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24/05/2022 | FRANCE | N°21/00771

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 24 mai 2022, 21/00771


ARRET N°

du 24 mai 2022



N° RG 21/00771 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-E7SA





[I]





c/



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRA NCE











VM



Formule exécutoire le :

à :



Me Arnaud GERVAIS



la SELARL LALANCE MARILYN

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022



APPELANT :



d'un jugement rendu le 19 janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de

REIMS



Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Arnaud GERVAIS, avocat au barreau de REIMS





INTIMEE :



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRA NCE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée p...

ARRET N°

du 24 mai 2022

N° RG 21/00771 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-E7SA

[I]

c/

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRA NCE

VM

Formule exécutoire le :

à :

Me Arnaud GERVAIS

la SELARL LALANCE MARILYN

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022

APPELANT :

d'un jugement rendu le 19 janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS

Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Arnaud GERVAIS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRA NCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marilyn LALANCE de la SELARL LALANCE MARILYN, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Abdel-Ali AIT AKKA, greffier lors des débats et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a consenti le 31 juillet 2013 à la SARL [I] Chauffage Service un crédit de 40 000 euros destiné au financement des besoins en fonds de roulement de la SARL, amortissable sur une durée de 36 mois, au taux d'intérêt fixe de 3,45% l'an, soit des échéances mensuelles constantes de 1185,20 euros.

M. [U] [I], gérant de la SARL [I] Chauffage Service, s'est porté caution solidaire et indivisible de sa société le 30 juillet 2013 dans la limite de 26 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et ce pour une durée de 66 mois.

Le 6 juin 2014, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL [I] Chauffage Service.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a déclaré sa créance le 23 juin 2014 auprès du mandataire judiciaire pour un montant de 70 857,39 euros à titre chirographaire, incluant l'encours restant dû au titre du crédit de 40 000 euros sus nommé, soit 30 387,01 euros.

Cette créance a été admise en totalité au passif de la SARL [I] Chauffage Service le 23 mars 2015.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a adressé une lettre recommandée avec AR à M. [U] [I] en sa qualité de caution, afin de lui rappeler son engagement à hauteur de 26 000 euros.

Aucune poursuite n'a été engagée à l'encontre de M. [U] [I] du fait que la société [I] Chauffage Service bénéficiait d'une période d'observation.

La liquidation judiciaire de la SARL [I] Chauffage Service a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Saint Quentin en date du 9 septembre 2016.

Par lettre recommandée avec AR du 29 août 2016, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a mis en demeure M. [U] [I] de lui régler la somme de 16 399,71 euros, dans un délai de 15 jours, en sa qualité de caution de la SARL [I] Chauffage Service.

Le 29 avril 2017, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a été absorbée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France qui, venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie, a poursuivi les démarches en recouvrement entreprises à l'encontre de M. [U] [I].

Par exploit d'huissier du 2 octobre 2018, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France, venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie, a fait donner assignation à M. [U] [I] d'avoir à comparaître devant le tribunal de commerce de Reims aux fins de :

Vu les anciens articles 1134 et suivants de code civil,

- débouter M. [U] [I] de l'intégralité de ses prétentions,

- dire et juger la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France recevable et bien-fondée en son action,

- condamner M. [U] [I] à régler à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France la somme de 16 399,71 euros en principal, outre intérêts conventionnels à compter du 29 août 2016, date de la première mise en demeure, jusqu 'à parfait paiement,

- condamner M. [U] [I] à régler à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner M. [U] [I] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions, M. [U] [I] a demandé au tribunal de :

Vu les articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants du code civil,

Vu les articles 1343 5 et suivants du code civil,

- dire et juger la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France tant irrecevable que mal fondée en ses demandes,

Ce faisant,

- constater que de convention entre les parties, l'engagement de caution de M. [U] [I] a pris fin le 5 septembre 2016,

- débouter en conséquence la demanderesse comme irrecevable, faute pour elle d'avoir agi antérieurement à cette dernière date,

A titre très subsidiaire,

- dire et juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie aux droits de laquelle vient la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France a commis divers manquements à l'égard de M. [U] [I] dans le cadre tant de la souscription de la convention de prêt cautionnée que de l'engagement de caution solidaire qu'elle lui a fait souscrire,

- dire et juger que ces fautes sont génératrices d'un préjudice direct pour la caution,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France à payer à M. [U] [I] une somme équivalente aux sommes qui lui sont réclamées dans le cadre du présent procès au titre du contrat concerné et ce, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant des manquements concernés,

- ordonner la compensation pure et simple entre l'indemnité qui sera perçue à titre de dommages et intérêts par M. [U] [I] et la somme qui lui est réclamée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France,

- débouter par voie de conséquence la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires dirigées à l'encontre du concluant à ce titre,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France à payer à M. [U] [I] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre encore plus subsidiaire,

- constater que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France ne justifie pas du respect des dispositions de l'article L313-22 de code monétaire et financier à l'égard de M. [U] [I] antérieurement au 15 mars 2016,

- dire et juger qu'au titre de la convention concernée, la déchéance des intérêts est encourue,

- enjoindre en conséquence à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France de verser aux débats un décompte expurgé de tous intérêts antérieurement au 15 mars 2016,

A défaut,

- débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France de toutes demandes au titre des contrats en cause conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- dire et juger M. [U] [I] débiteur malheureux et de bonne foi,

- en conséquence, lui accorder les plus larges délais de paiement conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil,

- dire et juger que M. [U] [I] pourra s'acquitter des sommes qui seront éventuellement mises à sa charge par versement de 200 euros par mois pendant une durée de 23 mois, la 24ème mensualité correspondant au solde de la dette,

- dire et juger que les versements s'imputeront en priorité sur les capitaux restant dûs,

- débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France de l'ensemble de ses

demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la banque en tous les dépens de la présente instance.

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal de commerce de Reims a :

Vu les anciens articles 1134 et suivants de code civil,

Vu l'article 32 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103 et suivants, 1231 1 et suivants du code civil,

- reçu la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France en ses demandes, l'a déclaré partiellement bien fondée,

En conséquence,

- dit et jugé que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie aux droits de laquelle vient la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France n'a commis aucun manquement à l'égard de M. [U] [I] dans la cadre tant de la souscription de la convention de prêt cautionnée que de l'engagement de caution solidaire souscrit par ce dernier,

- dit et jugé que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France n'a commis aucune faute génératrice d'un préjudice direct pour M. [U] [I],

- ordonné la déchéance des intérêts échus sur la période du 31 mars 2014, date à laquelle la première lettre d'information aurait dû être adressée à M. [U] [I] jusqu'au 15 mars 2016,

- ordonné à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France de produire à M. [U] [I] un décompte des sommes dues par ce dernier, expurgé des intérêts conventionnels portant sur la période du 31 mars 2014 au 15 mars 2016,

- condamné M. [U] [I] à régler à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 16 399,71 euros, outre intérêts conventionnels à compter du 29 août 2016 jusqu'à parfait paiement,

- dit et jugé que de cette somme due il conviendra de déduire les intérêts indus sur la période du 31 mars 2014 au 14 mars 2016, au vu d'un décompte modificatif établi par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France,

- débouté M. [U] [I] de sa demande de délais de paiement,

- condamné M. [U] [I] à verser à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné M. [U] [I] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue le 9 avril 2021, M. [U] [I] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 7 mars 2022, il demande à la cour :

Vu les articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants du code civil,

Vu l'article 650-1 du code de commerce,

Vu les articles 1343-5 et suivants du code civil,

- de déclarer M. [U] [I] recevable et fondé en son recours,

Ce faisant :

- d'infirmer le jugement,

Et statuant à nouveau,

- de constater que de convention entre les parties, l'engagement de caution de M. [U] [I] a pris fin le 5 septembre 2016,

- de débouter en conséquence la banque comme irrecevable, faute pour elle d'avoir agi

antérieurement à cette dernière date,

A titre très subsidiaire,

- de juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie aux droits de laquelle vient la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France a commis divers manquements à l'égard de M. [U] [I] dans le cadre tant de la souscription de la convention de prêt cautionnée que de l'engagement de caution solidaire qu'elle lui a fait souscrire,

- de juger que ces fautes sont génératrices d'un préjudice pour la caution,

- de condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France à payer à M. [U] [I] une somme équivalente aux sommes qui lui sont réclamées dans le cadre du présent procès au titre du contrat concerné et ce, à titre de dommages et intérêts au titre la perte de chance de ne pas contracter subie en raison des manquements concernés,

- d'ordonner la compensation pure et simple entre l'indemnité qui sera perçue à titre de dommages et intérêts par M. [U] [I] et la somme qui lui est réclamée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France,

- de débouter par voie de conséquence la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires dirigées à l'encontre du concluant à ce titre,

- de condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France à payer à M. [U] [I] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre encore plus subsidiaire,

- de juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France ne justifie pas du respect des dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier à l'égard de M. [U] [I] antérieurement au 15 mars 2016,

- de dire et juger qu'au titre de la convention concernée, la déchéance des intérêts est encourue,

- d'enjoindre en conséquence à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France de verser aux débats un décompte expurgé de tous intérêts antérieurement au 15 mars 2016,

- à défaut, de débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France de toutes demandes au titre des contrats en cause conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- de juger M. [U] [I] débiteur malheureux et de bonne foi,

- en conséquence, de lui accorder les plus larges délais de paiement conformément aux

dispositions de l'article 1343 5 du code civil,

- de juger que M. [U] [I] pourra s'acquitter des sommes qui seront éventuellement mises à sa charge par versement de 200 euros par mois pendant une durée de 23 mois, la 24ème mensualité correspondant au solde de la dette,

- de juger que les versements s'imputeront en priorité sur les capitaux restant dûs,

- de débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- de condamner la banque en tous les dépens de la présente instance dont distraction est

requise au profit de Me Arnaud Gervais, avocat aux offres de droits conformément aux dispositions de 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 8 octobre 2021, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France, venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie, demande à la cour :

Vu les anciens articles 1134 et suivants de code civil,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 19 janvier 2021,

- de débouter M. [U] [I] de l'intégralité de ses prétentions,

- de dire et juger la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France recevable et bien fondée en son action,

- de condamner M. [U] [I] à régler à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France la somme de 16 399,71 euros en principal, outre intérêts conventionnels à compter du 29 août 2016, date de la première mise en demeure, jusqu'à parfait paiement,

- de condamner M. [U] [I] à régler à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ce qui concerne la procédure d'appel,

- de condamner M. [U] [I] aux entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la SELARL Marilyn Lalance, avocat aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DECISION :

La demande de rejet des dernières conclusions de M. [I] :

Par message RPVA du 8 mars 2022, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France sollicite le rejet des dernières conclusions notifiées par M. [I] le 7 mars 2022, soit la veille de l'ordonnance de clôture.

Cette demande n'a pas été portée par voie de conclusions adressées à la cour et elle est par conséquent irrecevable.

La prescription de l'action :

M. [I] soutient que l'action engagée à son encontre est prescrite dans la mesure où postérieurement à l'acte du 30 juillet 2013, les modalités d'exécution de cet engagement ont été modifiées entre les parties, M. [I] n'étant désormais plus tenu que de la moitié des sommes dues et pour une durée d'action expirant le 5 septembre 2016 ; il en déduit que l'action de la banque ayant été introduite postérieurement à la date d'échéance des obligations mises à sa charge, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts De France est irrecevable en ses demandes.

Il se prévaut à cet égard de la novation contractuelle définie à l'article 1329 du code civil constituée par les courriers de la banque qui lui ont été adressés les 15 mars 2016 et 13 mars 2017 qui indiquent expressément que son obligation prend fin le 5 septembre 2016 et par les demandes formées par la banque qui ne sollicite que 50 % des sommes restant dues, soit un versement différent de celui auquel elle pouvait prétendre si l'engagement initialement souscrit par M. [I] avait été appliqué.

La novation ne se présume pas et la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

Il ne suffit pas, pour opérer novation d'un cautionnement,que la banque actionne en paiement la caution pour des sommes inférieures à celles auxquelles elle aurait pu prétendre en exécution de l'acte.

Ainsi, la réduction par le créancier du montant d'une demande en paiement , quel qu'en soit le motif, n'est pas une novation ; à cet égard, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France justifie par sa pièce n° 19 qu'elle était tenue par BPI France de limiter son recours à l'encontre de la caution à 50 % de l'encours du crédit.

Il ne peut pas non plus être donné aux deux courriers adressés par la banque les 15 mars 2016 et 13 mars 2017 à M. [I] en sa qualité de caution une portée juridique qu'ils n'ont pas, ces courriers ne visant qu'au respect des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier relatives à l'information annuelle de la caution.

Le fait qu'y figure la mention suivant laquelle le cautionnement est souscrit en principe jusqu'au 5 septembre 2016 ne peut donc valoir novation quant à la modification de la durée initiale du cautionnement qui reste fixée à 66 mois.

En tout état de cause et à supposer même que le raisonnement de M. [I] soit validé et qu'une novation du contrat se soit opérée, l'extinction du cautionnement ne met un terme qu'à l'obligation de couverture de la caution mais non à son obligation de règlement dès lors que celle-ci porte sur des dettes nées pendant la durée du cautionnement, ce qui est le cas en l'espèce.

La demande en paiement est par conséquent recevable et la décision sera confirmée sur ce point.

La responsabilité de la banque :

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Dans ce cadre, la banque est tenue de mettre en garde la caution non avertie si, au jour où elle s'engage, l'engagement résultant du cautionnement n'est pas adapté à ses capacités financières ou si l'endettement résultant du prêt cautionné n'est pas lui-même adapté aux capacités financières du débiteur garanti faisant ainsi naître en son chef un risque d'endettement excessif.

En revanche, sauf le cas exceptionnel où l'établissement dispensateur de crédit détient des informations sur les revenus de la caution ou de l'emprunteur garanti, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement qui seraient légitimement ignorées de la caution, ce devoir de mise en garde n'existe pas à l'égard d'une caution avertie (il s'agit de la règle posée avant l'ordonnance du 15 septembre 2021 sur le droit des sûretés et l'article 2299 nouveau du code civil non applicable au cas d'espèce en raison de la date de souscription de l'acte de cautionnement de M. [I]).

Il est constant, aux termes de la fiche de renseignements complétée par la caution le 19 avril 2013 qui a déclaré sincères les éléments y figurant qu'il n'y a mentionné aucun autre cautionnement.

Or, il résulte des propres écritures et des documents produits par M. [I] (ses pièces n° 5 et 6) qu'en réalité il a caché à son cocontractant l'existence de trois autres cautionnements qu'il avait souscrits antérieurement auprès de la Caisse du Crédit Mutuel de Laon et du Crédit Agricole Mutuel du Nord Est.

Il ressort de ces éléments que M. [I], qui souscrit son quatrième cautionnement au moment où il s'engage avec la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France, doit être considéré comme une caution avertie de toutes les implications générées par cet acte , de sorte que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde d'un risque d'endettement à son encontre.

M. [I] sera par conséquent débouté de sa demande indemnitaire et la décision sera confirmée sur ce point.

Les sommes dues par M. [I] :

La déchéance du droit aux intérêts contractuels et les sommes à payer :

L'article L 313-22 du code monétaire et financier applicable jusqu'au 1er janvier 2022 dispose que l'établissement bancaire doit faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement.

Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Le tribunal a condamné M. [I] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France la somme de 16 399,71 euros outre intérêts conventionnels à compter du 29 août 2016 et dit que de cette somme, il convenait de déduire les intérêts indus sur la période du 31 mars 2014 au 14 mars 2016 au vu d'un décompte modificatif à établir par l'établissement bancaire.

L'intimée ne conteste pas la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour cette période.

M. [I] soutient de son côté qu'il convient d'enjoindre à la banque de produire un décompte expurgé des intérêts indus, faute de quoi elle doit être déboutée de sa demande en paiement.

Il est exact que le tribunal ne pouvait laisser à la seule initiative de l'établissement bancaire le soin d'établir un décompte modificatif prenant en considération les intérêts indus et venant en déduction d'une créance qu'il avait préalablement fixée, document dépourvu de tout caractère contradictoire.

Si la banque justifie des courriers d'information annuelle à M. [I] à compter de l'année 2016, elle n'en justifie pas pour les années 2014 et 2015.

Au vu des des informations concernant le montant des intérêts et accessoires portés sur les courriers d'information reçus par la caution qui permettent de déterminer le montant de la créance, sans qu'il soit besoin d'enjoindre à la banque de produire un nouveau décompte, il y a lieu de fixer cette créance comme suit :

- principal (50 % du capital restant dû de 30 384,14 euros au 5 juin 2014) : 15 192,07 euros

- aucun intérêt de retard pour les années 2014 et 2015'

- reprise des intérêts à compter du 3 octobre 2016, date de réception de la mise en demeure adressée à la caution le 29 août 2016,

soit la somme de 15 192,07 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3,45 % à compter du 3 octobre 2016 au paiement de laquelle sera condamné M. [I].

Les délais de paiement :

Pas plus qu'en première instance, M. [I] ne donne d'éléments sur sa situation financière actuelle, de sorte que sa demande de délais de paiement sera rejetée et la décision confirmée sur ce point.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée.

En équité, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées à ce titre à hauteur de cour.

Les dépens :

La décision sera confirmée.

Succombant en ses prétentions, M. [I] sera condamné aux dépens de l'instance d'appel avec recouvrement direct par application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Déclare irrecevable la demande formée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts De France, venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie, aux fins de voir écarter les conclusions notifiées par M. [U] [I] le 7 mars 2022.

Confirme le jugement rendu le 19 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Reims à l'exception du montant des condamnations prononcées à l'encontre de M. [U] [I] ;

Statuant à nouveau sur ce point ;

Condamne M. [U] [I] à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts De France, venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie, la somme de

15 192,07 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3,45 % à compter du 3 octobre 2016.

Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [U] [I] aux dépens de l'instance d'appel avec recouvrement direct par application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/00771
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;21.00771 ?
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