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26/10/2022 | FRANCE | N°22/00138

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 26 octobre 2022, 22/00138


Arrêt n°

du 26/10/2022





N° RG 22/00138





CRW/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 octobre 2022





APPELANTS :

d'un jugement rendu le 24 décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Commerce (n° F20/00016)



1) Madame [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]



2) Syndicat SUD-RAIL CHAMPAGNE ARDENNE
r>[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentés par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES



INTIMÉE :



SA SNCF VOYAGEURS

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représentée par la SELARL OPTHÉMIS, avocats au ...

Arrêt n°

du 26/10/2022

N° RG 22/00138

CRW/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 octobre 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 24 décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Commerce (n° F20/00016)

1) Madame [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

2) Syndicat SUD-RAIL CHAMPAGNE ARDENNE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentés par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉE :

SA SNCF VOYAGEURS

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par la SELARL OPTHÉMIS, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 octobre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 26 octobre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Mme Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

[J] [U] a été embauchée en 2008 par la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF mobilités puis SNCF Voyageurs (la SNCF).

[J] [U] occupe les fonctions d'agent du service commercial trains (ci-après ASCT) c'est-à-dire contrôleur de train, à temps partiel.

Par requêtes enregistrées au greffe les 28 janvier 2020 et 23 septembre 2020, [J] [U] a saisi le conseil des prud'hommes de Charleville-Mézières d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice subi en raison du non-respect des dispositions conventionnelles relatives au repos, dirigée initialement à l'encontre de la société SNCF Mobilités, puis, compte tenu de l'évolution juridique de son employeur, à l'encontre de la société SNCF Voyageurs.

Le syndicat Sud-Rail Champagne-Ardenne (ci-après Sud-Rail) intervenant à l'instance a également sollicité le paiement de dommages-intérêts pour préjudice propre et atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Les instances ont été jointes selon décision du bureau de conciliation du 2 décembre 2020.

Par jugement du 24 décembre 2021, le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables les actions du syndicat Sud-Rail, débouté celui-ci ainsi que [J] [U] en toutes leurs demandes et rejeté le demande reconventionnelle de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 28 janvier 2021, [J] [U] et le syndicat Sud-Rail ont interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 31 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens des parties appelantes par lesquelles [J] [U] et le syndicat Sud-Rail prétendent à :

- l'infirmation du jugement,

- la condamnation de la SA SNCF Voyageurs à verser à [J] [U] les sommes suivantes :

. 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

. 2.500 euros à titre de frais irrépétibles de première instance,

. 3. 000 euros à titre de frais irrépétibles d'appel;

- la condamnation de la SA SNCF Voyageurs à verser au syndicat Sud-Rail les sommes de :

. 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

. 2.000 euros à titre de frais irrépétibles de première instance,

. 2.500 euros à titre de frais irrépétibles d'appel;

- la condamnation de la SA SNCF Voyageurs, aux dépens de première instance et d'appel

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 9 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles la SA SNCF Voyageurs prétend à la confirmation du jugement et à la condamnation in solidum d'[J] [U] et du syndicat Sud-Rail au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Sur ce :

Sur les dispositions réglementaires et conventionnelles

Les agents à temps partiel relèvent de l'accord collectif sur le temps de travail à temps partiel, signé le 16 décembre 2015, repris dans le document interne référencé RH 00662.

Il n'est pas contesté que les salariés à temps partiel peuvent bénéficier des journées chômées supplémentaires (dites VT) telles qu'énoncées par les dispositions des articles 3.2 et 3.3 de l'annexe 1 de l'accord du 16 décembre 2015.

La durée du travail du personnel de la SNCF, déterminée par le décret n°99-1161 du 29 décembre 1999, est reprise et définie dans un document interne référencé RH 0077.

Il y a toutefois lieu de souligner que le décret n° 99-1161 auquel il est fait référence à l'article 3.3 a été abrogé, tandis que les dispositions des articles 3-2 et 3.3 ont été pratiquement reprises à l'identique dans l'accord collectif sur l'organisation du temps de travail, conclu le 14 juin 2016 et que les dispositions des articles 18 et 33, auxquelles il est renvoyé, ont été reprises à l'identique.

Le litige opposant les parties porte sur le point de savoir si, compte tenu de la rédaction du 1) de l'article 18 du règlement RH0077, les agents du cadre permanent appartenant au personnel roulant et travaillant à temps partiel peuvent ou non bénéficier de la règle dite 19/6, selon laquelle le personnel roulant ne peut finir son service après 19 heures si son congé hebdomadaire débute le lendemain, et ne peut reprendre ensuite son travail avant 6 heures le lendemain matin de ce même congé, au titre des journées chômées supplémentaires, dites VT.

L'article 18 susvisé porte sur les dispositions communes aux repos périodiques, aux repos complémentaires, aux repos compensateurs, aux repos pour jours fériés chômés et aux repos compensateurs de jours fériés . Son 1) est ainsi rédigé :

'1) les dispositions des paragraphes 1 et 6 de l'article 16 sont applicables aux repos compensateurs, aux repos pour jours fériés et aux repos compensateurs de jours fériés

L'article 16 susvisé, relatif aux repos périodiques et aux repos complémentaires énonce :

'1) les repos périodiques et les repos complémentaires doivent être donnés à la résidence des agents

[...]

6) les repos périodiques doivent commencer au plus tard à 19 heures la première nuit et finir au plus tôt à 6 heures la dernière nuit ; les repos périodiques simples doivent être placés sur deux nuits consécutives.

Ces dispositions doivent obligatoirement être observées tant pour l'établissement des roulements de service que pour la commande des agents en service facultatif'

L'article 33 porte sur les dispositions applicables aux repos supplémentaires, aux jours fériés chômés, aux repos compensateurs de jours fériés chômés et aux repos compensateurs et prévoit :

'Les dispositions de l'article 32-VI ci-dessus sont applicables aux repos supplémentaires, aux jours fériés chômés, aux repos compensateurs de jours fériés chômés et aux repos compensateurs'.

L'article 32 est relatif aux repos hebdomadaires, repos périodiques et repos supplémentaires.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les heures de fin et de début de service la veille et le lendemain des repos périodiques s'appliquent aux journées chômées supplémentaires attribuées à l'agent du cadre permanent appartenant au personnel roulant et travaillant à temps partiel, comme a déjà pu le juger la cour de cassation ( Soc, 21 Septembre 2011, 10-15.375).

Sur le préjudice subi par [J] [U]

[J] [U] fait grief à la SA SNCF Voyageurs de ne pas avoir respecté la règle dite du 19/6 pour deux de ses journées chômées supplémentaires ou VT.

Elle affirme ainsi avoir repris son travail, le 8 octobre 2019, après deux VT consécutives à 5 H 47, soit avant 6 heures et avoir terminé le 12 octobre 2019, la veille d'une VT, à 00 H 05, soit bien après 19 H.

A hauteur d'appel, elle produit sa fiche horaire du mois d'octobre 2019. Ce document confirme les faits pour la date du 8 octobre 2019. En revanche, pour la journée du 12 octobre 2019, il n'est renseigné aucun horaire de travail et la journée du 13 octobre 2019 n'est pas désignée comme une VT.

Il y a donc eu une violation des règles relatives au repos conventionnel de l'ordre de 13 minutes le 8 octobre 2019.

Au soutien du préjudice moral et économique qu'elle prétend avoir subi, [J] [U] invoque une répercussion sur sa vie familiale. Elle affirme sans l'établir que si elle débute à 5 h du matin, elle doit faire garder ses enfants dès la veille. Elle explique devoir ainsi exposer des frais de garde ou mobiliser ses parents ou encore sa voisine, sans toutefois produire la moindre attestation ou pièce justificative.

En tout état de cause à la date du 8 octobre 2019, seule violation établie, [J] [U] a débuté sa journée à 5 h 47 et non 5 h. Elle n'explique pas quelles ont été les conséquences sur le mode de garde de ses enfants ni en quoi celui-ci était différent par rapport à une prise de poste à 6h pour laquelle elle ne pourrait utilement invoquer un préjudice. .

Elle ne démontre pas l'existence, ni l'étendue du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de ce seul dépassement de 13 minutes après deux jours chômés.

En conséquence, [J] [U] sera déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef, par substitution de motifs.

Sur l'intervention et les prétentions du syndicat Sud-Rail

Aux termes de l'article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Contrairement à ce qu'a pu juger le conseil de prud'hommes, la recevabilité de l'intervention du syndicat Sud Rail n'est pas sérieusement contestable dès lors que le litige porte sur l'application de dispositions résultant d'accords collectifs relatifs au droit au repos et sur la résistance opposée à cette application, malgré une décision de la cour de cassation, par l'employeur.

Par arrêt du 21 septembre 2011, la cour de cassation a confirmé l'application de la règle relative à l'heure de début et de fin du repos énoncée à l'article 16.6 à la journée chômée supplémentaire des agents à temps partiel.

Par courrier du 30 novembre 2011, le syndicat Sud-Rail a interpellé l'employeur en demandant l'application de cette jurisprudence et des dispositions conventionnelles concernées.

Le compte-rendu d'une réunion de DCI (demande de concertation immédiate) organisée le 16 août 2018 entre la direction de l'établissement des services voyageurs champagne-ardenne (ESV CA) et les représentants syndicaux indique, s'agissant de l'arrêt de la cour de cassation, 'à L'ESV CA, la direction a fait le choix de ne pas appliquer cette décision et le revendique.'

Le syndicat a réitéré sa demande de voir appliquer cette règle dite 19-6 aux VT lors de réunions de ICI organisées les 6 mars 2019 et 9 avril 2019.

A la suite d'une demande de [J] [U] du 1er octobre 2019 concernant cette règle, celle-ci s'est vu répondre 'le 19/6 ne s'applique pas aux VT'.

Il y a donc une volonté délibérée de l'employeur de ne pas appliquer les dispositions litigieuses.

Ce non respect des dispositions conventionnelles porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat.

Il convient en conséquence d'allouer au syndicat en réparation du préjudice susvisé, la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles

Compte-tenu des termes de la présente décision, [J] [U] sera déboutée de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code civile s'agissant de la première instance et de l'appel.

En revanche, le syndicat Sud-Rail sera accueilli en ses demandes et la SA SNCF Voyageurs sera condamnée à lui payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, par infirmation du jugement sur ce point.

La SA SNCF Voyageurs sera déboutée en ce même chef de demande.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières le 24 décembre 2021 en ce qu'il a débouté [J] [U] de toutes ses demandes et débouté la SA SNCF Voyageurs de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit recevable l'action intentée par le syndicat Sud Rail Champagne Ardenne,

Condamne la SA SNCF Voyageurs à payer au syndicat Sud Rail Champagne Ardenne la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice causé par l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Condamne la SA SNCF Voyageurs à payer au syndicat Sud Rail Champagne Ardenne la somme de 1 500 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute [J] [U] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute la SA SNCF Voyageurs de ses demandes,

Condamne la SA SNCF Voyageurs aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00138
Date de la décision : 26/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-26;22.00138 ?
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