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25/10/2022 | FRANCE | N°21/00977

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 25 octobre 2022, 21/00977


ARRET N°

du 25 octobre 2022



R.G : N° RG 21/00977 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FACF





[X]

[X]





c/



[X]

[R] VEUVE [X]



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES



la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 OCTOBRE 2022



APPELANTS :

d'un jugement rendu le 12 mars 2021 par le Tr

ibunal de Grande Instance de TROYES



Monsieur [H] [X]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représenté par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE



Monsieur [N] [X]

[Adresse 10]

10130 EAUX PUISEAUX



Représenté par Me D...

ARRET N°

du 25 octobre 2022

R.G : N° RG 21/00977 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FACF

[X]

[X]

c/

[X]

[R] VEUVE [X]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES

la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 OCTOBRE 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 12 mars 2021 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES

Monsieur [H] [X]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE

Monsieur [N] [X]

[Adresse 10]

10130 EAUX PUISEAUX

Représenté par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE

INTIMES :

Monsieur [F] [X]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représenté par Me Xavier COLOMES de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocat au barreau de l'AUBE

Madame [A] [R] VEUVE [X]

[Adresse 12]

10130 EAUX PUISEAUX

Représentée par Me Xavier COLOMES de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocat au barreau de l'AUBE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 19 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 octobre 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suite au décès de Monsieur [L] [X], Monsieur [F] [X], son fils, et Madame [A] [R], son épouse, ont acquis en pleine propriété et en indivision la moitié des parcelles cadastrées section [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 4].

Suite au décès de Monsieur [K] [X], ses enfants, Messieurs [H] et [N] [X] ont acquis en pleine propriété l'autre partie des parcelles susvisées et sont, en outre, copropriétaires indivis des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 13]. Ces derniers ont également construit une maison d'habitation divisée en deux logements aux fins de location sur la parcelle [Cadastre 13] qui jouxte la parcelle cadastrée section [Cadastre 8].

Par ailleurs, Madame [R] est usufruitière et Monsieur [F] [X] est nu-propriétaire de la parcelle [Cadastre 16] laquelle jouxte les parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 4], Madame [R] occupant une maison sise sur la parcelle [Cadastre 16].

Courant février 2018, Messieurs [H] et [F] [X] ont entamé des travaux afin de clôturer la parcelle indivise [Cadastre 18] donnant côté [Adresse 21] et ont créé deux voies d'accès distinctes aux garages de la maison construite sur la parcelle [Cadastre 13] avec la pose de deux portails à battants.

Par procès-verbaux de Maître [B], huissier de justice, en date des 1er et 6 mars 2018, étaient constatés : la pose des deux portails, la suppression du chemin commun entre les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 8], la mise en place d'une clôture et d'un grillage à la limite des parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 8], la présence d'une baie vitrée coulissante sur la maison de Madame [R] située sur la parcelle [Cadastre 6] ainsi que d'une terrasse, la présence d'un hangar situé sur la parcelle [Cadastre 7] et de poutrelles en béton et enfin l'existence d'un tas de gravas sur la parcelle [Cadastre 4].

Par plis recommandés avec accusé de réception du 7 mars 2018, Madame [R] et Monsieur [F] [X] ont mis en demeure Messieurs [H] et [N] [X] de cesser tous travaux sur la parcelle indivise à réception du courrier.

Suite à une sommation interpellative de Maître [B], à la demande de Madame [R] et de Monsieur [F] [X], Messieurs [H] et [N] [X] ont indiqué que leur réponse interviendrait sous quinzaine.

Par procès-verbal de rétablissement des limites du 23 avril 2018, signé par toutes les parties, Monsieur [U] [M], géomètre-expert, a confirmé l'indivision de la parcelle section [Cadastre 8] ainsi que les limites séparatives.

Par acte d'huissier en date du 1er août 2018, Madame [A] [R] et Monsieur [F] [X] ont fait assigner Messieurs [H] et [N] [X] devant le tribunal judiciaire de Troyes, en défense des droits de l'indivision, afin de voir juger la réalisation de travaux sans autorisation sur les parcelles indivises.

Par' jugement en date du 12 mars 2021,' le ' tribunal judiciaire de' Troye 'a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

-condamné in solidum' Monsieur [H] [X] et Monsieur [N] [X] à procéder à la démolition des deux portails installés sur la parcelle indivise [Cadastre 18], la remise en état du jardin de la parcelle indivise [Cadastre 18] et le rétablissement de l'accès à la parcelle indivise [Cadastre 7] depuis la [Adresse 19], par la parcelle [Cadastre 18] dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard' passé ce délai, pour une durée de trois mois,

-condamné in solidum' Monsieur [H] [X] et Monsieur [N] [X] à évacuer le tas de gravats sur la parcelle indivise [Cadastre 17] dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, pour une durée de trois mois,

-débouté Madame [A] [R] et Monsieur [F] [X] de leur demande au titre de l'indemnité d'occupation,

-déclaré irrecevable la demande de partage judiciaire,

-condamné in solidum' Monsieur [H] [X] et Monsieur [N] [X] à payer à' Madame [A] [R] et à Monsieur [F] [X] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 20 mai 2021, Monsieur [H] [X] et Monsieur [N] [X]' ont interjeté appel de cette décision.

Les parties sont entrées en voie de médiation judiciaire, suivant une ordonnance rendue le 20 août 2021, à laquelle il a été mis fin par décision du 13 avril 2022.

Aux termes de leurs écritures notifiées électroniquement, le 7 juillet 2021, Messieurs [H] et [N] [X] concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la cour de :

-ordonner la licitation des parcelles indivises cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 4] situées sur le finage d'[Localité 1],

-ordonner la destruction de la terrasse carrelée empiétant sur la parcelle [Cadastre 18],

-ordonner la destruction du hangar existant sur la parcelle indivise [Cadastre 7] édifié sans l'accord des indivises aires avec suppression des poutrelles béton,

-ordonner la démolition des ouvrages et la remise en état des parcelles sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

-condamner in solidum Madame [A] [R] et son fils Monsieur [F] [X] à leur payer une indemnité d'occupation rétroactive dans le cadre de la prescription quinquennale d'un montant de 500 euros par mois jusqu'à la démolition complète des ouvrages précités et la remise en état du jardin et des parcelles indivises [Cadastre 8] et [Cadastre 7],

-condamner solidairement les mêmes à leur verser une indemnité d'occupation rétroactive dans les limites de la prescription quinquennale de 500 euros par mois en raison de l'occupation privative du hangar indivis situé sur la parcelle indivise [Cadastre 4] et ce jusqu'à la remise des clefs où la condamnation des intéressés par la décision à venir,

-condamner in solidum les mêmes à leur verser la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils expliquent que sur la parcelle [Cadastre 13] qui leur est propre, un bien a été édifié pour deux logements et l'accès se fait par leur parcelle mais également par la parcelle [Cadastre 18] dont ils sont propriétaires indivis.

Ils exposent que la parcelle [Cadastre 8] a été clôturée à leurs frais exclusifs, ce qui en soit ne saurait être blâmable dans la mesure où, d'une part, le droit de clôture est un droit qui indiscutablement leur appartient, et d'une part part, que les clés de ce portail ont toujours été mises à la disposition de Madame [R] et de Monsieur [F] [X].

Ils indiquent que les murets et les portails n'empêchent pas les intimés d'accéder à la parcelle [Cadastre 18], les clés du portail étant à leur disposition. En outre, ils reprochent à Madame [R] et Monsieur [F] [X] l'exploitation d'un potager sur la parcelle indivise [Cadastre 4], l'occupation par eux seuls du hangar situé sur cette même parcelle sans qu'ils y aient accès et l'ancrage de 20 poutrelles en béton servant d'assise à leur stock de bois. Ils ajoutent que Monsieur et Madame [L] [X] avaient réalisé une terrasse en dur sur la parcelle [Cadastre 8] et ce, sans accord des indivisaires et qu'il n'existe aucun chemin à cheval sur les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 13].

Ils insistent sur le fait que si les intimées n'ont plus d'accès sur les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 4], ils disposent d'un accès par la parcelle [Cadastre 16] par la [Adresse 21] et un autre accès par la parcelle [Cadastre 17] par la rue des champs.

Ils précisent qu'ils sollicitent une sortie de l'indivision sur le fondement des articles 815 et suivants du code civil et indiquent qu'il ne s'agit pas d'une demande de partage judiciaire.

Ils ajoutent qu'ils ont déjà établi trois propositions de division prenant en compte les intérêts de chacun, ce qui démontre la possibilité concrète de sortir de l'indivision en réalisant deux lots équitables.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 18 juillet 2022, Madame [R] et Monsieur [F] [X] concluent à l'infirmation partielle du jugement déféré et demandent à la cour de':

-ordonner à Messieurs [H] et [N] [X] de démolir les deux portails que ces derniers ont fait installer sur la parcelle indivise [Cadastre 18], sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

-condamner in solidum Messieurs [H] et [N] [X] à leur payer une indemnité d'occupation rétroactive depuis le 26 février 2018 d'un montant de 500 euros par mois jusqu'à démolition complète des deux portails,

-ordonner à Messieurs [H] et [N] [X] de remettre en état le jardin de la parcelle indivise [Cadastre 18], sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

-condamner in solidum Messieurs [H] et [N] [X] à leur payer une indemnité d'occupation rétroactive depuis le 6 mars 2018 d'un montant de 500 euros par mois jusqu'à la remise en état complète du jardin de la parcelle indivise [Cadastre 18],

-ordonner à Messieurs [H] et [N] [X] de rétablir l'accès à la parcelle indivise [Cadastre 7] depuis la [Adresse 19] via la parcelle [Cadastre 18], sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

-condamner in solidum Messieurs [H] et [N] [X] à leur payer une indemnité d'occupation rétroactive depuis le 6 mars 2018 d'un montant de 500 euros par mois jusqu'à la remise en état complète du jardin de la parcelle indivise [Cadastre 18],

-ordonner à Messieurs [H] et [N] [X] d'évacuer le tas de gravats se trouvant sur la parcelle indivise [Cadastre 17], sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

-condamner in solidum Messieurs [H] et [N] [X] à leur payer une indemnité d'occupation rétroactive depuis le 6 mars 2018 d'un montant de 500 euros par mois jusqu'à l'évacuation complète du tas de gravats,

-condamner in solidum Messieurs [H] et [N] [X] à leur payer la somme de 3.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils exposent que les travaux réalisés par Messieurs [H] et [N] [X] pour mettre la maison qu'ils ont construite en location, que ce soit la suppression du chemin avec son muret de soutien constitué de pierres de taille, la mise en place des cailloux concassées, ou les deux clôtures n'apportent aucune amélioration.

Ils précisent que le chemin perpendiculaire à la RD 111 utilisé par Monsieur [L] [X] depuis 1942 constitue un droit de passage qui s'est toujours exercé. Ainsi, ils confirment ne plus pouvoir accéder aux parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 4] et [Cadastre 16] par la parcelle [Cadastre 8]. Ils ajoutent qu'aucun mur de soutien n'a été édifié suite à la destruction de l'ancien muret de soutènement du chemin, ce qui risque d'engendrer un glissement de terrain vers la parcelle [Cadastre 13].

Ils soutiennent que le hangar blanc situé sur la parcelle [Cadastre 7], les poutrelles en béton et la terrasse située sur la parcelle [Cadastre 18] ont été créés ou posés par Monsieur [L] [X] il y a plus de 30 ans et qu'ils y ont apporté une amélioration les dispensant de toute autorisation. Ils ajoutent, que compte tenu du fait que Madame [R] a toujours entretenu les parcelles indivises, que les ouvertures de la maison occupée par Madame [A] [R] (âgée désormais de 92 ans) ont été créées il y a plus de 50 ans et que l'atelier situé sur la parcelle [Cadastre 17] est occupé par Madame [R] et son fils [F], en vertu d'un accord intervenu entre [L] et [K] [X], de sorte que Messieurs [H] et [N] [X] ne sont pas fondées à solliciter une indemnité d'occupation, ni leur reprocher de ne pas avoir sollicité leur accord.

Ils estiment que le fait d'avoir les clés des portails ne leur permet pas de jouir de la parcelle indivise sur laquelle demeurent les locataires de Messieurs [H] et [N] [X].

Ils réclament donc le versement d'une indemnité d'occupation rétroactive.

S'agissant de la demande de partage judiciaire, ils insistent sur le fait que les appelants ne justifient d'aucune diligence pour parvenir à un accord amiable ni d'une proposition de répartition des biens, et réclament l'application de l'article 1360 du code de procédure civile comme l'a fait le tribunal.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 août 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de constater que les parties reconnaissent être en indivision sur les parcelles sises à Finage d'[Localité 1], dans l'Aube, lieudit «'[Adresse 15]'» cadastrées section [Cadastre 7] d'une contenance de 9a 33ca, [Cadastre 18] d'une contenance de 2a 38ca et n°319 d'une contenance de 22a 20ca.

1) Sur l'exploitation des biens indivis

Aux termes de l'article 815-3 du code civil, le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.

Il est constant que les travaux d'amélioration sont ceux qui apportent des éléments supplémentaires de confort et d'habitabilité par rapport aux aménagements préexistants et procurent, de ce fait, une valorisation certaine de l'immeuble.

Les actes de disposition sont ceux qui ont pour but direct et immédiat de conduire à la disparition, avec ou sans contrepartie, du bien ou du droit sur lequel il porte.

*Concernant les travaux réalisés par Messsieurs [H] et [N] [X]

Par procès-verbal de rétablissement de limite du 23 avril 2018, le géomètre expert a confirmé l'indivision de la parcelle [Cadastre 8] ainsi que les limites séparatives.

Il résulte des débats que Messieurs [H] et [N] [X], afin de créer deux voies d'accès distinctes aux deux garages de la maison qu'ils ont fait construire sur la parcelle [Cadastre 13] (leur appartenant) à des fins locatives, ont clôturé et fermé la parcelle indivise [Cadastre 18], en installant deux portails, un pour chaque logement, donnant sur la [Adresse 21]. Il ressort des courriers de Monsieur [F] [X] et de l'avocat de ce dernier des 1er et 7 mars 2018 ainsi que d'une sommation interpellative par huissier du 13 mars 2018 que l'installation de ces portails a été réalisée sans obtenir l'accord des autres coindivisaires, à savoir Madame [A] [R] et le fils de celle-ci, Monsieur [F] [X], en contravention des dispositions de l'article 815-3 précité.

La cour comme le tribunal relève qu'il ressort également du procès-verbal de constat d'huissier établi le 1er mars 2019 et des photographies annexées':

-qu'il n'y a plus d'accès aux parcelles [Cadastre 7] et suivantes par la parcelle [Cadastre 18], que la terre est décaissée et qu'une clôture en bois et un grillage ont été posés,

-que le mur qui soutenait le chemin d'accès aux parcelles [Cadastre 7] et suivantes a été détruit et que la terre du jardin décaissée en limite des parcelles [Cadastre 18] et [Cadastre 13], à gauche du mur maintenant la terrasse, est dépourvue de mur de soutènement.

Par ailleurs, s'agissant du chemin «'à cheval'» entre les parcelles [Cadastre 18] et [Cadastre 13], si Messieurs [H] et [N] [X] affirment que celui-ci n'existe pas et qu'il est possible d'accéder à la parcelle [Cadastre 7] côté parcelle [Cadastre 17] par la [Adresse 20], toutefois, leur argumentaire est contrecarré par les pièces produites par Madame [R] et Monsieur [F] [X]. En effet il résulte d'un constat d'huissier établi le 6 mars 2018 que «'suite au décaissement des parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 8], la partie du chemin (une vingtaine de mètres) «'à cheval'» entre les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 8] a été supprimé'», ce qui est corroboré par une attestation de Monsieur et Madame [I] [S] datée du 18 mars 2019, aux termes de laquelle, ils déclarent qu'ils habitaient la maison située en face de la parcelle [Cadastre 8] en [Cadastre 3] et qu'«'ils utilisaient pour monter au centre du village, le chemin descendant vers la rue de Puiseaux'».

Devant la cour, Messieurs [H] et [N] [X] ne sont pas plus en mesure de prouver que les travaux entrepris par leurs soins ont pour fonction d'améliorer l'accès au terrain indivis, ni que ces dernier sont nécessaires pour lutter contre l'intrusion de tiers. Ainsi, il résulte des débats que l'installation des deux portails desservant les logements et la suppression du chemin d'accès aux parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 4] et [Cadastre 16] par la parcelle [Cadastre 8] ont été réalisés pour faciliter l'accès des locataires à leur logement, sans que l'accord de tous les coindivisaires n'ait été recueilli. Messieurs [H] et [N] [X] ne peuvent contourner le défaut de consentement de Madame [R] et de Monsieur [F] [X] par la remise des clefs des portails à ces derniers. En effet cet accès aux clefs ne permet pas un libre accès à la parcelle [Cadastre 8] dans la mesure où il n'est plus possible à Madame [R] et à Monsieur [F] [X] d'accéder aux autres parcelles par ce biais puisqu'une clôture et un grillage ont été posés, barrant l'accès aux parcelles [Cadastre 7] et suivantes. Enfin, au vu de ces éléments, il est indéniable que le tas de gravats se trouvant sur la parcelle [Cadastre 4] soit issu des travaux effectués sur la parcelle [Cadastre 8].

Ces travaux sont assimilables à des actes de disposition, ils ont été réalisés sans l'autorisation des autres coindivisaires laquelle était obligatoire et sont attentatoires aux droits de Madame [R] et de Monsieur [F] [X]. C'est donc à bon droit que le tribunal a condamné in solidum Messieurs [H] et [N] [X] à remettre en état les parcelles indivises [Cadastre 8] et [Cadastre 4] sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef et d'ordonner une nouvelle astreinte à compter de la signification de cet arrêt selon des modalités précisées au dispositif de cette décision.

*Concernant les biens exploités par Madame [R] et Monsieur [F] [X] sur les parcelles indivises

La cour comme le tribunal relève qu'il résulte de l'attestation des époux [I] [S] datée du 18 mars 2019 que ceux-ci ont toujours vu «'les bâtiments existants actuellement, le tas de bois et l'arrière de la maison avec ses ouvertures'» et que ce témoignage est corroboré par une photo ancienne sur laquelle figurent [H], [N] et [F] [X] devant les poutrelles en béton servant le bois et devant le hangar.

S'agissant de l'atelier situé sur la parcelle [Cadastre 17], il est justifié par un courrier daté du 9 novembre 1969 et signé par Messieurs [K] et [L] [X] que les deux frères se sont partagés l'atelier, le terrain sur lequel ce dernier est construit, les machines et les outils. De plus, il résulte d'une expertise ordonnée par le juge des référés en date du 10 septembre 1976 que l'expert judiciaire a constaté l'accord des deux frères pour que Monsieur [L] [X] conserve seul l'exploitation du fonds de tonnellerie en contrepartie de la somme de 79.000 francs.

Enfin il n'est pas contesté, que la terrasse située sur la parcelle [Cadastre 18] existe depuis plus de 30 ans et que Madame [R] entretient les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 4] depuis très longtemps.

Dans ces conditions, la cour estime qu'il est établi que des accords sont intervenus il y plus de 30 ans entre Messieurs [L] et [K] [X] dont Madame [R] et Monsieur [F] [X], d'une part, et Messieurs [H] et [G] [X], d'autre part, tirent leurs droits, et que lesdits accords sont à l'origine de l'état actuel des parcelles dont s'agit et que jusqu'à cette instance cet état de fait n'avait jamais été remis en cause par Messieurs [H] et [N] [X]. En outre, si Madame [R] et Monsieur [F] [X] ont changé les ouvertures de l'arrière de la maison, cela s'apparente à un entretien du bien qui n'est par nature pas critiquable.

Ces occupations qui s'analysent en une valorisation et un entretien des biens n'ont causé aucun préjudice à Messieurs [H] et [N] [X].

Dès lors, il convient de débouter Messieurs [H] et [N] [X] de leurs demandes de démolition et de remise en état des parcelles indivises exploitées par Madame [R] et son fils [F] [X], et par conséquent, de confirmer le jugement déféré de ce chef.

2)Sur la demande d'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

En vertu de ce texte, la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coindivisaires, d'user de la chose. L'indemnité d'occupation n'est pas due si l'occupation de l'immeuble par un indivisaire n'exclut pas la même utilisation par ses coindivisaires.

En l'espèce, si Messieurs [H] et [N] [X] ont partiellement entravé l'usage de la parcelle commune [Cadastre 18], par l'édification de deux portails et d'une clôture et avoir réduit l'accès aux parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 4] et [Cadastre 16], toutefois il est justifié de ce qu'ils ont également mis à disposition de leurs deux autres coindivisaires les clefs des portail, ce qui permettaient à ces dernier d'accéder librement aux parcelles. Aucun usage exclusif de biens indivis n'est donc établi et le tas de gravats étant par ailleurs anecdotique au vu des circonstances de l'affaire, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Madame [R] et Monsieur [F] [X] de leurs demandes en paiement d'indemnités d'occupation.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef.

3)Sur la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage

En application de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision, et le partage peut toujours être provoqué.

Aux termes de l'article 840 du code civil, le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.

L'article 1361 du code de procédure civile dispose en outre que le tribunal ordonne le partage, s'il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les conditions prévues à l'article 1378 sont réunies.

Lorsque le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l'acte constatant le partage.

Au cas présent, il résulte des débats que les parties sont en indivision successorale sur les biens cadastrées section [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 4], sises à Finage d'[Localité 1] [Localité 1] et qu'un contentieux ancien les oppose sur l'administration et la gestion de ces parcelles, la mesure de médiation ordonnée à hauteur d'appel n'ayant pas abouti. Au vu des désaccords persistants, nul ne pouvant être contraint à rester dans l'indivision, il convient d'ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision successorale existante entre les parties.

Il convient de désigner à cette fin le président de la chambre interdépartementale des notaires de la Marne, avec faculté de délégation, sous le contrôle d'un magistrat du tribunal judiciaire de Troyes selon des modalités précisées au dispositif de la présente décision et par conséquent, d'infirmer le jugement déféré de ce chef.

4) Sur la licitation préalable des biens indivis

L'article 1377 dispose que le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

En l'espèce, les trois biens dépendants de la succession consistent en trois parcelles sises à Finage d'[Localité 1], dans l'Aube [Localité 1], lieudit «'[Adresse 15]'» cadastrées section [Cadastre 7] pour une surface de 9a 33ca, [Cadastre 18] pour une surface de 2a 38ca et [Cadastre 17] pour une surface de 22a 20ca, qui ne sont pas commodément partageable entre les héritiers.

Messieurs [H] et [N] [X] indiquent que des propositions de lots ont déjà été évoquées entre les parties en amont mais qu'aucune solution n'a jamais pu émerger. Par ailleurs, les intimés s'opposent à tout partage judiciaire.

En vertu de l'article 1273 du code de procédure civile, le tribunal détermine la mise à prix de chacun des biens à vendre et les conditions essentielles de la vente. Il peut préciser qu'à défaut d'enchère atteignant cette mise à prix, la vente pourra se faire sur une mise à prix inférieure qu'il fixe. Le tribunal peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, faire procéder à leur estimation totale ou partielle.

En l'espèce, aucun avis de valeur actualisé des trois biens indivis n'est produit aux débats. Dans ces conditions, préalablement à la licitation, il convient d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à communiquer chacune au minimum deux estimations réalisées par un notaire et un agent immobilier des trois biens indivis et de surseoir à statuer sur la demande de licitation dans l'attente de la production de ces documents.

5) Sur les mesures accessoires

Eu égard à la solution donnée au présent litige, il convient de réserver les dépens et les demandes en paiement au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mixte,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Troyes le 12 mars 2021, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de partage judiciaire.

Y ajoutant,

Ordonne de nouvelles astreintes s'agissant des condamnations in solidum de Monsieur [H] [X] et Monsieur [N] [X] à procéder à la remise en état des parcelles section [Cadastre 8], [Cadastre 7] et [Cadastre 4] dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard' passé ce délai, pour une durée de trois mois.

Et statuant à nouveau,

Ordonne l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision successorale existante entre Messieurs [H] et [N] [X], d'une part, et Madame [A] [R] et Monsieur [F] [X], d'autre part.

Désigne pour y procéder le Président de la chambre interdépartementale des notaires de la Marne, de l'Aube et des Ardennes, avec faculté de délégation, sous le contrôle du président de la chambre civile du tribunal judiciaire de Troyes,

Dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du juge commis, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance sur requête rendue par le président de la chambre précitée,

Avant dire droit, sur la licitation,

Ordonne la réouverture des débats et invite les parties à communiquer chacune au minimum deux estimations réalisées par un notaire et un agent immobilier des trois biens indivis sis à Finage d'[Localité 1], dans l'Aube [Localité 1], lieudit «'[Adresse 15]'» cadastrés section [Cadastre 7] pour une surface de 9a 33ca, [Cadastre 18] pour une surface de 2a 38ca et n°319 pour une surface de 22a 20ca, avant le 20 février 2023.

En conséquence, surseoit à statuer sur la demande de licitation et renvoie l'affaire à l'audience du lundi 13 mars 2023 à 14 heures.

Réserve les dépens et les demandes en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles exposés en appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/00977
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;21.00977 ?
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