ARRET N°
du 13 septembre 2022
R.G : N° RG 22/00786 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFBL
S.A.S. RENLAQ
c/
S.C.P. NOEL NODEE [I]
S.A.R.L. FONCIERE MALES
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
d'une ordonnance de référé rendue le 25 janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TROYES
S.A.S. RENLAQ
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil FIDAL avocats au barreau de l'AUBE
INTIMEES :
S.C.P. NOËL NODÉE LANZETTA de mandataires judiciaires
prise en la personne de Me [O] [I], ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL FONCIÈRE MÂLES
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non comparante, non représentée bien que régulièrement assignée
S.A.R.L. FONCIÈRE MÂLES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non comparante, non représentée bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseiller
Mme Sandrine PILON, conseiller
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé ;
DEBATS :
A l'audience publique du 05 juillet 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 septembre 2022,
ARRET :
Par défaut prononcé par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 5 juillet 2017, la SARL FONCIERES MALES, a acquis auprès de la SAS RENLAQ,un bien immobilier sis [Adresse 6] pour un montant total de 875.000 euros, dont le versement a été échelonné sur une durée de 36 mois, en vertu d'un crédit vendeur.'
Lors de la vente, ce bien immobilier était loué à la SARL LE MOULIN DES LUTINS, exerçant une activité de boulangerie pâtisserie. Celle-ci était en redressement judiciaire depuis le 4 juin 2015 et a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 13 mars 2018, fixant la date de cessation des paiements au 2 juin 2017.
Par acte du huissier en date du 13 janvier 2020, la SAS RENLAQ a fait délivrer à la SARL FONCIERES MALES un commandement de payer la somme de 242.200 euros au titre des échéances impayées en visant la clause résolutoire comprise dans l'acte de vente.
Par acte du huissier en date du 17 novembre 2020, la SAS RENLAQ a fait assigner la SARL FONCIERES MALES devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Troyes, sur le fondement des articles 834 du code de procédure civile et 1656 du code civil aux fins de voir:
-constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans l'acte de cession du 5 juillet 2017, compte-tenu du commandement de payer infructueux,
-juger la vente résolue de plein droit,
-ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, outre sa condamnation à payer la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par un jugement du 24 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL FONCIERES MALES et a désigné la SCP NOLE NODEE [I], prise en la personne de Me [O] [I] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte huissier en date du 23 août 2021, la SAS RENLAQ a fait assigner Maître [I], ès-qualités, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Troyes aux fins de voir déclarer commune et opposable, la procédure précédemment introduite à l'encontre de la SARL FONCIERES MALES, ainsi que le jugement à venir sur le fondement des articles L 622-22 et R 622-20 du code de commerce et 331 du code de procédure civile.
Par une ordonnance rendue le 14 septembre 2021, le juge des référés a ordonné la jonction des deux procédures, rendant ainsi opposable à Maître [I], ès-qualités, la procédure introduite le 17 novembre 2020 par la SAS RENLAQ contre la SARL FONCIERES MALES.
Par décision en date du 25 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Troyes a :
-déclaré la présente ordonnance communie opposable à Maître [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL FONCIERE MALES,
-déclaré irrecevable l'action formée par la SAS RENLAQ et rejeté en conséquence l'ensemble de ses demandes,
-dit n'y avoir lieu à référé concernant les demandes reconventionnelles,
-rejeté en conséquence la demande formée par la SARL FONCIERE MALES tendant à la nullité du commandement de payer,
-rejeté les demandes des parties en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
-laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Par un acte en date du 5 avril 2022, la' SAS RELAQ a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 14 avril 2022, la SAS RENLAQ conclut à l'infirmation partielle de l'ordonnance déférée et demande' à la cour de':
-constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant à l'acte de cession du 5 juillet 2017 entre les sociétés RENLAQ et FONCIERE MALES, à la date du 13 février 2020 compte tenu du commandement de payer infructueux délivré le 13 janvier 2020,
- constater la résolution de la vente du bien, par application de la clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant l'ouverture du jugement de liquidation judiciaire,
-ordonner l'expulsion de la société FONCIERE MALES et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique, si besoin,
-fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société FONCIERE MALES aux sommes suivantes :
-65.000 euros au titre des loyers perçus,
-61.916 euros au titre des frais de notaire,
-61.208 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
et subsidiairement à la somme de 819.600 euros.
Elle réclame en outre le paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles par le liquidateur et la même somme par la SARL FONCIERE MALES.
La société RENLAQ explique que l'option qu'elle a choisie, à savoir faire jouer la clause résolutoire, ayant produit ses effets avant l'ouverture de la liquidation, signifie que l'obligation de la SARL FONCIERE MALES envers elle, à l'ouverture de la liquidation, n'était plus de payer le reliquat du prix de vente, cette dernière s'étant trouvée résolue de plein droit, mais plutôt de restituer le bien, en contrepartie de la restitution par la société RENLAQ' des échéances déjà perçues.
Elle expose qu'elle a adressé au liquidateur une demande de restitution du bien immobilier, mais que le liquidateur lui a opposé le fait qu'il faille une décision antérieure à l'ouverture de la procédure collective constatant l'acquisition de la clause résolutoire, alors que selon elle, la clause résolutoire joue de plein droit, le juge ne pouvant que la constater.
Elle soutient que la clause résolutoire et dès lors la résolution de la vente était acquise avant l'ouverture de la procédure collective.
Elle invoque l'application d'une jurisprudence de la cour de cassation prescrivant «'qu'aucun texte ne s'oppose à ce qu'un tribunal constate, après le jugement d'ouverture d'une procédure collective, l'acquisition, pour défaut de paiement d'une fraction du prix, de la clause résolutoire insérée dans l'acte de vente de biens immobiliers dès lors que n'est pas en cause la résiliation du bail d'un immeuble affecté à l'activité de l'entreprise en liquidation judiciaire'».
La déclaration d'appel et les conclusions de la SAS RENLAQ ont été signifiées à étude à Maître [I], ès-qualités et à une secrétaire habilitée à recevoir l'acte s'agissant de la SARL FONCIERE MALES. Les intimées n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.
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MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la clause résolutoire
Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans la limite de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Il entre dans les pouvoirs du juge des référés de constater l'application d'une clause résolutoire de plein droit, le caractère provisoire d'une ordonnance de référé n'impliquant pas qu'il soit interdit au juge des référés de prendre une mesure de nature à causer un préjudice à l'une des parties.
Dans l'acte de vente du 5 juillet 2017 liant la SAS RENLAQ à la SARL FONCIERE MALES a été insérée en page 7 une clause prévoyant «'Qu'à défaut de paiement exact à son échéance d'un seul terme du principal et des intérêts, s' il y a lieu et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux, les sommes qui resteront alors dues, deviendront immédiatement et de plein droit exigibles sans qu'il soit besoin de remplir aucune autre formalité judiciaire, ni de faire prononcer en justice la déchéance du terme nonobstant toutes offres de paiement et consignations ultérieures.
Qu'au surplus, à défaut de paiement de tout ou partie du prix dans les termes convenus, et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux', la vente sera résolue de plein droit, conformément aux dispositions de l'article 1656 du Code civil, si le commandement contient déclaration formelle par le vendeur de son intention de profiter de la présente clause'».
Par acte huissier en date du 13 janvier 2020, la SAS RENLAQ a fait signifier à la SARL FONCIERE MALES un commandement de payer la somme principale de 242.200 euros correspondant aux échéances du crédit vendeur de décembre 2017 à septembre 2019 et impayées selon l'attestation du cabinet d'expertise comptable SECC datée du 21 octobre 2019. Ce commandement de payer signifié à l'acquéreur visait clairement les termes du contrat et notamment l'intention de la SAS RENLAQ de se prévaloir de la résolution du contrat de plein droit de la vente puisqu'il était énoncé que «'En outre, la requérante ENTEND EGALEMENT SE PREVALOIR DE LA RESOLUTION DE PLEIN DROIT DE LA VENTE, conformément aux dispositions de l'article 1656 du Code civil et qui sera acquise UN MOIS APRES le présent commandement de payer demeuré infructueux'.
Ainsi, la clause résolutoire s'est trouvée acquise un mois après la signification du commandement de payer, soit le 13 février 2020, en l'absence de paiement par la SARL FONCIERES MALES. S'il est justifié de ce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL FONCIERES MALES a été prononcé le 24 mars 2021, toutefois force est de constater que ce jugement est postérieur à l'acquisition de la clause résolutoire. En effet, contrairement à l'analyse faite par le premier juge, la cour rappelle que le principe d'interruption des poursuites individuelles posé par l'article L 622-21 I 2° du code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de le constat de la résolution.
Dans ces conditions, il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 13 février 2020, d'ordonner l'expulsion de la SARL FONCIERES MALES et de tous occupant de son chef, et si besoin, avec le concours de la force publique, et par conséquent d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré la SAS RENLAQ irrecevable en son action.
*Sur les provisions réclamées par la SAS RENLAQ
En vertu de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le fait que le bien vendu ait fait parallèlement l'objet d'une exploitation commerciale dans le cadre d'une activité de boulangerie pâtisserie ne permet pas au juge des référés qui est le juge de l'évidence de trancher une question de fond et de se positionner sur le bien-fondé d'une créance hypothétique et/ou d'une perte de chance.
Au cas présent, la SAS RENLAS sollicite le remboursement à son profit des loyers que la SARL RENLAQ aurait perçu auprès de la SARL LE MOULIN DES LUTINS et indique dans ses écritures «'durant plusieurs mois (vraisemblablement 2 juillet 2017 à mars 2018). Force est de constater qu'il s'agit d'une créance hypothétique et il en est de même s'agissant des frais de notaire et des dommages et intérêts censés indemnisés un redressement fiscal pour lesquels il n'est démontré aucune certitude quant à l'engagement de la dépense à la charge de la SAS RENLAQ'.
Par ailleurs, la résolution de la vente ayant pour finalité d'obtenir la restitution du bien, la SAS RENLAQ n'est pas fondée à obtenir le paiement des échéances impayées. La cour estime qu'il existe une contestation sérieuse.
Par conséquent, il convient de rejeter les demandes de la SAS RENLAQ en fixation de créances provisionnelles au passif de la liquidation judiciaire de la SARL FONCIERE MALES.
*Sur les autres demandes
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les intimées succombant, elles seront tenues in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de l'espèce commandent de condamner le liquidateur, ès-qualités à payer à la SAS RENLAQ la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
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La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
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INFIRME 'l'ordonnance rendue le' 25 janvier 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Troyes, en ce qu'il a':
-déclaré irrecevable l'action formée par la SAS RENLAQ,
-rejeté l'ensemble des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
Et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action formée par la SAS RENLAQ.
Constate l'acquisition de la clause résolutoire figurant à l'acte de cession intervenue le 5 juillet 2017 entre les sociétés RENLAQ et FONCIERE MALES, à la date du 13 février 2020.
Constate la résolution de la vente du bien sis [Adresse 4] et cadastré section [Cadastre 7] lieudit [Localité 8] pour une surface de 26a 24ca, par application de la clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant l'ouverture du jugement de liquidation judiciaire prononcé au profit de la SARL FONCIERE MALES.
Rejette les demandes de la SAS RENLAQ en fixation de créances provisionnelles au passif de la liquidation judiciaire de la SARL FONCIERE MALES.
Condamne Maître [I], ès-qualités à payer à la SAS RENLAQ la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Condamne in solidum la SARL FONCIERE MALES et Maître [I], ès-qualités, aux dépens de première instance et d'appel.
La confirme pour le surplus
Le greffier La présidente