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05/07/2022 | FRANCE | N°21/01125

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 05 juillet 2022, 21/01125


ARRET N°

du 05 juillet 2022



R.G : N° RG 21/01125 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FAM7





[X]

[O]





c/



[U]











VM







Formule exécutoire le :

à :



la SELARL M.H. ROFFI JURIS CONSEIL



la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 05 JUILLET 2022



APPELANTS :

d'un jugement rendu le 18 mai 2021

par le Tribunal de Commerce de REIMS



Monsieur [R] [X]

13 rue Lelarge

51110 BAZANCOURT



Représenté par Me Marie-hélène ROFFI de la SELARL M.H. ROFFI JURIS CONSEIL, avocat au barreau de REIMS



Madame [P] [O] épouse [X]

13 rue Lelarge

51110 BA...

ARRET N°

du 05 juillet 2022

R.G : N° RG 21/01125 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FAM7

[X]

[O]

c/

[U]

VM

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL M.H. ROFFI JURIS CONSEIL

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 05 JUILLET 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 18 mai 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS

Monsieur [R] [X]

13 rue Lelarge

51110 BAZANCOURT

Représenté par Me Marie-hélène ROFFI de la SELARL M.H. ROFFI JURIS CONSEIL, avocat au barreau de REIMS

Madame [P] [O] épouse [X]

13 rue Lelarge

51110 BAZANCOURT

Représentée par Me Marie-hélène ROFFI de la SELARL M.H. ROFFI JURIS CONSEIL, avocat au barreau de REIMS

INTIME :

Monsieur [Y] [U]

3 Route de chez DELAVY

74600 SEYNOD

Représenté par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître CRESPE avocat au barreau de ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 30 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [U] et M. [G] étaient gérants de la société Techmoform située à Meythet (74).

Ces derniers ont régularisé un protocole d'accord de vente des parts sociales de l'entreprise sous conditions suspensives avec M. [X] avec faculté de substitution pour un prix de 800 000 euros les 14 et 19 janvier 2015.

Il était prévu à l'article 3 de ce protocole que la trésorerie minimale nette au 31 mars 2015 (il s'agissait de la date butoir de la cession) devait être au moins égale à 85 000 euros ; que dans l'hypothèse où ce montant ne serait pas atteint, les vendeurs laisseraient à disposition de la société en compte courant la différence entre ce montant et le montant de la trésorerie nette au 31 mars pendant 12 mois ; que la société Techmoform s'engageait à rembourser les sommes en compte courant au vendeur le 31 mars 2016 au plus tard ; enfin, que M. et Mme [X] à titre personnel s'engageaient à rembourser lesdites sommes en compte courant dans l'hypothèse où la société Techmoform serait défaillante en se portant caution au jour de la cession et au plus tard dès la mise à disposition des sommes.

Suite à un retard dans l'obtention du prêt de M. [X], un avenant au protocole de vente a été régularisé les 15 et 16 avril 2015.

Le prix de cession des titres et les modalités de paiement ont été modifiés ainsi que la date butoir pour rembourser les sommes.

Les conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 15 mai 2015.

M. [U] a procédé à un apport de 11 606 euros et son compte courant d'associé est devenu créditeur de 13 587, 36 euros.

Le transfert effectif des parts est intervenu le 28 juillet 2015 au bénéfice de la société Techmo-Finances dont M. [X] était le gérant.

Le tribunal de commerce d'Annecy a prononcé le 7 mars 2017 l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Techmoform et le 7 avril 2017, il a arrêté le plan de cession de cette société et prononcé sa liquidation judiciaire.

L'associé unique de la société Techmoform était la société Techmo-Finances.

M. [U] a déclaré sa créance au passif de la société Techmoform pour un montant de 25 193, 36 euros correspondant à son compte courant d'associé.

Du fait de l'irrecouvrabilité constatée le 25 mars 2019 par cette liquidation judiciaire, M. [U] a mis en demeure M. [X] de procéder au règlement de cette somme.

M. [X] n'a adressé aucun règlement.

Par acte d'huissier du 16 avril 2019, M. [U] a assigné M. et Mme [X] devant le tribunal de commerce de Reims aux fins de les voir condamner au paiement de la somme objet de la déclaration de créance au motif de leur manquement à l'obligation de faire de résultat mise à leur charge dans le protocole de vente sous conditions suspensives de remboursement du compte courant s'associé, soit se porter caution à titre personnel (la partie lésée peut demander l'équivalent en dommages et intérêts de l'obligation violée définie lors de la conclusion du contrat) et in fine sur le fondement de l'article 1142 ancien du code civil.

Les demandes ont été contestées par M. et Mme [X].

A titre reconventionnel, ils ont soulevé, sur le fondement délictuel autorisant un tiers à invoquer un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, le manquement de M. [U] à ses obligations contractuelles contenues dans le protocole de cession en ayant sciemment dissimulé des évènements antérieurs à la cession (notamment une dégradation de la trésorerie, un défaut d'entretien des machines, une perte importante de clients, un climat social délétère, outre la violation d'une clause de non-concurrence, dont les conséquences ont provoqué la liquidation judiciaire de la société ; ils ont demandé en conséquence la condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 309 086 euros en raison du préjudice subi constitué par le montant de leur apport en capital social et en compte courant, ce à quoi M.[U] a opposé une fin de non-recevoir tirée de leur défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Par décision rendue le 18 mai 2021, le tribunal a fait droit à la demande de M. [U], outre le paiement de frais irrépétibles.

Par déclaration reçue le 2 juin 2021, M. et Mme [X] ont formé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 15 février 2022, ils demandent à la cour de :

Vu les arrêts de l'assemblée plénière de la Cour de cassation des 6 octobre 2006 n° de pourvoi 05-13255 et 13 janvier 2020 n° de pourvoi 17-19.963, autorisant un tiers à un contrat à invoquer, sur le fondement délictuel, un manquement contractuel du cocontractant, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage,

- déclarer Monsieur [R] [X] et Madame [P] [O] épouse [X] recevables et biens fondés en leur appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 18 mai 2021,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 18 mai 2021 dans les limites de l'appel principal, et statuant à nouveau,

- débouter Monsieur [Y] [U] de sa fin de non-recevoir tirée du prétendu défaut

d'intérêt légitime, d'intérêt à agir et de qualité à agir, de toutes ses demandes et

prétentions et de son appel incident,

- condamner Monsieur [Y] [U] à payer à Monsieur [R] [X] et à Madame [P] [O] épouse [X] la somme de trois cent neuf mille quatre vingt six euros (309 086 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice résultant directement des manquements contractuels caractérisés à l'encontre de Monsieur [Y] [U] dans la cession des parts sociales de la société Techmoform,

- condamner Monsieur [Y] [U] au paiement de la somme de quinze mille euros (15 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de

recouvrement direct au profit de la SELARL MH Roffi Juris Conseil, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 11 mars 2022, M. [U] demande à la cour de :

Vu les articles 1147 anciens et suivants du code civil,

Vu les articles 1130 et 1137 du ode civil,

Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

I. Sur la demande principale de M. [U] :

- constater que Monsieur et Madame [X] ont manqué à l'obligation de faire mise à leur

charge par le protocole de vente sous conditions suspensives en date des 14 et 19 janvier 2015

modifié par l'avenant en date des 15 et 16 avril 2015,

Par conséquent,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Reims en date du 18 mai 2021 en ce qu'il a :

* Monsieur [Y] [U] en ses demandes, l'a déclaré bien fondé ;

* condamné Monsieur [R] [X] et Madame [P] [O] épouse [X] à payer

à Monsieur [Y] [U] la somme de 25 196,36 €, outre intérêts au taux légal à compter

du prononcé du jugement ;

* condamné Monsieur [R] [X] et Madame [P] [O] épouse [X] à verser à Monsieur [Y] [U] la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties ;

* ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

* condamné Monsieur [R] [X] et Madame [P] [O] épouse [X] aux

entiers dépens de l'instance

II. Sur la demande reconventionnelle des époux [X] :

1. A titre principal :

- déclarer Monsieur [Y] [U] recevable et bien fondé en son appel incident ;

- constater que le tribunal de commerce de Reims a fait état dans ses motifs de l'irrecevabilité

de la demande des époux [X] mais n'a pas tiré les conséquences de ses propres

constatations en procédant à un examen au fond de la demande reconventionnelle des époux [X] ;

Par conséquent,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a procédé à un examen au fond de la demande

reconventionnelle des époux [X] tendant à la condamnation de Monsieur [Y] [U] au paiement de la somme de 309 086 € à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable, sans examen au fond, la demande reconventionnelle des époux

[X] tendant à la condamnation de Monsieur [Y] [U] au paiement de la somme de

309 086 € à titre de dommages et intérêts ;

2. A titre subsidiaire :

- constater que les époux [X] ne démontrent pas l'existence tant de man'uvres dolosives, que de manquements contractuels par Monsieur [Y] [U] lors de la cession

des parts sociales de la société Techmoform ni ne justifient de la réalité du prétendu préjudice

subi ;

Par conséquent,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [X] et Madame

[P] [O] épouse [X] de leurs demandes ;

III. En tout état de cause :

- condamner Monsieur [R] [X] et Madame [P] [O] épouse [X] à payer à

Monsieur [Y] [U] la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION :

La demande principale de M. [U] aux fins de condamnation de M.et Mme [X] au paiement de la somme de 25 193,36 euros :

Compte tenu de la date des conventions, les textes applicables au cas d'espèce sont les articles 1142 et suivants anciens du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

L'article 1142 ancien du code civil dispose que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur.

Par application de l'article 1146 ancien du même code, les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante.

L'article 1147 ancien dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Enfin, aux termes de l'article 1150 ancien, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

En l'espèce, il est constant que le protocole de vente de parts sociales sous conditions suspensives des 14 et 19 janvier 2015 signé entre M. [U] et M. [G] d'une part et M. [X] (avec l'intervention de son conjoint, Mme [O]) d'autre part, prévoit expressément en page 6 que M.et Mme [X] à titre personnel s'engagent à rembourser à M. [U] son compte courant d'associé dans l'hypothèse où la société Techmoform serait défaillante et ce en se portant caution au jour de la cession ou au plus tard dès la mise à disposition des sommes.

Cet engagement est repris dans l'avenant signé par les parties les 15 et 16 avril 2015.

Il est également acquis que M. et Mme [X] n'ont pas régularisé d'acte de cautionnement.

Pour s'opposer à la demande en paiement, M. et Mme [X] soutiennent que les vendeurs n'ont pas sollicité la régularisation du contrat de cautionnement prévu dans le compromis lors de la signature de la vente définitive régularisée sous forme de bordereaux de mouvement et qu'ils y ont donc expressément renoncé ; qu'il n'y a pas eu au surplus de mise en demeure de souscrire ce cautionnement ; qu'enfin, le protocole n'a pas prévu de dommages et intérêts en cas d'inexécution de l'obligation de faire comme prévu à l'article 1150 ancien du code civil.

Il ressort du protocole que M. et Mme [X] avaient une obligation de faire qui s'analyse en une obligation de résultat qu'ils n'ont pas respectée en ne formalisant pas l'acte de cautionnement auquel ils s'étaient engagés.

Il s'agit d'un manquement à leur obligation contractuelle.

La renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son titulaire d'y renoncer.

Il doit donc s'agir d'une renonciation expresse et il importe peu que la partie concernée ait été assistée d'un conseil lors de la formalisation du protocole de vente contenant la disposition objet du litige, la renonciation ne pouvant résulter ni d'une simple inaction du créancier de l'obligation à exiger la communication du cautionnement ni de son silence qui ne veut pas renonciation à son droit.

Aucun acte ultérieur n'est venu remettre en cause leur engagement.

M. et Mme [X], sur lesquels repose la charge de la preuve et qui n'invoquent qu'une renonciation tacite à l'acte, ne démontrent donc pas que M. [U] ait renoncé à son droit d'exiger un cautionnement.

Les appelants ne peuvent pas davantage se prévaloir de l'absence de mise en demeure de souscrire cet acte.

C'est en effet à juste titre que M. [U] leur oppose que l'inexécution était acquise dès lors qu'il justifie avoir apporté à la société Techmoform une somme de 11 606 euros le 5 septembre 2015 et que celle-ci a confirmé par une attestation le 28 septembre 2015 que le compte courant d'associé de M. [U] était ainsi devenu créditeur de la somme de 25 193,36 euros, et ce alors que l'acte de cautionnement devait normalement être formalisé au jour de la cession ou au plus tard dès la mise à disposition des sommes.

En tout état de cause, l'assignation qui a été délivrée par M. [U] aux époux [X] le 16 avril 2019 d'avoir à payer la somme de 25 193,36 euros à titre de dommages et intérêts vaut mise en demeure.

Enfin, c'est à tort que les appelants opposent le fait que le protocole de vente n'ayant pas prévu d'indemnisation pour l'absence de souscription du cautionnement, M. [U] ne peut les actionner en paiement.

Il n'est en effet pas exigé par l'article 1150 ancien précité que le contrat ait prévu une indemnisation en cas de défaillance du contractant mais il suffit pour ouvrir droit à indemnisation que le dommage ait été

prévisible lors de la conclusion du contrat avec pour seule réserve que les dommages et intérêts soient limités à ce qui a été expressément prévu dans ce contrat.

Tel est le cas en l'espèce puisque M. [U], qui peut se prévaloir du non paiement de son compte courant d'associé, sollicite l'équivalent monétaire en dommages et intérêts de l'obligation violée, soit le montant de son compte courant d'associé créditeur dans la société Techmoform qui aurait dû être garanti par le cautionnement personnel de M. et Mme [X].

M. [U] justifie par ailleurs d'un préjudice en lien direct et certain avec l'inexécution contractuelle de ses cocontractants constitué par l'impossibilité de recouvrer totalement et définitivement les sommes auprès de la société Techmoform ainsi que l'atteste le mandataire liquidateur,la SELARL Bouvet & Guyonnet, le 25 mars 2019.

M. et Mme [X] sont par conséquent redevables de la somme de 25 193,36 euros à titre de dommages et intérêts du fait de leur inexécution contractuelle.

Toutefois, dans la mesure où ils ne se sont pas engagés à souscrire un cautionnement solidaire pour garantir la dette de la société Techmoform mais uniquement un cautionnement personnel à chacun , ils sont en droit d'opposer à leur créancier, comme ils le revendiquent à juste titre dans leurs écritures, les effets du bénéfice de division dont ils auraient profité s'ils avaient rempli leur obligation de souscrire un cautionnement, de sorte que la dette doit être partagée par moitié entre eux.

La décision sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a condamné M. et Mme [X] au paiement de la

somme de 25 193,36 euros sans autre précision.

M. et Mme [X] seront condamnés à payer à M. [U] la somme de 25 193,36 euros à hauteur de 50 % chacun, soit 12 596,68 euros pour M. [X] et 12 596,68 euros pour Mme [O] épouse [X].

Cette condamnation produira intérêt au taux légal à compter de cet arrêt conformément à l'article 1231-7 du code civil et les intérêts seront capitalisés suivant les conditions posées par l'article 1343-2 du même code.

La demande reconventionnelle de M.et Mme [X] :

A titre reconventionnel, M. et Mme [X] sollicitent la condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 309 086 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice résultant directement des manquements contractuels caractérisés à l'encontre de M. [U] dans la cession des parts sociales de la société Techmoform constitués par un dol (M. [U] leur a caché des informations sur la santé de la société) et par la violation d'une clause de non concurrence.

Les demandeurs reconventionnels agissent exclusivement sur le fondement délictuel des articles 1382 et 1383 anciens du code civil qui autorise un tiers à un contrat à invoquer sur ce fondement un manquement contractuel du cocontractant dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, et ce suivant une jurisprudence maintenant bien établie et rappelée récemment dans un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 13 janvier 2020 n° de pourvoi 17-19.963.

Ils invoquent comme support de leur action l'acte de cession des parts sociales du 28 juillet 2015 au bénéfice de la société Techmo-Finances qui s'est substituée in fine aux époux [X] pour leur acquisition.

M. [U] leur oppose à titre principal l'irrecevabilité de leur demande pour défaut d'intérêt et de qualité à agir en soutenant que la cession des parts sociales de la société Techmoform le 28 juillet 2015 est intervenue au bénéfice de la société Techmo-Finances et que seul le mandataire liquidateur de cette société a qualité et intérêt à agir pour solliciter une indemnisation.

Il soutient également que les époux [X] ne peuvent se prétendre victimes de vices du consentement au titre de la cession des parts sociales de la société Techmoform alors que ladite cession est intervenue au bénéfice de la société Techmo-Finances.

Il s'estime fondé à solliciter la réformation du jugement en ce qu'il a nécessairement déclaré recevable la demande reconventionnelle des époux [X] du fait de l'examen au fond de l'affaire, et ce alors que les premiers juges ont dit que la fin de non-recevoir devait être accueillie sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile tout en statuant au fond par la suite.

Il est admis par nuance à l'effet relatif des contrats qu'un tiers à un contrat puisse se prévaloir d'un dommage délictuel causé par un manquement contractuel d'une partie dès lors que ce manquement est directement à l'origine d'un préjudice subi par lui.

Pour autant, l'invocation, assez singulière, par les époux [X] d'un fondement délictuel à leur action est conditionnée au fait qu'il existe un contrat auquel ils sont tiers contrat qui est le support nécessaire de leur demande indemnitaire, mais également qu'ils ne soient pas parties à celui concerné par le manquement contractuel leur ayant causé un préjudice dans la mesure où, dans cette situation, ils se doivent d'agir exclusivement sur le fondement contractuel pour voir sanctionner la violation de ses obligations contractuelles par leur cocontractant.

En raison du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, il n'est en effet pas permis au cocontractant déplorant un manquement à une obligation contractuelle de se situer sur le terrain de la responsabilité délictuelle.

Il ressort du protocole de vente de parts sociales des 14 et 19 janvier 2015 (l'avenant n'a rien modifié de fondamental à cet égard, seule la vente des titres ayant été différée) qu'il a été établi sous deux conditions suspensives (article 9) :

- la transformation de la SARL Techmoform en société par actions simplifiée,

- l'octroi d'un prêt à M. [X] pour financer l'acquisition des parts sociales composant le capital social de la société Techmoform.

Aucune autre condition suspensive tenant notamment à la nécessité de réitération de cet acte pour tenir compte de la faculté de substitution exercée par M. [X] au profit de la société Techmo-Finances (disposition prévue dans l'article 1 du protocole) n'y est prévue.

Il s'en déduit que le protocole de vente vaut acte de cession dès lors que les deux conditions suspensives ont été réalisées, point qui n'est pas contesté.

C'est par conséquent par un artifice juridique qu'ils entendent se prévaloir d'un acte de cession auquel ils seraient tiers alors que c'est le protocole auquel ils sont parties qui vaut acte de cession, peu important qu'ils se soient substitués la société Techmo-Finances,

M. [X] restant d'ailleurs aux termes du protocole responsable de l'exécution de l'engagement et des autres actes déclarés indivisibles à celui-ci.

"L'acte du 28 juillet 2015" qu'ils invoquent n'est en réalité que le mouvement de fonds des parts sociales réalisé au bénéfice de la société Techmo-Finances et tout au plus la matérialisation concrète d'un acte de cession qui était déjà constitué par la signature du protocole valant vente.

Il est à cet égard expressément précisé dans le protocole de vente sous conditions suspensives que sous réserve de la réalisation définitive de l'ensemble des conditions suspensives mentionnées à l'article 9, la vente sera irrévocable et l'acquéreur s'engagera à acquérir personnellement les parts sociales ou par toute personne qu'il se substituerait mais en restant garant et répondant solidaire de la bonne exécution du protocole et de l'entier paiement du prix'.

Même à considérer qu'il existerait un acte de cession définitif distinct du protocole, acte auquel M. [X] serait tiers et qu'il serait en droit d'attaquer (étant rappelé qu'il s'est substitué la SARL Techmo-Finances qu'il avait constituée avec son épouse avant sa liquidation et dont il était le gérant), il ne peut, par la voie délictuelle, faire valoir des moyens de droit à l'appui de sa demande indemnitaire qui concernent en réalité le protocole et son avenant auxquels il est partie et qu'il doit nécessairement critiquer par la voie contractuelle.

En effet, il ressort des écritures des appelants qu'ils invoquent les difficultés rencontrées par M. [X] dans la gestion de la société Techmoform postérieurement à l'acquisition des actions qui trouvent leur source dans des évènements et faits antérieurs à la cession intervenue le 28 juillet 2015 ; que ces faits sont en réalité inhérents à la formation du contrat (celui des 14 et 19 janvier 2015) puisqu'ils invoquent un vice du consentement (le dol), qui n'est pas au demeurant un manquement contractuel au sens des arrêts de l'assemblée plénière qui ont reconnu le bien fondé de l'action délictuelle exercée par un tiers au contrat, mais une cause de nullité du contrat ; qu'il importe peu que ce dol ait été découvert selon eux postérieurement à la cession, le support de leur contestation étant le contrat auquel ils sont parties; que M. [X] reconnaît d'ailleurs dans ses écritures qu'il estime avoir été victime d'un dol ayant provoqué son erreur et ayant vicié son consentement.

Ils invoquent également des violations contractuelles dont un manquement contractuel par M. [U] de la clause de non-concurrence, clause qui est annexée au protocole de vente sous conditions suspensives des 14 et 19 janvier 2015 et dont la violation (il s'agit là d'un manquement contractuel au sens des arrêts de la Cour de cassation), concerne là encore le protocole auquel M. [X] est partie avec l'intervention de son épouse, cette clause étant faite à son bénéfice et à celui de la société Techmoform, étant précisé que cette clause de non-concurrence est reprise dans la convention de garantie d'actif et de passif du 28 juillet 2015 relative à la cession des actions de la société Techmoform par M. [U] et M. [G] à la société Techmo-Finances représentée par M. [X] qui n'est pas l'objet du litige, M. [X] ayant fait le choix de ne pas l'actionner.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. et Mme [X], qui sont recevables en leur demande dans la mesure où un fondement juridique inapproprié n'est pas une fin de non-recevoir, doivent en être déboutés sur le fondement délictuel sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs reprochés à M. [U], leur demande indemnitaire ayant pour seule cause le protocole de vente des 14 et 19 janvier 2015 et son avenant des 15 et 16 avril 2015 auxquels ils sont parties.

La décision sera infirmée en ce qu'elle a dit que la demande était irrecevable et en ce qu'elle a néanmoins statué au fond en déboutant M. et Mme [X] de leur demande.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera infirmée.

Succombant en leur appel, M. et Mme [X] ne peuvent prétendre à une indemnité à ce titre.

L'équité commande qu'il soit alloué à M. [U] la somme de 8 000 euros pour l'ensemble des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.

Les dépens :

M. et Mme [X] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal de commerce de Reims.

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [R] [X] et Mme [P] [O] épouse [X] à payer à M. [Y] [U] la somme de 25 193,36 euros à hauteur de 50 % chacun, soit 12 596,68 euros pour M. [X] et 12 596,68 euros pour Mme [O] épouse [X] ;

Dit que cette condamnation porte intérêt au taux légal à compter de cet arrêt avec capitalisation des intérêts dès lors que les intérêts échus sont dus pour une année entière.

Déclare recevable la demande reconventionnelle formée sur le fondement délictuel par M.[R] [X] et Mme [P] [O] épouse [X] tendant à la condamnation de

M. [U] au paiement de la somme de 309 086 euros à titre de dommages et intérêts mais les en déboute.

Condamne M. [R] [X] et Mme [P] [O] épouse [X] à payer à M. [Y] [U] la somme de 8 000 euros pour l'ensemble des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.

Déboute M. [R] [X] et Mme [P] [O] épouse [X] de leur demande à ce titre.

Condamne M. [R] [X] et Mme [P] [O] épouse [X] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/01125
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.01125 ?
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