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26/10/2022 | FRANCE | N°21/01995

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 26 octobre 2022, 21/01995


Arrêt n°

du 26/10/2022





N° RG 21/01995





MLS/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 octobre 2022





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 11 octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 20/00057)



Madame [Z] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par la SCP RACINE STRASBOURG CABINET D'

AVOCATS, avocats au barreau de STRASBOURG



INTIMÉE :



L'ASSOCIATION TRANSITIONS PRO GRAND EST (ATPRO)

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par la SELAFA B.R.L. Avocats, avocats au barreau de PARIS

DÉBATS :



En audience publique...

Arrêt n°

du 26/10/2022

N° RG 21/01995

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 octobre 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 11 octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 20/00057)

Madame [Z] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par la SCP RACINE STRASBOURG CABINET D'AVOCATS, avocats au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE :

L'ASSOCIATION TRANSITIONS PRO GRAND EST (ATPRO)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SELAFA B.R.L. Avocats, avocats au barreau de PARIS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 26 octobre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé des faits :

Madame [Z] [E], employée depuis le 11 janvier 2008 par le fonds de gestion du congé individuel de formation dit FONGECIP ALSACE, devenu successivement FONGECIP GRAND EST, puis ASSOCIATION TRANSITIONS PRO GRAND EST, a adhéré le 19 décembre 2019 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif.

Le 29 janvier 2020, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de REIMS de demandes tendant à :

- faire enjoindre à l'employeur de produire ses statuts et à justifier de la qualité à agir du directeur,

- faire dire la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse,

- faire condamner L'ASSOCIATIONTRANSITION PRO GRAND EST, venant aux droits de FONGECIP GRAND EST à lui payer les sommes suivantes :

. 36'410,25 euros à titre de dommages et intérêts,

. 4 854,70 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

. 485,47 euros de congés payés afférents,

. 1 500,00 euros d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association employeur a conclu au débouté et à la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 1 500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a débouté la salariée, qu'il a condamnée aux dépens.

Le 4 novembre 2021, la salariée a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées le 21 avril 2022, la salariée appelante a demandé à la cour de déclarer son appel recevable et bien-fondé, d'infirmer le jugement, de faire droit à ses demandes initiales, à l'exclusion de l'injonction de production de justificatifs, et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 1 500,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance outre 3 000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

Au soutien de ses prétentions, elle conteste la rupture du contrat de travail en raison de l'erreur de motif du licenciement qui respose, selon elle, sur une impossible sauvegarde de la compétitivité plutôt que sur des difficultés économiques, en raison de la violation de l'obligation légale de reclassement et de la violation du dispositif d'ordre public en matière de transfert des contrats de travail.

L'employeur intimé demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, conclut au débouté de la salariée appelante et à sa condamnation à lui verser la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il expose qu'à compter du 1er janvier 2020, par l'effet de la loi du 5 septembre 2018 d'ouverture à la concurrence des activités de conseil en évolution professionnelle, il a perdu son activité de conseil en évolution professionnelle l'obligeant à réduire son effectif pour sauvegarder la compétitivité. Il soutient que les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables dans la mesure où l'activité de conseil en évolution professionnelle n'est pas une entité économique autonome, que la salariée n'était pas employée dans ce secteur d'activité, laquelle activité n'a d'ailleurs pas été transférée, comme l'ont affirmé les pouvoirs publics. Il prétend avoir respecté son obligation de reclassement au travers du plan de sauvegarde de l'emploi qui a retenu la diffusion d'une liste de postes disponibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 août 2022.

Motifs de la décision :

Par une motivation pertinente que la cour adopte, le conseil de prud'hommes a pu décider qu'il n'y avait pas eu de transfert d'activité, mais une décision des pouvoirs publics de retirer à l'employeur une partie de son activité pour la confier à la concurrence au moyen de marchés publics, de sorte qu'il n'y a pas eu modification de la situation juridique de l'employeur, mais modification de l'activité de l'employeur, qui reste le FONGECIP GRAND EST devenu ATPRO.

En effet, à elle seule, l'exécution d'un marché de prestations de services par un nouveau titulaire ne réalise pas le transfert d'une entité économique en l'absence de reprise d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et dont l'identité serait maintenue, au sens de l'article L 1224-1 du code du travail.

Le moyen ne peut donc aboutir.

C'est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a considéré que le projet de réorganisation, qui a conduit à la centralisation à l'origine de la proposition de modification refusée du contrat de travail, trouvait nécessairement sa cause dans la baisse des financements consécutive à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et à son décret d'application.

Par ailleurs, c'est à raison que le conseil de prud'hommes, répondant pertinemment au moyen lié à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, a pu considérer que la réorganisation était motivée par la sauvegarde de l'activité même de l'association employeur, menacée par la réduction importante de ses financements. En ce sens, la menace sur la compétitivité est caractérisée, quand bien même l'association employeur ne se situe pas dans un secteur d'activité marchand et concurrentiel.

En effet, la réorganisation peut être curative ou préventive. Dans le premier cas, elle sert à pallier des difficultés économiques avérées. Dans le second, elle sert à prévenir des difficultés à venir. Au cas d'espèce, dans la lettre par laquelle l'employeur propose une adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, il est indiqué que la proposition de modification du contrat de travail fait suite à un recentrage des activités sur un seul site, pour sauvegarder sa compétitivité.

En effet, si la suppression des postes résulte directement de la réduction de l'activité, et donc des difficultés économiques, la modification de plusieurs contrats de travail ne s'explique pas par les difficultés économiques, mais bien par le déséquilibre budgétaire important de la structure employeur, généré par le double effet du retrait concommitant de son activité et de la baisse des financements des activités subsistantes. Il apparaît donc que l'employeur a procédé à une réorganisation pour pallier une menace réelle sur son équilibre budgétaire à venir. Il en ressort que la réorganisation était nécessaire à la survie de la structure, et donc à sa compétitivité.

En revanche, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a considéré que les offres de reclassement étaient conformes aux dispositions de l'article D 1233-2-1 du code du travail. Ce texte, dont la violation est soulignée par la salariée dans ses écritures, exige que la liste des emplois disponibles, diffusée dans le cadre du reclassement interne, mentionne notamment les critères de départage en cas de candidatures multiples et le délai de présentation des candidatures, lequel ne doit pas être inférieur à 15 jours.

Or, la liste diffusée le 28 octobre 2019 dans ce cadre, qui fixe un délai pour candidater supérieur à 15 jours, ne mentionne effectivement pas les critères de départage des candidatures multiples et ne renvoie pas au plan de sauvegarde de l'emploi qui les détermine précisément. Par ailleurs, les listes actualisées diffusées ultérieurement ne sont pas justifiées au dossier.

Le fait que l'employeur soit allé, comme il le soutient, au-delà de ses obligations conventionnelles, en assurant la diffusion de postes disponibles en reclassement externe, ne corrige pas l'absence de respect de son obligation de reclassement interne dans les conditions fixées au plan de sauvegarde de l'emploi.

Dans ces conditions, l'absence de candidature de la salariée ne peut lui être valablement objectée, comme l'a fait à tort le conseil de prud'hommes, en l'absence des éléments d'information réglementaires de nature à donner à la salariée les outils de réflexion déterminants de sa décision.

En l'absence de recherche loyale de reclassement interne, le licenciement doit donc être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.

La salariée peut donc prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, au quantum non discuté, de sorte qu'il sera fait droit à la demande outre les congés payés afférents.

Par ailleurs, la salariée peut prétendre à des dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail. Les moyens tendant à écarter le barème légal d'indemnisation, fondés sur l'article 24 de la charte sociale européenne ne peuvent aboutir, ce texte n'étant pas d'application directe. Ceux fondés sur une appréciation in concreto des dispositons de l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) ne peuvent davantage aboutir dès lors qu'il appartient seulement au juge d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de l'effectif de l'entreprise employeur, la salariée peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 10,5 mois de salaire.

Considérant l'ancienneté, le niveau de rémunération (2 689,67 euros brut en moyenne en novembre 2019), l'âge de la salariée, et sa situation d'emploi après la rupture du contrat de travail, la somme de 15 000,00 euros est de nature à réparer entièrement les préjudices subis.

Les conditions s'avèrent réunies pour condamner l'employeur, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution versée au titre de l'article L.1233-69 du code du travail.

Succombant au sens de l'article 696 du Code de procédure civile, l'employeur doit supporter les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles et infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

Débouté de ses demandes à ce titre, il sera condamné à payer à la salariée la somme de 800,00 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et 800,00 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'injonction de produire des justificatifs, et en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Condamne l'ASSOCIATION TRANSITION PRO GRAND EST venant aux droits du FONGECIF GRAND EST à payer à Madame [Z] [E] les sommes suivantes :

- 4 854,70 euros (quatre mille huit cent cinquante quatre euros et soixante dix centimes) d'indemnité compensatrice de préavis,

- 485,47 euros (quatre cent quatre vingt cinq euros et quarante sept centimes) de congés payés afférents,

- 15 000,00 euros (quinze mille euros) de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-. 800,00 euros (huit cents euros) d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales ;

Ordonne le remboursement, par l'ASSOCIATION TRANSITION PRO GRAND EST venant aux droits du FONGECIF GRAND EST à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies à la salariée, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités sous déduction de la contribution versée au titre de l'article L.1233-69 du code du travail ;

Déboute l'ASSOCIATION TRANSITION PRO GRAND EST venant aux droits du FONGECIF GRAND EST de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne l'ASSOCIATION TRANSITION PRO GRAND EST venant aux droits du FONGECIF GRAND EST à payer à Madame [Z] [E] 800,00 euros (huit cents euros) au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne l'ASSOCIATION TRANSITION PRO GRAND EST venant aux droits du FONGECIF GRAND EST aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01995
Date de la décision : 26/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-26;21.01995 ?
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