La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2022 | FRANCE | N°21/01917

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 26 octobre 2022, 21/01917


Arrêt n°

du 26/10/2022





N° RG 21/01917





CRW/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 octobre 2022





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 21 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Commerce (n° F 20/00347)



Madame [K] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Olivier LEROY, avocat au barreau de l'AU

BE





INTIMÉ :



Monsieur [I] [G] exerçant sous l'enseigne 'EIRL SPEED 3-[G]'

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocats au barreau de l'AUBE

DÉBATS :



En audience publique, en a...

Arrêt n°

du 26/10/2022

N° RG 21/01917

CRW/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 octobre 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 21 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Commerce (n° F 20/00347)

Madame [K] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier LEROY, avocat au barreau de l'AUBE

INTIMÉ :

Monsieur [I] [G] exerçant sous l'enseigne 'EIRL SPEED 3-[G]'

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocats au barreau de l'AUBE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 26 octobre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

[K] [C] a été embauchée par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] selon contrat à durée indéterminée, à effet du 4 novembre 2013, en qualité de chauffeur livreur, coefficient 118 M de la convention collective des transports routiers des activités auxiliaires du transport.

[K] [C] a été placée en arrêt maladie continu, sur la base d'un accident du travail qu'elle a déclaré survenu le 30 janvier 2017, dont la CPAM a refusé la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Lors de la visite de reprise organisée le 5 février 2020, le médecin du travail a conclu à son inaptitude à tout poste dans l'entreprise.

[I] [G] a convoqué [K] [C] à un entretien préalable à son licenciement, pour celui-ci se tenir le 28 février 2020, puis lui a notifié son licenciement pour inaptitude médicalement constatée, et impossibilité de la reclasser dans l'entreprise, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2020.

Contestant notamment le bien-fondé du licenciement dont elle a fait l'objet et prétendant à voir requalifier à temps complet la relation salariale, [K] [C] a saisi, par requête déposée au greffe le 15 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Troyes.

Dans le cadre des échanges entre les parties, par jugement avant-dire droit du 21 avril 2021, le conseil de prud'hommes a rejeté l'exception de sursis à statuer qui lui était soulevée et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure.

Aux termes de ses dernières conclusions, [K] [C] prétendait :

- à la requalification, à temps complet, de la relation salariale, en faisant valoir qu'elle ne reconnaissait pas sa signature au pied du contrat de travail produit aux débats par son employeur, sur la base de laquelle elle sollicitait le paiement de rappel de salaire, de congés payés afférents, d'heures supplémentaires et de congés payés afférents et d'indemnisation majorée au titre du complément de salaires, après déduction des indemnités journalières perçues, outre un rappel sur indemnité de licenciement,

- à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, à défaut pour l'employeur d'avoir procédé à une visite médicale d'embauche, aux visites périodiques, altérant ainsi sa capacité à être reclassée, prétendant ainsi au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, mais aussi de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice subi par l'absence de visites médicales régulières et de dommages-intérêts pour production, par l'employeur, d'un faux contrat de travail.

Par jugement du 21 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Troyes a, sous exécution provisoire :

- dit que le contrat liant les parties est réputé à temps complet à compter de février 2015,

- condamné [I] [G] à payer à [K] [C] les sommes de :

. 4.078,56 euros bruts à titre de rappel de salaire,

. 407,86 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 1.400,60 euros bruts à titre de complément de salaire conventionnel durant les arrêts de travail,

. 556,05 euros brut à titre de rappel sur indemnité de licenciement,

. 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral lié à la production d'un document falsifié,

. 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la rectification des bulletins de paie de février 2015 à mars 2020, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi,

- débouté les parties en leurs autres demandes,

- condamné [I] [G] aux dépens, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

[K] [C] a interjeté appel de cette décision le 19 octobre 2021.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 27 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles [K] [C], continuant de prétendre au bien-fondé de l'ensemble de ses demandes, sollicite :

- la confirmation du jugement qu'elle critique par ailleurs en ce qu'il a condamné [I] [G] au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral lié à la production d'un document falsifié, l'a débouté en l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens, y compris les frais d'exécution forcée par voie d'huissier,

- son infirmation pour le surplus, prétendant à se voir reconnaître titulaire d'un contrat de travail à temps complet à compter du 4 novembre 2013 et voir dire sans cause réelle et sérieuse du licenciement dont elle a fait l'objet.

Sur le fondement de ces prétentions, elle demande paiement des sommes suivantes :

- 25.578,55 euros à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, heures supplémentaires et congés payés afférents,

- 4.069,75 euros nets à titre de complément de salaire et congés payés afférents inclus, subsidiairement 3 650,86 euros, congés payés afférents inclus,

- 1.733,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 173,40 euros à titre de congés payés afférents,

- 3.177,86 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 317,80 euros à titre de congés payés afférents,

- 11.122,51 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 5.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à la visite médicale d'embauche et aux visites périodiques,

outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes

4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la rectification des documents de fin de contrat et bulletins de paye afférents sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la quinzaine de la notification de l'arrêt,

- le rejet des conclusions d'intimé n° 2 notifiées le 27 juin 2022, sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile,

- de voir dire ses demandes non prescrites,

- la condamnation de [I] [G] au paiement de la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.

Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 27 juin 2022 par lesquelles la partie intimée, après avoir indiqué dans le corps de celles-ci que les demandes en rappels de salaire, antérieures au 3 mars 2017 étaient prescrites, n'a pas tiré les conséquences de cette argumentation dans le dispositif de ces conclusions, aux termes duquel elle sollicite, au contraire de sa salariée, la confirmation du jugement déféré qui a dit régulier le licenciement d'[K] [C], fondé sur son inaptitude, dit n'y avoir lieu d'ordonner la délivrance des documents sous astreinte et débouté [K] [C] du surplus de ses demandes.

Elle prétend également à l'infirmation du jugement du chef des condamnations mises à sa charge pour conclure au débouté d'[K] [C] en l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce :

Sur la recevabilité des conclusions n°2 de l'intimé déposées le 27 juin 2022

[K] [C] sollicite, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, le rejet des conclusions n°2 de l'intimé déposées le jour de la clôture.

Dans ces conclusions, les ajouts ont été mis en évidence. Il s'agit essentiellement de simples arguments et précisions à l'exception d'un ajout par lequel l'intimé soulève, dans le corps de ses écritures, la prescription des demandes en paiement de rappels de salaire présentées par [K] [C], sans renouveler cette fin de non-recevoir dans leur dispositif.

Il convient cependant de constater que [K] [C] a pu répondre à l'argumentation de l'intimé par le dépôt, le même jour et avant l'heure de la clôture, d'un nouveau jeu de conclusions aux termes desquelles elle soulève l'irrecevabilité des conclusions de la partie initmée dans les conclusions ci-dessus rappelées, en demandant à la cour d'écarter la prétention sur la prescription et de juger non prescrites ses demandes et en sollicitant le paiement de dommages-intérêts pour intention dilatoire sur le fondement des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.

[K] [C] a ainsi pu utilement répondre aux dernières écritures de son adversaire.

Dans ces conditions, les écritures de l'intimé déposées le 27 juin 2022 n'ont pas porté atteinte au principe du contradictoire et de la loyauté des débats et seront déclarées recevables.

Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

* sur la requalification du contrat de travail en temps plein

[K] [C] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet.

En application de l'article L.3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

A défaut de contrat écrit, le contrat est présumé avoir été conclu à temps plein.

Cette présomption simple peut toutefois être combattue par l'employeur en rapportant la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En l'espèce, il est produit aux débats un contrat de travail présenté comme un original, comportant la signature de la salariée, dont celle-ci soutient qu'il s'agit d'un faux, à l'encontre duquel elle a déposé plainte. Il existe dès lors un doute sur l'authenticité de ce document. Cette pièce sera en conséquence écartée des débats.

Il résulte des précédents développements qu'en l'espèce, la présomption d'un contrat de travail à temps complet trouve donc à s'appliquer et il incombe à [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G], qui la conteste, d'établir la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue avec [K] [C], que cette dernière n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas dans l'obligation de se tenir constamment à sa disposition.

C'est par une exacte et minutieuse analyse des pièces qui leur étaient fournies que les premiers juges ont pu constater que les heures figurant sur les feuilles de route étaient reprises sur les horaires de service, de sorte que la salariée savait quel était son rythme de travail de sorte qu'elle n'était pas tenue de demeurer en permanence à disposition de son employeur.

De cette analyse, ils ont exactement constaté qu'à compter du mois de février 2015, le temps de travail effectué par [K] [C] a pu atteindre 35 heures de sorte que la requalification de la relation salariale en contrat de travail à temps complet s'imposait, comme a pu le rappeler la cour de Cassation dans un arrêt du 15 septembre 2021 (n°19-19.563).

* Sur la demande en paiement de rappel de salaires

[K] [C] doit donc être déclarée bien fondée en sa demande en paiement d'un rappel de salaire, correspondant à un emploi à temps complet, à compter de février 2015, y compris durant son arrêt maladie.

A ce titre, il importe de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures déposées par les parties.

En conséquence, il ne sera pas statué sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes en rappels de salaire, soulevée par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G], dans le corps de ses écritures sans qu'il prétende à l'irrecevabilité de la demande dans le dispositif de celles-ci.

S'agissant du rappel de salaire, les premiers juges ont, sur la base d'un décompte précis, exactement alloué à [K] [C] la somme de 4.078,56 euros à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

S'agissant du maintien de salaire pendant l'arrêt maladie, [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] fait exactement valoir que le conseil de prud'hommes a partiellement fait droit à la demande de [K] [C] sur la base de dispositions de la convention collective dont cette dernière ne se prévalait pas.

A hauteur d'appel, les deux parties sollicitent l'infirmation de ce chef de jugement, pour [K] [C], qui continue de prétendre au bien-fondé de ses demandes initiales, solliciter, à titre principal, le paiement de la somme de 4.069,75 euros au titre du maintien de salaire, congés payés inclus par application des dispositions de l'article 17 bis de l'accord de 1951 attaché à la convention collective applicable.

A titre subsidiaire, elle prétend au paiement de la somme de 3.650,86 euros, congés payés inclus sur le fondement des dispositions de l'article D.1226-1 du code du travail.

Au soutien de sa demande principale, [K] [C] développe des moyens afférents aux accidents ou maladies professionnels. Or, le fait accidentel qu'elle a subi n'ayant pas été reconnu d'origine professionnelle, les dispositions conventionnelles dont elle revendique le bénéfice ne sont pas applicables.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande principale.

En revanche, tel n'est pas le cas de sa demande subsidiaire.

En effet, [K] [C] se prévaut, à bon droit, des dispositions légales relatives aux absences pour maladie ou accident non professionnel. Elle doit, dès lors, être accueillie en sa demande en paiement, au montant non contesté de 3.318,96 euros.

Toutefois, [K] [C] ne saurait prétendre au paiement d'une indemnité de congés payés afférents. En effet, un salarié placé en maladie n'acquiert pas de congés payés durant son absence sauf dispositions conventionnelles contraires, non invoquées en l'espèce, et ce peu important qu'il bénéficie ou non d'un maintien de salaire.

S'agissant des heures supplémentaires, s'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

[K] [C] sollicite un rappel d'heures supplémentaires pour la période courant de septembre 2015 à janvier 2017.

Au soutien de sa demande, elle verse aux débats un tableau (en pièce 11) mentionnant le nombre d'heures supplémentaires effectuées chaque mois pour la période courant de novembre 2013 à janvier 2017. Toutefois, dans ses écritures, [K] [C] explique que ces heures intitulées 'heures supplémentaires'correspondent à la différence entre un temps plein et les heures figurant sur les bulletins de paie. Il ne s'agit donc nullement d'heures supplémentaires.

Elle verse également un document (pièce 17) indiquant pour la période courant de septembre 2015 à janvier 2017, le nombre d'heures supplémentaires hebdomadaires majorées à 25 % et celles à 50 % ainsi que des relevés manuscrits des horaires de travail quotidien des mois d'août 2015, et d'octobre 2016 à janvier 2017 (pièce 25-1).

Ces relevés portent également la mention manuscrite suivante : 'septembre 2015 - septembre 2016" nuit +Fedex 7H30 -12 15h17h30". Si cette mention est imprécise en ce qu'elle ne renseigne pas les heures de nuit, les relevés horaires des mois susvisés sont, en revanche, suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments. Cependant, l'étude de ces relevés ne révèle l'accomplissement d'aucune heure supplémentaire à l'exception du seul mois de janvier 2017 et contredit en totalité le décompte des heures supplémentaires produit en pièce 17.

Le bulletin de paie de janvier 2017 ne porte aucune mention d'heures supplémentaires.

Dans ces conditions, il appartient à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par [K] [C] au cours du mois de janvier 2017.

Celui-ci verse aux débats :

- le registre unique de délivrance des horaires de services faisant référence pour [K] [C] en dernier lieu, soit le 10 octobre 2016, à la fiche n°177,

- la fiche horaire de service n°177,

- le décompte de la durée de travail effectuée par [K] [C] au mois de janvier 2017.

Toutefois, le décompte de la durée du travail ne correspond pas à la fiche horaire de service. Outre, que la durée hebdomadaire est moindre, ce décompte porte mention à compter du 16 janvier 2017, d'heures de nuit, à la différence de la fiche horaire qui ne vise aucun horaire de nuit.

Dès lors, ces pièces ne permettent pas de démontrer l'absence d'heures supplémentaires.

Ainsi, la confrontation des pièces produites par chacune des parties permet à la cour de retenir, à la différence des premiers juges, l'existence d'heures supplémentaires effectivement réalisées par [K] [C] mais dans une proportion moindre que ce qu'elle indique.

Au vu des pièces produites, l'employeur sera ainsi condamné à payer à [K] [C] la somme de 678,52 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents.

Le jugement déféré sera donc partiellement infirmé.

* sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour absence de visite médicale

[K] [C] affirme n'avoir bénéficié d'aucune visite médicale, ni d'embauche ni périodique.

L'employeur ne conteste pas la réalité de ce manquement.

Toutefois, pour ouvrir droit à indemnisation, un tel manquement suppose que soit établie l'existence d'un préjudice, dont la charge de la preuve incombe à la salariée.

Or, [K] [C] ne justifie pas de l'existence et de l'ampleur du préjudice qu'elle aurait subi en conséquence de ce manquement.

Elle sera donc déboutée en ce chef de demande et la décision confirmée.

Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

* sur le bien-fondé du licenciement

[K] [C] conteste le bien-fondé du licenciement dont elle a fait l'objet, si estimant que son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et éventuellement au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail. Pour autant, une telle règle ne signifie nullement procurer une formation initiale qui fait défaut.

La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.

En l'espèce, le médecin du travail a émis, le 5 février 2020, l'avis d'inaptitude suivant 'inapte à tous les postes de l'entreprise. Capacités restantes limitées actuellement à un poste administratif'.

Aucun cas de dispense de l'obligation de reclassement n'a été visé par le médecin du travail.

L'employeur n'appartient pas à un groupe.

L'employeur soutient qu'il dirige une petite structure qui emploie exclusivement des chauffeurs et ne pouvait dès lors procéder au reclassement de [K] [C]. Il procède toutefois par simple voie d'affirmation sans même justifier du nombre de salariés employés ainsi que leur qualification ni préciser les démarches entreprises.

Dès lors, [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] échoue à rapporter la preuve, qui lui incombe, qu'il a procédé à une recherche de reclassement réelle, sérieuse et loyale de sa salariée de sorte que le licenciement de [K] [C] fondé sur son inaptitude médicalement constatée et l'impossibilité de la reclasser se trouve privé de cause réelle et sérieuse.

[K] [C] peut donc prétendre à des dommages- intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans les conditions énoncées par les dispositions de l'article L 1235 -3 du code du travail.

Compte tenu de son ancienneté dans la structure, de son niveau de salaire, de son âge, de sa situation de santé et de l'absence de justification de sa situation professionnelle postérieure à la rupture, la somme de 7.000 euros apparaît de nature à réparer entièrement le préjudice subi par [K] [C].

[K] [C] doit également être accueillie en ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire et de congés payés afférents. [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] sera en conséquence condamné à payer à [K] [C] la somme de 3.177,86 euros à ce titre outre la somme de 317,80 euros à titre de congés payés afférents, non subsidiairement contestées dans leur quantum.

Par ailleurs, compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, qui ne justifie pas occuper moins de 11 salariés, il sera ordonné, sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à Pôle Emploi des indemnités de chômage servies à [K] [C] du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités.

* sur le rappel de l'indemnité de licenciement

La requalification du temps de travail a nécessairement, quel que soit la décision quant au bien-fondé du licenciement prononcé au motif d'une inaptitude, une incidence sur le montant de l'indemnité de licenciement à laquelle pouvait prétendre [K] [C], calculée sur la base d'un contrat à temps partiel.

Il en est de même de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé au motif d'une inaptitude, le calcul de l'indemnité de licenciement devant tenir compte de la durée du préavis peu important qu'il n'ait pas été effectué.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] au paiement de la somme de 556,05 euros, exactement calculée.

Il le sera également en ce qu'il a débouté [K] [C] de sa demande de paiement de congés payés afférents, ayant exactement précisé que l'indemnité de licenciement n'a pas le caractère de salaire.

* sur la remise des documents de fin de contrat

[K] [C] sollicite la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi) ainsi que des bulletins de paie sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la quinzaine de la notification du présent arrêt.

Au soutien de sa demande, elle invoque la pression d'une procédure de référé pour obtenir ses documents de fin de contrat. Elle affirme également que malgré l'exécution provisoire du jugement déféré, elle n'est toujours pas en possession de ses bulletins de paie de février 2015 à mars 2020 et que l'attestation Pole emploi et le bulletin de paie de novembre 2021 délivrés sont erronés.

L'employeur fait exactement valoir que la lettre de licenciement invitait [K] [C] à se rendre à l'entreprise afin de lui remettre ses documents de fin de contrat. C'est également à raison qu'il indique pouvoir remettre un seul bulletin de paie rectificatif pour l'ensemble de la période en cause, comme a pu le rappeler la Cour de cassation (Soc., 8 février 2017, 15-22.870).

Il reconnaît également avoir commis une erreur dans le bulletin de paie de novembre 2021 et explique avoir transmis à la salariée un chèque sans toutefois l'établir et produit aux débats le bulletin de paie et l'attestation pôle emploi rectifiés.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu au prononcé d'une astreinte.

En revanche, compte tenu des précédents développements, il sera ordonné la remise par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] de l'ensemble de ces documents rectifiés selon les condamnations prononcées dans le présent arrêt.

Sur les dommages-intérêts pour le préjudice moral lié à la production d'un document falsifié

[K] [C] prétend à la condamnation de [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à la somme de 2.000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice moral lié à la production d'un document falsifié.

Les parties s'opposent sur l'authenticité de la signature d'[K] [C] apposée sur le contrat de travail produit aux débats.

La preuve de la falsification telle que soutenue par [K] [C] n'est pas rapportée.

En outre, elle ne justifie pas de l'existence et de l'ampleur du préjudice qu'elle aurait subi en conséquence de cette production.

Dans ces conditions, elle ne peut être accueillie dans sa demande.

Sur les dommages- intérêts au visa de l'article 123 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Toutefois, [K] [C] se prévaut vainement de la prescription de ses demandes en paiement de rappel de salaire invoquée par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] pour prétendre à sa condamnation au paiement de la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts dès lors que la cour n'a pas statué sur cette fin de non-recevoir, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

En conséquence, [K] [C] sera déboutée de ce chef de demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu des termes de la présente décision, [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] sera condamné à payer à [K] [C] la somme de 1.200 euros, en indemnisation des frais irrépétibles que celle-ci a exposés à hauteur d'appel, s'ajoutant à celle au paiement de laquelle il a été condamné en première instance, dont le bien-fondé et le montant sont confirmés.

En revanche, il sera débouté en ce même chef de demande.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Troyes le 21 septembre 2021 en ce qu'il a :

- dit que le contrat de travail de [K] [C] est réputé à temps complet à partir de février 2015,

- condamné [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à payer à [K] [C] les sommes suivantes :

. 4 078,56 euros à titre de rappel de salaire,

. 407,86 euros à titre de congés payés afférents,

. 556,05 euros bruts à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement,

. 1.000 euros au titre de l'art. 700 du code de procédure civile,

- ordonné la rectification des bulletins de paye de février 2015 à mars 2020, solde de tout compte et de l'attestation pôle emploi,

- dit n'y avoir lieu à ordonner la délivrance desdits documents sous astreinte ;

- débouté [K] [C] de sa demande en paiement de dommages- intérêts pour absence de visite médicale,

- condamné [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les conclusions n°2 déposées par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] le 27 juin 2022,

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement d'[K] [C],

Condamne [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à payer à [K] [C] les sommes suivantes :

- 3.318,96 euros à titre de rappel de maintien de salaire,

- 678, 52 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 67,85 euros à titre de congés payés afférents,

- 3.177, 86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 317,80 euros à titre de congés payés afférents,

- 7.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt jusqu'à parfait paiement,

Déboute [K] [C] de sa demande en paiement de congés payés sur maintien de salaire,

Déboute [K] [C] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice moral résultant de la production de document falsifié,

Déboute [K] [C] de sa demande en paiement de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile,

Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables,

Ordonne la remise par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à [K] [C] d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Ordonne le remboursement, par [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies à [K] [C] du terme de sa dernière mission jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] à payer à [K] [C] une indemnité de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [I] [G], exerçant sous l'enseigne EIRL Speed3-[G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01917
Date de la décision : 26/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-26;21.01917 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award