La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2022 | FRANCE | N°21/01919

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 25 octobre 2022, 21/01919


ARRET N°

du 25 octobre 2022



N° RG 21/01919 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCH2





[F]





c/



S.A.R.L. STAR ANIM

S.A. MMA IARD

Association DES MAISONS DE [Adresse 14]

Organisme CPAM DE LA HAUTE MARNE



S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES















Formule exécutoire le :

à :



La SELAS BDB & ASSOCIÉS



La SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES



La SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

COUR D'APPEL DE

REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 OCTOBRE 2022



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 07 septembre 2021 par le TJ de REIMS



Mademoiselle [E] [F], représentée par Mme [P] [F]et M. [N] [F]

[Adresse 5]

[Localité 9]

(bénéficie d'un...

ARRET N°

du 25 octobre 2022

N° RG 21/01919 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCH2

[F]

c/

S.A.R.L. STAR ANIM

S.A. MMA IARD

Association DES MAISONS DE [Adresse 14]

Organisme CPAM DE LA HAUTE MARNE

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Formule exécutoire le :

à :

La SELAS BDB & ASSOCIÉS

La SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES

La SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 07 septembre 2021 par le TJ de REIMS

Mademoiselle [E] [F], représentée par Mme [P] [F]et M. [N] [F]

[Adresse 5]

[Localité 9]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004784 du 16/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Lorraine DE BRUYN de la SELAS BDB & ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

S.A.R.L. STAR ANIM ,Société à responsabilité limitée, inscrite au RCS de PARIS sous le n°451 249 148 au capital de 15000, dont le siège est au [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit audit siège, et ayant établissement secondaire à [Adresse 16]

[Adresse 7]

[Localité 13]

Représentée par Me Sihem METIDJI-TALBI de la SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

S.A. MMA IARD

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentée par Me Sihem METIDJI-TALBI de la SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Association DES MAISONS DE [Adresse 14]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS

Organisme CPAM DE LA HAUTE MARNE

[Adresse 3]

[Localité 11]

Non comparant, non representé bien que régulièrement assigné

PARTIE INTERVENANTE :

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentée par Me Sihem METIDJI-TALBI de la SELARL ANTOINE & BMC ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Mme Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 20 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 octobre 2022,

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 24 juillet 2015, [E] [F], née le [Date naissance 8] 2005, a fait une chute de l'attraction dite du « taureau mécanique » proposée au complexe Gé André dans le [Adresse 15] dans le cadre de l'opération « l'été s'affiche » organisée par l'association des maisons de [Adresse 14] (l'association).

Ce jeu et les autres matériels de divertissement avaient été mis en location par la société à responsabilité limitée Star Anim (la société), qui proposait également le personnel de surveillance et d'animation.

Blessée au coude droit, et transportée au service des urgences, l'enfant a présenté une luxation postérieure du coude droit et a été plâtrée pendant trois semaines.

Le 18 janvier 2017, elle a fait l'objet d'une opération chirurgicale suite à la mise en évidence d'une calcification sous-épistrochléenne.

Par ordonnance en date du 21 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a ordonné une expertise médicale de [E] [F] et l'a confiée au Docteur [M] [R].

Le 25 septembre 2018, l'expert commis a déposé son rapport définitif.

Les 28 et 29 mai 2020, et les 2 et 6 juin 2020, Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F] (les époux [F]), ont assigné devant le tribunal judiciaire de Reims l'association, la société Star Anim et l'assureur de celle-ci, la société anonyme Mutuelles du Mans Assurances Iard (Mma ou l'assureur) et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne (la caisse).

En dernier lieu, les époux [F] ont demandé de:

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, tant au nom de leur fille qu'en leur nom propre;

- leur donner acte de ce que l'enfant était immatriculée sous le numéro social 0 05 08 105 272 73, en qualité d'ayant droit de sa mère;

- déclarer les défendeurs entièrement responsables des préjudices subis par l'enfant et ses parents;

- condamner in solidum l'association, la société et l'assureur à l'indemnisation intégrale de leur préjudice découlant de l'accident de taureau mécanique dont avait été victime [E] [F] le 24 juillet 2015;

- condamner in solidum l'association, la société et l'assureur à payer à [E] [F] les sommes suivantes :

- 6349,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles;

- 2000 euros au titre de son préjudice scolaire;

- 3420 euros au titre de l'assistance tierce personne;

- 90 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire;

- 1117,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %;

- 1251 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 %;

- 6000 euros au titre des souffrances endurées;

- 3000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire;

- 2000 euros au titre du préjudice esthétique permanent;

- 2000 euros au titre du préjudice d'agrément;

- condamner in solidum la société et l'assureur et l'association à payer aux époux [F] les sommes suivantes:

- 352 euros au titre de leurs frais divers;

- 2000 euros au titre du préjudice d'affection;

- déclarer le jugement à intervenir commun à la caisse;

- débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes;

- condamner in solidum la société, l'assureur et l'association aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, avec distraction au profit leur conseil, et à payer à l'enfant représentée par ses représentants légaux et aux époux [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, l'association a demandé de:

- déclarer recevables mais mal fondés en leurs demandes les époux [F];

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes;

- condamner les époux [F] à leur verser une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société et l'assureur ont demandé de:

- déclarer l'enfant, représentée par ses représentants légaux et ses derniers pris en leur nom propre mal fondés en leurs demandes, et les débouter de l'ensemble de leurs demandes;

- les condamner à leur payer à chacun la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

La caisse n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a:

- débouté les époux [F] de l'intégralité de leurs demandes;

- condamné [E] [F], représentée par ses représentants légaux les époux [F], à payer à l'association une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles;

- condamné [E] [F], représentée par ses représentants légaux les époux [F], à payer à la société et à l'assureur une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes;

- condamné [E] [F], représentée par ses représentants légaux les époux [F], aux entiers dépens lesquels seraient recouvrés en application de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Le 20 octobre 2021, les époux [F], en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E], ont relevé appel de ce jugement.

La caisse n'a pas constitué avocat.

Par acte d'huissier en date du 9 décembre 2021 remis à personne, les époux [F] ès qualités ont signifié leur déclaration d'appel à la Msa.

Par acte d'huissier en date du 17 mars 2022 remis à personne, l'association a signifié ses écritures et pièces à la caisse.

Par acte d'huissier en date du 19 avril 2022 remis à personne, la société et l'assureur ont signifié leurs écritures et pièces à la caisse.

Par acte d'huissier en date du 17 juin 2022 remis à personne, les époux [F] ès qualités ont signifié leurs écritures et pièces à la caisse.

Le 30 août 2022, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées:

- le 8 juin 2022 par les époux [F] ès qualités, appelants;

- le 11 mars 2022 par l'association, intimée;

- le 15 avril 2022 par la société et l'assureur, intimés.

Par voie d'infirmation, les époux [F] ès qualités réitèrent l'intégralité de leurs prétentions initiales ayant trait à la réparation des postes de préjudices de leur fille mineure, demandent que l'arrêt à venir soit déclaré commun à la caisse, et sollicitent la condamnation in solidum de l'association, de la société et de l'assureur aux entiers dépens des deux instances comprenant les frais d'expertise, avec distraction au profit de leur conseil, et à leur payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Ils demandent de déclarer irrecevables les prétentions adverses tendant à la condamnation des époux [F], pris en leur nom personnel au titre des frais irrépétibles, et de les débouter de leurs demandes au même titre formées à leur encontre ès qualités.

L'association demande la confirmation intégrale du jugement déféré, et la condamnation des époux [F] ès qualités et en leur nom personnel à lui payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société et l'assureur demandent la confirmation intégrale du jugement déféré, et la condamnation des époux [F] ès qualités et en leur nom personnel à leur payer à chacun la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité des prétentions au titre des frais irrépétibles formée par les intimés à l'encontre des époux [F] pris en leur nom personnel:

Nul ne peut être jugé sans avoir été dûment appelé en la cause.

Les intimés ont chacun formé des demandes au titre des frais irrépétibles d'appel à l'encontre des époux [F] pris en leur nom personnel.

Cependant, il ressort de la déclaration d'appel que celle-ci a été formée par les époux [F], mais en leur seule qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], et non pas en leur nom personnel.

Il conviendra donc de déclarer irrecevables les prétentions de l'association d'une part, et de la société et de l'assureur d'autre part, tendant à la condamnation au titre des frais irrépétibles des époux [F] pris en leur nom personnel.

Sur la responsabilité:

Selon l'article 1382, devenu 1240 du Code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Selon l'article 1383, devenu 1241 du même code, 'Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence'.

Selon l'article 1384, devenu 1242 du même code, 'On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde'.

Sur la responsabilité de l'association:

A l'égard de l'association, les appelants invoquent sa responsabilité délictuelle pour faute ou imprudence.

Les organisateurs d'une activité sportive ou de loisir sont tenus, à l'égard de leurs clients avec lesquels ils ont contracté, à:

- une obligation d'information, leur imposant de signaler aux participants des dangers particuliers que celle-ci peut présenter soit en raison de ses caractéristiques propres, soit en raison de l'âge ou de l'inexpérience des participants;

- à un devoir de surveillance, leur imposant de veiller au bon déroulement de celle-ci;

- à un devoir de compétence, leur imposant notamment de mettre à disposition des pratiquants un encadrement suffisant, expérimenté et efficace, mais encore d'adapter l'activité mise en oeuvre au niveau et aux capacités des participants;

- à une obligation de sécurité, leur imposant de prendre également des mesures particulières visant à assurer la sécurité des pratiquants, notamment s'agissant de l'équipement sportif.

Les exploitants d'engins d'attraction foraine ont une obligation de sécurité de résultat à l'égard de leurs utilisateurs, pendant la phase d'utilisation de ceux-ci, cette obligation se dégradant en obligation de sécurité de moyen pendant la phase de descente et de montée des participants.

Ces diverses obligations ne s'entendent qu'à condition qu'un contrat lie les parties.

Les époux [F] ès qualités recherchent la responsabilité délictuelle de l'association en sa qualité d'organisatrice de la manifestation, en ce que celle-ci aurait manqué à son obligation de prudence ou de vigilance en ne garantissant pas la sécurité nécessaire à la pratique d'un tel manège.

Ils soutiennent en particulier qu'aucune attention particulière n'a été portée sur la dangerosité de ce type d'attraction par une signalisation aux abords du manège, et ont observé l'absence d'indication de la durée et de l'intensité du programme avant que le participant ne prenne part à l'attraction.

Pour l'essentiel, les époux [F] font ainsi grief à l'association d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en tant qu'organisatrice de l'événement.

Mais les époux [F] ès qualités invoquent de ce chef la seule responsabilité délictuelle de droit commun de l'association.

Or, dans son attestation circonstanciée, le préposé de la société Star Anim, présent lors de l'accident, et sans contradiction adverse, déclare avoir programmé, sur demande, l'activité du taureau mécanique à 2 sur une échelle de 10, correspondant à une vitesse pour la tranche d'âge des enfants de 5 à 8 ans, cette vitesse était donc adaptée à l'âge de [E] qui en avait alors 10; constatant que l'enfant commençait à glisser le long du taureau, il a stoppé l'activité; l'enfant a fini sa glissade sur le matelas gonflable de protection, et en se relevant, s'est plainte d'une douleur au bras; il précise avoir été formé à l'utilisation de ce manège, et avoir réalisé plus de 150 prestations, représentant 12 à 13 000 passages sans incident.

En ce que l'association avait ainsi confié la programmation du manège à un professionnel qualifié adaptant son fonctionnement à l'âge du participant, et assurant la surveillance des enfants pendant leur utilisation du manège, aucune faute délictuelle de l'association quant à l'organisation de l'événement tenant à l'utilisation du manège ne peut lui être reprochée.

Pour le surplus, la demande des consorts [F], reposant sur un fondement délictuel, le moyen reprochant à l'association d'avoir manqué aux diverses obligations susdites, ne peut pas prospérer, puisque les autres éventuels manquements invoqués présupposent l'existence d'un contrat entre l'association et l'utilisatrice, ou ses représentants légaux.

Aucun faute délictuelle ne peut être reprochée à l'association.

Les époux [F] ès qualités seront donc déboutés de leurs prétentions dirigées à l'encontre de l'association, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de la société:

A l'égard de la société, les appelants invoquent sa responsabilité délictuelle pour faute ou imprudence, mais encore pour le fait de la chose dont cette dernière avait la garde.

Les consorts [F] recherchent la responsabilité délictuelle de la société, en lui faisant grief d'avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat, à son obligation d'information, lui imposant de renseigner l'enfant sur les consignes de sécurité propres à ce type de manège et sur le choix de l'intensité et de la durée du programme, mais en encore de l'adapter à l'âge et à la morphologie de la participante, mais encore à une obligation de surveillance, lui imposant une attention constante, et qui aurait dû la conduire à commencer sur le programme le plus bas pour augmenter progressivement jusqu'au palier déterminé.

Cependant, l'ensemble de ces obligations ne se conçoit qu'en l'état de la formation d'un contrat entre un prestataire d'activité de loisir ou exploitants de manège et leur utilisateur, dont ne se prévalent pas les époux [F] ès qualités, qui invoquent de ce chef la seule responsabilité délictuelle de droit commun de l'association.

*****

Il pèse sur le propriétaire de la chose une présomption de garde et il ne peut échapper à cette responsabilité, indépendamment des cas d'exonération, qu'en établissant un transfert de garde.

La responsabilité du fait des choses est fondée à l'égard de son propriétaire ou de celui qui s'en sert sur l'obligation de garde, corrélative aux pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle qui caractérisent la garde.

C'est à la victime qu'il revient de prouver que la chose a eu, au moins pour partie, un rôle causal dans la survenance de son dommage.

Le gardien est exonéré, lorsque la faute de la victime a constitué la clause exclusive de son dommage, laquelle doit revêtir un caractère imprévisible et irrésistible.

En l'espèce, il ressort des écritures concordantes des parties sur ce point que la société, propriétaire du manège, a mis celui-ci en location à disposition de l'association, tout en lui fournissant le personnel de surveillance et d'animation pour faire fonctionner la machine.

Il s'en déduira que la société a conservé la garde du manège, ce que cette dernière ne vient pas contester.

Il ressort de l'exposé de l'accident par le préposé de la société que c'est le mouvement du manège qui a provoqué la glissade de l'enfant et sa chute sur le matelas gonflable, et qu'en s'en relevant, l'enfant s'est plainte d'une douleur au bras.

Il appert aussi des écritures concordantes des parties que le manège, sur lequel était juchée la jeune enfant, avait pour but de désarçonner son cavalier, de sorte qu'il était par définition en mouvement.

Dès lors, la discussion que tente d'instaurer la société quant à la normalité du fonctionnement de ce manège est sans emport, en ce que ce dernier loin d'être inerte, était en mouvement, et a donc nécessairement contribué à la chute de l'enfant.

Il s'en déduira que le manège a eu un rôle causal dans l'accident.

Et si la société soutient que l'enfant n'a certainement pas suivi les instructions et n'a pas su se tenir, et que la luxation du coude n'est pas causée par le taureau mécanique, mais certainement par la manière dont l'enfant s'est rattrapée ou relevée, elle se borne sur ce point à de simples affirmations, tandis que la circonstance que l'enfant fasse une chute d'un manège précisément destiner à provoquer celle-ci ne présente aucun caractère imprévisible ou irrésistible.

Dès lors, la responsabilité délictuelle de la société du fait du manège qu'elle avait sous sa garde peut être valablement retenue.

La société sera donc déclarée entièrement responsable du préjudice subi par l'enfant, et le jugement sera infirmé de ce chef.

I/ Sur les postes de préjudice patrimoniaux temporaires:

A/ Dépenses de santé actuelles:

Ce poste correspond aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que la victime.

La victime ne fait état d'aucun reste à charge de son chef.

Au regard des éléments produits, il y aura lieu de fixer que ce poste à hauteur de 6349,75 euros, revenant entièrement à la caisse: le jugement sera infirmé de ce chef.

B/ Sur le préjudice scolaire:

Ce poste vise à indemniser la perte d'année d'étude ou d'un retard scolaire ou de formation.

La victime n'a pas perdu d'année scolaire du fait de l'accident.

Cependant, au regard des périodes de déficit fonctionnel développée plus bas, il sera retenu que sur la période du 24 juillet 2015 au 4 juillet 2017, l'enfant a nécessairement subi des absences et a été empêchée ou entravée dans son évolution scolaire dans des conditions normales, du fait de l'accident.

Au regard du niveau scolaire sur la période considéré (fin d'école primaire, début de collège) et à la durée de la gêne y afférente, le préjudice de [E] [F] sera entièrement réparé par une indemnité de 1000 euros, et le jugement sera infirmé de ce chef.

C/ assistance à tierce personne temporaire:

Ce poste vise à indemniser l'aide apportée à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante avant consolidation.

Ce poste est apprécié en fonction des besoins justifiés, et non pas de la dépense exposée, et ne peut pas être réduit en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Aucun principe de droit français positif n'impose à la victime de réduire son préjudice dans l'intérêt du seul responsable tenu à réparation du dommage.

L'expert a retenu notamment un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 25 %:

- du 25 juillet 2015 au 1er septembre 2015, correspondant à la période d'immobilisation du membre supérieur droit et des 15 jours post-déplâtrage;

- du 18 janvier 2017 au 14 mars 2017, correspondant à l'intervention chirurgicale, l'immobilisation, et la période de 15 jours après le déplâtrage;

- du 3 mai 2017 au 18 mai 2017, date d'ablation des broches et des suites opératoires;

soit 114 jours au total.

Mais cette femme de l'art a aussi relevé que l'enfant était restée autonome pour tous les actes de la vie courante, sauf pour l'écriture, la toilette, l'habillage et le déshabillage le temps du port du plâtre et les 15 jours suivant l'ablation de celui-ci.

En ce que l'expert a retenu un taux d'incapacité fonctionnelle de 25 % pour l'ensemble des périodes considérées, sans les distinguer entre elles, il conviendra de retenir que pour l'ensemble de ces 3 périodes, la victime nécessite une assistance à tierce personne pour l'écriture, la toilette, l'habillage et le déshabillage.

Les représentants légaux de l'enfant demandent l'indemnisation de la période de déficit fonctionnel temporaire à 25 % susdite, sur la base d'un taux horaire de 15 euros, en considérant un besoin d'aide à tierce personne à raison de 2 heures quotidiennes.

Mais au regard des conclusions de l'expert et de la nature des séquelles pendant les périodes dont il est demandé réparation, il y aura lieu de retenir un besoin en tierce personne à raison d'une heure par jour.

Il conviendra donc de dire que le préjudice de [E] [F] au titre de l'assistance tierce personne temporaire sera entièrement réparée par une indemnité de 1710 euros (114 jours x 1 heure x 15 euros), et le jugement sera infirmé de ce chef.

II/ sur les postes de préjudice personnels:

A/ postes de préjudices personnels avant consolidation:

Déficit fonctionnel temporaire:

Ce poste vient indemniser, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Il sera retenu qu'une journée de déficit fonctionnel total sera indemnisé sur la base de 30 euros.

L'expert a retenu un déficit temporaire total pour les périodes d'hospitalisation ayant eu lieu à compter des 24 juillet 2015, 19 janvier 2017 et 3 mai 2017, soit un total de 3 jours.

Les périodes de déficit fonctionnel total ouvrent ainsi droit à une indemnisation à hauteur de 90 euros.

L'expert a retenu notamment un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 25 %:

- du 25 juillet 2015 au 1er septembre 2015, correspondant à la période d'immobilisation du membre supérieur droit, et la période de 15 jours après le déplâtrage;

- du 18 janvier 2017 au 14 mars 2017, correspondant à l'intervention chirurgicale, l'immobilisation, et la période de 15 jours après le déplâtrage;

- du 3 mai 2017 au 18 mai 2017, date d'ablation des broches et des suites opératoires;

- les jours de consultation avec le chirurgien, soit 10 jours;

- les jours des séances de kinésithérapie, soit 28 jours;

soit 149 jours au total.

Les périodes de déficit fonctionnel à 25 % ouvrent ainsi droit à une indemnisation à hauteur de 1117,50 euros (149 jours x 30 euros x 25 %).

L'expert a retenu un déficit fonctionnel partiel de 10 %:

- du 2 septembre 2015 au 17 janvier 2017;

- du 15 mars 2017 au 2 mai 2017;

- du 19 mai 2017 au 3 janvier 2018;

soit pendant 417 jours au total.

Les périodes de déficit fonctionnel à 25 % ouvrent ainsi droit à une indemnisation à hauteur de 1251 euros (417 jours x 30 euros x 10 %).

Il conviendra donc de dire que le préjudice de [E] [F] au titre du déficit fonctionnel temporaire sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 2458,50 euros, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les souffrances physiques et morales:

Ce poste a vocation à réparer les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, son intimité, et des traitements, interventions, hospitalisations, qu'elle a subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

L'expert les a évaluées à 2/7.

Eu égard à la nature de la lésion initiale, tenant une luxation du coude droit, à son immobilisation dans un plâtre pendant 3 semaines, aux trois interventions chirurgicales successives ainsi qu'aux séances de rééducation, s'étalant du 24 juillet 2015 au mois de juin 2017, le préjudice de [E] [F] de ce chef sera entièrement réparé par une somme de 3000 euros, qui lui sera allouée, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice esthétique temporaire:

Ce poste a vocation à réparer l'altération physique temporaire.

L'expert a retenu ce poste à hauteur de 2/7, en tenant compte des plâtres et de la cicatrice.

Il y aura lieu d'observer de la durée de la pose des plâtres, soit pendant 21 jours à compter de l'accident du 24 juillet 2015, mais encore du déficit d'extension, évalué à 40 ° le 24 septembre 2015, et de 15° le 2 novembre 2015, puis à nouveau au moins à 10 ° à compter du 17 novembre 2016 jusqu'au 15 juin 2017.

Il y sera ajouté l'existence de la cicatrice de 8 cm, caractérisée par l'expert au titre du préjudice esthétique permanent, mais lui préexistant nécessairement avant consolidation, et dont il y aura lieu de tenir compte sur ce poste temporaire.

Au regard de ces éléments, le préjudice esthétique temporaire de [E] [F] sera entièrement réparé par l'allocation d'une indemnité de 2000 euros, et le jugement sera infirmé de ce chef.

B/ Postes de préjudices personnels après consolidation:

Préjudice d'agrément:

Ce poste vient réparer exclusivement le préjudice spécial lié à l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir

L'appelante ne démontre l'exercice antérieur d'aucune activité spécifique sportive ou de loisir.

Dans ces conditions, les appelants seront déboutés de leurs demandes à ce titre, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Préjudice esthétique permanent:

Ce poste a vocation à réparer l'altération physique définitive.

L'indemnisation d'un dommage n'est pas fonction de la représentation que s'en fait la victime, mais de sa constatation objective par les juges (Cas. 2e civ., 22 février 1995, n°92-18.731).

L'expert judiciaire a évalué ce poste à 1/7, en prenant en compte l'existence d'une cicatrice de 8 centimètres à la face postérieure du coude droit.

Il y aura donc lieu de dire que le préjudice esthétique permanent de [E] [F] sera entièrement réparé par une indemnité de 2000 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.

*****

La société Mma n'a opposé aucune clause contractuelle, notamment de franchise ou plafond, faisant obstacle à sa garantie de l'entier préjudice de la victime.

Eu égard aux éléments précités, il y aura lieu de condamner in solidum la société Star Anim et la société Mma à payer aux époux [F] ès qualités la somme totale de 12 168,50 euros en réparation des préjudices de [E] [F] ensuite de l'accident du 24 juillet 2005.

Le présent arrêt sera déclaré commun à la caisse.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [F] ès qualités de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance dirigée contre l'association, et les a condamnés à payer à celle-ci au même titre la somme de 1000 euros.

Il sera aussi confirmé en ce qu'il a débouté la société Star Anim et la société Mma de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance.

La société Star Anim et la société Mma seront déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société Star Anim et la société Mma et seront condamnées in solidum à payer aux époux [F] ès qualités la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Les époux [F] ès qualités seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel à l'encontre de l'association, et seront condamnés à payer à au même titre à cette dernière la somme de 2500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevables les demandes de l'association des maisons de [Adresse 14], d'une part et de la société à responsabilité limitée Star Anim et la société anonyme Mma Iard, d'autre part, tendant à la condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel de Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F] pris en leur nom personnel;

Infirme les jugements déférés en toutes leurs dispositions, sauf en ce qu'il a:

- débouté Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F] de leurs demandes à l'encontre de l'association des maisons de [Adresse 14];

- débouté Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], de leur demande au titre du préjudice d'agrément;

- débouté Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance dirigée contre l'association des maisons de [Adresse 14];

- condamné Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], à payer à l'association des maisons de [Adresse 14] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance;

- débouté la société à responsabilité limitée Star Anim et la société anonyme Mma Iard de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance;

Confirme le jugement de ces seuls chefs;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Déclare la société à responsabilité limitée Star Anim entièrement responsable des préjudices subis par [E] [F] ensuite de l'accident du 24 juillet 2015;

Déboute Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], de leur demande au titre du préjudice d'agrément;

Fixe comme suit les postes de préjudice suivants de [E] [F]:

préjudices patrimoniaux temporaires:

- 6349,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles, revenant intégralement à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne;

- 1000 euros au titre du préjudice scolaire, revenant intégralement à la victime;

- 1710 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire, revenant intégralement à la victime

préjudices extra-patrimoniaux temporaires:

- 2458,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire;

- 3000 euros au titre des souffrances endurées;

- 2000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire;

préjudices extra-patrimoniaux permanents:

- 2000 euros au titre du préjudice esthétique permanent;

Condamne in solidum la société à responsabilité limitée Star Anim et la société anonyme Mma Iard à payer à Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], la somme totale de 12 168,50 euros en réparation des préjudices de [E] [F] ensuite de l'accident du 24 juillet 2005;

Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré;

Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne;

Déboute Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel à l'encontre de l'association des maisons de [Adresse 14];

Condamne [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], à payer à l'association des maisons de [Adresse 14] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;

Déboute la société à responsabilité limitée Star Anim et la société anonyme Mma Iard de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel à l'encontre de Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F];

Condamne in solidum la société à responsabilité limitée Star Anim et la société anonyme Mma Iard à payer à Madame [P] [F] et Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel;

Condamne in solidum la société à responsabilité limitée Star Anim et la société anonyme Mma Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel, ce compris les frais d'expertise judiciaire, et ce avec distraction au profit de la Selas Bdb, représentée par Maître Lorraine De Bruyn, conseil de Madame [P] [F] et de Monsieur [N] [F], en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [E] [F], de ceux des dépens de première instance d'appel dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/01919
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;21.01919 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award