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15/11/2022 | FRANCE | N°21/01758

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 15 novembre 2022, 21/01758


ARRET N°

du 15 novembre 2022



R.G : N° RG 21/01758 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FB3G





[G]





c/



S.A.S. SOGEFINANCEMENT











BP







Formule exécutoire le :

à :



Me Carole MANNI



Me Dominique ROUSSEL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 08 juin 2021 par le Juge des contentieux de la pro

tection de Reims



Madame [V] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/00370 du 09/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



Représentée par Me Carole MANNI, avocat au b...

ARRET N°

du 15 novembre 2022

R.G : N° RG 21/01758 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FB3G

[G]

c/

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

BP

Formule exécutoire le :

à :

Me Carole MANNI

Me Dominique ROUSSEL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 08 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Reims

Madame [V] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/00370 du 09/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Carole MANNI, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Dominique ROUSSEL, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 11 octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022 et signé par M. Benoît PETY, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties:

Suivant offre acceptée le 22 juin 2018, la SAS Sogefinancement a accordé à Mme [U] [G] un prêt étudiant d'un montant de 15 000 euros assorti d'un intérêt au taux fixe de 0,89 % l'an, remboursable en 108 mensualités, soit 60 mensualités de 13,08 euros chacune puis 48 mensualités de 324,51 euros chacune.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 mai 2019, la société Sogefinancement a mis en demeure Mme [G] de régler la somme de 83,73 euros au titre des mensualités échues impayées sous quinze jours à peine de déchéance du terme, en vain.

Par acte d'huissier du 14 juin 2019, la société Sogefinancement a fait délivrer sommation de payer à Mme [G] pour une somme en principal de 16 278,48 euros avec intérêts contractuels.

Par ordonnance 17 octobre 2019, le président du tribunal d'instance de Reims a enjoint à Mme [G] de payer à la société Sogefinancement la somme de 14 500 euros en principal avec intérêts légaux à compter de la signification de la décision, outre celle de 51,48 euros au titre du coût de la requête et les dépens.

Selon lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juillet 2019, Mme [G] a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 décembre 2020, puis, après renvoi, à celle du 9 avril 2021.

La société Sogefinancement a sollicité la condamnation de Mme [G] à lui payer la somme de 16 278,48 euros avec intérêts au taux contractuel de 0,97 % sur la somme de 15 078,48 euros à compter du 14 juin 2019, outre 800 euros d'indemnité de procédure et les dépens.

Mme [G] a demandé au magistrat de:

-prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, la somme due se limitant au principal de 14 500 euros,

-condamner la SAS Sogefinancement à lui verser 5 000 euros de dommages et intérêts,

-surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire dans l'affaire RG n°20/1469 l'opposant à la banque Société Générale,

-Subsidiairement, fixer la clause pénale à 1 euro,

-Lui accorder des délais de paiement sur 24 mois avec possibilité de ne régler le principal qu'au 24e mois à titre principal sans intérêt,

-Condamner la société Sogefinancement aux dépens.

Par jugement du 8 juin 2021, le juge des contentieux de la protection au tribunal judiciaire de Reims a notamment:

-reçu Mme [G] en son opposition et constaté la mise à néant de l'ordonnance d'injonction de payer du 17 octobre 2019,

-statuant à nouveau, déclaré la SAS Sogefinancement recevable en ses demandes,

-condamné Mme [G] à payer à la SAS Sogefinancement la somme de 15 079,46 euros avec intérêts au taux contractuel de 0,87 % l'an sur la somme de 15 078,46 euros à compter du 14 juin 2019 et au taux légal sur le surplus à compter du prononcé du jugement,

-déclaré Mme [G] irrecevable en sa demande de sursis à statuer,

-rejeté le surplus de ses demandes,

-condamné Mme [G] à verser à la SAS Sogefinancement la somme de 200 euros au titre de ses frais non répétibles,

-condamné Mme [G] aux dépens.

Mme [G] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 15 septembre 2021, son recours portant sur sa condamnation principale, l'indemnité pour frais irrépétibles, les dépens et le rejet du surplus des demandes.

Par conclusions signifiées le 6 décembre 2021, Mme [G] demande par voie d'infirmation à la cour de:

-Prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts,

-Juger que le montant en principal de sa dette est au maximum de 14 426,50 euros,

-Condamner la société Sogefinancement à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

-Confirmer la fixation de la clause pénale à 1 euro,

-Lui accorder les plus larges délais de paiement,

-Juger qu'elle pourra se libérer de sa dette au 24e mois, la somme retenue ne produisant pas d'intérêts,

-Condamner la SAS Sogefinancement à lui verser une indemnité de procédure de 1 500 euros,

-Débouter la société Sogefinancement de toutes ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

* * * *

Par des écritures signifiées le 22 février 2022, la SAS Sogefinancement conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a déclarée recevable en ses demandes, a rejeté la demande de déchéance du prêteur du droit aux intérêts, a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme[G], a rejeté sa demande de délais de paiement et a condamné la défenderesse à lui verser 200 euros d'indemnité de procédure sans préjudice des entiers dépens.

Par voie d'infirmation, elle demande à la juridiction du second degré de condamner Mme [G] à lui payer la somme principale de 16 278,48 euros outre intérêts au taux contractuel sur la somme de 15 078,48 euros à compter du 14 juin 2019 et jusqu'à parfait paiement. Elle demande aussi la condamnation de Mme [G] à lui verser la somme de 1 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 20 septembre 2022.

* * * *

Motifs de la décision:

-Sur la déchéance du prêteur du droit aux intérêts:

Attendu qu'au sens de l'article L. 311-9 ancien du code de la consommation, devenu l'article L. 312-26, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 [---];

Attendu qu'au visa de ce texte, Mme [G] maintient devant la cour que la société Sogefinancement ne justifie pas d'une consultation effective et préalable du FICP ni ne justifie de la vérification de la solvabilité de l'emprunteuse;

Que la société prêteuse réfute les propos de la partie appelante en rappelant que la consultation du FICP résulte de sa pièce n°1-7, cette consultation le jour de l'offre de prêt étant bien antérieure à la formation du contrat, laquelle ne peut intervenir que quatorze jours plus tard;

Attendu que la société Sogefinancement produit aux débats sous sa pièce n°1-7 la fiche d'interrogation du FICP donnant pour réponse 'aucun résultat', la date d'interrogation étant le 22 juin 2018;

Que si Mme [G] conteste en premier lieu le formalisme de ce document, il doit être rappelé que l'interrogation du FICP a été réalisée sous l'égide de l'arrêté du 26 octobre 2010, lequel ne décrit aucune règle contraignante quant à la forme du document d'interrogation du FICP;

Que, par ailleurs, l'article L. 311-8 ancien du code de la consommation précise bien que cette consultation par le prêteur du FICP doit intervenir avant d'agréer la personne de l'emprunteur, cet agrément ne pouvant intervenir avant l'expiration du délai de rétractation de quatorze jours de telle sorte que l'interrogation dudit fichier le jour de la remise de l'offre est de fait antérieure à la date à laquelle le contrat devient parfait, ce qui est conforme aux exigences du code de la consommation en l'état de ses dispositions applicables au contrat en cause;

Qu'en outre, il est également justifié par la société prêteuse de ce qu'elle a renseigné la fiche de dialogue, laquelle est aussi versée à la procédure, au même titre que les justificatifs de l'inscription de l'emprunteuse dans un cursus de formation (bachelor 1ère année à l'Etablissement privé d'enseignement technique supérieur) pour l'année universitaire 2018-2019;

Qu'aucun manquement de la société Sogefinanement n'est en cela démontré et aucune sanction ne saurait être prononcée à l'encontre du prêteur, la déchéance du droit aux intérêts étant par conséquent écartée contrairement à ce qu'a décidé le premier juge;

-Sur la créance principale du prêteur:

Attendu qu'au soutien de sa demande principale en paiement, la SAS Sogefinancement communique aux débats l'offre de prêt étudiant, la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées, la synthèse des garanties du contrat d'assurance, la fiche de dialogue, le certificat de scolarité sus-visé ainsi que le devis de formation, une déclaration sur l'honneur complétée et signée par Mme [G], la fiche d'interrogation du FICP comme précédemment décrit, le tableau d'amortissement, l'historique de compte et le décompte de créance arrêté au 7 juin 2019, la mise en demeure de payer du 15 mai 2019, la sommation de payer du 14 juin 2019 et les éléments de la procédure d'injonction de payer initiale;

Qu'en l'état de ces éléments, il importe d'arrêter cette créance comme suit:

-mensualités échues impayées: 78,48 euros,

-capital restant dû: 15 000 euros,

-indemnité légale de 8 %: la somme de 1 200 euros requise par le prêteur doit être tenue pour manifestement excessive compte tenu de la nature du prêt (prêt étudiant à faible taux d'intérêt). Cette clause pénale sera plus justement ramenée à la somme de 150 euros,

soit une créance totale de 15 228,48 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 0,89 % l'an sur la somme de 15 078,48 euros et des intérêts au taux légal sur le surplus, le tout à compter du 14 juin 2019, date de la sommation de payer remise à la personne même de la débitrice;

Que la décision dont appel sera en cela infirmée;

-Sur les dommages et intérêts sollicités par Mme [G]:

Attendu qu'il est constant que tout établissement bancaire ou de crédit doit, avant d'accorder un concours financier à un particulier non averti, se faire transmettre tous éléments utiles sur sa situation personnelle et celle pécuniaire afin de le mettre en garde contre tout risque d'endettement excessif;

Que, sur ce fondement, Mme [G] entend mettre en oeuvre la responsabilité de la société Sogefinancement pour non-respect de son devoir de mise en garde, ce que conteste catégoriquement la société prêteuse;

Attendu que la fiche de dialogue mais aussi les données sur le cursus d'études suivies par Mme [G] démontrent qu'avant même d'accorder le prêt étudiant, le prêteur s'est bien enquis de réunir un certain nombre de données sur la situation de l'emprunteuse, étant précisé que la nature particulière du concours apporté à l'intéressée, à savoir un prêt étudiant remboursable en 108 mois mais avec une mensualité limitée à 13,08 euros durant les 72 premiers mois, ne pouvait sérieusement mettre l'emprunteuse dans une situation d'endettement excessif, même pour une étudiante n'ayant déclaré aucuns revenus;

Que le propre de ce type de concours financier est justement de reporter au-delà des études le remboursement effectif du prêt, lorsque l'étudiant est entré dans la vie active et qu'il est censé percevoir des gains lui permettant de rembourser l'emprunt souscrit plusieurs années auparavant;

Qu'en l'état, nonobstant les propos divergeants de Mme [G], il est établi que la société Sogefinancement lui a fait bénéficier d'un prêt en toute connaissance de cause, la circonstance que Mme [G] ne soit pas parvenue à rembourser les faibles mensualités dès le début de l'amortissement ne tenant aucunement au fait que l'intéressée ne disposait pas des moyens de régler chaque mois le somme de 13,08 euros mais au blocage de son compte par la Société Générale suite à deux escroqueries dont elle a manifestement été la victime, ce qui est parfaitement étranger à toute impécuniosité de l'intéressée;

Que c'est donc à raison que le premier juge a écarté toute responsabilité du prêteur et a débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts, le jugement déféré étant en cela confirmé;

-Sur la demande de délais de paiement:

Attendu que Mme [G], au visa de l'article 1343-5 du code civil, sollicite des délais de paiement sous forme d'un report de dette pendant 23 mois, le paiement de sa dette devant être assuré en un unique paiement correspondant au 24e mois de délai;

Que la société Sogefinancement s'y oppose, considérant que la débitrice a déjà pu de fait obtenir les plus larges délais de paiement;

Attendu qu'il est justifié par Mme [G] de ce qu'elle est employée depuis le 17 octobre 2019 par l'enseigne Zara [Localité 3] et qu'elle perçoit une rémunération mensuelle de 1 015,59 euros net à payer;

Qu'elle bénéficie également d'une allocation logement variant entre 52 et 271 euros par mois, outre une prime d'activité variant de 201,28 à 245 euros par mois;

Qu'elle fait état d'une charge principale correspondant à son loyer de 500 euros par mois avec charges;

Que la demande de report de dette pendant 23 mois ne garantit pas suffisamment les intérêts du prêteur de telle sorte que cette demande ne peut être entérinée par la cour;

Qu'en l'état de la situation pécuniaire actuelle de la débitrice, il lui sera accordé des délais de paiement sous forme d'échéancier à raison de 150 euros par mois pendant 23 mois, la 24e mensualité devant permettre de solder intégralement la dette en question;

Que la décision entreprise sera en cela réformée;

-Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens comme de ses frais irrépétibles, aucune indemnité de procédure n'étant en cela arrêtée au profit de l'une ou l'autre des parties à hauteur de cour;

Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il condamne Mme [G] aux dépens de première instance et met à la charge de l'intéressée une indemnité pour frais irrépétibles de 200 euros en faveur de la société Sogefinancement;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

-Infirme le jugement déféré en ses dispositions arrêtant la créance principale de la SAS Sogefinancement à l'égard de Mme [V] [G] et rejetant sa demande de délais de paiement;

Prononçant à nouveau de ces deux chefs,

-Condamne Mme [V] [G] à payer à la SAS Sogefinancement, au titre du prêt étudiant de 15 000 euros en date du 22 juin 2018, la somme de 15 228,48 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 0,89 % l'an sur la somme de 15 078,48 euros et au taux légal sur le surplus, le tout à compter du 14 juin 2019 jusqu'à parfait paiement;

-Accorde à Mme [V] [G] des délais de paiement à raison de 23 mensualités successives de 150 euros chacune, la 24e et dernière mensualité soldant totalement la dette;

-Précise que toute mensualité restée impayée à son échéance rendra exigible automatiquement et sans nouveau formalisme la créance de la société Sogefinancement pour la totalité du montant restant dû;

Sur le surplus,

-Confirme en ses plus amples dispositions querellées la décision entreprise;

Y ajoutant,

-Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles;

-Déboute chaque partie de sa demande indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier. Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 21/01758
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;21.01758 ?
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