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26/04/2022 | FRANCE | N°21/01586

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 26 avril 2022, 21/01586


ARRET N°

du 26 avril 2022



R.G : N° RG 21/01586 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBM6





[S]





c/



Fondation ARMEE DU SALUT











AL







Formule exécutoire le :

à :



la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES



Me Pascal GUERIN

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 26 AVRIL 2022



APPELANT :

d'un jugement rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de

Reims



Monsieur [B] [S]

5 rue de la Concorde

51100 REIMS



Représenté par Me Laurent THIEFFRY de la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS



INTIMEE :



Fondation ARMEE DU SALUT

60 rue des freres Flavien

75976 PARIS



R...

ARRET N°

du 26 avril 2022

R.G : N° RG 21/01586 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBM6

[S]

c/

Fondation ARMEE DU SALUT

AL

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES

Me Pascal GUERIN

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 26 AVRIL 2022

APPELANT :

d'un jugement rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Reims

Monsieur [B] [S]

5 rue de la Concorde

51100 REIMS

Représenté par Me Laurent THIEFFRY de la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

Fondation ARMEE DU SALUT

60 rue des freres Flavien

75976 PARIS

Représentée par Me Pascal GUERIN, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 08 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 avril 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022 et signé par Madame Anne LEFEVRE, conseiller, le président de chambre étant légalement empêché, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte sous seing privé du 2 octobre 2015, l'Office public de l'habitat Reims habitat Champagne-Ardenne a mis à disposition de la Fondation de l'Armée du Salut cinq logements dont l'un situé 5 rue de la Concorde à Reims, dans le cadre des articles L. 442-8-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Cette mise à disposition s'inscrit dans la proposition d'hébergement temporaire de personnes sollicitant une protection en application de la convention de Genève du 28 juillet 1951, dans le but de faire glisser le bail lorsque leur situation administrative leur permettra l'accès aux logements sociaux.

Un contrat de location de logement conventionné a été conclu le 16 octobre 2015 entre Reims Habitat et la Fondation de l'Armée du Salut portant sur le logement du 5 rue de la Concorde à Reims, moyennant un loyer mensuel de 257,75 euros, outre 155,31 euros de provisions sur charges. Ce logement a été mis à la disposition de M. [B] [S] à compter du mois de janvier 2017. De nationalité syrienne, il était accueilli par les services de la Fondation de l'Armée du Salut dans un autre appartement depuis le 1er décembre 2015 et avait demandé à en changer.

Par courrier du 22 mai 2017, traduit dans la langue de M. [S], la Fondation de l'Armée du Salut lui a demandé de mettre un terme aux travaux de modification et rénovation effectués dans le logement jusqu'au 1er juin 2017, date à laquelle des experts feraient un état des lieux et définiraient éventuellement les remises en état à entreprendre.

Le 23 octobre 2018, la Fondation de l'Armée du Salut a assigné en référé M. [S] et Reims Habitat en désignation d'un huissier pour décrire les travaux réalisés par M. [S], en préciser l'importance et la nature. Le juge a fait droit à cette demande par ordonnance du 4 avril 2019 et a désigné Maître [Y], huissier de justice.

Par assignation du 3 juin 2019, la Fondation de l'Armée du Salut a saisi le tribunal d'instance de Reims, au visa de l'article 1794 du code civil, afin qu'il prononce la résiliation de l'engagement locatif et ordonne l'expulsion de M. [S], qu'il prévoit une astreinte de 50 euros par jour un mois après la signification du jugement et pendant trois mois pour assortir son départ, fixe le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer actuel, condamne M. [S] au paiement de la somme de 5 280,21 euros, solde des loyers arrêtés à mars 2019, condamne M. [S] au paiement des dépens et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de l'audience du juge des contentieux de la protection du 8 janvier 2021, la Fondation de l'Armée du Salut a repris ses demandes, notamment en résiliation pour manquements graves, sauf à porter à 7 467,97 euros la somme due arrêtée au 31 août 2019 pour l'arriéré de loyers.

M. [S] a sollicité le débouté de toutes les prétentions adverses, la condamnation de la Fondation de l'Armée du Salut à demander le glissement du bail à son profit sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à lui payer la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts pour ses agissements durant l'exécution de la convention, la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Le jugement du 12 mars 2021, assorti de l'exécution provisoire, a :

- débouté M. [S] de la fin de non-recevoir invoquée,

- prononcé la résiliation judiciaire de l'engagement locatif consenti par la Fondation de l'Armée du Salut à M. [S] du logement donné à bail par Reims Habitat à la Fondation de l'Armée du Salut, sis 5 rue de la Concorde à Reims,

- ordonné l'expulsion de M. [S] faute de départ volontaire,

- dit qu'à défaut pour M. [S] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, 'le Foyer Rémois' pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

- condamné M. [S] à verser à la Fondation de l'Armée du Salut la somme de 10 744,25 euros due au 30 mai 2020 au titre de l'occupation des lieux,

- condamné M. [S] à payer à la Fondation de l'Armée du Salut une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges que la Fondation de l'Armée du Salut sera tenue de régler à Reims Habitat à compter du 31 mai 2020 jusqu'à libération effective des lieux,

- condamné M. [S] à verser à la Fondation de l'Armée du Salut une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [S] aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer et du procès-verbal de constat du 7 juin 2019,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Le 30 juillet 2021, M. [S] a fait appel dudit jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions du 29 octobre 2021, il demande à la cour d'infirmer le jugement afin de :

- débouter la Fondation de l'Armée du Salut de l'ensemble de ses prétentions,

- la condamner à solliciter officiellement le glissement du bail au profit de M. [S], sous astreinte de 50 euros par jour, 15 jours après la signification de l'arrêt à venir, et ce pendant 3 mois à l'issue desquels il sera de nouveau fait droit,

- condamner la Fondation de l'Armée du Salut à lui payer la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts pour ses agissements durant l'exécution de la convention,

- la condamner à lui payer la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la condamner à lui payer une indemnité de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon écritures du 8 février 2022, la Fondation de l'Armée du Salut poursuit la confirmation de la décision déférée, sauf à rectifier le destinataire de la remise des clés, qui doit être la Fondation de l'Armée du Salut et non le Foyer Rémois. L'intimée veut voir ajouter à la décision la condamnation de M. [S] :

- au paiement d'une somme de 17 981,63 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation arrêtés au 31 janvier 2022,

- au paiement d'une somme d'un euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2022

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de la demande de la Fondation de l'Armée du Salut :

M. [S] soutient que la Fondation de l'Armée du Salut n'a pas d'intérêt à agir puisqu'elle a loué l'appartement du 5 rue de la Concorde auprès de Reims habitat afin de pratiquer ensuite un glissement de ce bail au profit de M. [S]. Celui-ci bénéficie d'une promesse de bail et a vocation à devenir locataire des lieux. Il ne comprend pas qu'elle lui refuse aujourd'hui le transfert de la location.

Le premier juge a pertinemment rappelé que :

- la relation contractuelle entre la Fondation de l'Armée du Salut et M. [S] peut s'analyser en une sous-location verbale puisqu'à terme le bail devra être 'glissé' au profit de M. [S],

- les dispositions de l'article 24 II de la loi du 6 juillet 1989 relatives aux conditions de recevabilité de la demande en résiliation du bail exigées des bailleurs personnes morales autres qu'une SCI familiale ne sont pas applicables au contrat de sous-location,

- la qualité de locataire de la Fondation de l'Armée du Salut à l'égard de Reims habitat et l'existence d'une convention-cadre de location signée entre la Fondation et le bailleur social le 2 octobre 2015 concernant le logement en cause ne sont pas remises en question,

- ladite convention stipule notamment

. article 05 : utilisation des lieux loués :

'Les logements (...) sont loués pour les besoins exclusifs de la Fondation Armée du Salut. (...) Toute modification de la disposition des lieux et de l'équipement interne du logement fait l'objet d'une demande d'autorisation auprès de Reims habitat qui devra rendre un avis exprès par écrit. Au départ du titulaire du bail, cette autorisation n'interdit pas à Reims habitat de demander la remise en état initial des lieux loués.'

. article 09 : occupation locative :

'Conformément aux dispositions de l'article L. 442-8-1 du code de la construction et de l'habitation, la Fondation Armée du Salut (...) est autorisée à conclure avec les familles désignées à l'article I des contrats de sous-location portant sur des logements désignés à l'article II de la présente convention'.

. article 10 : jouissance des lieux par l'occupant :

'La Fondation Armée du Salut (...) s'engage à veiller à ce que les occupants des lieux respectent l'ensemble de leurs obligations locatives et particulièrement celles liées à la jouissance paisible des lieux loués.'

Il en a exactement déduit que, M. [S] tenant de la Fondation de l'Armée du Salut l'occupation du logement qu'elle loue à Reims habitat et la Fondation de l'Armée du Salut devant respecter et faire respecter les obligations découlant tant du bail que de la convention-cadre de location, la Fondation avait nécessairement un intérêt à agir contre M. [S] sur le fondement de la réalisation de travaux de transformation non autorisés dans les lieux loués et sur le non-paiement de loyers.

Par suite, le jugement est confirmé en ce qu'il déboute M. [S] de sa fin de non-recevoir.

Sur l'existence de travaux non autorisés :

L'article 1728 du code civil dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;

2° de payer le prix du bail aux termes convenus.

M. [S] explique avoir arrangé à son goût l'appartement, certes en en modifiant les cloisons, parce qu'il 'ignorait les pratiques locales' et ne parlait pas un mot de français, et que, ce faisant, loin de dégrader l'appartement, il lui a apporté des améliorations.

Selon le rapport de suivi de logement de Mme [W], salariée de la Fondation de l'Armée du Salut, elle a fait visiter l'appartement à M. [S] le 13 janvier 2017, qui l'a tout de suite accepté. Il lui a demandé s'il pouvait faire des travaux, elle lui a répondu que non et qu'il devait faire une demande écrite. Elle lui a remis les clés, afin qu'il commence son déménagement. Le 17 janvier 2017, elle s'est rendue à l'appartement. M. [S] n'avait pas déménagé, mais avait cassé deux cloisons, et un ouvrier était occupé à poser un parquet dans le salon. Elle a repris qu'il était interdit de faire ce type de travaux sans autorisation du bailleur. Le 23 janvier 2017, elle est revenue sur place : M. [S] avait cassé d'autres cloisons, modifiant la configuration totale de l'appartement en supprimant une chambre et la cloison entre salle de bain et toilettes. Elle lui a demandé de cesser les travaux. (Pièce n°1).

La Fondation de l'Armée du Salut produit copies des divers courriers échangés avec M. [S] et avec Reims habitat, la traduction en langue arabe de tous les courriers destinés à M. [S] étant également communiquée. Il apparaît ainsi que :

- par lettre recommandée avec avis de réception datée du 22 mai 2017, M. [E], directeur de la Fondation de l'Armée du Salut indiquait à M. [S] : 'J'ai été informé que vous avez procédé à des travaux considérables au sein de ce logement alors que cela est interdit. Mme [W], cheffe de service, vous l'avait d'ailleurs signifié à plusieurs reprises (17 janvier 2017) et notamment en présence du bailleur social Reims habitat, propriétaire du logement, (en date des 24 février 2017 et 28 avril 2017). Monsieur, les travaux que vous avez effectués ne semblent pas répondre aux normes de conformité et sont contraires aux dispositions des habitats à loyers modérés. Je vous demande expressément de mettre un terme à tous travaux de modification et de rénovation jusqu'au 1er juin 2017, date à laquelle des experts de Reims habitat se rendront à votre domicile pour faire un état des lieux des travaux que vous avez effectués, et le cas échéant pour définir les travaux de remise en état que vous devrez entreprendre.'

- par lettre datée du 13 juin 2017, M. [E] écrivait à M. [S] qu'il était indispensable de remettre le logement en l'état trouvé en entrant, que les travaux devaient être effectués par des entreprises qualifiées, que les frais seront à sa charge et que les devis des entreprises devront être validés par Reims habitat et par la Fondation de l'Armée du Salut.

- par courrier daté du 3 août 2017, M. [E] lui déclarait : 'Comme j'ai pu vous le dire, et comme les techniciens de Reims habitat vous l'ont aussi indiqué, une partie de ces travaux n'est pas conforme aux normes de sécurité et la typologie du logement a été modifiée. Le montant des travaux, estimé par les différentes entreprises qui nous ont fourni des devis, est évalué entre 12 000 et 16 000 euros. Dans l'attente du positionnement de Reims habitat, je souhaiterais néanmoins que vous puissiez nous verser la somme de 5 000 euros, au titre d'acompte avant travaux de manière à ce que l'établissement puisse rentrer dans les frais qu'il va devoir entreprendre pour remettre ce logement en état.'

- par lettre du 14 septembre 2017, M. [E] annonçait à M. [S] que Reims habitat confirmait qu'il pouvait laisser pour le moment l'appartement en l'état, mais que tous frais susceptibles d'intervenir pour remise en état ou changement d'état des lieux lui seraient facturés via l'Armée du Salut.

Le 13 novembre 2017, le Consuel informait la Fondation de l'Armée du Salut de ce qu'il avait relevé des non-conformités aux prescriptions de sécurité en vigueur. Le rapport de diagnostic électrique observait : 'appareillage mal fixé (interrupteur, prise de courant) présentant un risque de contact direct (salle d'eau, salon). (...) Un circuit de dérivation interne au tableau (tableau principal) est de section insuffisante. (...) Socle de prise de courant sans broche de terre (cuisine). 'Liaison équipotentielle principale' non vérifiable : local inaccessible. Local avec baignoire/douche : présence d'appareillage (prise de courant) de tension inadaptée (230 V) en zone 2 non admis (local douche).' Le rapport de visite concluait que les travaux de mise en conformité des prescriptions relatives au circuit de dérivation interne au tableau et à l'appareillage de tension inadaptée devaient être réalisés immédiatement.

Le procès-verbal de constat dressé le 7 juin 2019 par Maître [Y], huissier de justice désigné par ordonnance de référé du 4 avril 2019, décrit les travaux importants réalisés par M. [S] dans l'appartement, parmi lesquels la suppression de cloisons (de la cuisine dans le prolongement de la buanderie, entre le couloir et le salon, entre la chambre 1 et le salon, entre la salle de bain et les WC), la création d'une cloison entre le séjour et la chambre 2, l'agencement de l'appartement modifié dans la distribution des pièces et dans l'aménagement, la reprise des sols (sauf buanderie), la modification de l'électricité sans que l'huissier puisse en déterminer la conformité, de même pour la plomberie car les branchements sont masqués. Toute la décoration a été refaite, un bandeau en placo circulaire avec intégration de spots a été ajouté au plafond, les murs ont été habillés en pierre de parement, revêtement plastifié ou faïence, tous les éléments de la cuisine et de la salle de bain ont été changés, ainsi que la porte de la salle de bain et de la chambre. Sur certains murs des coffrages ont été posés. (pièce D2 de l'intimée).

Il s'agit donc de transformations et modifications substantielles des lieux, auxquelles M. [S] a procédé sans autorisation du bailleur.

Le courrier de la Fondation de l'Armée du Salut du 14 septembre 2017 annonçait l'intervention d'une entreprise pour un diagnostic précis de la conformité en plomberie et électricité, puis le passage d'entreprises pour remettre l'appartement aux normes en vigueur. M. [S] considère que le diagnostic du Consuel a conclu à un logement globalement conforme, nécessitant quelques mises en conformité réalisables ; il estime qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir remis les lieux dans leur état initial alors qu'il n'y a été autorisé que peu de temps avant son départ. Il produit au soutien de ses positions une lettre de la Fondation de l'Armée du Salut datée du 2 juillet 2018 ; cependant la pièce n° 3 correspondant à ladite lettre la présente de manière tronquée et illisible, de sorte qu'aucun renseignement ne peut en être tiré. D'après les écritures de M. [S], le courrier en question indique que, fin juin-début juillet 2018, la Fondation de l'Armée du Salut a changé à deux reprises les serrures de l'appartement et qu'à chaque fois M. [S] a aussitôt remplacé le barillet de la porte d'entrée, afin de se maintenir dans les lieux.

En tout état de cause, les travaux importants menés par M. [S] constituent, non pas un aménagement, mais une véritable transformation des locaux et équipements loués, sans l'accord écrit du propriétaire, ce que l'article 7 f) de la loi du 6 juillet 1989 interdit expressément.

Dans ces conditions, la cour fait sienne la motivation adaptée du juge des contentieux de la protection, selon laquelle M. [S] a effectué des modifications substantielles de l'appartement, alors qu'il était prévenu par la Fondation de l'Armée du Salut des difficultés qu'il créait. Il a ainsi porté atteinte à son obligation de jouissance paisible des lieux mis à sa disposition et qui ne lui appartiennent pas. Il est dès lors tout-à-fait cohérent que la Fondation de l'Armée du Salut ne donne pas suite au projet initial de bail glissant, au profit d'un occupant qui ne respecte pas l'obligation de jouissance paisible du logement et ne donne aucune garantie de fiabilité dans l'usage de la chose louée. Par suite, le jugement doit être confirmé en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire de l'engagement locatif entre la Fondation de l'Armée du Salut et M. [S] pour manquements graves aux obligations de l'article 1728 du code civil.

Sur la demande en paiement des loyers :

La Fondation de l'Armée du Salut et M. [S] étaient liés par un contrat de sous-location verbal, le bail consenti à la Fondation de l'Armée du Salut devant être transmis à M. [S] avec toutes les obligations y attachées, dont le paiement du loyer fixé dans le bail initial, soit 257,75 euros de loyer et 155,31 euros de charges au 2 octobre 2015.

La Fondation de l'Armée du Salut produit toutes les factures qu'elle lui a adressées de décembre 2017 à août 2019, puis de novembre 2019 à octobre 2021 et en janvier 2022, ainsi que les décomptes de toutes les factures réclamées de décembre 2017 à janvier 2022, pour un total de 17 981,63 euros au 31 janvier 2022. M. [S] ne pouvait donc ignorer ses obligations et le caractère onéreux de l'occupation des lieux. Il ne conteste pas ne s'être acquitté que des sommes de 250 euros le 8 février 2018 et de 165,04 euros le 13 février 2018.

Par ailleurs, le premier juge observe avec justesse que M. [S] ne peut se prévaloir du courrier de la Fondation de l'Armée du Salut du 30 mai 2018 l'informant de sa décision de mettre fin à son accueil le 30 juin 2018, après plus de deux ans d'hébergement, d'autant qu'il n'entreprenait aucune démarche d'insertion professionnelle et qu'il s'était engagé à payer son loyer, car les pouvoirs publics à l'origine de la demande d'accueil à l'automne 2015 considéraient qu'il était en mesure de vivre de façon indépendante, alors qu'il n'avait versé qu'une participation totale de 415,04 euros. M. [S] ne justifie pas des motifs de la suspension de l'aide personnalisée au logement, il ne peut prétendre que la Fondation de l'Armée du Salut l'a empêché de bénéficier de ladite allocation, alors qu'il ne lui a versé aucune contribution. Au surplus, il a préféré affecter les fonds dont il disposait aux travaux litigieux, malgré l'absence d'autorisation.

Par suite, la Fondation de l'Armée du Salut est fondée à obtenir condamnation de M. [S] à lui payer la somme de 17 981,63 euros au titre de l'occupation des lieux du mois de décembre 2017 jusqu'au 31 janvier 2022, le jugement n'étant réformé que sur le montant de la créance.

Sur les autres demandes des parties :

M. [S] demande à la cour de condamner sous astreinte la Fondation de l'Armée du Salut à solliciter de Reims habitat le glissement du bail à son profit. La résiliation de la sous-location entre la Fondation de l'Armée du Salut et M. [S] ayant été prononcée, il n'y a plus lieu à glissement du bail consenti par Reims habitat.

L'appelant sollicite également la condamnation de la Fondation de l'Armée du Salut à lui payer une somme de un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de ses agissements durant l'exécution de la sous-location, ainsi qu'une somme de un euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il n'est pas démontré de faute de la Fondation de l'Armée du Salut durant le temps de la sous-location. Par suite aucun droit à indemnisation n'existe au profit de M. [S].

La Fondation de l'Armée du Salut est reconnue fondée en ses réclamations, de sorte qu'aucun abus du droit d'agir n'est caractérisé à son encontre. La demande en indemnité formée à ce titre par M. [S] ne peut qu'être rejetée.

L'intimée veut, quant à elle, se voir indemniser du préjudice causé par la résistance abusive que lui a opposée M. [S]. Néanmoins l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas constitutive d'un abus. La demande en dommages et intérêts de la Fondation de l'Armée du Salut est donc également rejetée.

Sur les dépens et indemnité au titre des frais irrépétibles :

M. [S] succombe en son recours et doit, par suite, supporter les dépens d'appel.

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection en ce qu'il le condamne aux dépens de première instance.

Par ailleurs, l'équité commande de confirmer la condamnation de M. [S] au paiement d'une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner en outre au paiement d'une somme de 600 euros sur le même fondement pour les frais irrépétibles que la Fondation de l'Armée du Salut a exposés devant la cour.

Par ces motifs,

Confirme le jugement du 12 mars 2021 en toutes ses dispositions à l'exception du montant de la condamnation prononcée au titre de l'occupation des lieux, et sauf à rectifier l'erreur matérielle commise quant au destinataire de la remise des clés détenues par M. [S],

Statuant à nouveau,

Rectifiant l'erreur matérielle commise,

Dit qu'à défaut pour M. [S] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés à la Fondation de l'Armée du Salut (et non à Reims habitat ou au Foyer Rémois), celle-ci pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

Condamne M. [S] à payer à la Fondation de l'Armée du Salut la somme de 17 981,63 euros au titre de l'occupation de l'appartement rémois du 5 rue de la Concorde, du mois de décembre 2017 jusqu'au 31 janvier 2022,

Y ajoutant,

Déboute M. [S] de ses demandes en dommages et intérêts 'au titre des agissements de la Fondation de l'Armée du Salut durant l'exécution de la convention' et sur le fondement de l'abus de procédure,

Déboute la Fondation de l'Armée du Salut de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive à l'encontre de M. [S],

Déboute M. [S] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait droit à la demande de la Fondation de l'Armée du Salut en condamnation de M. [S] à lui payer une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, à hauteur de 600 euros,

Condamne M. [S] aux dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Maître Pascal Guerin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 21/01586
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;21.01586 ?
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