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24/05/2022 | FRANCE | N°21/01329

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 24 mai 2022, 21/01329


ARRET N°

du 24 mai 2022



RG 21/01329 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FA4I





[L]

[X]





c/



S.A. BNP PARIBAS











VM







Formule exécutoire le :

à :



Me Antoine GINESTRA



la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022



APPELANTS :

d'un jugement rendu le 28 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de

REIMS



Madame [E] [L] épouse [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Antoine GINESTRA, avocat au barreau de REIMS



Monsieur [H] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Antoine GINESTRA, avocat au barreau de REIMS





IN...

ARRET N°

du 24 mai 2022

RG 21/01329 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FA4I

[L]

[X]

c/

S.A. BNP PARIBAS

VM

Formule exécutoire le :

à :

Me Antoine GINESTRA

la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 28 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de REIMS

Madame [E] [L] épouse [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine GINESTRA, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [H] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Antoine GINESTRA, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-baptiste DENIS de la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIERS :

Monsieur Abdel-Ali AIT AKKA, greffier lors des débats et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte sous seing privé du 8 novembre 2016, la société BNP Paribas a consenti à la SASU Eco Constructions un 'Crédit Silo' d'un montant de 50 000 euros destiné au financement d'investissements divers, de renouvellement ou de développement, pour une durée maximale de 5 ans.

Mme [E] [X], en sa qualité de présidente de la SASU Eco Constructions s'est portée caution solidaire à concurrence de 50 % du montant de l'encours du crédit dans la limite d'une somme maximum de 28 750 euros, et pour une durée de 84 mois.

M. [H] [X], son époux a donné son consentement exprès à cet engagement.

Par acte sous seing privé du 3 août 2017, la société BNP Paribas a consenti à la SASU Eco Constructions un autre prêt à objet professionnel d'un montant de 50 000 euros destiné à reconstituer son fonds de roulement pour une durée de 60 mois, moyennant des mensualités de remboursement de 891,92 euros avec un taux d'intérêt fixe de 2,29 %.

Mme [E] [X], en sa qualité de présidente de la SASU Eco Constructions s'est de nouveau portée caution solidaire à concurrence de 50 % du montant de l'encours du crédit dans la limite d'une somme maximum de 28 750 euros, et pour une durée de 84 mois.

Son époux a également donné son consentement exprès à cet engagement.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte par jugement rendu le 3 avril 2018 par le tribunal de commerce de Reims au profit de la SASU Eco Constructions.

Dans le cadre de cette procédure, la banque a déclaré ses créances auprès du liquidateur judiciaire.

Le 24 avril 2018, la société BNP Paribas a mis en demeure Mme [E] [X] en sa qualité de caution de lui régler la somme de 42 533,10 euros au titre des deux cautionnements susvisés.

En l'absence de paiement, elle l'a fait assigner ainsi que son époux en paiement des sommes dues par la caution dans la limite des engagements de celle-ci.

Au termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2020, elle a demandé au visa des articles L332-1, L333-1, L343-4 et L343-5 du code de la consommation, 1134, 1147, 1415 et 2288 et suivants du code civil, et 331, alinéa 2 du code de procédure civile et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

- dire et juger que les engagements de cautionnement sont proportionnés aux biens et revenus de Mme [E] [X] et que celle-ci était informée de l'incident de paiement du prêt professionnel en date du 3 août 2017,

En conséquence,

- débouter Mme [E] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer les sommes de :

- au titre du Crédit Silo : 19 419,67 euros, (50 % du capital restant dû au 3 avril 2018 de 38 825,35 euros), outre intérêts au taux contractuel de 1% à compter du 3 avril 2018 jusqu'à complet paiement et dans la limite de 28 750 euros,

- au titre du crédit professionnel : 23 120,43 euros, (50% du capital restant dû au 3 avril 2018 de 46 240,86 euros), outre intérêts au taux contractuel de 2,29% à compter du 3 avril 2018 jusqu'à complet paiement et dans la limite de 28 750 euros,

- déclarer commune et opposable à M. [H] [X] la décision à intervenir,

- dire et juger que le recouvrement de la condamnation pourra s'effectuer par application de l'article 1415 du code civil sur les biens de la communauté existant entre les époux [X] par quelque voie d'exécution ou sûreté judiciaire que ce soit,

- condamner Mme [E] [X] à lui régler une indemnité de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,

- la condamner aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Badre Hyonne Sens-Salis Denis Roger.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 7 juin 2020, les époux [X] ont demandé au tribunal de :

- déclarer le cautionnement consenti disproportionné aux biens et revenus de la caution,

- débouter la banque de toutes ses demandes, cette dernière n'ayant pas préalablement à la conclusion des cautionnements sollicité auprès de la caution de déclarer le montant de ses revenus, charges, engagements bancaires, crédits et patrimoine,

Subsidiairement,

- condamner la banque à leur verser une somme d'un montant égal à la somme réclamée par la banque, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte de chance de ne pas contracter dans de telles conditions compte tenu de là défaillance de la banque dans son obligation de mise en garde,

- ordonner la compensation des créances et dettes réciproques,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts échus de la banque,

- condamner la banque à leur payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens avec faculté de recouvrement direct par Me Antoine Ginestra.

Par jugement du 28 mai 2021, le tribunal judiciaire de Reims a :

- débouté les époux [X] de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné Mme [E] [X] à payer à la société BNP Paribas au titre des cautionnements souscrits, dans la limite de ses engagements de caution à hauteur de 28 750 euros chacun, les sommes de :

- au titre du Crédit Silo : 19 419,67 euros, (50 % du capital restant dû au 3 avril 2018 de 38.825,35 euros), outre intérêts au taux contractuel de 1% à compter du 3 avril 2018 jusqu'à complet paiement,

- au titre du crédit professionnel : 23 120,43 euros, (50 % du. capital restant dû au 3 avril 2018 de 46 240,86 euros), outre intérêts au taux contractuel de 2,29 % à compter du 3 avril 2018 jusqu'à complet paiement,

- déclaré commun et opposable le jugement à M. [H] [X],

- débouté la société BNP Paribas du surplus de sa demande,

- condamné Mme [E] [X] à verser à la société BNP Paribas la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Mme [E] [X] aux dépens avec faculté de recouvrement direct au bénéfice de la SCP Badre Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a considéré que :

- les cautionnements n'étaient pas disproportionnés,

- la demande de déchéance du droit aux intérêts échus en l'absence d'information des incidents de paiement de l'emprunteur était injustifiée,

- s'agissant de la demande reconventionnelle en responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde, Mme [E] [X] était présidente de plusieurs sociétés depuis 2015 et salariée présidente de la SAS Eco Constructions depuis 2014 ; qu'elle disposait dès lors d'une compétence certaine en matière d'affaires et que compte tenu de ce statut, elle ne pouvait être qualifiée de caution non avertie, de sorte que la société BNP Paribas n'était tenue à aucun devoir de mise en garde au profit de Mme [E] [X].

Par déclaration reçue le 2 juillet 2021, les époux [X] ont formé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 30 septembre 2021, ils demandent à la cour:

Vu l'article 1103 du code civil dans sa version applicable au litige,

Vu les articles 2288, 2290, 2292 du code civil,

Vu l'article L341-4 du code de la consommation

Vu les articles 700 et suivants du code de procédure civile,

- de déclarer les consorts [X] recevable et bien fondée en leur appel,

- d'infirmer le jugement rendu le 28 mai 2021 par le pôle civil du tribunal judiciaire de Reims en ce qu'il a :

-débouté les époux [X] de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles,

-condamné Mme [E] [X] à payer à la société BNP Paribas au titre des cautionnements souscrits, dans la limite de ses engagements de caution à hauteur de 28 750 euros chacun, les sommes de :

- au titre du Crédit Silo : 19 419,67 euros, (50 % du capital restant dû au 3 avril 2018 de 38.825,35 euros), outre intérêts au taux contractuel de 1% à compter du 3 avril 2018 jusqu'à complet paiement,

- au titre du crédit professionnel : 23 120,43 euros, (50 % du capital restant dû au 3 avril 2018 de 46 240,86 euros), outre intérêts au taux contractuel de 2,29 % à compter du 3 avril 2018 jusqu'à complet paiement

-déclaré commun et opposable le jugement à M. [H] [X],

-débouté la société BNP Paribas du surplus de sa demande,

-condamné Mme [E] [X] à verser à la société BNP Paribas la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,

-condamné Mme [E] [X] aux dépens avec faculté de recouvrement direct au bénéfice de la SCP Badre Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement,

Statuant à nouveau,

- de déclarer la société BNP Paribas irrecevable et mal fondée en ses fins, demandes et conclusions dirigées à l'encontre des consorts [X],

- de dire et rappeler que les banques doivent justifier qu'elles ont, préalablement à la conclusion des cautionnements dont l'exécution est poursuivie, demandé aux cautions de déclarer le montant de leurs revenus, charges, engagements bancaires, crédits ainsi que le détail de leur patrimoine.

- de dire et juger le cautionnement consenti disproportionné aux biens et revenus de la caution,

- de débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées tant à

l'encontre des consorts [X],

Subsidiairement,

- de dire et juger que la BNP a engagé sa responsabilité vis-à-vis des consorts [X] pour

avoir manqué à son obligation de mise en garde,

- de condamner la BNP à verser aux consorts [X] une somme d'un même montant que celle réclamée par la banque contre les consorts [X] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte de chance de ne pas contracter dans de telles conditions et d'ordonner la compensation des créances et dettes réciproques des parties,

- de dire et juger la banque déchue du droit aux intérêts échus,

-condamner la BNP Paribas à payer aux consorts [X] une indemnité de 2000 euros

par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner enfin la BNP Paribas aux entiers dépens avec faculté de recouvrement

direct par Me Antoine Ginestra et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du

code de procédure civile,

- de rejeter toute demande contraire.

Par conclusions notifiées le 1er décembre 2021, la société BNP Paribas demande à la cour :

Vu les articles L332-1, L333-1, L343-4 et L343-5 du code de la consommation,

Vu les articles 1134, 1147, 1415 et 2288 et suivants de l'ancien code civil,

Vu l'article 331 alinéa 2 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement rendu le 28 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions,

- de débouter Mme [E] [X] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- de condamner Mme [E] [X] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel d'un montant de 2000 euros,

- de condamner Mme [E] [X] aux dépens d'appel prévus à l'article 695 du code de procédure civile en application de l'article 696 du même code.

MOTIFS DE LA DECISION :

La disproportion des engagements contractés par Mme [X] :

Aux termes de l'article L 332-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur antérieurement au 1er janvier 2022, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il incombe à la caution qui se prévaut de la disproportion entre son engagement et ses biens et revenus de le démontrer.

Cette disproportion s'apprécie lors de la conclusion de cet engagement et au regard de l'ensemble des éléments composant le patrimoine de la caution.

Enfin, sauf anomalie apparente, la banque doit se fier au contenu des renseignements donnés lors de la signature de l'acte de cautionnement.

A cet égard, la caution est tenue en vertu de l'article 1104 du code civil d'une exigence de bonne foi quant aux informations qu'elle donne à l'établissement bancaire.

En l'espèce, il est constant qu'avant de faire souscrire les deux cautionnements objets du litige

à Mme [X] et ce avec le consentement exprès de son conjoint, la société BNP Paribas a fait compléter une fiche de renseignements à l'intéressée le 18 octobre 2016 (pièce n° 8 de l'intimée).

Il en ressort :

- que Mme [X] a déclaré être propriétaire avec son époux d'un bien immobilier d'une valeur estimée de 780 000 euros avec un crédit restant dû sur cette acquisition de 333 000 euros,

- qu'elle a également déclaré comme revenus annuels une somme de 24 000 euros pour elle et de 30 000 euros pour son époux, soit 54 000 euros au total,

- qu'elle a enfin déclaré des charges annuelles de 22 000 euros.

Ces informations ne révèlent aucune anomalie apparente et il est relevé à cet égard que la société BNP Paribas ne pouvait avoir de contrôle sur les informations données par la caution dans la mesure où le prêt immobilier ayant servi à financer l'immeuble a été contracté auprès d'une banque concurrente (le Crédit Agricole) ; il en est de même pour les revenus mensuels du couple qui étaient versés sur un compte ouvert également au Crédit Agricole.

C'est par conséquent vainement que Mme [X] allègue une disproportion de ses engagements alors qu'elle a travesti la réalité s'agissant de la valeur du bien immobilier acquis avec son époux (elle l'avait en réalité acquis pour un prix de 87 000 euros avec un prêt d'un montant de 349 465 euros destiné à financer des travaux ainsi qu'il ressort d'une attestation de Maître [V], notaire à [Localité 5]).

Elle a également tu le fait qu'en 2015 et 2016, le couple [X] n'avait aucun revenu (leur avis d'imposition pour les années 2015 et 2016 porte mention d'une absence d'imposition).

L'examen des relevés de compte du couple révèle enfin que des charges mensuelles n'ont pas été déclarées (en particulier un prêt Diac d'un montant mensuel de 991,30 euros et un prêt Consumer Finance d'un montant mensuel de 314,76 euros).

C'est par conséquent à juste titre que la société BNP Paribas soutient que la déclaration patrimoniale mensongère de Mme [X] l'engage et qu'elle ne démontre pas le caractère manifestement disproportionné de ses engagements limités chacun à 28 750 euros.

La décision sera par conséquent confirmée sur ce point.

La déchéance du droit aux intérêts en l'absence d'information des incidents de paiement de l'emprunteur :

Aux termes des articles L 333-1 et L 343-5 du code de la consommation dans leur version en vigueur antérieurement au 1er janvier 2022, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement.

Lorsque le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution n'est pas tenue au paiement des pénailités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Comme en première instance, M. et Mme [X] soutiennent que la banque n'a pas respecté son obligation d'information de la caution des incidents de paiement de l'emprunteur.

Le Crédit Silo n'a pas fait l'objet d'incident de paiement avant la liquidation judiciaire de la société Eco Construction le 3 avril 2018.

Le crédit professionnel a fait l'objet d'un incident de paiement quelques jours seulement avant cette liquidation et l'absence d'information n'a donc aucune incidence sur les intérêts.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. et Mme [X] de leur demande à ce titre.

La décision sera également confirmée sur le montant des condamnations et l'opposabilité à M. [X] du jugement qui ne fait pas l'objet de contestation.

Le devoir de mise en garde de la banque :

Par application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Dans ce cadre, la banque est tenue de mettre en garde la caution non avertie si, au jour où elle s'engage, l'engagement résultant du cautionnement n'est pas adapté à ses capacités financières ou si l'endettement résultant du prêt cautionné n'est pas lui-même adapté aux capacités financières du débiteur garanti faisant ainsi naître en son chef un risque d'endettement excessif.

En revanche, sauf le cas exceptionnel où l'établissement dispensateur de crédit détient des informations sur les revenus de la caution ou de l'emprunteur garanti, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement qui seraient légitimement ignorées de la caution, ce devoir de mise en garde n'existe pas à l'égard d'une caution avertie.

La cour considère que Mme [X] ne peut être considérée comme une caution avertie, le fait qu'elle dirige en sus de la société Eco Construction deux autres sociétés (Pharmarket Discount et Sopral) étant insuffisant à rapporter la preuve qui incombe à la banque de compétences, de connaissances ou d'une expérience particulière de la caution en matière financière.

Mme [X] a donc la qualité de caution non avertie.

Pour autant, ce devoir de mise en garde ne pèse sur l'établissement bancaire qu'en cas de risque d'endettement.

Il a été précédemment démontré que la fiche de renseigements telle qu'elle a été complétée par Mme [X] ne révélait aucun risque d'endettement s'agissant de ses propres engagements en raison de l'importance de son patrimoine immobilier déclaré.

Par ailleurs, s'agissant du risque d'endettement né de l'octroi des prêts à la société Eco Construction, il n'existe aucun élément de nature à considérer qu'ils étaient inadaptés aux capacités financières de cette société au moment où ils lui ont été octroyés et les échéances des prêts ont d'ailleurs été réglées normalement jusque fin février 2018.

Dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts formée par les appelants doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée.

Succombant en leur appel, M. et Mme [X] ne peuvent prétendre à une indemnité.

L'équité justifie qu'il soit alloué à la société BNP Paribas la somme de 1000 euros au paiement de laquelle Mme [X] sera condamnée.

Les dépens :

La décision sera confirmée.

Mme [X] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Reims.

Y ajoutant ,

Condamne Mme [E] [L] épouse [X] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [H] [X] et Mme [E] [L] épouse [X] de leur demande à ce titre.

Condamne Mme [E] [L] épouse [X] aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/01329
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;21.01329 ?
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