La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2022 | FRANCE | N°21/01405

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 26 avril 2022, 21/01405


ARRET N°

du 26 avril 2022



R.G : N° RG 21/01405 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FA73





S.A. BANQUE CIC EST





c/



[F]

[W] EPOUSE [F]











BP







Formule exécutoire le :

à :



la SELARL MCMB



la SCP ACG & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 26 AVRIL 2022



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 18 juin 2021 par le Juge des contentie

ux de la protection de Reims



S.A. BANQUE CIC EST

31 rue Jean Wenger-Valentin

67000 STRASBOURG



Représentée par Me Nathalie CAPELLI de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS



INTIMES :



Monsieur [A] [F]

1 Rue Kalas

51100 REIMS



Représenté...

ARRET N°

du 26 avril 2022

R.G : N° RG 21/01405 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-FA73

S.A. BANQUE CIC EST

c/

[F]

[W] EPOUSE [F]

BP

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL MCMB

la SCP ACG & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 26 AVRIL 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 18 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Reims

S.A. BANQUE CIC EST

31 rue Jean Wenger-Valentin

67000 STRASBOURG

Représentée par Me Nathalie CAPELLI de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur [A] [F]

1 Rue Kalas

51100 REIMS

Représenté par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Madame [L] [W] épouse [F]

1 Rue Kalas

51100 REIMS

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 08 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 avril 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022 et signé par Mme Anne LEFEVRE, conseiller, le président de chambre étant légalement empêché, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties:

Selon offre préalable acceptée le 30 octobre 2014, la SA Banque CIC Est a consenti à M. et Mme [A] [F]-[W] un prêt personnel de 45 000 euros remboursable en 60 mensualités successives de 878,65 euros chacune incluant les intérêts au taux nominal de 4,90 % l'an.

Plusieurs échéances étant restées impayées, la banque prêteuse a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte d'huissier du 13 décembre 2019, la SA Banque CIC Est a fait assigner M. [F] et Mme [W] épouse [F] devant le tribunal d'instance de Reims aux fins de paiement du solde du prêt.

Devant le magistrat, la banque sollicitait le rejet des prétentions des défendeurs et leur condamnation solidaire à lui payer les sommes de:

* 33 669,16 euros pour solde du crédit, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 21 août 2019,

* 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

M. et Mme [F]-[W] demandaient au juge de:

-Condamner la banque à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de mise en garde et de conseil,

-Ordonner la déchéance du prêteur du droit aux intérêts et la compensation des dettes respectives,

-Condamner la Banque CIC Est à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 18 juin 2021, le juge des contentieux de la protection au tribunal judiciaire de Reims a :

-rejeté la demande de la Banque CIC Est aux fins de paiement du solde du prêt personnel n°00020267100101,

-condamné la Banque CIC Est à payer la somme de 15 000 euros à M. et Mme [F]-[W] à titre de dommages et intérêts,

-condamné la Banque CIC Est à régler les dépens de l'instance,

-condamné la Banque CIC Est à verser la somme de 1 000 euros à M. et Mme [F]-[W] au titre des frais irrépétibles.

La Banque CIC Est a relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 juillet 2021, son recours portant sur l'entier dispositif de la décision querellée.

En ses conclusions signifiées par RPVA le 9 août 2021, la Banque CIC Est demande par voie d'infirmation à la cour de:

-Condamner solidairement M. et Mme [F]-[W] à lui payer la somme de 36427,25 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,90 % l'an et cotisations d'assurance au taux de 0,5 % à compter du 14 juillet 2021 jusqu'à parfait paiement,

-Débouter les époux [F]-[W] de leur demande de dommages et intérêts,

-Condamner M. et Mme [F]-[W] à payer à la Banque CIC Est la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

* * * *

Par des écritures signifiées par RPVA le 9 novembre 2021, les époux [F]-[W] sollicitent à titre principal la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de dire que la Banque CIC Est a manqué à son devoir de mise en garde et à son obligation de conseil à leur égard, de condamner la banque à leur verser à chacun la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et d'ordonner la compensation des sommes dues de part et d'autre. Ils sollicitent enfin le versement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros, la banque débitrice de cette indemnité devant conserver à sa charge les entiers dépens de l'instance.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 22 février 2022.

* * * *

Motifs de la décision:

-Sur la déchéance du prêteur du droit aux intérêts et la créance principale de la Banque CIC Est:

Attendu que l'article L. 311-9 du code de la consommation (dans sa version applicable au présent prêt) énonce qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 [---]';

Attendu que les époux [F]-[W] reprochent à la banque de ne pas justifier de la remise, lors de la conclusion du prêt, de la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées ni d'une étude sérieuse de leur solvabilité alors que les revenus du mari provenaient d'une société MBE Formation sous sa gérance et dont la santé financière accusaient des signes inquiétants, ce qu'elle savait;

Que la Banque CIC Est réfute une telle présentation, rappelant que la justification de la consultation du FICP est bien rapportée et qu'une fiche de dialogue telle que produite au dossier reprend les ressources et charges des époux emprunteurs;

Attendu que, devant la cour, la Banque CIC Est produit notamment la fiche de renseignements reprenant la profession de chacun des emprunteurs ainsi que leurs revenus professionnels nets annuels (avant impôt) pour un montant de 76 593 euros et leurs charges annuelles correspondant en l'espèce au remboursement des crédits en cours (22 404 euros par an), au remboursement du prêt objet de la demande (10 535 euros par an) et au règlement des impôts, taxes foncières et d'habitation (17 771 euros);

Qu'il est encore justifié de la consultation du FICP pour chaque emprunteur dès le 21 octobre 2014 ainsi que de la remise de la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées;

Qu'à ce sujet, s'il est acquis que la mention dactylographiée mentionnée sur l'offre de prêt juste au-dessus des signatures des parties et selon laquelle les emprunteurs reconnaissent avoir pris connaissance des informations pré-contractuelles ne caractérise qu'un simple indice, ladite fiche est bien communiquée aux débats par le prêteur sous sa pièce n°3, document qui reprend les coordonnées du prêteur, la description des principales caractéristiques du crédit, le coût du crédit et les autres aspects juridiques importants, pièce portant en outre comme référence le même numéro de contrat que celui porté sur l'offre de prêt (30087337600020267101);

Qu'en présence d'un document individualisé et répondant aux exigences de l'article L. 311-6 du code de la consommation, la cour considère qu'aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue par le prêteur, la circonstance que les 45 000 euros empruntés par les époux [F]-[W] aient été affectés au compte de la société MBE Formation n'établissant pas en soi que les revenus de M. [F] allaient rapidement décroître, le bilan comptable de cette personne morale clôturé le 31 décembre 2014 n'étant par définition pas disponible lorsque le prêt a été conclu, soit le 30 octobre 2014, la perspective d'une liquidation judiciaire à cette date n'étant nullement démontrée;

Que la cour ne peut au demeurant retenir de l'identité de conseiller bancaire en la personne de M. [I] [H] tant pour les époux [F]-[W] que la société MBE Formation aucune conséquence utile pour le présent litige, aucune des deux seules pièces transmises par les emprunteurs, à savoir un extrait de relevé de compte de la personne morale et le bilan comptable 2014, ne permettant d'identifier la personne sus-désignée;

Qu'aucun manquement de la banque à son devoir de vérification de la solvabilité de l'emprunteur au sens de l'article du code de la consommation sus-visé n'est établi;

Attendu, sur la créance principale de la banque, que l'examen de l'historique des mouvements montre que si un premier incident de paiement est survenu dès avril 2015, celui-ci a été régularisé comme l'ont été bon nombre d'échéances impayées ultérieures, chaque versement étant imputé sur l'échéance impayée la plus ancienne;

Qu'en outre, si certaines échéances ne correspondent pas à celles du tableau d'amortissement, cela s'explique par un paiement partiel voire une majoration au titre des intérêts de retard;

Que le décompte actualisé du 13 juillet 2021 également transmis par la banque en pièce n°12 permet d'arrêter les sommes qui suivent:

-capital restant dû au 20 août 2019 et capital des mensualités échues impayées: 21 705,08 + 7 941,28 = 29 646,36 euros,

-intérêts au 20 août 2019 et intérêts courus entre le 21 août 2019 et le 13 juillet 2021: 1 054,67 + 2 758,09 = 4 057,39 euros

-assurance : 351,79 euros,

-indemnité conventionnelle de 8 % (sur capital): 2 371,71 euros,

soit une créance totale de 36 427,25 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,90 % l'an sur la somme de 34 055,54 euros à compter du 13 juillet 2021, les intérêts courant sur l'indemnité de 8 % étant calculés au seul taux légal;

Que les époux [F]-[W] seront solidairement condamnés au paiement de cette somme en faveur de la Banque CIC Est, la décision dont appel étant en cela infirmée;

-Sur le manquement de la banque au devoir de mise en garde:

Attendu qu'il est constant que tout organisme de crédit ou bancaire qui entend accorder à un emprunteur profane un concours financier doit au préalable se faire transmettre tous éléments sur la situation personnelle de l'emprunteur et sa situation pécuniaire afin de le mettre en garde contre tout risque d'endettement excessif;

Attendu que la fiche de renseignements jointe au contrat de prêt mentionne un total de revenus professionnels des deux emprunteurs de 76 593 euros, un total de charges au titre des crédits en cours de 22 404 euros, la charge annuelle de remboursement du prêt souscrit étant de 10 535 euros;

Que si le document fait apparaître un 'taux d'effort' de 43,01 %, ce qui est déjà un taux particulièrement important, c'est toutefois sans compter la charge des impôts, taxes foncière et d'habitation, le calcul réalisé par la banque n'en tenant pas compte;

Qu'en considération de cette charge d'impôts et taxes, c'est un revenu professionnel disponible de seulement 58 822 euros par an dont disposaient les emprunteurs, soit un taux d'endettement de 55,99 %, ce qui constitue un taux d'endettement absolument intenable, le seuil d'endettement excessif étant usuellement retenu à partir de 34 %;

Qu'en accordant dans ces conditions aux époux [F]-[W] le prêt litigieux de 45 000 euros, la Banque CIC Est a manifestement méconnu son devoir de mise en garde des emprunteurs dont il n'est absolument pas démontré ni même simplement soutenu que ces derniers disposaient en matière de crédit d'une quelconque connaissance particulière;

Que la faute de la banque engendre pour les époux [F]-[W] un préjudice qui doit s'analyser en la perte de chance de ne pas contracter ce concours financier si l'établissement bancaire avait rempli son obligation;

Que si la déchéance du terme n'a été prononcée qu'environ quatre ans et demi après la souscription du prêt, il n'est pas niable que les premiers impayés sont apparus dès avril 2015, qu'ils ont été régularisés dans un premier temps et que la banque a même suspendu le remboursement du prêt entre août 2016 et juin 2018;

Qu'une somme de 18 000 euros sera davantage de nature à indemniser à sa juste proportion le préjudice des époux emprunteurs, la Banque CIC Est étant tenue de leur verser cette somme, laquelle se compensera avec la créance réciproque de la banque à leur encontre;

-Sur les délais de paiement:

Attendu que si les époux [F]-[W] visent explicitement dans le développement de leurs conclusions l'article 1343-5 du code civil pour justifier de délais de paiement s'il leur restait devoir quelque chose à la banque, force est de relever qu'aucune demande de cette nature n'est reprise dans le dispositif de leurs écritures de sorte que la cour ne peut en être saisie et n'a donc pas à y répondre;

-Sur les dépens et les frais non répétibles:

Attendu que si chaque partie obtient un gain partiel de ses prétentions, la banque demeure créancière des époux [F]-[W] après compensation, ce qui justifie que les défendeurs et intimés supportent les dépens tant d'appel que de première instance;

Qu'aucune considération d'équité ne pourra cependant justifier qu'il soit arrêté au profit de la banque une quelconque indemnité de procédure, les époux [F]-[W] condamnés aux entiers dépens ne pouvant eux-mêmes en bénéficier;

Que la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle met à la charge de la Banque CIC Est une telle indemnité en faveur des époux emprunteurs;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

-Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Prononçant à nouveau,

-Condamne solidairement M. et Mme [A] [F]-[W] à payer à la SA Banque CIC Est, au titre du prêt de 45 000 en date du 30 octobre 2014, la somme de 36 427,25 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,90 % l'an sur la somme de 34 055,54 euros à compter du 13 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement;

-Condamne la SA Banque CIC Est à payer à titre de dommages et intérêts à M. et Mme [A] [F]-[W] la somme de 18 000 euros ;

-Constate la compensation entre ces deux sommes à concurrence de la plus faible;

-Condamne in solidum M. et Mme [A] [F]-[W] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel;

-Déboute chaque partie de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles tant en cause d'appel qu'en première instance.

Le Greffier. P/ Le Président,

Le Conseiller.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 21/01405
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;21.01405 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award