La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2022 | FRANCE | N°21/01416

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 25 mai 2022, 21/01416


Arrêt n°

du 25/05/2022





N° RG 21/01416 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBAQ





MLS / LS









Formule exécutoire le :







à :



SELARL LE CAB AVOCATS



SELARL PELLETIER ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 25 mai 2022





APPELANT :

d'un jugement rendu le 04 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de REIMS, section Industrie (n° F19/00597)



Monsieur [I] [S]



17, rue de la Chaude Ruelle

51200 EPERNAY/FRANCE



Représenté par la SELARL LE CAB AVOCATS prise en la personne de Maître Bruno CHOFFRUT, avocat au barreau de REIMS





INTIMÉE :



Association BTP CFA GRAND EST Association l...

Arrêt n°

du 25/05/2022

N° RG 21/01416 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBAQ

MLS / LS

Formule exécutoire le :

à :

SELARL LE CAB AVOCATS

SELARL PELLETIER ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 25 mai 2022

APPELANT :

d'un jugement rendu le 04 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de REIMS, section Industrie (n° F19/00597)

Monsieur [I] [S]

17, rue de la Chaude Ruelle

51200 EPERNAY/FRANCE

Représenté par la SELARL LE CAB AVOCATS prise en la personne de Maître Bruno CHOFFRUT, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

Association BTP CFA GRAND EST Association loi 1901 ayant pour SIREN 783 347 024, et ayant établissement 31 Avenue Hoche 51100 REIMS, prise en la personne de son Président en exercice domicilié de droit audit siège

ZAC du Breuil - 1 Rue Nicolas Pierson

54700 PONT-A-MOUSSON

Représentée par la SELARL PELLETIER ASSOCIES prise en la personne de Maître Thierry PELLETIER, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Monsieur Olivier BECUWE, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 25 mai 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Monsieur Olivier BECUWE, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Lozie SOKY, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [I] [S] a été embauché à compter du 3 septembre 2007 par l'association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics de la Marne devenue ASSOCIATION BTP CFA GRAND EST, par contrat à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de formateur en électricité.

Le 6 septembre 2019, il a été licencié pour insuffisance professionnelle, grief lui étant fait d'avoir abandonné son poste en laissant seuls des apprenants, d'avoir modifié unilatéralement des horaires de formation et de ne pas avoir rangé son espace de travail.

Le 18 septembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Reims de demandes tendant à :

- faire dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- faire dire son licenciement nul,

- faire condamner l'employeur à lui verser la somme de 37'044,00 euros à titre de dommages-intérêts, outre 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 juin 2021 notifié au salarié le 15 juin 2021, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de ses demandes, a débouté l'employeur de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles, et dit que chacune des parties supporterait ses propres frais irrépétibles et se partagerait les dépens par moitié.

Le 6 juillet 2021, Monsieur [I] [S] a régulièrement interjeté appel du jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :

- le 18 février 2022 pour l'appelant,

-l e 28 février 2022 pour l'intimé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2022.

L'appelant demande par infirmation du jugement, de dire que le licenciement est sans cause réelle sérieuse, que l'association employeur s'est rendue coupable d'une inégalité de traitement, et de la condamner à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019, les sommes suivantes :

- 38'148,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10'000,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de la différence de traitement et d'un détournement de pouvoir,

- 10'000,00 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral matériel,

- 5 000,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement brutal et vexatoire,

- 2'500,00 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du 18 décembre 2019,

- de condamner l'employeur aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que l'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité du salarié à éxécuter les tâches qui lui sont confiées en raison d'un manque de compétence, qu'il s'agit donc d'un comportement involontaire ; que l'abandon de poste et la modification sans autorisation des horaires de travail, ne peuvent caractériser une insuffisance professionnelle ; que pour motiver un motif d'insuffisance professionnelle, il est nécessaire d'attirer l'attention du salarié sur ses insuffisances préalablement ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il n'a jamais reçu aucun avertissement ni rappel à l'ordre en 12 ans d'ancienneté ; qu'en tout état de cause, les griefs qui lui sont faits ne sont pas justifiés puisqu'ils reposent sur une seule accusation, émanant d'un seul élève pour ce qui concerne l'abandon de poste, qu'ils trouvent leur source dans une défaillance de l'employeur lui-même s'agissant de la modification des horaires de formation.

Il soutient que le grief lié au rangement défaillant de son espace de travail n'est pas justifié.

Il affirme par ailleurs que son licenciement repose sur une inégalité de traitement dans la mesure où d'autres salariés ayant reçu des rappels à l'ordre concernant leur espace de travail n'ont pas fait l'objet de licenciement, ni même d'une sanction.

Sur les demandes nouvelles en appel, il fait valoir qu'elles sont recevables dans la mesure où elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et qu'elles couvrent des préjudices distincts.

Il affirme avoir été victime d'une différence de traitement et d'un détournement de pouvoir puisqu'il a été seulement licencié pour des motifs qui pouvaient être reprochés à d'autres salariés, qu'il a subi un préjudice matériel dès lors qu'il a été licencié après 12 ans d'ancienneté, postérieurement à la rentrée scolaire, ce qui l'a empêché de postuler aux emplois ouverts avant l'année scolaire ; qu'il a en outre subi un préjudice moral dans la mesure où son professionnalisme a été remis en cause par les membres de la profession, ce qui a constitué un obstacle à sa recherche d'emploi ; qu'en raison de son passé professionnel irréprochable, le licenciement a été brutal et vexatoire.

L'employeur intimé demande à la cour de confirmer en tout le jugement déféré, de débouter le salarié, de le condamner aux dépens, et au paiement d'une somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle en raison d'un abandon de poste attesté par un élève, en raison d'une modification des horaires de formation, et en raison d'un rangement défaillant de son espace de travail ; qu'une faute grave aurait pu être retenue, mais il a préféré prononcer un licenciement pour cause réelle et sérieuse pour ne pas priver le salarié de son indemnité de préavis.

Sur les demandes indemnitaires,il fait valoir que les demandes nouvelles en appel sont irrecevables et ont pour objet unique de gonfler l'indemnisation cantonnée par le barème obligatoire des dommages-intérêts. Il affirme que, contrairement aux allégations du salarié, la relation de travail a toujours été compliquée et émaillée d'un avertissement pour absence irrégulière non contestée en 2015 et par des difficultés comportementales en 2017, outre un non-respect des horaires et pause en 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Au préalable il faut noter que le salarié, débouté de sa demande tendant à la nullité du licenciement, ne réitère pas sa demande en appel de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

1- sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel

Le moyen d'irrecevabilité ne peut aboutir dans la mesure où les dommages et intérêts sollicités pour réparer le préjudice moral et matériel, outre les préjudices nés de la rupture vexatoire et brutale et de l'inégalité de traitement, ont tous pour objet de réparer les préjudices nés de la rupture du contrat de travail et de ses circonstances de sorte que ces demandes tendent aux mêmes fins que la demande initiale, et qu'en tout état de cause, elles en sont l'accessoire ou le complément nécessaire au sens des articles 565 et 566 du Code de procédure civile.

Elle seront donc déclarées recevables.

2- sur le fond

C'est à tort que le conseil de prud'hommes, en s'attachant à la seule lettre de licenciement, sans analyse des éléments de preuve, a rejeté la demande dans la mesure où les griefs sont des griefs disciplinaires dont la réalité n'est pas établie par les pièces du dossier.

En effet, seul un courrier d'un étudiant, combattu efficacement par les attestations de deux autres étudiants, vient affirmer l'abandon de poste. Par ailleurs, la défaillance dans le rangement n'est pas établie. Il reste le changement d'horaires à une seule reprise, qui est reconnu et établi et qui ne peut, nonobsbtant les antécédents anciens du salarié, à lui seul, justifier la rupture du contrat de travail.

La rupture doit donc être considérée comme dénuée de cause réelle et sérieuse de sorte que le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement abusif, incluant les préjudices matériel et moral. Compte tenu de l'ancienneté du salarié, de son âge, de son niveau de salaire, de l'absence de justification de sa situation après la rupture, de l'absence de justification de l'effectif employé par l'association, la somme de 25 000,00 euros apparaît de nature à réparer entièrement les préjudices subis, dans le cadre du barème de l'article L 1235-3 du Code du travail.

Cette somme étant de nature à réparer le préjudice matériel et moral né de la rupture abusive du contrat de travail il n'y a pas lieu de faire droit à la demande distincte à ce titre, étant observé qu'aucun préjudice distinct n'est justifié.

Pour ce qui concerne les dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du caractère brutal et vexatoire du licenciement, le manquement n'apparaît pas avéré dès lors que la rupture a suivi un cours habituel après une plainte d'un étudiant et des modifications horaires avérées, dans un contexte où le salarié avait des antécédents disciplinaires. La demande ne peut donc aboutir.

De même, aucune pièce du dossier du salarié ne permet d'établir que d'autres salariés dans sa situation auraient bénéficié d'un traitement différent de sorte que rien ne laisse présumer une inégalité de traitement. En outre, le salarié soutient l'existence d'un détrournement de pouvoir qui consisterait, selon lui, en une disproportion de la sanction en l'absence d'antécédents disciplinaires. Or, des antécédents disciplinaires existent au dossier de l'employeur. De plus, la disproportion ne suffit pas à caractériser le détournement de pouvoir disciplinaire par l'employeur de sorte qu'au final, la demande ne peut aboutir.

Compte tenu de l'ancienneté et de l'effectif, il sera fait application des dispositions de l'article L 1235-4 du Code du travail, dans les limites qui seront précisées au dispositif.

Succombant au sens de l'article 696 du Code de procédure civile, l'association employeur supportera les dépens et les frais irrépétibles de première instance par infirmation du jugement. Déboutée de ses demandes à ce titre, l'association employeur sera condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 2 000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

confirme le jugement rendu le 4 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Reims en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande tendant à faire dire nul le licenciement,

infirme le surplus,

statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant,

déclare recevables les demandes de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral nés de la rupture du contrat de travail, de ses circonstances, du traitement inégalitaire et du détournement de pouvoir,

déboute monsieur [I] [S] de ses demandes distinctes de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral nés de la rupture du contrat de travail, de ses circonstances, du traitement inégalitaire et du détournement de pouvoir,

condamne l'ASSOCIATION BTP CFA GRAND EST à payer à monsieur [I] [S] la somme de 25 000,00 euros (vingt cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices nés du licenciement abusif,

Dit que cette condamnation est prononcée sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales ;

Condamne l'ASSOCIATION BTP CFA GRAND EST à rembourser à l'institution concernée les indemnités chômage versées au salarié depuis la rupture du contrat de travail jusqu'à la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;

déboute l'ASSOCIATION BTP CFA GRAND EST de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne l'ASSOCIATION BTP CFA GRAND EST à payer à monsieur [I] [S] la somme de 2 000,00 euros (deux mille euros) euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne l'ASSOCIATION BTP CFA GRAND EST aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01416
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.01416 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award