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05/07/2022 | FRANCE | N°21/00995

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 05 juillet 2022, 21/00995


ARRET N°

du 05 juillet 2022



N° RG : 21/00995 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FADK





S.A.R.L. GARAGE DELAITRE





c/



[I] [F] NÉE [O]

[E]

[E]

S.A.S. AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE



















Formule exécutoire le :

à :



la SCPACG & ASSOCIES



la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE



la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE



la SELARL JACQUEMET SEGOLENE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBR

E CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 05 JUILLET 2022



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 04 mai 2021 par le TJ REIMS



S.A.R.L. GARAGE DELAITRE

137 Rue de Neufchatel

51100 REIMS



Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REI...

ARRET N°

du 05 juillet 2022

N° RG : 21/00995 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FADK

S.A.R.L. GARAGE DELAITRE

c/

[I] [F] NÉE [O]

[E]

[E]

S.A.S. AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE

Formule exécutoire le :

à :

la SCPACG & ASSOCIES

la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE

la SELARL JACQUEMET SEGOLENE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 05 JUILLET 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 04 mai 2021 par le TJ REIMS

S.A.R.L. GARAGE DELAITRE

137 Rue de Neufchatel

51100 REIMS

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Madame [P] [I] [F] NÉE [O] épouse [F] [I]

15 montée de l'Oratoire - Résidence l'Oratoire

83320 CARQUEIRANNE

Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [L] [E]

4 Bis rue du pré

51110 WARMERIVILLE

Représenté par Me Pierre Yves MIGNE de la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocat au barreau D'ARDENNES

Madame [C] [E]

4 Bis rue du Pré

51110 WARMERIVILLE

Représentée par Me Pierre Yves MIGNE de la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocat au barreau D'ARDENNES

S.A.S. AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE SAS au capital de 4 500 000,00 € inscrite au RCS de REIMS so

us le n° 802 892 794, agissant poursuites et diligences de s

es représentants légaux domiciliés en cette qualité audit si

ège

ZAC Croix Blandin 6 rue Lena Bernstein

51100 REIMS

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 30 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président ede chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 23 octobre 2015, M. [L] [E] et Mme [C] [E] ont acheté à Mme [P] [O] épouse [F] [I] un véhicule automobile d'occasion de marque Citroën modèle C4 Air Cross immatriculé CD-765-RK mis en circulation en avril 2012 au prix de 17 700 euros qu'elle-même avait acquis le 8 août 2013.

Le véhicule est tombé en panne le 17 mars 2016.

La société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et le garage DELAITRE étaient intervenus sur le véhicule pour la première en juillet et et août 2014 et pour le second en octobre 2014 et 2015 avant sa revente.

Une expertise judiciaire a été ordonnée ; M. [M] a déposé son rapport le 26 novembre 2018.

Par acte d'huissier du 20 juin 2019, M. et Mme [E] ont fait assigner Mme [F] [I] devant le tribunal de grande instance de Reims aux fins d'annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et d'indemnisation.

Celle-ci a fait assigner la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et le garage DELAITRE en intervention forcée pour qu'elles la garantissent.

Les demandes ont été contestées.

Par jugement rendu le 4 mai 2021, le tribunal :

- a prononcé la résolution pour vice caché de la vente,

- a condamné Mme [F] [I] à payer à M. et Mme [E] la somme de 17 700 euros en remboursement du prix d'acquisition du véhicule,

- a condamné la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et le garage DELAITRE à garantir Mme [F] [I] du paiement de cette somme chacune à hauteur de 33 %,

- a ordonné la restitution du véhicule en contrepartie du remboursement du prix de vente à charge pour Mme [F] [I] de venir chercher le bien à ses frais,

- a condamné Mme [F] [I], la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et le garage DELAITRE in solidum à payer à M. et Mme [E] la somme de 3786, 76 euros à titre de dommages et intérêts,

- a condamné Mme [F] [I], la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et la société garage DELAITRE in solidum à payer à M. et Mme [E] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné Mme [F] [I], la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et la société garage DELAITRE in solidum aux dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire sauf ceux exposés vis à vis de la société Automobiles Citroën par Mme [F] [I] à la charge exclusive de cette dernière,

- a ordonné la distraction des dépens au profit de la SCP Dupuis Lacourt Migne,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi et plus particulièrement sur la question des garanties par les garagistes, le premier juge a considéré qu'ils avaient manqué à leur obligation de vigilance et de conseil ; qu'en effet, quand bien même les dommages du moteur étaient présents en germe lors de leurs interventions respectives, il leur appartenait d'informer et de conseiller Mme [F] [I] sur la nécessité de respecter les échéances de révision, voire sur les réparations à entreprendre et de mettre en garde celle-ci sur les risques pour le moteur, ce qu'ils ne démontraient pas avoir fait.

Par déclaration reçue le 21 mai 2021, la SARL garage DELAITRE a formé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 13 janvier 2022, l'appelante demande à la cour :

A titre principal,

- d'infirmer le jugement,

- de dire et juger Mme [F] [I] responsable de l'avarie ayant affecté le véhicule,

- de rejeter toute responsabilité du garage DELAITRE,

- de débouter Madame [F] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- de débouter toute autre partie à l'instance de ses demandes à l'encontre du garage DELAITRE,

- de condamner Madame [F] [I] à payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

- de condamner Madame [F] [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELAS ACG qui en a fait l'avance,

A titre subsidiaire,

- de débouter toute demande de garantie à l'encontre du garage DELAITRE,

- de débouter toutes demandes à l'encontre du garage DELAITRE,

- de débouter tous appels incidents à l'encontre du garage DELAITRE,

- de dire que le garage DELAITRE ne peut être condamné in solidum à rembourser le prix d'acquisition du véhicule,

A titre très subsidiaire,

- de débouter toute demande de dommages et intérêts concernant les remboursements relatifs à la carte grise, les cotisations d'assurance, et les frais d'attelage et de pneumatiques,

- de réduire les sommes relatives au préjudice moral et financier à de plus justes proportions,

- de condamner Madame [F] [I] à payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

- de condamner Madame [F] [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELAS ACG qui en a fait l'avance.

Par conclusions notifiées le 15 octobre 2021, Mme [F] [I], formant appel incident, demande à la cour :

Vu les articles 1147, 1641 et suivants du code civil,

Vu les articles 1642 du code civil,

Vu les articles 334 et suivants du Code de procédure civile,

Vu le rapport d'expertise judiciaire en date du 26 novembre 2018,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence,

- d'infirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en ce qu'il a prononcé la résolution pour vice caché de la vente du véhicule et condamné Madame [F] [I] au paiement de dommages et intérêts,

A titre principal,

- de constater que le véhicule vendu par Madame [F] [I] n'est pas atteint d'un vice caché,

- de déclarer n'y avoir lieu à résolution de la vente,

En conséquence,

- de débouter les époux [E], la SARL garage DELAITRE et la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

- de condamner les SAS AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et société garage DELAITRE in solidum à garantir Madame [F] [I] de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêt et frais,

- de débouter Monsieur et Madame [E], la SARL garage DELAITRE et la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

- de condamner les époux [E], les sociétés AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et garage DELAITRE in solidum à payer à Madame [F] [I] une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ceux compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Creusat, membre de la SCP Rahola Creusat Lefèvre, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 28 octobre 2021, M. et Mme [E], formant appel incident, demandent à la cour :

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

Vu les pièces régulièrement versées aux débats,

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 4 mai 2021,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 4 mai 2021 en ce qu'il a prononcé la résolution pour vice caché de la vente du véhicule intervenue entre Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] d'une part, et Madame [P] [O] épouse [F] [I] d'autre part le 23 octobre 2015,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 4 mai 2021 en ce qu'il a condamné Madame [P] [O] épouse [F] [I] à payer à Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] la somme de 17 700 € en remboursement du prix d'acquisition du véhicule,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 4 mai 2021 en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule en contrepartie du remboursement du prix de vente, à charge pour Madame [P] [O] épouse [F] [I] de venir chercher le bien à ses frais à l'endroit où il se trouve,

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 4 mai 2021 en ce qu'il a condamné Madame [P] [O] épouse [F] [I] à payer à Monsieur [L][E] et Madame [C] [E] la somme de 3 786,76 € à titre de dommages et intérêts,

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 4 mai 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau sur ces points,

- de condamner Madame [P] [O] épouse [F] [I] à restituer à Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] la somme de 9 366,84 € en réparation du préjudice de jouissance subi,

- de condamner Madame [P] [O] épouse [F] [I] à restituer à Monsieur Didier[E] et Madame [C][E] la somme de 2 000 € au titre du préjudice financier subi et à restituer à Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] la somme de 1 142,53 € au titre des frais exposés suite à l'acquisition du véhicule litigieux,

- de condamner Madame [P] [O] épouse [F] [I] à restituer à Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] la somme de 3 000 € au titre du préjudice moral subi,

- de condamner Madame [P] [O] épouse [F] [I] à restituer à Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] la somme de 653,65€ au titre des cotisations d'assurance versées pour ce véhicule pour la période de 2016 à 2021 inclus, cette somme restant à parfaire jusqu'à ce qu'une décision de justice définitive soit rendue,

- de débouter Madame [P] [O] épouse [F] [I] , la SARL Garage DELAITRE et la SAS AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE de l'intégralité de leurs fins et prétentions plus amples ou contraires,

- de condamner Madame [P] [O] épouse [F] [I] à restituer à Monsieur [L] [E] et Madame [C] [E] la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [P] [O] épouse [F] [I] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Dupuis Lacourt Migne, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 21 octobre 2021, la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE, formant appel incident, demande à la cour :

Vu les dispositions des articles 1103, 104, 1193 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,

Vu le rapport d'expertise de Monsieur [M],

- de confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal a rejeté les demandes de Monsieur et Madame[E] au titre du préjudice de jouissance ainsi qu'au titre du préjudice financier lié aux frais d'attelage et de montage de pneumatiques,

Et, pour le reste, faisant droit à leur appel incident :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE à garantir Madame [F] [I] des condamnations prononcées à son encontre et retenu un certain nombre des préjudices allégués par les consorts [E],

Et statuant à nouveau :

A titre principal,

- de dire et juger que la SAS AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE n'a aucune responsabilité dans les désordres dénoncés sur le véhicule acheté par les époux[E] et ne saurait, dès lors, supporter les conséquences préjudiciables alléguées par ces derniers,

- de déclarer mal fondé l'appel en garantie formulé par Madame [F] [I] à l'encontre de la SAS AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et l'en débouter,

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que Madame [F] [I], les établissements DELAITRE et la SA Citroen sont responsables des désordres dénoncés sur le véhicule,

- de condamner in solidum les parties défenderesses à indemniser les époux[E] des préjudices qui seraient retenus par la cour,

En tout état de cause,

- de constater que Monsieur et MadameGUERIN ont contribué, par manque de diligence, à leurs propres préjudices,

- de fixer en conséquence les préjudices allégués dans de plus justes proportions ;

En toute hypothèse,

- de condamner Madame [F] [I] et/ou tout succombant à payer à la SAS Auto Bernard Champagne Ardenne la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de

l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamner Madame [F] [I] et/ou tout succombant(s) aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction est requise au bénéfice de la SELARL Jacquemet Ségolène aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

La résolution de la vente du véhicule pour vice caché :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Par application de l'article 1644 du même code, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Le litige se présente dans les mêmes termes qu'en première instance.

M. et Mme [E], acquéreurs du véhicule Citroën C4, soutiennent qu'il était affecté d'un vice caché et contestent avoir commis une faute en manquant de vigilance lors de son contrôle et de son entretien comme il est soutenu par les autres parties.

Mme [F] [I] conteste l'existence d'un vice caché et considère donc qu'il n'y a pas lieu à résolution de la vente.

Il ressort du rapport d'expertise dressé par M. [M] le 26 novembre 2018 :

- que les désordres affectant le véhicule, soit la destruction du turbocompresseur et la dégradation du haut moteur, ont pour origine un défaut de lubrification consécutif à un manque d'entretien du véhicule, les échéances de révision déterminées par le constructeur n'ayant pas été respectées durant la période de possession par Mme [F] [I],

- que la défaillance de l'indicateur de maintenance est possiblement en cause et qu'elle concerne la société Citroën (qui n'est pas dans la cause),

- que les désordres existaient en germe antérieurement à l'acquisition du véhicule par M. et Mme[E],

- qu'ils n'étaient pas décelables au moment de la vente le 23 octobre 2015,

- qu'ils rendent le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné.

Il est également établi au vu de ce rapport que le défaut d'entretien du véhicule par M. et Mme [E] postérieurement à son acquisition n'a aucun lien de causalité avec le sinistre qui était déjà réalisé avant la vente.

C'est par conséquent à bon droit que le premier juge a considéré que la preuve était rapportée par M. et Mme [E] que le vice préexistait à la vente et qu'il rendait le véhicule impropre à sa destination.

La décision sera ainsi confirmée en ce que la résolution de la vente a été prononcée avec obligation pour Mme [F] [I] de restituer le prix et pour M. et Mme [E] de restituer le véhicule.

Les demandes indemnitaires formées par M. et Mme [E] :

Par application de l'article 1646 du code civil, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occassionnés par la vente.

Mme [F] [I] entend reporter la responsabilité sur les consortsGUERIN qui, selon elle, ont contribué à leurs propres préjudices de sorte qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes indemnitaires.

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que les acquéreurs ne pouvaient avoir contribué à leur propre préjudice en ne procédant pas au contrôle de la cohérence du kilométrage et des conditions d'entretien du véhicule dans la mesure où M. [M] a précisé dans son rapport que le contrôle n'aurait pas permis de déceler le vice caché et que cette négligence était sans lien de causalité avec les préjudices subis.

Au surplus, c'est à raison que les acquéreurs font valoir que la réalisation d'un entretien par le garage DELAITRE quelques jours avant la vente pouvait leur laisser penser que le véhicule était en parfait état de fonctionnement et ce d'autant que l'échéance d'entretien électronique avait été remise à zéro.

Aucune responsabilité ou partage de responsabilité ne leur incombe donc dans la réalisation des dommages qu'ils ont subis.

Par ailleurs, s'agissant de la connaissance du vice par le vendeur, il n'est pas permis de considérer comme l'a fait le premier juge que l'affirmation du conseil de Mme [F] [I] durant les opérations d'expertise suivant laquelle elle a indiqué aux acquéreurs que l'entretien avait été effectué conformément aux signaux du véhicule, ce qui est matériellement inexact puisque précisément, aucun signal de maintenance ne s'est déclenché durant le temps de possession de ce véhicule et qu'aucune révision n'a été faite avant la cession, vaut reconnaissance du vice.

Outre le fait qu'un aveu judiciaire ne peut résulter d'une déclaration faite par une partie lors d'une mesure d'instruction, Mme [F] [I] est profane en matière automobile et ignore tout du vice qui n'est pas constitué par le défaut d'entretien du véhicule lié plus précisément au fait que l'espacement des vidanges était trop important (l'entretien doit se faire tous les ans ou 15 000 kilomètres) mais par la destruction du turbocompresseur et une dégradation au niveau du haut moteur causées par un défaut récurrent d'entretien, ce qui n'est pas la même chose.

Il y a donc lieu de considérer que Mme [F] [I] ignorait les vices de la chose au sens de l'article précité.

Elle n'est donc tenue, outre la restitution du prix, qu'à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente et non à réparer les conséquences des dommages causés par le vice et allégués par les acquéreurs.

Les frais occasionnés par la vente s'entendent exclusivement des dépenses directement liées à la conclusion du contrat.

* les frais divers :

M. et Mme[E] réitèrent leurs demandes indemnitaires formées en première instance, soit :

- le préjudice de jouissance à hauteur de 9366,84 euros (calculée sur la base du millième de la valeur du véhicule, soit 15 930 euros, depuis son immobilisation jusqu'à l'acquisition d'un autre véhicule en leasing le 26 octobre 2017, soit pendant 588 jours);

- le préjudice financier à hauteur de 2000 euros constitué par les difficultés financières auxquelles ils ont été confrontés pour assumer le remboursement du premier emprunt ayant permis l'acquisition du véhicule et l'échéance du leasing rendu indispensable du fait de la panne survenue sur le véhicule litigieux ;

Ces frais ne sont pas directement liés à la conclusion du contrat et M. et Mme [E] doivent être déboutés de leur demande à ce titre.

Il en est de même pour le coût d'acquisition d'un attelage installé sur le véhicule pour

622,37 euros et le coût de remplacement de deux pneus pour 233,40 euros qui sont liés à l'usage du bien et non à la conclusion du contrat de vente.

* les frais liés à l'acquisition du véhicule :

Ils résultent des frais générés par le certificat d'immatriculation pour un montant de 286,76 euros dont la dépense est justifiée.

Ils résultent également des cotisations d'assurance réglées par les acquéreurs pour un véhicule inutilisable depuis le 17 mars 2016, qu'ils ont dû néanmoins assurer, l'immobilisation dans un garage ne soustrayant nullement son propriétaire à la souscription d'une assurance automobile.

Les consorts [E] justifient par leurs pièces n° 9 et 24 qu'ils ont réglé de 2016 à 2019, soit pendant quatre ans mais seulement sur ces années-là, une cotisation annuelle de 130,73 euros, soit une somme totale de 522,92 euros.

Mme [F] [I] sera condamnée à payer à M.et Mme [E] la somme totale de

809,68 euros.

* le préjudice moral :

Les consorts [E], qui sollicitent la somme de 3000 euros à ce titre, ne justifient pas d'un préjudice distinct du préjudice matériel qui a été préalablement indemnisé, les démarches inhérentes à la mise en oeuvre d'une action au titre de la garantie des vices cachés et les contraintes y afférentes (participation aux opérations d'expertise et autres) ne revêtant pas un caractère anormal.

Ils ne justifient pas par ailleurs avoir reçu des factures de gardiennage du véhicule qui seraient en attente de paiement et qu'ils intègrent dans l'indemnisation de leur préjudice moral.

La décision sera par conséquent infirmée et ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

La décision sera également infirmée en ce que la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et la société garage DELAITRE ont été condamnées in solidum avec Mme [F] [I] à indemniser M. et Mme[E], aucune condamnation n'étant requise par ces derniers contre les garagistes.

La garantie demandée par Mme [F] [I] à l'encontre des garagistes :

- la garantie par la société garage DELAITRE :

L'appelante soutient qu'elle n'a commis aucune faute et qu'il est encore moins démontré un lien de causalité avec les préjudices invoqués ; qu'elle n'est intervenue que postérieurement aux deux interventions du garage AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE et qu'en tout état de cause, l'avarie est la conséquence du premier dépassement de la date de révision qui s'est produit avant l'intervention du garage DELAITRE.

S'il peut être reproché à ce dernier un manquement à son devoir de conseil en tant que professionnel à l'égard de Mme [F] [I] en ce qu'il ne l'a pas informée de la nécessité de respecter les échéances de révision, force est de constater qu'il n'existe aucun élément probant, y compris dans le rapport d'expertise de M. [M], pour considérer qu'il existerait un lien de causalité entre ce manquement et le dommage subi.

En effet, la reconstitution de l'historique effectuée par l'expert a révélé que deux entretiens obligatoires n'avaient pas été réalisés à l'échéance durant la période où Mme [F] [I] possédait ce véhicule et que l'avarie était la conséquence du premier dépassement s'étant produit avant la révision du garage DELAITRE.

L'expert indique également que l'intervention de ce garage n'a pas aggravé les désordres et que s'il aurait dû émettre des réserves sur sa facture , cela n'aurait toutefois pas pu éviter les conséquences antérieures et l'avarie du 17 mars 2016, date à laquelle le véhicule est tombé en panne.

Il est par conséquent permis d'en conclure que l'avarie était irrémédiable avant même l'intervention du garage DELAITRE (M. [M] évoque un stade d'usure sévère au moment de la révision du 8 octobre 2014) de sorte que le manquement au devoir de conseil est sans lien de causalité avec le préjudice subi.

La décision sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a condamné la société garage DELAITRE à garantie.

- la garantie par la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE :

La société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE est intervenue en amont du garage DELAITRE à deux reprises :

- une première fois le 30 juillet 2014 ; il y est noté sur l'ordre de réparation : lors d'une accélération, le moteur s'est coupé avec le voyant batterie allumé et il existe depuis un sifflement à l'accélération ; il est ajouté manuscritement sur l'exemplaire du garage : faire la pression des pneus autoroute et voir indicateur de maintenance ;

L'expert relève qu'il n'a été à cette occasion donné aucun conseil à Mme [F] [I] pour effectuer la révision alors que l'échéance était dépassée (+ 4615 kms et 10 mois) ;

- une seconde fois le 13 août 2014 ; il y est noté sur l'ordre de réparation : sifflement à l'accélération et fumée blanche à l'échappement ; il est ajouté manuscritement sur l'exemplaire du garage : dépose/pose courroie ACC et contrôle jeu turbo ;

L'expert relève qu'à ce stade non plus, le garage n'a donné aucun conseil à Mme [F] [I] pour effectuer la révision alors que l'échéance était dépassée (+ 4739 euros et 10 mois).

La société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE conteste toute responsabilité.

Elle considère en premier lieu que la résolution de la vente pour un motif totalement étranger à la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE ne permettait pas au tribunal de faire droit à l'appel en garantie formé par Mme [F] [I].

Elle considère en second lieu que les désordres étaient préexistants à son intervention et que le stade rédhibitoire avait déjà été atteint à cette époque.

La société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE en sa qualité de professionnelle de l'automobile aurait dû s'intéresser au problème de l'indicateur de maintenance signalé dans l'ordre de réparation lors de sa première intervention le 30 juillet 2014 et à son bon fonctionnement, qui aurait dû nécessairement la conduire à s'interroger sur l'entretien réalisé sur le véhicule et son possible dépassement.

Elle a de ce fait manqué à son devoir de conseil.

Pour autant et comme pour le garage DELAITRE, il doit être établi un lien de causalité entre ce manquement fautif et le préjudice subi.

Si M. [M] mentionne dans son rapport en page 36 que la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE se devait de détecter ce défaut d'entretien, il mentionne également que le pourcentage de dépassement de la périodicité kilométrique lors de la première réception du véhicule l'amène à considérer que le stade rédhibitoire avait déjà été atteint à cette époque et qu'une préconisation puis la réalisation d'une vidange n'aurait pas permis d'éviter la dégradation prématurée du moteur et du turbocompresseur.

L'expert précise également qu'au moment où le véhicule a été réceptionné pour la première fois, le taux de dépassement de la périodicité kilométrique était de 30,7 % et qu'il lui apparaissait donc injustifié de retenir une aggravation à compter de l'intervention du 30 juillet 2014.

Il est par conséquent permis d'en déduire, comme le fait la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE, que l'avarie était irrémédiable dès avant sa première intervention de sorte que le manquement au devoir de conseil est sans lien de causalité avec le préjudice subi.

La décision sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a condamné la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE à garantie.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera infirmée.

Mme [F] [I] sera condamnée à payer à M.et MmeGUERIN la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.

En équité, il n'y a pas lieu de faire droit aux autres demandes formées à ce titre.

Les dépens :

La décision sera infirmée.

Mme [F] [I] sera condamnée aux dépens et de première instance et d'appel avec pour ceux d'appel recouvrement direct au profit des conseils des autres parties par application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Reims :

- en ce qu'il a prononcé la résolution pour vice caché de la vente du véhicule C4 Air Cross immatriculé CD-765-RK intervenue entre M. et Mme [L][E] et Mme [P] [O] épouse [F] [I] le 23 octobre 2015,

- en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en garantie formée contre la société Automobiles Citroën,

- en ce qu'il a condamné Mme [P] [O] épouse [F] [I] à payer à M. et Mme [L][E] la somme de 17 700 euros en remboursement du prix d'acquisition du véhicule,

- en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule en contrepartie du remboursement du prix de vente à charge pour Mme [P] [O] épouse [F] [I] de venir chercher le bien à ses frais où il se trouve.

L'infirme pour le surplus de ses dispositions.

Statuant à nouveau ;

Condamne Mme [P] [O] épouse [F] [I] à payer à M.et Mme [E] la somme totale de 809,68 euros en réparation des préjudices subis.

Déboute M. et Mme [L] [E] de leurs autres demandes indemnitaires.

Déboute Mme [P] [O] épouse [F] [I] de ses demandes de garantie à l'encontre de la société garage DELAITRE et de la société AUTO BERNARD CHAMPAGNE ARDENNE.

Condamne Mme [P] [O] épouse [F] [I] à payer à M.et Mme [L] [E] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.

Rejette les autres demandes formées à ce titre.

Condamne Mme [P] [O] épouse [F] [I] aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct pour ceux d'appel au profit des conseils des autres parties par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/00995
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.00995 ?
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