance.
A titre principal, ils demandent l'infirmation du jugement en toutes ses autres dispositions.
A titre subsidiaire, ils demandent de surseoir à statuer sur les responsabilités et les demandes indemnitaires de Madame [A] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, de dire que la charge des opérations d'expertise sera supportée par le demandeur, sous réserve du bénéfice de l'aide juridictionnelle qu'il lui appartient de solliciter, et de réserver les dépens.
Madame [A] demande la confirmation intégrale du jugement, le débouté de Monsieur [O] et de la compagnie Mic Dac de toutes leurs demandes, et leur condamnation in solidum
à payer à Maître Carole Manni la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 37 du décret n° 91-1206 du 19 novembre 1991, codifié à l'article 700 2° du code de procédure civile.
La caisse demande la confirmation du jugement en ce qu'il a:
- mis hors de cause la société François Branchet, et déclaré recevable l'intervention volontaire de la compagnie Mic Dac;
- jugé Monsieur [O] responsable des causes et conséquences des fautes commises au titre du défaut d'information, lié à la mise en place d'un Tot et de négligence dans la prise en charge postopératoire concernant Madame [A].
Elle demande de débouter Monsieur [O], médecin et la compagnie Mic Dac, son assureur de l'ensemble de leurs demandes.
La caisse demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur ses propres demandes, et réitère ses demandes initiales en remboursement de ses débours, sauf à rehausser à 1114 euros sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à 2500 euros sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.
MOTIVATION:
Sur la recevabilité de l'appel de la caisse:
Selon l'article 380 du code de procédure civile en son premier alinéa, La décision de sursis (à statuer) peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.
La caisse a relevé appel incident du jugement, dont elle demande l'infirmation, en ce qu'il a statué sur ses demandes initiales en remboursement de ses débours, et en paiement d'une indemnité forfaitaire et de frais irrépétibles, outre condamnation aux dépens avec distraction au profit de son conseil.
Mais la caisse n'a ni allégué, ni justifié, avoir sollicité et obtenu l'autorisation primo-présidentielle aux fins d'être autorisée à relever appel de la décision en ce que celle-ci avait sursis à statuer sur ses propres demandes.
Il conviendra donc de déclarer irrecevable l'appel formé par la caisse.
Sur la mise hors de cause de la société cabinet Branchet Assurances et sur la demande d'expertise:
En l'état des demandes concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a:
- prononcé la mise hors de cause de la société cabinet Branchet Assurance;
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la compagnie Mic Dac;
- rejeté la demande de complément d'expertise de Madame [A];
- ordonné un complément d'expertise, l'a confié au docteur [W], en a défini la mission et fixé les modalités comme sus indiquées.
C'est encore exactement qu'en retenant que la demanderesse bénéficiait de l'aide juridictionnelle, le premier juge a dit qu'il n'y avait pas lieu à consignation: le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes principales de Monsieur [O], du cabinet Branchet Assurance et de la compagnie Mic Dac, appelants:
Selon l'article 954 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Il en résulte qu'un appelant, qui se borne dans le dispositif de ses conclusions à conclure à l'infirmation d'un jugement, sans formuler de prétention sur les demandes tranchées dans ce jugement, ne saisit la cour d'aucune prétention relative à ces demandes (Cass. 2e civ., 5 décembre 2013, n°12-23.611, Bull. 2013, II, n°230).
Selon le dispositif de leurs dernières écritures, Monsieur [O], le cabinet Branchet Assurance et la compagnie Mic Dac demandent:
- la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause du cabinet Branchet et donné acte à la compagnie Mic de son intervention volontaire à la présente instance;
- et à titre principal, l'infirmation du jugement en toutes ses autres dispositions.
Mais ils n'ont formulé aucune prétention sur les demandes tranchées dans ce jugement, dont ils réclament l'infirmation.
Il en résultera que l'examen de la prétention principale des appelants ne peut conduire qu'à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.
* * * * *
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
Cette règle de procédure, résultant de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, est applicable pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, soit à une date à laquelle cette règle de procédure, affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié le même jour, était prévisible pour les parties.
(Cass. 2e civ. 17 septembre 2020, n°18-23.626, publié, et Cass. 2e civ., 20 mai 2021, n°19-22.316 et n°20.13.210, publié).
Il ressort de la lecture du dispositif de ses écritures que ce n'est qu'à titre principal que les appelants ont demandé l'infirmation du jugement, dans les conditions sus décrites, et qu'à titre subsidiaire, ils se sont bornés à solliciter:
- de surseoir à statuer sur les responsabilités et les demandes indemnitaires de Madame [A] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- de dire que l'achat des opérations d'expertise sera supporté par le demandeur, sous réserve du bénéfice de l'aide juridictionnelle qu'il lui appartient de solliciter,
- et de réserver les dépens.
Le jugement met en évidence que dans ses motifs, il s'est prononcé sur la responsabilité de Monsieur [O] et a ensuite alloué une une provision, mais dans son dispositif, il s'est contenté de condamner Monsieur [O] au paiement d'une provision à Madame [A].
La condamnation à provision figurant dans le dispositif emporte ainsi nécessairement une appréciation sur la responsabilité de Monsieur [O].
La demande de Monsieur [O], tendant à surseoir à statuer sur les responsabilités, emporte comme préalable une critique du jugement en ce qu'il a alloué une provision, dont le prérequis est son infirmation.
Mais les appelants n'ont formulé aucune demande d'infirmation à l'appui de leurs demandes subsidiaires.
Dès lors, l'examen de la demande subsidiaire des appelants ne peut conduire qu'à la confirmation du jugement.
Il y aura donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [O] et la compagnie Mic Dac à payer à Madame [A] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur son indemnisation.
* * * * *
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a réservé les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Mal fondés en leur appel, Monsieur [O] et la compagnie Mic Dac seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel et à payer à Madame [A] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 37 du décret n° 91-1206 du 19 novembre 1991, codifié à l'article 700-2 du code de procédure civile au titre de la seule procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Y ajoutant:
Condamne in solidum Monsieur [F] [O] et la compagnie Mic Dac, prise en la personne de son représentant légal en France la société par actions simplifiée Cabinet François Branchet, à payer à Madame [E] [T] épouse [A] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 37 du décret n° 91-1206 du 19 novembre 1991, codifié à l'article 700-2 du code de procédure civile au titre de la seule procédure d'appel;
Condamne in solidum Monsieur [F] [O] et la compagnie Mic Dac, prise en la personne de son représentant légal en France la société par actions simplifiée Cabinet François Branchet, aux entiers dépens d'appel.
Le greffier La présidente