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08/11/2022 | FRANCE | N°21/02094

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 08 novembre 2022, 21/02094


R.G. : N° RG 21/02094 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCWI

ARRÊT N°

du : 08 novembre 2022





AL



























Formule exécutoire le :

à :



la SELARL PELLETIER ASSOCIES



la SARL SARL D'AVOCATS MARIN-COUVREUR-URBAIN





COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 05 octobre 2021 par l

e Juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne (RG 21/01245)



Commune du [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS



INTIMÉ :



Monsieur [R]...

R.G. : N° RG 21/02094 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCWI

ARRÊT N°

du : 08 novembre 2022

AL

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL PELLETIER ASSOCIES

la SARL SARL D'AVOCATS MARIN-COUVREUR-URBAIN

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 05 octobre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne (RG 21/01245)

Commune du [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur [R] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Simon COUVREUR de la SARL D'AVOCATS MARIN-COUVREUR-URBAIN, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 novembre 2022, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 805 du code de procédure civile, Madame Anne LEFEVRE, conseiller, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Madame Lucie NICLOT, greffier

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. PETY, Président de chambre, et par Madame NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte authentique du 8 janvier 2018, M. [B] [F] et Mme [I] [O], son épouse, ont donné à bail à M. [R] [C] des locaux à usage d'habitation sis [Adresse 1] (Marne), moyennant un loyer mensuel de 600 euros outre les charges récupérables.

Le 10 septembre 2018, les bailleurs et le preneur ont régularisé un avenant au bail portant le loyer à 650 euros par mois, compte tenu de la rénovation de la salle de bain.

Le 3 décembre 2018, un procès-verbal de constat de l'état du logement était dressé par Me [Y], huissier de justice à [Localité 4]. Le 9 janvier 2019, M. [C] mettait les bailleurs en demeure de réaliser des travaux.

Le 18 janvier 2019, les locaux ont été cédés par M. et Mme [F] à la commune du [Localité 3].

M. [C] a quitté le logement en avril 2019.

Le 30 avril 2019, M. [C] a fait assigner la commune du [Localité 3] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne aux fins de voir :

- dire que le logement loué n'était pas décent,

- déclarer la commune du [Localité 3] responsable des préjudices par lui subis,

- la condamner, en la personne de son maire en exercice, au paiement des sommes suivantes :

. 1 952,47 euros en réparation du préjudice matériel,

. 250 euros au titre des frais de constat d'huissier,

. 5 000 euros en réparation du préjudice moral,

. 3 200 euros en réparation du préjudice d'agrément,

. 600 euros en remboursement du dépôt de garantie,

. 1 300 euros au titre de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989,

- ordonner la majoration des condamnations par l'intérêt au taux légal,

- condamner la commune du [Localité 3] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il invoquait l'insalubrité du logement et l'écroulement partiel du plafond du salon, l'obligeant à évacuer les meubles et à déménager. Il disait notamment avoir exposé des dépenses de chauffage disproportionnées, avoir dû remplacer des meubles dégradés par les infiltrations d'eau, avoir souffert de problèmes de santé.

Lors de l'audience du 7 septembre 2021, M. [C] a maintenu ses demandes. La commune du [Localité 3], assignée à personne morale, n'a pas comparu.

Le jugement du 5 octobre 2021 a, sous exécution provisoire, condamné la commune du [Localité 3] à payer à M. [C] les sommes ci-après :

- 3 624 euros au titre de l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'indécence du logement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 600 euros en restitution du dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 1 300 euros d'indemnité pour restitution tardive du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune du [Localité 3] était condamnée en outre aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 3 décembre 2018.

Le 22 novembre 2021, la commune du [Localité 3] a fait appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions du 1er juillet 2022, la commune du [Localité 3], prise en la personne de son maire en exercice, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles et de laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

Selon écritures du 17 mai 2022, M. [C] conclut au débouté de l'ensemble des demandes de la commune du [Localité 3], à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, à la condamnation de ladite commune au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2022.

Motifs de la décision :

Sur les obligations du nouveau bailleur :

Les locaux loués à M. [C] ont été cédés par les époux [F] à la commune du [Localité 3] le 18 janvier 2019.

Le nouvel acquéreur est tenu automatiquement de toutes les obligations du précédent bailleur qui lui ont été transmises, à compter de la vente. Il n'a pas, en principe, à assumer les obligations du précédent bailleur qui seraient restées inexécutées, sauf s'il s'agit d'une obligation qui, comme l'obligation de délivrance d'un logement décent, perdure dans le temps. Si la créance du locataire est née avant la vente, le bailleur de l'époque reste tenu de ses obligations.

Sur l'indécence du logement :

L'article 1719 du code civil dispose : 'Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° d'assurer également la permanence et la qualité des plantations.'

Selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, 'le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation (...)

Le bailleur est obligé :

a) de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...)

b) d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et (...) de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle (...)

c) d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués (...).

M. [C] verse aux débats un procès-verbal de constat dressé le 3 décembre 2018 qui énumère les défauts des lieux loués : les entrées d'air dans le logement, les taches de moisissures des plafonds de plusieurs pièces et en haut de certains murs, les murs moisis de la salle de bain et de la chambre à côté, les radiateurs au pied de l'escalier et dans la salle de bain qui ne chauffent pas, les bassines et seaux posés sur le sol du grenier (pièce n°13). Ce constat de 2018 intéresse les obligations de l'ancien bailleur, sauf à ce que les défauts dénoncés aient perduré.

Le rapport d'enquête établi le 22 mai 2019 par le Comité Marnais d'Amélioration du Logement (ou COMAL), suite à une visite du 8 avril 2019, qualifie le logement d'indécent et relève les désordres suivants :

- couverture et zinguerie vétustes avec des infiltrations, difficultés pour ouvrir les fenêtres,

- chambre contigüe à la lingerie éclairée en second jour depuis la chambre voisine, sans ouverture directe sur l'extérieur,

- présence de fils apparents et de matériels électriques vétustes dans la partie chaufferie collective,

- plaque de cuisson gaz raccordée sur une bouteille, dans la cuisine, dans un logement mal ventilé,

- infiltrations autour de la douche et depuis la couverture, occasionnant humidité et moisissure,

- absence d'extraction dans la salle de bain et les WC et extraction par hotte dans la cuisine avec rejet dans le grenier, absence de détalonnage sur certaines portes intérieures,

- garde-corps trop bas aux fenêtres de l'étage avec problèmes de fixation, absence de main courante et de garde-corps au niveau de la trémie dans l'escalier d'accès au grenier,

- espace trop important entre les barreaudages du garde-corps pour l'escalier d'accès à l'étage,

- présence de peintures au plomb dégradées sur les menuiseries des dépendances de la cour.

La nature de ces désordres ne permet pas de les imputer à un défaut d'entretien par le locataire.

Il apparaît que le logement ne répond pas aux caractéristiques d'un logement décent et que la commune du [Localité 3], devenue bailleur le 18 janvier 2019, a manqué à son obligation de délivrer au preneur un logement décent et de lui assurer une jouissance paisible des lieux loués. Sa responsabilité contractuelle est donc engagée, comme l'a exactement analysé le juge des contentieux de la protection.

Sur l'indemnisations due par la commune du [Localité 3] :

Le préjudice de jouissance que la commune du [Localité 3] doit réparer couvre la période du 18 janvier 2019 jusqu'au départ du locataire en avril 2019. M. [C] ne critique pas l'appréciation de ce préjudice à 30 % du loyer selon la motivation du jugement.

Il est toutefois acquis que la commune du [Localité 3] n'a reçu aucun loyer de janvier à avril 2019, dans le souci d'aider le locataire, sachant que la vente de l'immeuble était faite pour le démolir et aménager un carrefour, travaux effectivement réalisés après le départ des lieux de M. [C], et que la commune du [Localité 3] n'entendait donc nullement procéder à des travaux de réparation du logement.

Le locataire étant déchargé de tout loyer, il n'a pas souffert d'un préjudice de jouissance dont la commune du [Localité 3] serait responsable.

La demande d'indemnisation est en revanche accueillie s'agissant du matelas moisi, acheté le 23 décembre 2017 au prix de 199 euros.

La commune du [Localité 3] soutient qu'elle a 'tout fait pour aider M. [C]', en l'accompagnant dans ses initiatives auprès de la caisse d'allocations familiales et du COMAL, en lui proposant deux maisons dans la commune pour se reloger, en ne lui réclamant aucun loyer pour l'occupation des lieux litigieux. Cependant elle ne justifie pas d'une autre assistance que l'abandon des loyers. Du 18 janvier à fin avril 2019, les loyers représentaient un montant de 2 222,58 euros. L'avantage tiré de leur abandon compense largement tout préjudice moral souffert par le locataire au titre des démarches entreprises pour que le bailleur remédie aux désordres, préjudice apprécié globalement à la somme de 500 euros par le juge des contentieux de la protection mais qui doit ici être limité à la seule part imputable à la commune du [Localité 3].

Par suite, M. [C] est débouté de sa demande en indemnisation d'un préjudice moral à l'encontre de son second bailleur.

La condamnation à réparation prononcée contre la commune du [Localité 3] est donc limitée à la somme de 199 euros au titre d'un meuble moisi, le jugement étant réformé en ce sens.

Sur la restitution du dépôt de garantie :

Selon l'article 22 alinéa 8 de la loi du 6 juillet 1989, à laquelle le contrat de location était soumis,

'En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. Toute convention contraire n'a d'effet qu'entre les parties à la mutation.'

Le bail prévoyait le versement d'un dépôt de garantie de 600 euros. En tout état de cause, le bailleur devait le restituer au plus tard le 13 juin 2019, M. [C] ayant quitté les lieux le 13 avril 2019 selon le rapport du COMAL.

La commune du [Localité 3] a été à bon droit condamnée à restituer à M. [C] la somme de 600 euros, ainsi qu'à lui payer la pénalité de 10 % du loyer mensuel pour chaque période mensuelle commencée en retard (article 22 alinéa 7 de la loi du 6 juillet 1989) pour 1 300 euros.

La décision querellée est confirmée de ces chefs.

Sur les autres demandes :

Le sens du présent arrêt conduit à laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés en première instance, comme en appel, le jugement étant à cet égard infirmé.

Aucune considération d'équité ne commande d'accueillir les prétentions des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, qu'il s'agisse des frais irrépétibles exposés devant le juge des contentieux de la protection ou devant la cour. La décision entreprise est encore infirmée de ce chef.

Par ces motifs,

Confirme le jugement du 5 octobre 2021 du juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne en ce qu'il a condamné la commune du [Localité 3] à payer à M. [C] une somme de 199 euros en indemnisation d'un meuble moisi, à lui restituer le dépôt de garantie de 600 euros et à lui payer la somme de 1 300 euros pour restitution tardive du dépôt de garantie, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [C] de ses autres demandes en indemnisation et au titre des frais irrépétibles,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance,

Y ajoutant,

Déboute M. [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 21/02094
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;21.02094 ?
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