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24/05/2022 | FRANCE | N°21/01652

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 24 mai 2022, 21/01652


ARRET N°

du 24 mai 2022



R.G : N° RG 21/01652 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBSM





S.A. BANQUE CIC EST





c/



[V]

[D] [V]











VM



Formule exécutoire le :

à :



la SCP DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES



Me Héloïse

DENIS-VAUCHELIN



Me Marie-claire DELVAL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022



APPELANTE :



d'un jugement r

endu le 16 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES



S.A. BANQUE CIC EST

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Christophe VAUCOIS de la SCP DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES, avocat au barreau d'ARDENNES





INTIMES :



Monsieu...

ARRET N°

du 24 mai 2022

R.G : N° RG 21/01652 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBSM

S.A. BANQUE CIC EST

c/

[V]

[D] [V]

VM

Formule exécutoire le :

à :

la SCP DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES

Me Héloïse

DENIS-VAUCHELIN

Me Marie-claire DELVAL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 16 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES

S.A. BANQUE CIC EST

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe VAUCOIS de la SCP DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES, avocat au barreau d'ARDENNES

INTIMES :

Monsieur [U] [V] profession : conducteur d'installation pour coopérative agricole

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Héloïse DENIS-VAUCHELIN, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et par Me Alexandra SUTER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.

Madame [K] [D] [V] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-claire DELVAL de la SELARL MARIE CLAIRE DELVAL, avocat au barreau d'ARDENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIERS :

Monsieur Abdel-Ali AIT AKKA, greffier lors des débats et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Suivant contrat sous seing privé du 26 janvier 2016, la SA Banque CIC Est a consenti à la SARL Société Transport Copel un prêt professionnel d'un montant en capital de 100 000 euros, remboursable en 60 mensualités, au taux fixe de 2,70 % l'an.

M. [U] [V], gérant de la société, s'est porté caution solidaire dans la limite de 25 000 euros couvrant le principal, les intérêts et les frais, avec le consentement exprès de son épouse Mme [K] [D].

Par jugement du 24 mai 2018, le tribunal de commerce de Sedan a placé la société de transport Copel en sauvegarde, puis par jugement du 18 novembre 2019 en liquidation judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 juin 2019, la SA Banque CIC Est a déclaré sa créance à la SELARL Brucelle Charles, pour un capital restant dû de 59 965,33 euros, créance déclarée qui a été admise au passif de la procédure collective.

La créance étant devenue exigible suite à la liquidation judiciaire de la société débitrice, la SA Banque CIC Est a mis en demeure M. [U] [V] par lettre du 22 novembre 2019 d'avoir à payer la somme de 25 000 euros.

Par exploit d'huissier du 6 janvier 2020, la société Banque CIC Est a assigné M. [U] [V] et Mme [K] [D] devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières.

Dans ses dernières conclusions, elle a demandé au tribunal de :

- condamner solidairement M. [U] [V] et Mme [K] [D] à payer à la société Banque CIC Est la somme de 25 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 novembre 2016,

- dire que la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [K] [D] ne pourra être exécutée que sur ses biens communs et ses revenus,

- rejeter toutes conclusions des défendeurs,

- condamner solidairement M. [U] [V] et Mme [K] [D] au paiement d'une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [U] [V] et Mme [K] [D] aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Me Christophe Vaucois de la SCP Delgenes-Vaucois-Jutine-Delgenes,

- rappeler que le jugement à intervenir sera exécutoire par provision de plein droit.

Les époux [W] ont divorcé aux termes d'une convention de divorce par consentement mutuel signée le 18 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions, M. [U] [V] a demandé au tribunal de :

A titre principal,

- débouter la société Banque CIC Est de l'ensemble de ses demandes, eu égard au caractère manifestement disproportionné des engagements de caution de M. [U] [V] ainsi qu'à son caractère de caution non avertie,

- débouter la société Banque CIC Est de toute demande tendant au paiement des accessoires de la dette, frais et pénalités, eu égard au non-respect de l'obligation d'information annuelle de la caution,

A titre subsidiaire,

- condamner Mme [K] [D] à garantir M. [U] [V] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- accorder un délai de paiement de deux ans à M. [U] [V], compte tenu de sa situation financière,

En tout état de cause,

- condamner la société Banque CIC Est à verser 1500 euros à M. [U] [V] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Banque CIC Est aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Pauline Six en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures, Mme [K] [D] a demandé au tribunal de :

- déclarer la société Banque CIC Est mal fondée en ses demandes,

- la débouter de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Mme [K] [D],

- à titre éminemment subsidiaire, condamner M. [U] [V] à garantir Mme [K] [D] de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- condamner la société Banque CIC Est à payer à la concluante une somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par jugement du 16 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a :

- dit que l'engagement de caution souscrit par M. [U] [V] le 26 janvier 2016 au profit la société Banque CIC Est était manifestement disproportionné à ses biens, revenus et charges,

- prononcé en conséquence la déchéance de l'engagement de cautionnement souscrit par M. [U] [V] le 26 janvier 2016, et rejeté toutes les demandes de la société Banque CIC Est,

- débouté la société Banque CIC Est de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Banque CIC Est à payer à M. [U] [V] une somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Banque CIC Est à payer à Mme [K] [D] une somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Banque CIC Est aux dépens qui seront recouvrés au profit de Me Pauline Six conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que :

- l'engagement de caution de M. [U] [V] d'un montant de 25 000 euros était disproportionné à ses biens et ses revenus au moment où il a été souscrit,

- la Banque CIC Est, à qui incombe la charge de la preuve, n'apportait aucun élément venant démontrer que la situation financière actuelle de M. [U] [V] ne serait pas obérée et que le patrimoine et les ressources de celui-ci, au moment où il a été appelé en qualité de caution, lui permettaient de faire face à son obligation.

Par déclaration reçue le 18 août 2021, la Banque CIC Est a formé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 13 décembre 2021, elle demande à la cour :

- de déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a statué comme suit :

dit que l'engagement de caution de M. [U] [V] était manifestement disproportionné,

prononcé en conséquence la déchéance du cautionnement et débouté la concluante de l'ensemble de ses demandes,

condamné la concluante à payer à M. [U] [V] une indemnité de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à Mme [K] [D] une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

Et statuant à nouveau,

- de condamner M. [U] [V] à payer à la concluante la somme principale de 25 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22.11.2016,

- de dire que les intérêts courus pour une année entière seront capitalisés et produiront intérêt au même taux,

- de dire que Mme [K] [D], épouse commune en biens lors de la souscription du cautionnement, est tenue des condamnations précitées sur ses biens communs, y compris ses revenus et salaires,

- de débouter les intimés de toutes leurs fins et prétentions,

- de les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Par conclusions notifiées le 18 février 2022, M. [U] [V] demande à la cour :

- de juger la banque CIC Est mal fondée en son appel,

Y faisant droit,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit que l'engagement de caution souscrit par M. [U] [V] le 26 janvier 2016 au profit de la société Banque CIC Est était manifestement disproportionné à ses biens, revenus et charges,

prononcé en conséquence la déchéance de l'engagement de cautionnement souscrit par M. [U] [V] le 26 janvier 2016 et rejeté toutes les demandes de la société Banque CIC Est,

débouté la société Banque CIC Est de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société Banque CIC Est à payer à M. [U] [V] une somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Banque CIC Est à payer à Mme [K] [D] une somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Banque CIC Est aux dépens qui seront recouvrés au profit de Me Pauline Six conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Et statuant de nouveau :

- de condamner la société Banque CIC Est à verser des dommages intérêts à M. [U] [V] à hauteur de 25 000 euros, montant de son engagement de caution, eu égard à son défaut de devoir de mise en garde,

- de débouter la société Banque CIC Est et Mme [K] [D] des plus amples demandes formées à l'encontre de M. [U] [V],

A titre subsidiaire,

- d'accorder un délai de paiement de deux ans à M. [U] [V], compte tenu de sa situation financière,

- de condamner Mme [K] [D] à garantir M. [U] [V] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

En tout état de cause

- de condamner la société Banque CIC Est à verser 2000 euros à M. [U] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Banque CIC Est aux entiers frais et dépens.

Par conclusions notifiées le 6 décembre 2021, Mme [K] [D] demande à la cour

de :

- dire et juger la Banque CIC Est mal fondée en son appel,

- la débouter de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires, et notamment celles dirigées à l'encontre de la concluante,

- à titre éminemment subsidiaire, condamner M. [U] [V] à garantir la concluante de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- condamner la Banque CIC Est à payer à Mme [K] [D] une somme de 1000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle s'ajoutera à l'indemnité ordonnée par le jugement du 16 juillet 2021,

- condamner enfin la Banque CIC Est aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

La disproportion des engagements contractés par M. [V] :

Aux termes de l'article L 332-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur antérieurement au 1er janvier 2022, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il incombe à la caution qui se prévaut de la disproportion entre son engagement et ses biens et revenus de le démontrer.

Cette disproportion s'apprécie lors de la conclusion de cet engagement et au regard de l'ensemble des éléments composant le patrimoine de la caution.

Enfin, sauf anomalie apparente, la banque doit se fier au contenu des renseignements donnés lors de la signature de l'acte de cautionnement.

A cet égard, la caution est tenue d'une exigence de bonne foi quant aux informations qu'elle donne à l'établissement bancaire.

En l'espèce, il est constant qu'avant de faire souscrire le cautionnement objet du litige à M. [V] et ce avec le consentement exprès de son conjoint à l'époque, Mme [D], la banque CIC Est a fait compléter à la caution une fiche patrimoniale le 26 janvier 2016 s'ajoutant à celle du 22 décembre 2014 rédigée à l'occasion du précédent cautionnement donné à cette même banque.

Il ressort de la fiche patrimoniale du 26 janvier 2016 :

- que M. [V] a déclaré un immeuble d'habitation commun avec son épouse pour une valeur estimée de 180 000 euros,

- qu'il a également déclaré détenir des parts sociales au sein de la SCI BEC pour une valeur estimée de 220 000 euros,

- qu'il a déclaré percevoir des revenus annuels de 48 000 euros et de 13 800 euros pour son épouse,

- qu'il a déclaré au titre des charges :

un emprunt immobilier auprès du Crédit Agricole pour un montant annuel de 8400 euros

un précédent cautionnement souscrit auprès de la banque CIC Est pour un montant de 55 000 euros ;

S'agissant du bien immobilier déclaré, c'est à juste titre que l'appelante soutient que l'immeuble dont sont propriétaires M. et Mme [V] doit être retenu pour son entière valeur, Mme [D], avec laquelle il était marié sous le régime de communauté légale, ayant donné son consentement exprès à l'acte de cautionnement de son époux ; que le fait que cet immeuble bénéficie d'une hypothèque du prêteur de deniers, le Crédit Agricole, ne rend pas pour autant sa valeur nulle comme le prétend M. [V] ; qu'enfin, ce bien a été financé au moyen de deux prêts et qu'il convient donc de déduire le solde restant dû sur ces emprunts (75 000 euros) pour considérer que la valeur du bien est de 105 000 euros.

S'agissant des valeurs mobilières déclarées, il ressort des statuts de la SCI BEC qu'il s'agit d'une SCI familiale sans aucun passif immobilier ni dettes ; que la valeur des parts sociales doit donc être évaluée sur la base de cet actif et non sur celle du seul capital social comme le soutient à tort M. [V] alors qu'il l'avait d'ailleurs lui-même estimée lorsqu'il a rempli la fiche patrimoniale à 220 000 euros ; que M. [V] détient 30 % des parts sociales en pleine propriété et 20 % en nue-propriété soit une valeur de 110 000 euros.

L'actif total doit donc être évalué à 215 000 euros.

Au passif figure un précédent cautionnement auprès de la même banque pour un montant de 55 000 euros et un emprunt immobilier avec une charge annuelle de 8400 euros.

Il se déduit de ces éléments que même en prenant en compte les charges courantes et sans même qu'il soit besoin de tenir compte des revenus mensuels de M. [V], son patrimoine était largement suffisant pour absorber le cautionnement de 25 000 euros objet du litige, étant observé par ailleurs que le premier juge ne pouvait pas prendre en considération dans les charges comme il l'a fait le cautionnement souscrit auprès de la banque Kolb d'un montant de 25 000 euros, cet acte ayant été établi postérieurement à celui dont bénéficie la banque CIC Est.

La décision sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a considéré que le cautionnement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [V].

La créance de la banque :

La banque CIC Est a déclaré sa créance à la procédure collective de la société de transports Copel et cette créance a été admise au passif pour un montant de 60 009, 72 euros.

Cette décision a autorité de chose jugée.

La banque sollicite la condamnation de M. [V] au montant de son cautionnement limité à 25 000 euros avec intérêts au taux légal sans y ajouter aucun accessoire, intérêt contractuel ou pénalité de retard, montant qui est très largement inférieur à la créance déclarée.

Le débat sur l'absence d'information annuelle de la caution est par conséquent sans objet.

M. [V] sera condamné à payer à la banque CIC Est la somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2019, date à laquelle la caution a accusé réception de la lettre de mise en demeure.

La capitalisation des intérêts, de droit, sera ordonnée.

Les délais de paiement :

M. [V] sollicite l'octroi de délais de paiement sans apporter aucun élément sur sa situation financière actuelle.

Il a par ailleurs déjà bénéficié des délais générés par la procédure.

Il sera par conséquent débouté de sa demande à ce titre.

Le devoir de mise en garde de la banque :

Par application de l'article 1147 ancien du code civil applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Dans ce cadre, la banque est tenue de mettre en garde la caution non avertie si, au jour où elle s'engage, l'engagement résultant du cautionnement n'est pas adapté à ses capacités financières ou si l'endettement résultant du prêt cautionné n'est pas lui-même adapté aux capacités financières du débiteur garanti faisant ainsi naître en son chef un risque d'endettement excessif.

En revanche, sauf le cas exceptionnel où l'établissement dispensateur de crédit détient des informations sur les revenus de la caution ou de l'emprunteur garanti, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement qui seraient légitimement ignorées de la caution, ce devoir de mise en garde n'existe pas à l'égard d'une caution avertie.

Contrairement à ce que soutient la banque CIC Est, M. [V] ne peut être considéré comme une caution avertie, le fait qu'il ait dirigé la société de transports Copel pendant de nombreuses années étant insuffisant à rapporter la preuve qui incombe à la banque de compétences, de connaissances ou d'une expérience particulière de la caution en matière financière.

M. [V] a donc la qualité de caution non avertie.

Pour autant, ce devoir de mise en garde ne pèse sur l'établissement bancaire qu'en cas de risque d'endettement.

Il a été précédemment démontré que la fiche de renseigements telle qu'elle a été complétée par M. [V] ne révélait aucun risque d'endettement en raison de l'importance de son patrimoine immobilier et mobilier déclaré.

Par ailleurs, s'agissant du risque d'endettement né de l'octroi du prêt à la société de transports Copel, il n'existe aucun élément de nature à considérer qu'il était inadapté aux capacités financières de cette société au moment où il lui a été octroyé, ce que ne conteste d'ailleurs pas M. [V] dans ses écritures.

Dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts formée par M. [V] doit être rejetée.

La situation de Mme [D] :

Aux termes de l'article 1415 du code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.

Mme [D] ne conteste pas avoir donné son consentement exprès à l'acte de cautionnement souscrit par M. [V] mais soutient que ses revenus et salaires ne peuvent être engagés et demeurent à l'abri des poursuites de la banque et ce en application du droit commun de l'article 1414 du code civil.

Si Mme [D], mariée à l'époque de souscription de l'engagement de M. [V] sous le régime de la communauté légale, n'engage pas ses biens propres, elle engage en revanche les revenus et salaires de la communauté, en ce compris ses revenus et salaires qui sont des biens communs.

Elle est par conséquent tenue de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [V] sur ses revenus et salaires.

Les garanties réciproques :

Il n'y a pas lieu que M. [V] et son ex-épouse se garantissent mutuellement dans le cadre de cette instance dans la mesure où c'est la convention de divorce qu'ils ont signée devant notaire le 18 novembre 2020 qui a vocation à régler leurs rapports entre eux et non les dispositions du présent arrêt.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera infirmée.

La situation économique déséquilibrée entre les parties justifie qu'il ne soit pas fait droit à la demande formée par la banque CIC Est.

Succombant en leurs prétentions, M. [V] et Mme [D] ne peuvent prétendre à une indemnité à ce titre.

Les dépens :

La décision sera infirmée.

M. [V] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières.

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [U] [V] à payer à la société Banque CIC Est la somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2019 et capitalisation des intérêts.

Dit que Mme [K] [D], mariée sous le régime de la communauté légale, est tenue de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [V] sur les biens communs y intégrant ses revenus et salaires.

Déboute M. [U] [V] et Mme [K] [D] de toutes leurs demandes.

Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [U] [V] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/01652
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;21.01652 ?
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