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24/05/2022 | FRANCE | N°15/00777

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 24 mai 2022, 15/00777


ARRET N°

du 24 mai 2022



R.G : N° RG 15/00777 - N° Portalis DBVQ-V-B67-DYSX





[C]

[C]





c/



[P]-[L]

[D]

[N]

[Z]











CL



Formule exécutoire le :

à :



la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET



la SCP MANIL



SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022



APPELANTS :



d'un jugem

ent rendu le 20 février 2015 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE MEZIERES



Monsieur [F] [C]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Mélanie TOUCHON de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau d'ARDENNES



Madame [U] [C]

[A...

ARRET N°

du 24 mai 2022

R.G : N° RG 15/00777 - N° Portalis DBVQ-V-B67-DYSX

[C]

[C]

c/

[P]-[L]

[D]

[N]

[Z]

CL

Formule exécutoire le :

à :

la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET

la SCP MANIL

SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MAI 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 20 février 2015 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE MEZIERES

Monsieur [F] [C]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Mélanie TOUCHON de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau d'ARDENNES

Madame [U] [C]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Mélanie TOUCHON de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau d'ARDENNES

INTIMES :

Monsieur [I] [P]-[L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Patrick MANIL de la SCP MANIL, avocat au barreau d'ARDENNES

Madame [X] [D] épouse [P]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Patrick MANIL de la SCP MANIL, avocat au barreau d'ARDENNES

Monsieur [S] [N]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS

Madame [O] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame JUNGBLUTH présidente de chambre, et Monsieur LECLER conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Ils en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIERS :

Monsieur Abdel-Ali AIT AKKA, greffier lors des débats et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 05 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

Suivant acte de vente en date du 2 mai 1996, Madame [H] [W], Madame [J] [W], Madame [U] [W] et Monsieur [A] [W] (les consorts [W]) ont vendu à Monsieur [I] [P]-[L] et à Madame [X] [D] épouse [P] (les époux [P]) une maison d'habitation sise commune de [Adresse 11], avec un jardin, un pré et un verger, l'ensemble étant cadastré section AI n° [Cadastre 6] lieu-dit « derrière les jardins » repris, après division du cadastre, sous le n° [Cadastre 7] de la section AI, lieu-dit « [Adresse 2] ».

Il était précisé dans l'acte que la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 7] provenait de la division de la parcelle cadastrée AI n°[Cadastre 4] lieu-dit « [Adresse 2] » en deux nouvelles parcelles cadastrées AI n°[Cadastre 7], même lieu-dit, objet de la vente, et section AI n°[Cadastre 8], même lieu-dit, restant appartenir aux vendeurs.

Par acte en date du 30 novembre 2012, Monsieur [F] [C] et Madame [U] [W] épouse [C] (les époux [C]) ont fait assigner les époux [P] devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, pour réclamer en dernier lieu de :

- constater l'état d'enclave de la parcelle sise à [Adresse 10] section AI n°[Cadastre 8] ;

- dire que le chemin de désenclavement serait établi sur la parcelle appartenant aux époux [P] cadastrée AI n° [Cadastre 7] ;

- désigner tel expert qu'il plairait au tribunal aux fins de définir le tracé de la servitude de passage leur permettant d'emprunter un véhicule terrestre à moteur ;

- condamner solidairement les époux [P] aux entiers dépens avec distraction au profit de leur conseil, et à leur payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, les époux [P] ont demandé de :

- constater que la parcelle cadastrée AI n°[Cadastre 8] n'était pas enclavée et qu'il n'y avait pas lieu à servitude de passage sur la parcelle cadastrée AI n°[Cadastre 8] leur appartenant;

- dire n'y avoir lieu à expertise;

- débouté les demandeurs de leurs prétentions;

- condamner solidairement les demandeurs aux entiers dépens avec distraction au profit leur conseil, et à leur payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 20 février 2015, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

- débouté Monsieur [C] et Madame [U] [W] de l'ensemble de leurs prétentions ;

- condamné in solidum Monsieur [C] et Madame [U] [W] aux entiers dépens avec distraction au profit du conseil des époux [P], ainsi qu'à payer à ces derniers la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 2 avril 2015, les époux [C] ont relevé appel de ce jugement.

Par acte en date du 26 juin 2015, les époux [P] ont vendu à Monsieur [S] [N] et à Madame [O] [Z] (les consorts [N]-[Z]) leur propriété sise [Adresse 2], comprenant les parcelles cadastrées AI n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7].

Le 6 avril 2016, les époux [C] ont fait assigner les consorts [N]-[Z] en intervention forcée.

Le 25 avril 2017, a été ordonné la clôture de l'instruction de l'affaire.

Par arrêt contradictoire en date du 27 juin 2017, la cour d'appel de céans, statuant avant dire droit, a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats ;

- fait injonction à la partie la plus diligente de produire aux débats une copie en couleur certifiée conforme par le notaire rédacteur de l'original de l'acte de vente du 2 mai 1996 par les consorts [W] aux époux [P] avec la copie en couleur du plan annexé à l'acte portant mention coloriée en rouge de la servitude existante sur le terrain vendu ;

- invité également les parties à formuler, si elles l'estimassent utile, des observations éventuellement à produire des pièces sur les modalités autorisées de circulation des propriétaires fonciers sur le chemin communal de la réserve nationale de la pointe de [Localité 9] se trouvant sur la commune de [Localité 1] ;

- renvoyé l'affaire l'audience de mise en état du 20 septembre 2017 ;

- réservé les dépens les demandes des parties.

Le 20 septembre 2017, les époux [C] ont produit :

- une copie en couleur certifiée conforme par le notaire de l'acte de vente du 2 mai 1996 avec la copie couleur du plan annexé à l'acte portant mention en rouge de la servitude existante sur le terrain vendu ;

- une attestation du conservateur de la réserve naturelle nationale de la pointe de [Localité 9] du 19 juillet 2017 avec, en annexe la copie du décret de création de la réserve et un plan géoportail ;

- le certificat du maire de [Localité 1] établi le 12 octobre 2000 et le 18 juillet 2017.

Par arrêt contradictoire en date du 5 juin 2018, la cour d'appel de céans a :

- infirmé le jugement déféré en sa disposition déboutant les époux [C] de leur demande tendant à constater l'état d'enclave de la parcelle sise à [Adresse 10] section AI n° [Cadastre 8] ;

statuant à nouveau :

- constaté l'état d'enclave de la parcelle sise à sise à [Adresse 10] section AI n° [Cadastre 8] appartenant aux époux [C] ;

Avant dire droit sur les autres demandes des parties :

- désigné Madame [K] [R] [E], géomètre expert, avec pour mission notamment de :

- se rendre sur les lieux litigieux;

- se faire remettre tous documents utiles, entendre tout sachant et de définir, notamment sur un plan, le tracé exact de la servitude de passage permettant à Madame [W] d'accéder de la parcelle AI [Cadastre 8] à la [Adresse 11] avec un véhicule à moteur du côté où le trajet était le plus court du fonds enclavé à la voie publique et dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fond duquel il serait fixé ;

- déterminer si une servitude de passage suffisante sur le fonds AI n°[Cadastre 7] pouvait être établie et si elle correspondait au trajet le plus rapide et le moins dommageable ;

- évaluer le montant du préjudice subi par le propriétaire du fonds sur lequel serait proposée la servitude et de chiffrer le montant de l'indemnité de nature à le réparer ;

- Dit que les époux [C] devraient consigner la somme de 3000 euros à valoir sur les honoraires et frais de l'expert dans un délai de 2 mois du présent arrêt ;

- dit que l'expert commis après réception de l'avis de consignation, déposerait son rapport définitif dans un délai de 4 mois à compter du présent arrêt, sauf prorogation.

Le 3 août 2018, les époux [C] ont versé la consignation mise à leur charge.

Le 15 mars 2019, l'expert commis a réalisé une visite sur site, mais par la suite n'a jamais déposé de pré-rapport ni de rapport.

Par courrier du greffe en date du 14 janvier 2020, cet expert a été invité à faire connaître l'état d'avancement de ses opérations et la date de dépôt de son rapport.

Le 7 août 2020 les époux [C] ont demandé le remplacement de ce premier expert.

Par ordonnance en date du 16 septembre 2020, Monsieur [M] [B] a été désigné comme expert en lieu et place de Madame [K] [R] [E].

Par ordonnance en date du 4 janvier 2021, le délai de dépôt de son rapport par l'expert a été prorogé jusqu'au 30 juin 2021.

Par ordonnance en date du 23 juin 2021, le délai de dépôt de son rapport par l'expert a de nouveau été prorogé jusqu'au 29 octobre 2021.

Le 2 novembre 2021, le second expert a déposé son rapport.

Le 15 mars 2022, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:

- le 14 mars 2022 par les époux [C], appelants ;

- le 14 mars 2022 par les époux [P], intimés ;

- le 14 mars 2022 par consorts [N]-[Z], intimés.

Les époux [C] demandent l'infirmation totale du jugement déféré, sauf à voir rappeler les dispositions de l'arrêt définitif de la cour de céans du 5 juin 2018, et de :

- fixer au profit de la parcelle AI [Cadastre 8] une servitude de passage avec un véhicule terrestre à moteur sur les parcelles AI [Cadastre 7] et AI [Cadastre 5] en application de l'article 684 du Code civil, selon emprise telle que proposée par le rapport d'expertise de Monsieur [B] du 29 octobre 2021, annexe 4-2, sauf meilleur accord des parties pour fixer une assiette différente, qui sera annexé à l'arrêt à intervenir ;

- statuer ce que de droit sur le montant de l'indemnisation due en contrepartie, après l'avoir réduite à de justes proportions et avoir écarté l'avis de l'expert judiciaire.

En tout état de cause, les époux [C] demandent de débouter les époux [P] et les consorts [N]-[Z] de l'ensemble de leurs demandes, et de les condamner aux entiers dépens des deux instances, en ce compris les frais d'expertise à hauteur de 4728,22 euros, avec distraction au profit leur conseil, et solidairement à leur payer la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Les époux [P] demandent de débouter les époux [C] de leur demande de condamnation solidaire envers eux-mêmes tant sur les frais irrépétibles que sur les dépens de l'instance comprenant le coût de l'expertise.

Les consorts [N]-[Z] demandent la confirmation intégrale du jugement déféré, et le débouté de l'ensemble des prétentions des époux [C].

À titre subsidiaire, ils demandent la condamnation des époux [C] à leur payer une somme de 13'000 euros en réparation du préjudice subi.

Ils demandent la condamnation solidaire des époux [C] aux entiers dépens des deux instances avec distraction au profit leur conseil, et à leur payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

MOTIVATION :

Observations préliminaires:

Selon l'article 480 du code de procédure civile,

Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

L'arrêt susdit du 5 juin 2018 a déjà statué sur l'état d'enclave de la parcelle AI n°[Cadastre 8] appartenant aux époux [C], en infirmant de ce chef le jugement déféré.

Il y aura donc lieu de déclarer irrecevable la demande des consorts [N]-[Z] tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux [C] de leur demande tendant à voir constater l'état d'enclave de la parcelle AI n°[Cadastre 8] leur appartenant.

Sur la détermination de l'assiette de la servitude de passage:

Selon l'article 682 du même code, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

Selon l'article 683 du même code, le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique, néanmoins il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.

Selon l'article 684 du même code, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; toutefois dans le cas où un passage suffisant sur les fonds divisés ne pourrait être établi, l'article 682 serait applicable.

L'expert a dressé un plan faisant ressortir les différents éléments de contrainte par rapport au passage recherché comme les dénivelés, les talus, les haies, les clôtures, les bâtiments, les réseaux.

Dans son rapport, l'expert indique avoir tenu compte de la largeur suffisante pour permettre la desserte avec un véhicule particulier ou un tracteur permettant d'entretenir la propriété, et a retenu à cet égard une largeur de bande roulante de 3 mètres au minimum en moyenne; eu égard aux contraintes de dénivelé, et en y ajoutant les contraintes météorologiques, il a considéré qu'il y avait lieu après les 4 premiers mètres de ne pas dépasser 18 % d'inclinaison et que pour un accès plus confortable, une valeur de 10 à 15 % de pente maximale était à retenir.

En l'état de ces contraintes, l'expert indique avoir recherché l'aspect le moins dommageable pour le fonds servant, c'est-à-dire qui ne pas passait trop proche des espaces de vie, ainsi que le tracé le plus court possible.

En fonction ces éléments il indique avoir esquissé une proposition, formulée dans ses annexes 4, d'un tracé répondant la fois aux contraintes techniques (largeur minimale, pente maximale) tout en limitant le plus possible l'impact (utilisation si possible des accès existants).

En outre afin de limiter au maximum l'impact pour le fonds servant, l'expert a proposé qu'en plus des travaux d'étude de réalisation du nouveau chemin d'accès, devant être pris en charge intégralement par le fonds dominant, actuellement propriété des époux [C], il y avait lieu d'ajouter les mesures compensatoires complémentaires suivantes :

- mise en place d'une nouvelle plantation de type haie arbustive (essence locale à définir) tout au long de l'accès à créer pour remplacer la haie existante, qui devra être arrachée aux frais des demandeurs lors des travaux; cette haie devra permettre de reconstituer la frange métallisée limitant le vis-à-vis sur la propriété et en particulier sur la maison, la terrasse, et le jardin du fonds servant appartenant actuellement aux défendeurs les consorts [N]-[Z];

- reprise du réseau d'évacuation des eaux pluviales existant sur la bande de terrains située entre la maison des deux fonds des défendeurs sur les parcelles AI [Cadastre 6] et [Cadastre 7] et la limite de propriété avec AI [Cadastre 5], et impactée par les travaux de terrassement ;

- prise en charge par le fonds dominant des travaux de reprofilage du talus existant situé à l'arrière de la propriété des défendeurs, en plus des enrochements servant de soutènement situés le long du nouveau chemin d'accès;

- prise en charge par le fonds dominant des frais de constitution et de publication de la servitude grevant la partie du terrain du fonds servant (triangle de 57 m² environ sur la parcelle AI [Cadastre 7] impactée par le chemin des enrochements à réaliser), ainsi que les frais liés à la rédaction d'un DP MC pour cadastrée ladite assiette de passage.

En conclusion, l'expert a estimé que le tracé le plus court et le moins dommageable pour se desservir la parcelle AI [Cadastre 8] depuis la [Adresse 11] avec un véhicule à moteur était le tracé figurant en annexe 4 de son rapport, à savoir à cheval sur les parcelles AI [Cadastre 7] et [Cadastre 5], le tracé le moins dommageable ne pouvant pas grever uniquement la parcelle AI [Cadastre 7] comme il l'a développé plus haut.

Alors que les époux [C] demandent l'homologation du rapport d'expertise quant à la détermination de l'assiette de la servitude de passage, les consorts [N]-[Z] ne présentent aucune moyen opposant.

Il y aura donc lieu de fixer au profit de la parcelle AI [Cadastre 8] une servitude de passage avec un véhicule terrestre à moteur sur les parcelles AI [Cadastre 7] et AI [Cadastre 5] dont l'emprise sera celle proposée par le rapport d'expertise de Monsieur [B] en date du 29 octobre 2021, en son annexe 4-2, sauf meilleur accord des parties pour fixer une assez différente, et qui sera annexé au présent arrêt.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les époux [C] de leur demande tendant à dire que le chemin de désenclavement serait établi sur la parcelle appartenant aux époux [P] cadastrée AI numéro [Cadastre 7].

Sur l'indemnisation des propriétaires du fonds servant par suite de l'institution de la servitude de passage :

Seul un préjudice certain peut être réparé.

L'expert a retenu deux types de préjudices :

- le préjudice lié aux désagréments induits pendant la durée des travaux (bruit, vibrations, perte de jouissance sur l'emprise du chantier soit une emprise plus large que l'assiette proprement dite de la servitude, poussière') qui peut se chiffrer forfaitairement entre 1500 et 2000 euros, en considérant une durée prévisionnelle travaux de 6 mois tout compris (maçonnerie, VRD, remise en place des terres, engagements et plantations'), soit une enveloppe indemnitaire basée sur un forfait de 25 euros par jour sur 20 jours par mois sur 3 à 4 mois de travaux effectifs susceptibles de générer des nuisances, en précisant que cette indemnité de donnerait pas droit aux entreprises de travailler en dehors des heures légales, ni des jours fériés ou chômés;

- Le préjudice lié à la perte de jouissance réelle et perpétuelle de la partie de terrain lié à la constitution de la servitude de passage (valeur du terrain en fonction du prix au mètre carré de terrain constructible dans la région, mais également moins value de la maison et du terrain suite à la réalisation de l'accès à proximité).

L'expert a évalué la valeur du morceau de terrain d'assiette de la servitude entre 30 et 40 euros par mètre carré de terrain sur une surface de 57 m² environ, soit une indemnité au titre de la perte de jouissance du terrain d'assiette comprise entre 1710 et 2 280 euros.

Selon l'expert, la moins-value pouvant être calculée par différence entre le prix du bien avant réalisation du trouble et son prix après apparition du trouble, en tenant compte de la valeur du marché immobilier local au visa d'un prix d'acquisition de 115'000 euros figurant dans l'acte de vente du 26 juin 2015, auquel il convient d'ajouter 50'000 euros de travaux réalisés par les défendeurs (toiture, terrasse'), soit 165'000 euros, soit un prix inférieur au prix du marché actuel se situant aux alentours de 180'000 euros en cas de revente.

Pour l'expert, au vu de la caractérisation du trouble à savoir la création d'un chemin d'accès pour véhicule et piéton à proximité d'une maison d'habitation d'une terrasse orientée plein sud, mais compensée par une replantation et des travaux de reprise de reprofilage du talus et d'enrochements devant être réalisés dans les règles de l'art par des entreprises spécialisées et aux frais exclusifs du fonds dominant, l'estimation de la moins-value de la propriété doit être fixée entre 3 et 5 % du prix du marché actuel, soit en moyenne une moins-value comprise entre 5400 et 9000 euros.

L'expert en conclut que le préjudice total indemnisé serait compris entre 8610 et 13'280 euros.

S'agissant du préjudice lié aux désagréments pendant la durée des travaux, les consorts [C] soutiennent que ces travaux ne seraient envisagés que dans l'hypothèse où la parcelle AI [Cadastre 8] viendrait à être aménagée et construite, ce qui ne serait pas le cas en l'absence de la constructibilité d'une telle parcelle, ainsi que l'expert l'aurait lui-même relevé ; ils ajoutent que les travaux décrits ne seraient pas de nature à rendre cette parcelle constructible.

Ils en concluent que le poste de préjudice évalué par l'expert n'est qu'éventuel, puisque dépendant de la réalisation effective de ces travaux, et sous réserve que les travaux tels que décrits seraient effectivement nécessaires.

Puisque les consorts [C] ont sollicité l'homologation du rapport d'expertise, en ce qu'il a déterminé l'assiette de la servitude de passage et précisé l'ensemble des travaux nécessaires à la réalisation du chemin, mis à la charge du fonds servant, ils sont malvenus à soutenir que les travaux y afférents ne seraient pas nécessaires.

Au demeurant, ils n'apportent aucune contradiction technique pertinente permettant de contredire efficacement les appréciations de l'expert quant à la nécessité des travaux qu'il a prescrits, tels que plus haut détaillés, et qui en aucune manière, n'auraient été subordonnées à l'aménagement et à la construction de la parcelle AI [Cadastre 8].

Enfin, le grief consistant à reprocher à l'expert sa spécialité de géomètre, et non d'ingénieur en travaux publics, sans que les consorts [C] n'ait jamais critiqué cette spécialité ni sollicité l'adjonction d'un sapiteur dans une autre spécialité, n'est assorti d'aucune démonstration de ce que la spécialité de l'expert l'aurait conduit à une appréciation technique erronée.

En l'état de ces premiers éléments, le poste de perte de jouissance réelle et perpétuelle découlant de l'institution de la servitude pourra être évalué à 3000 euros.

S'agissant du préjudice de perte de jouissance réelle et perpétuelle, il sera renvoyé aux observations plus haut s'agissant du grief des époux [C] consistant à critiquer la nécessité des travaux énumérés par l'expert.

Les époux [C] soutiennent que le prix du mètre carré constructible de 30 à 40 euros, sur lequel se fonderait l'expert sans en préciser les références, serait erroné, en ce qu'il reviendrait à indemniser une perte de propriété, alors que l'institution de la servitude n'entraînerait qu'une diminution de jouissance.

Ils font aussi valoir que l'emprise de la servitude est actuellement principalement occupée par une haie de thuyas non maîtrisée, à l'implantation irrégulière, ce dont il y aurait lieu de déduire la modicité de la perte de jouissance.

Cependant, s'agissant de l'évaluation du prix du mètre carré de 30 à 40 euros, l'expert a précisé dans une réponse à dire s'être fondé sur les données issues du site gouvernemental de données des valeurs foncières, en précisant que depuis 2020, le marché de la maison individuelle se tendait dans le secteur, sans critique adverse pertinente.

Contrairement aux appréciation de l'expert, le seul sous-poste de perte de jouissance du terrain d'assiette, soit 57 m2, ne peut pas être équivalent au prix de cette même assiette, ce qui équivaudrait à réparer une privation de propriété, et il sera retenu nécessairement sur ce sous-poste une valeur moindre.

En outre, le poste de préjudice résultant d'une éventuellement dévalorisation du bien immobilier, relativement à l'institution de cette servitude, ne pourra être actualisé qu'au jour de la vente hypothétique de ce bien.

L'existence de ce préjudice n'est même pas établie, notamment en ce que l'expert fait état de la tension du marché de la maison individuelle dans le secteur, dans une de ses réponses à dire.

En l'état, ce préjudice de dévalorisation n'est qu'éventuel et incertain, et il ne peut pas ouvrir droit à réparation.

Au regard de ces éléments, le préjudice des consorts [N]-[Z] tenant à l'instauration de la servitude de passage grevant leur parcelle sera entièrement réparé par une indemnité de 3000 euros, que les époux [C] seront condamnés à leur payer.

*****

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté les époux [C] de leur demande d'expertise.

Aucune considération d'équité ne conduira à allouer à quiconque d'indemnité de procédure.

Le jugement sera donc confirmé pour avoir débouté les époux [C] de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il sera infirmé pour avoir condamné les époux [C] à payer aux époux [P] une somme au même titre, et en ce qu'il a condamné les époux [C] aux dépens de première instance.

Les époux [P] seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel.

En ce que les époux [C] triomphent à hauteur de cour en leur demande de servitude de passage, mais voient mettre à leur charge une indemnité au profit des propriétaires du fonds servant, il conviendra donc de prononcer un partage à dépens des deux instances à hauteur de :

- 50 % à la charge à charge des époux [C] ;

- 25 % à la charge des époux [P] ;

- 25 % à la charge des consorts [N]-[Z].

Il conviendra d'ordonner distraction au profit respectivement du conseil des époux [C] et du conseil des consorts [N]-[Z], des dépens deux instances dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [S] [N] et de Madame [O] [Z] tendant à débouter Monsieur [F] [C] et Madame [U] [W] épouse [C] de leur demande tendant à constater l'état d'enclave de la parcelle sise à [Adresse 10] section AI n°[Cadastre 8] ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions non déja tranchées par l'arrêt de la cour de céans en date du 5 juin 2018, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [C] et Madame [U] [W] épouse [C] de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance à l'encontre de Monsieur [I] [P]-[L] et de Madame [X] [D] épouse [P] ;

Confirme le jugement de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Fixe au profit de la parcelle sise à [Adresse 10] section AI n°[Cadastre 8], une servitude de passage avec un véhicule terrestre à moteur sur les parcelles sises dans cette même commune et cadastrées section AI n°[Cadastre 7] et AI n° [Cadastre 5], dont l'emprise sera celle proposée par le rapport d'expertise de Monsieur [M] [B] en date du 29 octobre 2021, en son annexe 4-2, sauf meilleur accord des parties pour fixer une assez différente, et qui sera annexé au présent arrêt ;

Condamne Monsieur [F] [C] et Madame [U] [W] épouse [C] à payer à Monsieur [S] [N] et à Madame [O] [Z] la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Déboute Monsieur [I] [P]-[L] et à Madame [X] [D] épouse [P] de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ordonne le partage des dépens de première instance et d'appel entre parties comme suit :

- 50 % à la charge de Monsieur [F] [C] et de Madame [U] [W] épouse [C] ;

- 25 % à la charge de Monsieur [I] [P]-[L] et de Madame [X] [D] épouse [P] ;

- 25 % à la charge de Monsieur [S] [N] et de Madame [O] [Z];

Ordonne distraction au profit de la Scp Ledoux-Ferri-Yahiaoui- Riou Jacques-Touchon-Mayollet, conseil de Monsieur [F] [C] et de Madame [U] [W] épouse [C], et au profit de la Scp Rahola Creusat Lefevre, conseil de Monsieur [S] [N] et de Madame [O] [Z], de ceux des dépens de première instance et d'appel dont elles ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 15/00777
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;15.00777 ?
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