Ordonnance n°
du 26/10/2022
N° RG 21/01912
COUR D'APPEL DE REIMS
Chambre sociale
ORDONNANCE D'INCIDENT
Formule exécutoire le :
à :
Le vingt six octobre deux mille vingt deux,
Nous, Madame Isabelle FALEUR, Conseiller, magistrat en charge de la mise en état, assistée de Monsieur Francis JOLLY, greffier,
Après les débats du 26 septembre 2022, avons rendu l'ordonnance suivante, dans la procédure inscrite sous le numéro N° RG 21/01912 du répertoire général, opposant :
SARL CHALON MARTEL
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par la SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
APPELANTE
à
Monsieur [S] [F]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par M. [M] [W], défenseur syndical
INTIME
* * * * *
Faits et procédure
Monsieur [S] [F] a été embauché par la SARL CHALON MARTEL dans le cadre d'un contrat à durée déterminée entre le 1er décembre 2014 et le 28 février 2015, en qualité d'ambulancier, contrat tacitement poursuivi entre les parties au-delà du terme contractuel.
Monsieur [S] [F] a déclaré un accident du travail survenu le 16 juin 2016.
Il a été licencié pour faute grave par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 septembre 2016, la SARL CHALON MARTEL lui reprochant d'avoir fait une fausse déclaration d'accident du travail.
Par requête reçue au greffe le 19 janvier 2018, Monsieur [S] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières aux fins de contester la régularité de son licenciement et de solliciter diverses indemnités et dommages et intérêts.
Par jugement de départage du 17 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières a :
- déclaré recevable la pièce 18 versée aux débats par la SARL CHALON MARTEL et notamment le procès verbal de constat d'huissier du 3 octobre 2018
- déclaré irrecevables les demandes antérieures au 19 janvier 2016 portant sur l'exécution du contrat de travail
- condamné la SARL CHALON MARTEL à payer à Monsieur [S] [F] les sommes suivantes :
* 12'118,56 euros au titre de la nullité du licenciement
* 755,98 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
* 2019,76 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 201,97 euros au titre des congés payés afférents
- débouté Monsieur [S] [F] de ses demandes relatives à l'indemnisation liée au préjudice résultant du caractère vexatoire du licenciement
- condamné la SARL CHALON MARTELà payer à Monsieur [S] [F] une somme de 500 euros au titre du préjudice né du non-respect du repos quotidien
- rejeté les demandes de Monsieur [S] [F] relatives au travail dissimulé
- condamné la SARL CHALON MARTEL aux dépens de l'instance
- débouté la SARL CHALON MARTEL de ses demandes formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SARL CHALON MARTEL à payer à Monsieur [S] [F] une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation
- dit que les autres indemnités allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la décision
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
La SARL CHALON MARTEL a régulièrement formé appel le 15 octobre 2021.
Par acte d'huissier en date du 9 décembre 2021 et remis à personne, la SARL CHALON MARTEL a signifié sa déclaration d'appel à Monsieur [S] [F].
Monsieur [M] [W] défenseur syndical s'est constitué au soutien des intérêts de Monsieur [S] [F] par support papier remis au greffe de la cour d'appel le 30 décembre 2021.
Il a notifié la constitution d'intimé à la SCP ACG, conseil de la SARL CHALON MARTEL par support papier sur lequel la société d'avocat a apposé son cachet.
Le 10 février 2022, la SARL CHALON MARTEL a fait délivrer, par acte d'huissier, à Monsieur [S] [F] une 'assignation devant la cour d'appel de Reims portant signification de conclusions'.
Le 13 avril 2022, le défenseur syndical représentant Monsieur [S] [F] a déposé ses conclusions en support papier auprès du greffe de la Cour d'appel et a formé un appel incident.
Il a notifié ses conclusions et ses pièces à la SCP ACG par support papier, remis contre émargement du 13 avril 2022.
Le 13 juillet 2022, la SARL CHALON MARTEL a notifié par RPVA ses conclusions au fond. Elles ont été adressées le même jour au défenseur syndical représentant Monsieur [S] [F] par lettre recommandée avec accusé de réception.
Le 20 juillet 2022, la SARL CHALON MARTEL a notifié par RPVA des conclusions d'incident. Elles ont été adressées le même jour au défenseur syndical représentant Monsieur [S] [F] par lettre recommandée avec accusé de réception.
Par lettre recommandée du 30 août 2022 avec accusé de réception signé le 31 août 2022, le défenseur syndical représentant Monsieur [S] [F] a adressé à la SCP ACG une rectification de sa constitution d'intimé en date du 30 décembre 2021, ainsi que ses conclusions sur incident.
L'incident a été fixé à l'audience du 26 septembre 2022.
Prétentions et moyens des parties
Au terme de ses conclusions d'incident du 20 juillet 2022, la SARL CHALON MARTEL demande à la cour sur le fondement de l'article 930-3 du Code de Procédure Civile de :
JUGER irrecevable la constitution de Monsieur [S] [F] devant la Chambre Sociale de la Cour d'appel ;
JUGER irrecevables les conclusions d'intimé et d'appelant reconventionnel de Monsieur [F] déposées devant la Chambre Sociale de la Cour d'appel.
Elle soutient que, conformément à l'article 930-3 du Code de Procédure Civile, issu du décret n°2017-1008 du 10 mai 2017 « Les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. », qu'il s'agit d'une liste limitative des modalités de notification, exclusive de toute autre.
Elle expose que la notification en mains propres, du défenseur syndical à l'avocat, n'est plus autorisée, qu'il s'agit d'une formalité substantielle et que le non-respect des diligences procédurales spéciales mises à la charge du défenseur syndical par l'article 930-3 du code de procédure civile doit être sanctionné par l'irrecevabilité des actes de procédure.
Au terme de ses conclusions d'incident du 30 août 2022, Monsieur [S] [F] demande à la cour sur le fondement des articles 664, 930-3, 115 du code de procédure civile et R 1461-1 du code du travail :
DE JUGER recevable sa constitution devant la chambre sociale de la cour d'appel
DE JUGER recevables ses conclusions d'intimé et d'appelant reconventionnel déposées devant la chambre sociale de la cour d'appel.
Il soutient que si l'article 930-3 du code de procédure civile prévoit que les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification, il n'en demeure pas moins que l'article 667 stipule que la notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n'aurait prévu que la notification par voie postale.
Il expose que la notification de la constitution d'intimé par Monsieur [M] [W] défenseur syndical a été faite dans les formes précisées à l'article 667 du code de procédure civile et que la SCP ACG, conseil de la SARL CHALON MARTEL a apposé son cachet sur cette notification.
Par ailleurs, Monsieur [S] [F] soutient qu'en vertu de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Il souligne qu'en l'espèce l'appelant ne fait valoir aucun grief à l'appui de ses prétentions et qu'il a été en mesure de lui délivrer ses conclusions numéro deux, ses conclusions numéro trois et ses conclusions d'incident.
Enfin Monsieur [S] [F] fait valoir, sur le fondement de l'article 115 du code de procédure civile, que la nullité pour vice de forme est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et qu'en l'espèce il a régularisé la déclaration de constitution d'intimé par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue par le conseil de la SARL CHALON MARTEL le 31 août 2022.
Motifs :
Selon l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile, sous réserve de dispositions particulières. Selon l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical.
Il résulte de l'article R.1461-1 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical.
En vertu de l'article 903 du code de procédure civile, dès qu'il est constitué, l'avocat de l'intimé en informe celui de l'appelant et remet une copie de son acte de constitution au greffe.
L'article 960 du code de procédure civile prévoit que la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
' Seule la notification entre avocats rend ainsi opposable à l'appelant la constitution d'un avocat par l'intimé, à l'exclusion de tout autre acte. Cette règle de procédure, qui impose que l'appelant soit uniquement et directement averti par le conseil de l'intimé de sa constitution, poursuit le but légitime de garantir la sécurité et l'efficacité de la procédure. Elle ne constitue pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel au regard du but poursuivi.
L'appelant est, en effet, mis en mesure de respecter l'obligation de signifier ses conclusions à l'intimé lui-même ou de les notifier à l'avocat que cet intimé a constitué, dès lors qu'il ne doit procéder à cette dernière diligence que s'il a, préalablement à toute signification à l'intimé, été informé, par voie de notification entre avocats, de la constitution d'un avocat par l'intimé ' (Cour de cassation, 2e chambre civile, 2 Décembre 2021 ' n° 20-14.480)
L'article 909 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 du code de procédure civile pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident ou appel provoqué.
L'article 911 du code de procédure civile énonce qu'à peine des sanctions prévues par les articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans les délais fixés pour leur remise au greffe ou sont signifiées au plus tard dans le délai d'un mois suivant l'expiration de ces délais aux parties qui n'ont pas constitué avocat, la constitution d'avocat dans l'intervalle et avant la signification précitée impliquant la notification des conclusions à l'avocat constitué.
L'article 910-1 du code de procédure civile précise que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908, 910 sont celles adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige.
Aux termes de l'article 930-1 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, sous réserve d'une impossibilité pour une cause étrangère à celui qui accomplit l'acte.
L'article 930-2 du code de procédure civile prévoit toutefois que les dispositions de l'article 930-1 ne sont pas applicables au défenseur syndical et que les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe ou lui être adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'article 930-3 du code de procédure civile issu du décret numéro 2017'1008 du 10 mai 2017 prévoit des règles de notifications particulières lorsqu'un défenseur syndical s'est constitué pour l'une des parties, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical s'effectuant par lettre recommandée avec accusé réception ou par voie de signification.
Avant l'entrée en vigueur du décret numéro 2017'1008 du 10 mai 2017, les actes de procédure pouvaient être notifiés par un défenseur syndical et à un défenseur syndical selon les règles régissant les notifications entre avocats telles que prévues aux articles 671,672 et 673 du code de procédure civile.
Le décret susvisé a imposé une liste limitative des modalités de notification entre un avocat et un défenseur syndical, exclusive de toutes autres modalités.
La sanction du non respect de ces modalités de signification n'est pas la nullité visée par les articles 114 et 115 du code de procédure civile qui ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public et qui peut être couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief, mais l'irrecevabilité prononcée même d'office sur le fondement des articles 909 et 911 du code de procédure civile.
Une notification irrégulière des conclusions équivaut à l'absence de conclusions notifiées dans les délais impartis avec toutes conséquences de droit sur l'irrecevabilité de nouvelles conclusions notifiées postérieurement au délai imparti.
En conséquence, la constitution d'intimé effectuée par support papier remise contre émargement à la SCP ACG et les conclusions d'intimé et d'appelant reconventionnel notifiées à la SCP ACG par support papier et remises contre émargement le 13 avril 2022 doivent être déclarées irrecevables.
Partie qui succombe, Monsieur [S] [F] est condamné aux dépens de l'incident.
Par ces motifs :
Statuant par ordonnance contradictoire susceptible de déféré,
DECLARONS irrecevable la constitution de Monsieur [S] [F] devant la chambre sociale de la cour d'appel de Reims ;
DECLARONS irrecevables les conclusions d'intimé et d'appelant reconventionnel de Monsieur [S] [F] notifiées à la SCP ACG par support papier et remises contre émargement le 13 avril 2022 et déposées le 13 avril 2022 devant la chambre sociale de la cour d'appel de Reims ;
CONDAMNONS Monsieur [S] [F] aux dépens de l'incident.
Le greffier,Le magistrat,