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05/10/2022 | FRANCE | N°21/01052

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 05 octobre 2022, 21/01052


Arrêt n°

du 05/10/2022





N° RG 21/01052 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FAHV





MLB / LS











Formule exécutoire le :







à :



SCP DELVINCOURT- CAULIER-RICHARD -CASTELLO AVOCATS ASSOCIES



SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 05 octobre 2022





APPELANTE :



d'un jugement rendu le 30 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Industrie (n° F 20/

00356)



SAS ITRON FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par Me François VERGNE de l'AARPI GIDE LOYRETTE ...

Arrêt n°

du 05/10/2022

N° RG 21/01052 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FAHV

MLB / LS

Formule exécutoire le :

à :

SCP DELVINCOURT- CAULIER-RICHARD -CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 05 octobre 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 30 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Industrie (n° F 20/00356)

SAS ITRON FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par Me François VERGNE de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [J] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juillet 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, et Monsieur Olivier BECUWE, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 05 octobre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Monsieur Olivier BECUWE, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Abdel-Ali AIT AKKA, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société Itron France, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de solutions de comptage d'eau, de gaz et d'électricité, disposait d'un établissement situé [Adresse 2].

Au 31 octobre 2018, cet établissement comptait 126 salariés sous contrat de travail à durée indéterminée.

La société Itron France relève des accords collectifs nationaux de la métallurgie.

Monsieur [J] [B] a été engagé par une société de travail intérimaire selon contrats de mission.

À compter du 9 octobre 2017, il a été mis à la disposition de la société Itron France et cela jusqu'au 5 juillet 2019 par 22 contrats de mission, 8 l'ayant été pour remplacement d'un salarié absent et 14 pour accroissement temporaire d'activité, leur durée étant comprise entre 1 jour et 7 mois.

Un plan de sauvegarde de l'emploi a été validé le 17 décembre 2018 par décision de l'autorité administrative après qu'une première réunion du 20 juin 2018 a présenté le projet de restructuration et de compression des effectifs aux membres du comité social et économique central d'entreprise ainsi qu'aux délégués syndicaux centraux.

La fermeture de l'établissement a eu lieu dans le courant du second semestre de l'année 2020, les licenciements pour motif économique des salariés en contrat à durée indéterminée ayant été notifiés à compter du premier semestre de cette année-là.

Par requête du 30 juin 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Reims de demandes en requalification des missions d'intérim en un contrat de travail à durée indéterminée.

Par un jugement du 30 avril 2021, et le litige ayant évolué, la juridiction prud'homale a fait droit à la demande en requalification ainsi qu'au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en limitant à la fois le montant de l'indemnité de requalification, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.

Elle a, par ailleurs, rejeté la demande au titre des périodes interstitielles.

Par déclaration du 1er juin 2021, la société Itron France a fait appel.

Par des conclusions notifiées le 20 janvier 2022, auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens, elle sollicite l'infirmation du jugement et le rejet des demandes initiales en soutenant, pour l'essentiel, que la requalification ne saurait être encourue sur le fondement des articles L.1251-6 et L.1251-7 du code du travail.

Par des conclusions notifiées le 20 octobre 2021 , auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens, l'intimé forme appel incident sur des chefs de dispositif le déboutant ou limitant sa réparation et s'approprie, pour le surplus, les motifs du jugement .

MOTIVATION

1°/ Sur la requalification

A - Sur la prescription de l'action

C'est à juste titre que l'intimé soutient que le délai de prescription d'une action en requalification de contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée, fondée sur le motif du recours au travail temporaire énoncé dans les contrats de mission, a pour point de départ, en cas de succession de ses contrats, le terme du dernier d'entre eux et qu'un salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

Et ce n'est qu'à la suite de la succession des contrats de mission qu'un salarié peut constater les faits pouvant lui permettre de revendiquer la requalification et d'exercer son droit au sens de l'article 2224 du code civil.

En l'espèce, et alors que le délai de prescription applicable, tel que prévu par l'article L.1471-1 du code du travail, en sa version en vigueur, était de deux années à compter du 5 juillet 2019, terme de la dernière mission, il est constant que c'est le 30 juin 2020, par le dépôt de sa requête, que Monsieur [J] [B] a saisi le conseil de prud'hommes en requalification.

Son action en requalification, sur laquelle reposent ses prétentions, est donc recevable et rétroagit au 9 octobre 2017, jour de sa première mission, de sorte que c'est à tort que l'appelante soutient l'inverse.

Il sera ajouté au jugement attaqué qui ne statue pas sur la fin de non-recevoir.

B - Sur le bien fondé de l'action

Selon les articles L.1251-5 et L.1251-6 du code du travail, le recours au travail temporaire n'est possible que dans certains cas, tel le remplacement d'un salarié absent ou l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, et ne peut servir à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de celle-ci.

Le fait qu'une entreprise utilisatrice recourt à des remplacements temporaires de manière récurrente n'implique pas, en soi, l'existence d'un abus.

Lors de l'appréciation de la question de savoir si le renouvellement des missions temporaires est légalement justifié, il appartient donc au juge de prendre en compte toutes les circonstances de la cause, comme le nombre et la durée cumulée des contrats de mission, leurs motifs ou encore les tâches accomplies par le salarié, y compris le contexte économique dans lequel l'entreprise utilisatrice a eu recours au travail temporaire ainsi que, de façon globale, la proportion de celui-ci dans les effectifs.

En l'espèce, il n'apparaît guère contestable, et ce fait résulte plus particulièrement de la pièce n° 3 produite par l'employeur, que les embauches en contrat de travail à durée indéterminée ont cessé au sein de l'établissement au-delà du mois de décembre 2017.

Le recours au travail temporaire a, par ailleurs, présenté, sur l'ensemble de la période d'embauche, un pourcentage très élevé allant de 33 % à 50 % des effectifs complets, étant observé qu'en dernier lieu c'est-à-dire à la fin de l'année 2019, avant que ne soient notifiés les licenciements pour motif économique des salariés en contrat à durée indéterminée, l'établissement comptait moins d'une centaine de salariés en y intégrant le nombre de ceux employés sous une forme précaire, ce qui marque une baisse continue des effectifs.

Il ressort notamment des pièces n° 5, 6, 11, 12, 13, 16, 19 et 20 produites par la société Itron France que la variabilité des pics de production ne correspondait pas avec celle des embauches en intérim, et plus spécialement de celles, nombreuses, de l'intéressé affecté à l'exécution d'un même type de tâches au vu des contrats de mission et des bulletins de paie produits.

Par ailleurs, les motifs d'absence apparaissaient prévisibles, par exemple des congés divers, et les références portées sur les bons de livraison ne correspondent pas aux commandes visées dans les contrats de mission.

Il s'ensuit, et le plan de sauvegarde de l'emploi ayant été validé en décembre 2018, que les embauches en intérim, et notamment celles du salarié, ont servi à assurer un besoin structurel de main d'oeuvre pour ensuite accompagner la cessation progressive de l'activité normale et permanente du site, et cela alors même que la société Itron France, qui connaissait dès l'année 2018 le caractère inéluctable de nombreux licenciements au sein de cet établissement, n'entendait certainement pas en maintenir le fonctionnement par le recours à des emplois pérennes.

Le jugement qui fait droit à la demande en requalification et à l'indemnité afférente sera confirmé.

2°/ Sur l'action au titre du licenciement

C'est par des motifs pertinents que le conseil de prud'hommes a retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la relation requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée ayant été à tort rompue au terme de la dernière mission, et qu'il a accordé au salarié des dommages-intérêts de ce chef -qui seront confirmés en leur montant à défaut pour le salarié de caractériser l'existence d'un préjudice complémentaire lui permettant d'obtenir leur majoration- ainsi que le préavis et les congés payés afférents sur la base du salaire mensuel de 1521,25 euros.

En revanche, le salarié ne justifie pas pouvoir bénéficier de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure au sens des articles L.1235-2 et L.1235-5 du code du travail.

Par ailleurs, l'indemnité de licenciement a été exactement calculée, conformément à l'article R.1234-2 du code du travail, sur la base d'une ancienneté de 1 an et 9 mois.

Le jugement sera donc partiellement infirmé.

3°/ Sur la perte de chance de bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi

Par le biais du plan de sauvegarde, un nombre important d'aides a été accordé aux salariés sous forme d'accompagnement au reclassement et de versement d'indemnités complémentaires de licenciement.

Ce plan était applicable, en sa page 63, à tous les salariés bénéficiaires d'un contrat à durée indéterminée, sans condition d'ancienneté, et licenciés pour motif économique dans le cadre de la procédure de fermeture du site.

Monsieur [J] [B], en sa qualité d'intérimaire, n'a pu en bénéficier alors que la relation de travail s'était poursuivie jusqu'au 5 juillet 2019, soit après la première réunion précitée du 20 juin 2018 et la validation du plan.

Il s'ensuit que le salarié, qui aurait été licencié pour motif économique, a perdu une éventualité favorable d'en profiter.

Il réclame la somme de 25 000 euros.

Son préjudice sera évalué à la somme de 4 000 euros compte tenu de sa qualification et du dispositif prévu.

Le jugement sera confirmé.

4°/ Sur le rappel de salaire au titre des périodes interstitielles

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande.

5°/ Sur le rappel de salaire au titre de l'horaire contractuel prévu

L'intéressé réclame la somme de 354,12 euros, outre congés payés, au titre des mois de février, avril et juin 2018, et juin 2019 correspondant à des heures prévues mais non payées.

A - Sur la recevabilité de la demande

C'est à tort que l'employeur excipe de l'irrecevabilité pour nouveauté de cette demande, celle-ci étant, en application de l'article 566 du code de procédure civile, l'accessoire des prétentions au titre de la rupture du contrat de travail soumises au conseil de prud'hommes relatives au paiement du temps de travail.

La demande sera déclarée recevable.

B - Sur le bien-fondé de la demande

C'est à juste titre que le salarié formule cette demande dès lors qu'il n'est pas démontré l'entier paiement des heures prévues et que l'employeur, mis en mesure de combattre le décompte suffisamment précis de l'intimé, ne le réfute pas complètement en application de l'article L.3171-4 du code du travail, peu important, contrairement à ce qu'il soutient, que les travailleurs temporaires n'entrent pas dans le champ d'application de la mensualisation.

6°/ Sur la remise des documents

Il y a lieu d'ordonner la remise, par la société Itron France, à Monsieur [J] [B] de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail ainsi que d'un bulletin de salaire reprenant l'ensemble des sommes allouées à l'intéressé, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une quelconque astreinte, que celui-ci ne sollicite pas à hauteur d'appel.

7°/ Sur les frais irrépétibles de première instance et d'appel

Il sera équitable de condamner la société appelante, qui sera déboutée de ce chef ayant partiellement succombé, à payer à l'intimé la somme globale de 150 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement rendu le 30 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Reims sauf en ce qu'il a condamné la société Itron France à payer à Monsieur [J] [B] les sommes de 1521,25 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement et 500 euros au titre de l'indemnité de procédure et sauf du chef de l'astreinte ;

L'infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit recevables les demandes en requalification et en rappel de salaire au titre des heures prévues et non payées ;

Condamne la société Itron France à payer à Monsieur [J] [B] la somme de 354,12 euros outre les congés payés au titre des heures prévues et non payées ;

Déboute Monsieur [J] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables ;

Condamne la société Itron France à payer à Monsieur [J] [B] une indemnité de 150 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute la société Itron France de sa demande d'indemnité de procédure ;

Condamne la société Itron France aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01052
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;21.01052 ?
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