ARRET N°
du 11 octobre 2022
R.G : N° RG 21/02213 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FC6A
Etablissement Public [Localité 2] HABITAT OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT
c/
[M]
AL
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL MELKOR
Me Clément MONNIER
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE
ARRET DU 11 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
d'une ordonnance rendue le 19 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Reims
SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE MIXTE [Localité 2] HABITAT, venant aux droits de l'OPH [Localité 2] Habitat
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphanie KOLMER-IENNY de la SELARL MELKOR, avocat au barreau de REIMS
INTIME :
Monsieur [I] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005457 du 13/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)
Représenté par Me Clément MONNIER, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. Benoît PETY, président de chambre
Mme Anne LEFEVRE, conseiller
Mme Christel MAGNARD, conseiller
GREFFIER :
Madame Lucie NICLOT, greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 13 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 octobre 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et signé par M. Benoît PETY, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Par acte sous seing privé du 25 février 2014, l'office public de l'habitat [Localité 2] Habitat Champagne Ardenne (ci-après Reims Habitat) a donné à bail à M. [I] [M] un appartement à usage d'habitation, situé au rez-de-chaussée, [Adresse 1].
Le 1er mars 2018, M. [M] a fait assigner son bailleur devant le tribunal d'instance de Reims en réalisation de travaux de mise en sécurité de son logement et en indemnisation de divers préjudices. Par jugement du 19 avril 2019, le tribunal a débouté M. [M] de ses prétentions et l'a condamné au paiement d'une somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles, en sus des dépens.
Sur appel de M. [M], la cour, par arrêt du 17 mars 2020, a :
- enjoint à [Localité 2] Habitat de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant deux mois après la signification de l'arrêt, à la mise en place d'un dispositif de sécurité de la terrasse du logement rendant l'espace inaccessible aux tiers et aux projections diverses,
- condamné [Localité 2] Habitat à payer à M. [M] les sommes de 500 euros au titre du préjudice de jouissance, de 1 000 euros au titre du préjudice moral et de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné [Localité 2] Habitat aux dépens.
Le 18 décembre 2020, [Localité 2] Habitat a fait assigner M. [M] devant le juge des contentieux de la protection de Reims statuant en référé afin d'être autorisé à accéder au logement pour réaliser les travaux de mise en sécurité ordonnés le 17 mars 2020, demandant que la décision soit assortie d'une astreinte de 100 euros due à chaque refus d'accès au logement, que M. [M] soit condamné à lui payer une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
L'affaire, appelée à l'audience du 8 janvier 2021, a fait l'objet de nombreux renvois à la demande de M. [M], puis d'un ultime renvoi à l'audience du 24 septembre 2021 afin que M. [M] précise les raisons pour lesquelles il refuse l'accès de son logement.
Le 24 septembre 2021, [Localité 2] Habitat a maintenu l'intégralité de ses demandes, mais M. [M] n'a pas comparu.
L'ordonnance de référé du 19 novembre 2021 a :
- débouté [Localité 2] Habitat de sa demande tendant à être autorisé, et/ou toute personne de son chef, à accéder au logement de M. [M] pour permettre la réalisation des travaux de mise en sécurité du logement ordonnés par arrêt du 17 mars 2020,
- débouté [Localité 2] Habitat de ses demandes subséquentes,
- condamné [Localité 2] Habitat aux dépens,
- rappelé que l'ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
Le 13 décembre 2021, [Localité 2] Habitat a fait appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Par conclusions du 18 janvier 2022, [Localité 2] Habitat demande à la cour d'infirmer l'ordonnance de référé afin de, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile :
au principal,
- renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,
dès à présent,
- autoriser la société d'économie mixte [Localité 2] Habitat, venant aux droits de l'OPH [Localité 2] Habitat, et/ou toute personne de son chef, à accéder au logement de M. [M] pour permettre la réalisation des travaux de mise en sécurité du logement ordonnés par arrêt du 17 mars 2020, et ce avec, au besoin, le concours d'un huissier de justice, d'un serrurier et de la force publique,
- assortir la décision d'une astreinte de 100 euros due à chaque fois que M. [M] refuse l'accès à son logement pour la bonne fin desdits travaux,
- condamner M. [M] à régler à [Localité 2] Habitat la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le bailleur du fait de la résistance abusive et injustifiée du locataire,
- le condamner au paiement d'une somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
[Localité 2] Habitat fait valoir que la situation est complètement bloquée du fait de l'attitude de M. [M], qui, sans aucun motif valable, ne donne pas accès à sa terrasse et empêche l'exécution de l'arrêt du 17 mars 2020, alors qu'il est nécessaire de monter le vitrage de l'intérieur et de bénéficier de l'énergie électrique pour la bonne fin des travaux requis.
Selon écritures du 25 février 2022, M. [M] conclut au débouté de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance de référé du 19 novembre 2021. Il sollicite la condamnation de [Localité 2] Habitat à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et à supporter les dépens d'appel.
M. [M] expose que les travaux consistent à poser des claustras en clôture de sa terrasse, que le bailleur est en mesure d'effectuer les travaux sans accéder à la terrasse par le logement du locataire et qu'aucune résistance abusive ne saurait lui être reprochée, puisqu'il a mis [Localité 2] Habitat en demeure de s'exécuter à de multiples reprises.
Lors de l'audience du 10 mai 2022, l'affaire a été renvoyée au 13 septembre 2022, à la demande de M. [M]. Par courrier reçu du greffe le 22 août 2022, le Bâtonnier de Reims a informé la cour de ce qu'il refusait de désigner un nouvel avocat pour assister M. [M].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2022.
Motifs de la décision :
Sur la demande d'autorisation d'accès au logement de M. [M] :
Selon l'article 834 du code de procédure civile, 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.'
L'article 835 du code de procédure civile ajoute : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
Par arrêt du 17 mars 2020, la cour d'appel de Reims a enjoint à [Localité 2] Habitat de procéder sous astreinte à la mise en place d'un dispositif de sécurité de la terrasse du logement loué par M. [M], afin que cet espace devienne inaccessible aux tiers et aux projections diverses. La cour a également condamné [Localité 2] Habitat à indemniser son locataire des préjudices moral et de jouissance soufferts.
Les pièces produites permettent de résumer, chronologiquement, les rapports entre les parties comme suit :
Le 7 juillet 2020, les responsables de [Localité 2] Habitat se sont déplacés au domicile de M. [M] pour concevoir les travaux de sécurisation, après visualisation précise des lieux. M. [M] leur en a refusé l'accès, indiquant souhaiter communiquer par courrier.
Par courrier daté du 9 juillet 2020, [Localité 2] Habitat a proposé un rendez-vous au domicile de M. [M] le 30 juillet 2020 à 10 h. Le locataire a répondu, par courrier du 17 juillet 2020, en mettant en demeure le bailleur d'exécuter l'arrêt du 17 mars 2020 et en déclarant que sa terrasse était totalement accessible de la cour de la résidence et que les travaux n'exigeaient donc ni rendez-vous, ni présence de M. [M].
[Localité 2] Habitat a répondu, par courrier daté du 20 juillet 2020, que l'arrêt ne lui avait pas encore été signifié, que les travaux exigeaient une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, puis une déclaration de travaux, que la crise sanitaire avait empêché de tenir des rendez-vous physiques. Le bailleur ajoutait que l'accès au logement était nécessaire pour étudier et réaliser les travaux dans les meilleurs délais et qu'il ne lui appartenait pas d'accéder au logement de M. [M] hors sa présence et sans son accord.
Le 30 juillet 2020 à 10 h, M. [M] était absent de son domicile. Par lettre datée du 11 septembre 2020, [Localité 2] Habitat l'a informé que la sécurisation de la terrasse avait dû être conçue à partir d'observations de l'extérieur et des cotes figurant sur les plans de l'immeuble, que le prestataire programmait une intervention au cours de la semaine 39 sur 3 à 4 jours et que la présence du locataire était indispensable.
Dans le cadre d'échange de courriels, le bailleur a sollicité la confirmation de la présence de M. [M] le mercredi 23 septembre 2020 à partir de 9 h pour le lancement des travaux.
Le 23 septembre 2020, le responsable de [Localité 2] Habitat et l'entreprise ont patienté en vain pendant 15 minutes devant le domicile de M. [M].
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 26 septembre 2020, M. [M] a mis le bailleur en garde contre les refus d'indemnisation et de réalisation des travaux, précisant que faute d'exécution sous quinzaine le juge de l'exécution de Reims serait saisi.
[Localité 2] Habitat a fait délivrer le 3 octobre 2020 à M. [M] une sommation de laisser procéder aux travaux de sécurisation le 20 octobre 2020 à 9 h. M. [M] a répondu par une lettre recommandée avec avis de réception du 17 octobre 2020, reprochant notamment de n'avoir reçu aucun justificatif des prétendus travaux, ni devis, ni commande, ni planning, et rappelant qu'il était immobilisé à son domicile depuis février 2020 pour raisons médicales.
Le 20 octobre 2020 à 9 h, l'entreprise en charge des travaux s'est présentée chez M. [M] et a trouvé porte close, ce dont l'huissier présent a dressé constat.
[Localité 2] Habitat a expliqué à M. [M], par courriel du 18 septembre 2020, qu'il était nécessaire de passer par son logement pour la bonne exécution des travaux et pour garantir une réalisation de qualité, qu'en outre il était possible que l'intervention ait besoin d'un point électrique, mais que le devis ayant été conçu de l'extérieur, faute de pouvoir entrer chez M. [M], ce point n'avait pu être abordé (pièce n°8). Le gérant de l'entreprise en charge des travaux, la SARL Piquet Sahli, atteste, le 26 novembre 2020, que l'entreprise s'est rendue sur le site les 23 septembre et 20 octobre 2020, que le locataire ne leur 'a pas ouvert pour accéder à sa terrasse et bénéficier de l'énergie électrique', qu'en outre le montage des vitres doit impérativement se faire depuis l'intérieur de la terrasse afin qu'elles ne soient pas démontables de l'extérieur (pièce n°17).
[Localité 2] Habitat observe avec pertinence que la demande d'accès au logement du locataire est justifiée techniquement par l'entreprise en charge du marché, seule apte à juger des conditions nécessaires à son intervention.
Il est manifeste, en tout état de cause, qu'après la pose complète du vitrage opaque sur la terrasse, il faudra bien que le personnel de l'entreprise puisse quitter les lieux. Il est incompréhensible que M. [M] se plaigne d'être immobilisé chez lui pour raisons médicales et refuse d'ouvrir sa porte pendant trois jours pour permettre l'exécution de travaux qu'il réclame depuis des mois.
Les exigences de M. [M] apparaissent dès lors relever d'une obstruction systématique, dépourvue de raison valable. Les demandes du bailleur ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, de sorte qu'il se trouve fondé, par application de l'article 834 du code de procédure civile précité, à obtenir l'autorisation d'accéder au logement de M. [M] pour permettre la réalisation des travaux de mise en sécurité ordonnés par arrêt du 19 mars 2020.
Il convient d'assortir cette décision d'une astreinte de 100 euros, qui sera due à chaque fois que M. [M] refusera l'accès à son logement pour la bonne fin des travaux.
L'ordonnance combattue est en conséquence réformée en ce sens.
Sur les autres demandes :
[Localité 2] Habitat sollicite la condamnation de M. [M] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
Eu égard aux multiples échanges intervenus, aux diverses démarches entreprises par le bailleur depuis plusieurs mois, voire années, et à l'opposition incompréhensible de M. [M], il y a lieu de condamner ce dernier à indemniser [Localité 2] Habitat du dommage causé par la faute du locataire, et ce à hauteur de 500 euros.
Le sens du présent arrêt conduit à condamner M. [M] aux dépens de première instance et d'appel, à le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et à le condamner, par équité, au paiement d'une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
Infirme l'ordonnance du 19 novembre 2021 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Au principal, renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,
Dès à présent,
Autorise la société d'économie mixte [Localité 2] Habitat, venant aux droits de l'OPH [Localité 2] Habitat, et/ou toute personne de son chef, à accéder au logement de M. [M], sis [Adresse 1], pour permettre la réalisation des travaux de mise en sécurité du logement ordonnés par arrêt du 17 mars 2020, et ce avec, au besoin, le concours d'un huissier de justice, d'un serrurier et de la force publique,
Assortit la présente décision d'une astreinte de 100 euros, qui sera due à chaque fois que M. [M] refusera l'accès à son logement pour la bonne fin desdits travaux,
Condamne M. [M] à payer à la société d'économie mixte [Localité 2] Habitat la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la résistance injustifiée de M. [M],
Condamne M. [M] à payer à la société d'économie mixte [Localité 2] Habitat une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [M] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés,
Condamne M. [M] aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux textes en matière d'aide juridictionnelle, avec possibilité pour les dépens d'appel de recouvrement direct au profit de la SELARL Melkor, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président