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26/04/2022 | FRANCE | N°20/01685

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 26 avril 2022, 20/01685


ARRET N°

du 26 avril 2022



R.G : N° RG 20/01685 - N° Portalis DBVQ-V-B7E-E5H4





[M]





c/



[P] [L]











AL







Formule exécutoire le :

à :



Me Damien MOITTIE



la SELARL LE CAB AVOCATS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 26 AVRIL 2022



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 03 novembre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de C

halons-en-Champagne



Madame [W] [M]

9 rue Jean Jaurès

51530 MARDEUIL



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004090 du 21/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



Représentée par Me Damien MOITTIE d...

ARRET N°

du 26 avril 2022

R.G : N° RG 20/01685 - N° Portalis DBVQ-V-B7E-E5H4

[M]

c/

[P] [L]

AL

Formule exécutoire le :

à :

Me Damien MOITTIE

la SELARL LE CAB AVOCATS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 26 AVRIL 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 03 novembre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de Chalons-en-Champagne

Madame [W] [M]

9 rue Jean Jaurès

51530 MARDEUIL

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004090 du 21/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Damien MOITTIE de la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIME :

Monsieur [S] [P] [L]

Chez M.[V] [L] - 11 rue Jean Jaurès

51530 MARDEUIL

Représenté par Me Bruno CHOFFRUT de la SELARL LE CAB AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 08 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 avril 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022 et signé par Madame Anne LEFEVRE , conseiller, le président de chambre étant légalement empêché, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 1er août 2019, M. [S] [P] [L] a consenti à Mmes [W] [M] et [X] [R] un bail verbal sur une maison d'habitation sise 9 rue Jean Jaurès à Mardeuil, moyennant paiement d'un loyer mensuel de 800 euros. Aucun état des lieux d'entrée n'a été établi.

Le 9 décembre 2019, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à Mmes [M] et [R], lequel est resté infructueux.

Le 6 mars 2020, M. [P] [L] a fait assigner Mmes [M] et [R] devant le juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne en résiliation du bail et expulsion.

Lors de l'audience du 6 octobre 2020, M. [P] [L] a déclaré qu'il avait reçu la somme de 1 200 euros pendant le cours de l'instance et qu'en février 2020 les locataires avaient quitté les lieux, lieux qu'elles n'avaient pas entretenus correctement.

Mme [M] a répondu que le bien loué était indécent de sorte qu'aucun loyer n'était dû en application de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989.

Mme [R] n'était ni présente, ni représentée à l'audience.

Le jugement du 3 novembre 2020, assorti de droit de l'exécution provisoire, a :

- dit sans objet les demandes en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail et en expulsion, du fait du départ des locataires des lieux loués,

- condamné in solidum Mme [M] et Mme [R] à payer à M. [P] [L] la somme de 2 400 euros majorée des intérêts légaux à compter de l'assignation du 6 mars 2020,

- partagé par moitié les dépens (commandement de payer et notification à la préfecture inclus) entre, d'une part, M. [P] [L] et, d'autre part, Mme [R] et Mme [M],

- débouté M. [P] [L] et Mme [M] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 3 décembre 2020, Mme [M] a fait appel de cette décision s'agissant du paiement des loyers et des dépens.

Par conclusions du 15 juin 2021, Mme [M] demande à la cour, au visa des articles 1719 et 1720 du code civil et des articles 6 et 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, de :

- dire que le paiement du loyer est suspendu rétroactivement à compter du 1er octobre 2019 et jusqu'à leur départ des lieux le 31 janvier 2020 avant la réalisation des travaux,

- débouter en conséquence M. [P] [L] de sa demande en paiement des loyers sur la période du 15 août 2019 au 31 janvier 2020,

- condamner M. [P] [L] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] [L] aux dépens, comprenant les frais du procès-verbal de constat de 100,71 euros.

Selon écritures du 20 mai 2021, M. [P] [L] conclut au débouté de l'appel. Il sollicite, par appel incident, la condamnation de Mme [M] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des loyers impayés jusqu'en septembre 2020. Il veut la voir condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que les locataires n'ont pas chauffé et ventilé les locaux et sont à l'origine des problèmes d'humidité et qu'elles ont résidé dans la maison louée jusqu'en septembre 2020.

Par ordonnance du 10 juin 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [P] [L] de son incident de radiation, débouté Mme [M] de sa demande au titre des frais irrépétibles et partagé par moitié entre les parties les dépens de l'incident.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2022.

Motifs de la décision :

Sur la demande de Mme [M] en suspension du paiement des loyers :

L'article 1719 du code civil dispose : 'Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° d'assurer également la permanence et la qualité des plantations.'

Selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, 'le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation (...)

Cette obligation d'ordre public doit être respectée lors de la mise à disposition du logement, puis tout au long du bail. La charge de la preuve de ce que le logement peut être habité dans des conditions normales incombe au bailleur.

Mme [M] sollicite la suspension rétroactive du paiement des loyers 'du 1er octobre 2019 jusqu'au départ des lieux du 31 janvier 2020, avant la réalisation des travaux', sur le fondement des articles précités. Elle explique que l'approche de l'hiver 2019 a révélé que la chaudière ne fonctionnait pas et que la toiture n'assurait pas le couvert, que, dès le mois d'octobre 2019, elle a tenté de convaincre le propriétaire de remettre la chaudière en état de fonctionnement, mais en vain, qu'elle a dû recourir à des radiateurs à bain d'huile électrique pour chauffer certaines pièces de la maison, que l'humidité a envahi la maison, fait proliférer la moisissure tant sur les murs que sur les meubles meublants.

Il appartient au bailleur de prouver l'exécution de son obligation de délivrance et d'entretien au regard de la décence du logement.

M. [P] [L] communique aux débats des photographies des lieux alors qu'il les occupait encore lui-même, deux attestations relatives au 'parfait' état du logement en mai 2018 et une appréciation rédigée par une conseillère d'agence immobilière, qui déclare avoir visité le 16 juillet 2019 une maison rénovée, aux murs et sols en très bon état, avec une cuisine équipée neuve et une rénovation de salle de bain presque terminée.

Mme [M] produit, quant à elle, un constat d'huissier de justice du 11 décembre 2019, lequel relève :

- au rez-de-chaussée, les moisissures sur les meubles et papiers peints en plusieurs endroits, les radiateurs qui ne fonctionnent pas dans la chambre, dans la cuisine et dans le salon - salle à manger, l'impossibilité d'ouvrir la porte du local dans lequel se trouve la chaudière,

- au premier étage, les radiateurs des deux chambres, de la pièce noire/débarras et de la salle de bain ne fonctionnent pas, il existe des traces de coulures d'eau sur les murs en plusieurs endroits, notamment sous les fenêtres, des moisissures sur les murs, de l'eau sur le sol (débarras), dans une chambre, le parquet au sol est soulevé par l'humidité et un meuble est moisi, dans les wc une serviette éponge est au sol pour absorber l'eau qui coule le long du mur,

- au grenier, la toiture présente des trous en plusieurs endroits, dans la pièce de gauche côté façade arrière, le parquet au sol est cassé et des planches se soulèvent, dans la pièce de droite une ouverture a été créée dans le mur du fond, qui donne accès à la maison voisine, habitée par M. [P] [L] (Mme [M] indique à l'huissier que M. [P] [L] peut ainsi entrer chez elle à tout moment). Une bassine est présente au sol dans la première partie du grenier en haut de la montée de l'escalier ; selon Mme [M], le propriétaire l'a posée là en raison des infiltrations d'eau et fuites.

Mme [M] verse encore aux débats un rapport d'inspection du logement par l'ARS, transmis au maire de la commune afin qu'il mette le bailleur en demeure de réaliser des travaux, au titre du règlement sanitaire départemental. Ce rapport fait suite à une inspection du 7 février 2020 qui a constaté la non-conformité des garde-corps des fenêtres de l'étage, de l'escalier et du palier, la condensation excessive sur les fenêtres, l'humidité des murs donnant sur l'extérieur, l'impossibilité de visiter le local de la chaudière, a priori non pourvu de ventilations, le renouvellement permanent de l'air non assuré en raison de l'absence de ventilations dans l'ensemble du logement (y compris dans la salle de bain et la cuisine), la présence de fils nus apparents au niveau du tableau électrique et de plusieurs emplacements d'appliques murales.

Le courrier du 14 février 2020 d'envoi du rapport d'inspection à Mme [M] précise que le rapport a été transmis au maire pour qu'il prescrive au propriétaire les travaux de mise en conformité suivants : recherche et élimination des causes d'humidité, pose des ventilations réglementaires dans le local chaudière et dans l'ensemble du logement, mise en sécurité de l'installation électrique, mise à disposition d'un moyen de chauffage suffisant et sécurisé.

Il est ainsi démontré que la maison était dépourvue d'une installation de chauffage en état de fonctionnement et que M. [P] [L] a manqué à son obligation de délivrer un logement décent. Mme [M] est donc fondée en sa demande de suspension du paiement des loyers jusqu'à achèvement des réparations nécessaires, et ce à compter du 15 octobre 2019, date à laquelle les effets de l'absence de chauffage et de ventilation se sont manifestés et qui correspond en général au début de la période de chauffage des logements, étant précisé que la motivation des écritures de Mme [M], en page 7, se réfère au 15 octobre 2019, alors que leur dispositif se réfère au 1er octobre 2019.

Le jugement est infirmé de ce chef en ce qui concerne les rapports de droit entre Mme [M] et M. [P] [L], puisque Mme [R] n'a pas été attraite dans la procédure d'appel.

Mme [M] se présente en effet devant la cour comme seule locataire du bail verbal à effet du 1er août 2019, tandis que M. [P] [L] dit avoir loué la maison du 9 rue Jean Jaurès à Mardeuil, à compter du 15 août 2019, à Mme [M] et à Mme [R]. Cette dernière est la fille de Mme [M] ; née le 5 janvier 2003, elle était âgée de 16 ans lorsque le contrat de bail a été conclu. En tout état de cause, la cour n'est saisie d'aucune demande relative à l'identité exacte du locataire.

Sur la demande de M. [P] [L] en paiement des loyers :

M. [P] [L] fait valoir que les clés n'ont jamais été restituées et il réclame paiement des loyers jusqu'au mois de septembre 2020 inclus. Il ne fournit aucun document pour étayer son affirmation d'un déménagement des locataires en septembre 2020.

Le jugement mentionne que, lors de l'audience, M. [P] [L] a déclaré que les locataires avaient quitté les lieux en février 2020. La motivation fait état d'un départ des lieux des locataires le 31 janvier 2020, 'qui n'est pas contesté par le propriétaire bailleur à l'audience'.

Mme [M] justifie avoir contracté un nouveau bail le 1er février 2020 à Haussignémont (Marne), moyennant un loyer mensuel de 720 euros, et produit l'état de lieux d'entrée du 1er février 2020. Il ne peut être tiré aucun renseignement de l'adresse de Mme [M] sur ses conclusions de juin 2020, puisque, devant la cour, ses dernières écritures du 15 juin 2021 portent toujours l'adresse de [E], bien qu'il soit acquis qu'elle n'y réside plus.

Ces éléments conduisent à retenir que les lieux ont été libérés le 31 janvier 2020, comme apprécié par le premier juge.

Mme [M] est donc débitrice des loyers échus du 15 août 2019 au 15 octobre 2019, en raison de la suspension du paiement des loyers à compter de cette date, pour un montant de 1 600 euros. Il résulte des pièces produites par les parties qu'elle a réglé 800 euros lors de l'entrée dans les lieux, puis 800 euros le 26 septembre 2019 (sa pièce n°4), de sorte qu'elle est à jour du paiement des loyers. Dès lors, le jugement est encore infirmé en ce qu'il la condamne au paiement d'une somme de 2 400 euros au titre de la dette locative.

Sur les autres demandes :

En définitive, les parties ne critiquent pas la condamnation par moitié aux dépens prononcée par le premier juge, laquelle est confirmée.

Le sens du présent arrêt conduit à condamner M. [P] [L] aux dépens d'appel.

Mme [M] bénéficiant d'une aide juridictionnelle totale, elle est déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs,

Infirme le jugement du 3 novembre 2020 uniquement en ses dispositions qui condamnent in solidum Mme [M] et Mme [R] à payer à M. [P] [L] la somme de 2 400 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 6 mars 2020,

Statuant à nouveau,

Dit que le paiement des loyers dus par Mme [M] est suspendu à compter du 15 octobre 2019 jusqu'à la réalisation des travaux nécessaires à la délivrance d'un logement décent, et ce jusqu'au départ des lieux intervenu le 31 janvier 2020,

Dit que Mme [M] est à jour du paiement des loyers échus du 15 août 2019 au 15 octobre 2019,

Déboute en conséquence M. [P] [L] de sa demande en condamnation de Mme [M] au paiement de loyers impayés,

Confirme le jugement en ses autres dispositions querellées,

Y ajoutant,

Déboute M. [P] [L] et Mme [M] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [L] aux dépens d'appel,

Précise que la présente décision est inopposable à Mme [R].

Le greffier Le conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 20/01685
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;20.01685 ?
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