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26/04/2022 | FRANCE | N°21/00908

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 26 avril 2022, 21/00908


ARRET N°

du 26 avril 2022



R.G : N° RG 21/00908 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-E74Z





[P]





c/



S.A. SOCIETE GENERALE















Formule exécutoire le :

à :



la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES



la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 26 AVRIL 2022



APPELANTE :



d'un jugement rendu le 19 mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d

e TROYES



Madame [V] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE



INTIMEE :



S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me ...

ARRET N°

du 26 avril 2022

R.G : N° RG 21/00908 - N° Portalis DBVQ-V-B7F-E74Z

[P]

c/

S.A. SOCIETE GENERALE

Formule exécutoire le :

à :

la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 26 AVRIL 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TROYES

Madame [V] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE

INTIMEE :

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Florence MATHIEU, conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 7 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 avril 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SA Société Générale a consenti le 11 avril 2011 deux prêts immobiliers à Mme [V] [P] pour l'aménagement de sa résidence principale: un prêt immobilier à taux fixe n°810045554424 d'un montant total de 18.113,59 euros, remboursable sur 240 mois et un second prêt immobilier n°810045554424 d'un montant total de 12 386,41 euros, remboursable sur 126 mois.

Mme [V] [P] était également titulaire d'un compte-courant n°[XXXXXXXXXX01] auprès de la SA Société Générale.

A la suite d'échéances impayées, la SA Société Générale a mis en demeure Mme [V] [P] de régler les échéances en retard par lettre recommandée du 31 décembre 2018.

La SA Société Générale a également mis en demeure Mme [V] [P] de couvrir son découvert en compte courant par lettres recommandées du 31 décembre 2018 et du 4 février 2019.

Par deux lettres recommandées du 21 février 2019, la Société Générale a informé Mme [V] [P] qu'elle entendait se prévaloir de l'exigibilité anticipée des deux prêts et l'a mise en demeure de lui rembourser l'intégralité des sommes dues comprenant également l'indemnité contractuelle, outre les intérêts de retard au taux contractuel jusqu`au complet paiement de la dette.

Par acte d'huissier en date du 11 juin 2019, la SA Société Générale a fait assigner Mme [V] [P] devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de condamnation en paiement, avec le bénéfice de l'exécution provisoire des sommes de':

- 25.706,80 euros au titre des deux prêts immobiliers, outre les intérêts,

-100,96 euros augmentée de l'intérêt légal jusqu'à parfait paiement au titre au solde débiteur du compte courant [XXXXXXXXXX01],

- 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal judiciaire de Troyes a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné Mme [V] [P] à payer à la SA Société Générale les sommes de':

- 25.706,80 euros, au titre des prêts immobiliers n° 810045554424 et n°8l0045554432 souscrits le 11 avril 2011, avec intérêts au taux légal,

-100,96 euros avec intérêts au taux légal au titre du solde débiteur du compte courant [XXXXXXXXXX01],

Il a également rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de Mme [V] [P], dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [V] [P] aux dépens.

Par un acte en date du 5 mai 2021, Mme [V] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 4 août 2021, Mme [V] [P] conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de juger que la Société Générale a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 25.706,80 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant résiduel réclamé.

Elle sollicite en outre le paiement de la somme de 2.800 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle expose qu'elle avait souscrit quelques mois plus tôt deux prêts pour l'acquisition du bien immobilier objet des travaux financés par la SA Société Générale, auprès de la Caisse d'Epargne et que son taux d'endettement était déjà de 40% avant l'octroi des prêts critiqués.

Elle soutient que le dispensateur de crédit est tenu d'alerter l'emprunteur loyal et averti quant à ses capacités financières et quant au risque de l'endettement né de l'octroi des prêts. Elle précise que la banque a le devoir de protéger l'emprunteur des risques nés de l'endettement et doit dès lors vérifier la solvabilité de ce dernier.

Elle reproche à la SA Société Générale de l'avoir contrainte à une situation financière catastrophique d'endettement insurmontable, étant désormais inscrite au fichier Banque de France et étant désormais suivie par la commission de surendettement.

Elle estime que la banque aurait dû refuser l'octroi des prêts et que ce faisant, cette dernière a commis un acte fautif engageant sa responsabilité.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 28 octobre 2021, la SA Société Générale conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite le paiement de la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle expose que la banque n'est pas tenue à un devoir de conseil car elle n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client.

Elle soutient que le devoir de mise en garde n'existe à l'égard des emprunteurs non avertis que s'il est établi l'existence d'un crédit excessif.

Elle fait valoir que le taux d'endettement invoqué par Madame [P] ne correspond pas à la réalité et insiste sur le fait que celle-ci était propriétaire d'un bien estimé à 200.000 euros et que ce n'est que dix ans après avoir souscrit les prêts dont s'agit que Madame [P] a été déclaré admissible à une procédure de surendettement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

*Sur les demandes en paiement de la banque au titre des prêts immobiliers et du compte-courant débiteur

Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance. Aussi, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. En effet':

La SA Société Générale produit les contrats de prêt immobilier du 11 avril 2011, les tableaux d'amortissement, les courriers de mise en demeure adressés à Madame [P] les 31 décembre 2018 et 4 février 2019, l'historique des paiements, le décompte de la créance en date du 18 avril 2019, dont il résulte un arrêt du paiement des échéances à compter du 7 juin 2018 pour un montant global justifié suivant décompte établi le 18 avril 2019 à hauteur de la somme de 25.706,80 euros, outre les intérêts et à l'encontre de laquelle Madame [P] n'élève aucune critique sur le quantum.

La banque communique également le duplicata du relevé de compte-courant de Madame [P] de mai 2018 à novembre 2018 dont il résulte un solde débiteur au 10 octobre 2018 de 99,80 euros ainsi que les courriers du 31 décembre 2018 et du 4 février 2019 informant la cliente de la clôture du compte courant le 17 novembre 2018 et réclamant le paiement du solde débiteur de 99,80 euros majoré des intérêts. Elle verse en outre un dernier décompte du 18 avril 2019 établissant qu'à cette date, compte tenu des intérêts dus, le solde débiteur s'élevait à la somme de 100,96 euros.

Dans ces conditions, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, il convient de condamner Madame [P] à payer à la SA Société Générale la somme de 25.706,80 euros, avec intérêts au taux légal au titre des deux prêts immobiliers souscrits le 11 avril 2011 ainsi que la somme de 100,96 euros avec intérêts au taux légal, au titre du solde débiteur du compte-courant, et par conséquent, de confirmer le jugement déféré de ces chefs.

*Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts de Madame [P]

Par application de l'article 1147 ancien du code civil, la banque est tenue à une obligation d'information et de mise en garde à l'égard de l'emprunteur lorsque ce dernier est un emprunteur non averti, c'est à dire lorsqu'en raison de sa situation professionnelle ou personnelle, il ne dispose d'aucune compétence spécifique en la matière.

Le devoir de mise en garde s'entend comme la nécessité pour le banquier d'attirer l'attention de l'emprunteur de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques du prêt en adéquation avec la situation financière de ce dernier, cependant l'établissement dispensateur de crédit n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client.

Il incombe à l'emprunteur de prouver qu'il existe, au moment de la souscription du crédit litigieux, un risque de non remboursement justifiant que la banque le mette en garde contre ce risque'; toutefois, il appartient en revanche à la banque, débitrice de l'obligation de mise en garde, de rapporter la preuve qu'elle a bien vérifié les capacités financières de son client, mais également avisé ce dernier du risque de l'endettement né du prêt en présence d'un tel risque.

Il est de droit constant que le manquement à l'obligation de mise en garde doit s'analyser en une perte de chance.

En l'espèce, il est justifié de ce que lorsque la SA Société Générale a consenti à Madame [P] les deux prêts immobiliers destinés à la réalisation de travaux dans sa résidence principale, le 11 avril 2011, le premier à hauteur de 18.113,59 euros remboursable sur 240 mois ( 130 échéances mensuelles à 69,08 euros, puis 114 échéances mensuelles à 196,27 euros) et le second à hauteur de 12.386,41 euros remboursable sur 126 mensualités ( 6 échéances mensuelles à 39,72 euros, puis 120 échéances mensuelles à 126,07 euros), elle avait établi une fiche de renseignements comportant les éléments suivants':

-Madame [P], née en 1967, était célibataire avec deux enfants à charge et occupait un emploi de comptable,

-Elle disposait d'un revenu mensuel de 3.384 euros et bénéficiait d'une pension alimentaire de 236 euros par mois,

-Elle remboursait un prêt immobilier de 236,44 euros par mois pour sa résidence principale (estimée à 223.500 euros) prenant fin en juin 2025 et d'autres charges déclarées à 850 euros par mois.

Ainsi, au moment de l'octroi des deux prêts, les charges mensuelles de Madame [P] étaient de 1.114,29 euros pour un revenu mensuel de 3.384 euros pour s'élever à 1.309,42 euros après la prise en compte des deux nouveaux prêts.

Au vu de ces éléments, la cour estime souverainement que le taux d'endettement de Madame [P] n'était pas excessif au moment de l'octroi des deux nouveau prêts dont les mensualités étaient modestes, et ce d'autant plus qu'elle a remboursé sans difficulté les échéances pendant 7 années et qu'elle exerçait la profession de «'responsable administratif comptabilité et finance'».

Dans ces conditions, Madame [P] échoue à démontrer la responsabilité de la SA Société Générale dans la conclusion des prêts et sa situation de surendettement.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [P] de sa demande de dommages et intérêts.

*Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Madame [P] succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner Madame [P] à payer à la banque la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Madame [V] [P] à payer à la SA Société Générale la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Condamne Madame [V] [P] aux dépens d'appel et fait application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 21/00908
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;21.00908 ?
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