DOSSIER N 07 / 00076
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2008
No :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS
Prononcé publiquement le MERCREDI 29 OCTOBRE 2008, par la Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du Tribunal Correctionnel de REIMS du 21 NOVEMBRE 2006.
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
Monsieur Michel X..., demeurant...
Partie civile appelante,
Comparant en personne, assisté de Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
Madame Monique Y..., demeurant...
Partie civile appelante,
Non comparante, représentée par Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
Madame Alexandrina Z..., demeurant... LES REIMS
Partie civile appelante,
Comparant en personne, assistée de Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
Madame Marlène A..., demeurant...
Partie civile appelante,
Comparant en personne, assistée de Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
LE SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DE L'URSSAF DE LA MARNE, dont le siège est...
Partie civile appelante,
Représenté par Monsieur KAMERET, assisté de Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
Madame Manuelle B..., demeurant...
Partie civile appelante,
Comparant en personne, assistée de Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
Madame Sophie C..., demeurant...
Partie civile appelante,
Comparant en personne, assistée de Maître GROSDEMANGE, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS
LE MINISTÈRE PUBLIC :
Appelant,
D... Annick
née le 14 février 1946 à MONTARGIS (45),
fille de Pierre et de VINCENT E...,
de nationalité française,
divorcée,
directrice de l'URSSAF,
demeurant...
jamais condamnée,
Prévenue, libre Intimée
Comparant en personne, assistée de Maître BRISSART, Avocat à la Cour d'Appel de REIMS et de Maître F..., Avocat à ladite Cour
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré,
Président : Monsieur ALESANDRINI, Conseiller, faisant fonction de Président de la Chambre des Appels Correctionnels, désigné à cette fonction par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 28 janvier 2008, en remplacement du titulaire empêché
Conseillers : Madame LEDRU,
Monsieur G...,
COMPOSITION DE LA COUR, lors du prononcé de l'arrêt,
Monsieur ALESANDRINI, Conseiller, qui a donné lecture de l'arrêt en application de l'article 485 du Code de procédure pénale,
GREFFIER lors des débats : Mademoiselle H... et du prononcé : Madame I...,
MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Monsieur FAYARD, Avocat Général.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal, par jugement contradictoire, a rejeté les exceptions de nullité, a renvoyé Annick D... divorcée J... des fins de la poursuite sans peine du chef de HARCÈLEMENT MORAL : DÉGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT PORTER ATTEINTE AUX DROITS, A LA DIGNITÉ, A LA SANTÉ OU A L'AVENIR PROFESSIONNEL D'AUTRUI, faits commis du 24 septembre 2001 au 30 juin 2003, à REIMS (51), (NATINF 23208), infraction prévue par l'article 222-33-2 du Code pénal et réprimée par les articles 222-33-2, 222-44, 222-45 du Code pénal,
sur l'action civile : a reçu Sophie C... en sa constitution de partie civile, a débouté Sophie C... de sa demande, a reçu Michel X... en sa constitution de partie civile, a débouté Michel X... de sa demande, a reçu Monique Y... en sa constitution de partie civile, a débouté Monique Y... de sa demande, a reçu Alexandrina Z... en sa constitution de partie civile, a débouté Alexandrina Z... de sa demande, a reçu Manuelle B... en sa constitution de partie civile, a débouté Manuelle B... de sa demande, a reçu Marlène A... en sa constitution de partie civile, a débouté Marlène A... de sa demande.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Monsieur Michel X..., le 29 novembre 2006, des dispositions civiles,
Madame Monique Y..., le 29 novembre 2006, des dispositions civiles,
Madame Alexandrina Z..., le 29 novembre 2006, des dispositions civiles,
Madame Marlène A..., le 29 novembre 2006, des dispositions civiles,
LE SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DE L'URSSAF DE LA MARNE, le 29 novembre 2006, des dispositions civiles,
Madame Manuelle B..., le 30 novembre 2006, des dispositions civiles,
Madame Sophie C..., le 30 novembre 2006, des dispositions civiles,
Madame le Procureur de la République, le 30 novembre 2006.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 06 FEVRIER 2008 à 14 heures, Monsieur le Président a constaté l'identité de la prévenue ;
Annick D... divorcée J... a fait citer cinq témoins, Monsieur Bernard K..., Monsieur Pierre L..., Monsieur Yvon M..., Madame Brigitte N... et Monsieur Pierre O....
Madame Brigitte N..., citée en qualité de témoin, était absente.
Madame Manuelle B..., partie civile, a fait citer un témoin, Monsieur Jean-Pierre P....
Madame Sophie C..., partie civile, a fait citer un témoin, Mademoiselle Emmanuelle Q....
Les témoins, présents dans la salle d'audience, ont été isolés dans la salle réservée aux témoins.
Ont été entendus :
Maître BRISSART, Avocat d'Annick D..., qui soulève des exceptions de nullité ;
Maître GROSDEMANGE, sur ce point ;
Monsieur l'Avocat Général, sur ce point ;
Maître F..., sur ce point ;
La Cour joint les incidents au fond ;
Monsieur le Président, en son rapport,
Annick D... divorcée J..., en ses interrogatoire et moyens de défense ;
Le témoin, Mademoiselle Emmanuelle Q..., a été ensuite introduit dans la salle d'audience où elle a déposé oralement dans les conditions prescrites par les articles 444 à 453 du Code de procédure pénale ; après son audition, les dispositions de l'article 454 du même Code ont été observées ;
Le témoin, Monsieur Jean-Pierre P..., a été ensuite introduit dans la salle d'audience où elle a déposé oralement dans les conditions prescrites par les articles 444 à 453 du Code de procédure pénale ; après son audition, les dispositions de l'article 454 du même Code ont été observées ;
Le témoin, Monsieur Yvon M..., a été ensuite introduit dans la salle d'audience où elle a déposé oralement dans les conditions prescrites par les articles 444 à 453 du Code de procédure pénale ; après son audition, les dispositions de l'article 454 du même Code ont été observées ;
Le témoin, Monsieur Pierre O..., a été ensuite introduit dans la salle d'audience où elle a déposé oralement dans les conditions prescrites par les articles 444 à 453 du Code de procédure pénale ; après son audition, les dispositions de l'article 454 du même Code ont été observées ;
Le témoin, Monsieur Bernard K..., a été ensuite introduit dans la salle d'audience où elle a déposé oralement dans les conditions prescrites par les articles 444 à 453 du Code de procédure pénale ; après son audition, les dispositions de l'article 454 du même Code ont été observées ;
Le témoin, Monsieur L..., a été ensuite introduit dans la salle d'audience où elle a déposé oralement dans les conditions prescrites par les articles 444 à 453 du Code de procédure pénale ; après son audition, les dispositions de l'article 454 du même Code ont été observées ;
Annick D..., à nouveau,
Maître GROSDEMANGE, Avocat des parties civiles, en ses conclusions et plaidoirie ;
Monsieur l'Avocat Général, en ses réquisitions ;
Maître BRISSART, Avocat d'Annick D..., en sa plaidoirie, en dernier.
Les débats étant terminés, Monsieur le Président a alors averti les parties que l'affaire était mise en délibéré et qu'un arrêt serait rendu à l'audience publique du 12 MARS 2008 à 14 heures. Après prorogations aux audiences publiques des 26 MARS 2008, 23 AVRIL 2008, 14 MAI 2008, 19 JUIN 2008, 3 JUILLET 2008, 23 JUILLET 2008, 10 SEPTEMBRE 2008, 08 OCTOBRE 2008 et 29 OCTOBRE 2008 à 14 heures, la Cour a rendu l'arrêt suivant :
DÉCISION :
Rendue publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Sur la comparution :
Attendu que Madame Annick D... a comparu à l'audience, assistée de son conseil ;
Attendu que Michel X..., Alexandrina R... R... née Z..., Marlène A..., le Syndicat CGT des personnels de l'URSSAF, représenté par Monsieur KAMERET, Manuelle B..., Sophie C... ont comparu ; Monique Y... née MARTINE y a été représentée ;
Sur la recevabilité :
Attendu que les appels ci-dessus rappelés, faits dans les formes et délais prescrits, sont recevables ;
Sur les exceptions de nullité :
Attendu que Madame D... reprend tout d'abord les moyens de nullité qu'elle avait soulevés devant le Tribunal, et que celui-ci avait écartés ;
Attendu qu'elle soulève en premier lieu la nullité de la citation devant le Tribunal correctionnel qui lui a été délivrée le 3 février 2006 ;
Attendu que son premier moyen sur ce point tient à ce que les faits qui lui sont reprochés s'étant produits, selon la citation, du 24 septembre 2001 au 30 juin 2003, alors que le texte de loi les réprimant visé par la même citation, l'article 222-33-2 du Code pénal, issu de la loi no 2002-73, n'est entré en vigueur qu'à la date de promulgation de ladite loi, le 17 janvier 2002, elle n'aurait pas été informée des dispositions légales susceptibles de réprimer les faits survenus entre le 24 septembre 2001 et le 16 janvier 2002 ; que cette même discordance l'aurait mise dans l'impossibilité de savoir à partir de quel moment les faits objets de la prévention auraient commencé ;
Que son second moyen tient au visa d'un texte inexistant, l'article L. 152-11 du Code du travail ;
Attendu qu'en énonçant les faits reprochés à Madame D..., avec indication des temps (" du 24 / 09 / 2001 au 30 / 06 / 2003 ") et lieux (" à REIMS ") de leur commission, et en visant les textes de loi prévoyant l'incrimination et la répression de ces faits (articles 222-33-2, 222-44, 222-45 du Code pénal et L. 122-49, L. 152-11 du Code du travail), la citation respecte les dispositions de l'article 551 du Code de procédure pénale ; que la prévenue est ainsi parfaitement informée de ce qui lui est reproché, et mise en mesure de présenter ses moyens de défense ;
Attendu de plus que la prétendue discordance entre la période de prévention et l'entrée en vigueur des textes n'existe pas, puisque la citation vise expressément l'article L. 122-49 du Code du travail qui définissait et interdisait le harcèlement avant la promulgation de la loi du 17 janvier 2002, laquelle n'a fait, sur ce point, que transférer les textes prévoyant et réprimant le harcèlement au travail du Code du travail au Code pénal ;
Attendu qu'il est exact que le visa des textes du Code du travail dans la citation comporte une erreur matérielle, car il ressort des pièces de la procédure que l'Inspection du travail dans son procès-verbal, puis le substitut du procureur de la République dans la préparation de la citation, avaient visé l'article L. 152-1-1 du Code du travail et non l'article 152-11, effectivement inexistant ; qu'il suffit cependant que la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte prévoyant l'incrimination pour que la citation soit régulière ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté cette première exception de nullité ;
Attendu que Madame D... soulève ensuite la nullité du procès-verbal de l'Inspection du travail daté en première page du 29 octobre 2003 au motif que l'inspecteur du travail qui l'a dressé n'en a signé que la dernière page et non les précédentes, et que les déclarations recueillies par l'inspecteur ne sont pas suivies des signatures des déclarants ; qu'elle ajoute encore que le procès-verbal n'aurait pas date certaine, parce que daté du 29 octobre 2003, il porterait d'une part sur des auditions réalisées à des dates antérieures, d'autre part sur l'audition de Madame D... elle-même, qui aurait au contraire eu lieu postérieurement au 29 octobre 2003 ; qu'elle soutient qu'il aurait fallu que la datation intervienne lors de l'accomplissement des premières investigations, et que chacun des actes soit identifiable dans le temps, et que l'incertitude sur la date du procès-verbal lui ferait grief en ce qu'elle ne lui permettrait pas de vérifier l'existence d'une prescription éventuelle ;
Attendu qu'il est exact que les constatations des inspecteurs du travail doivent être réalisées conformément aux règles de droit commun ; que l'article 62 du Code de procédure pénale dispose que le procès-verbal contenant les déclarations d'une personne entendue par un enquêteur doit être relu et signé par ces personnes, et que l'article 66 énonce que les procès-verbaux établis en exécution notamment de l'article 62 doivent être rédigés sur-le-champ et signés par l'enquêteur sur chaque feuillet ;
Attendu cependant que les Premiers Juges ont justement rappelé que ces formalités n'étaient pas prescrites à peine de nullité ; que Madame D... ne précise pas en quoi ces absences de signature, ne l'empêchant nullement de prendre connaissance des déclarations et des constatations, lui feraient grief ;
Attendu que si le procès-verbal de l'Inspection du travail porte bien en première page la date du 29 octobre 2003, il porte également en sa dernière page qu'il a été clos et signé à REIMS le 1er avril 2005 ; qu'y sont précisées les dates d'audition de plusieurs personnes, dont Madame D... ; que s'il n'est pas courant de voir un procès-verbal unique relatant des investigations s'étant déroulées sur plus d'une année, cela n'est pas prohibé ;
Que les dates de début d'investigations, des différentes auditions et de clôture du procès-verbal permettent de plus à la prévenue d'appliquer les règles de la prescription ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté les moyens de nullité ;
Sur la culpabilité :
Vu les articles 427, 464, 509, 512 et 515 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de la procédure et des débats que Madame Annick D... a occupé la fonction de directeur de l'URSSAF de la Marne de mai 1990 à septembre 2003 ;
Attendu qu'à la période visée par la prévention, l'URSSAF de la Marne comprenait quatre services de production (service technique, service contentieux, service contrôle et service de l'administration générale), ainsi qu'une agence comptable et plusieurs services ou missions fonctionnelles ou d'appui (service informatique, assistant de gestion de ressources humaines, secrétariat de direction, gestion du personnel, et postes régionaux comprenant un chargé de communication régional, un responsable du marketing télé-procédures, un documentaliste) ;
Attendu qu'il apparaît qu'à l'époque visée par la prévention, les rapports de travail étaient dégradés entre Madame D..., directrice, d'une part, sa sous-directrice, les cadres responsables de trois des services de production et l'agent comptable d'autre part ; qu'il apparaît également que les remplacements de certains responsables de services, comme Madame A... par Madame B... en 2000 pour le service technique, ou Monsieur X... par Madame S... en 1999 pour le service contentieux, et par T... JACQUES en 2002 pour le service contrôle, n'ont pas arrangé les choses, de nouvelles tensions se créant rapidement avec les nouveaux responsables ; que cela ressort tant des auditions recueillies par l'Inspection du travail que du rapport de l'audit effectué en août 2003 par un responsable de l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (l'ACOSS) ;
Attendu que la difficulté des rapports entre Madame D... et ces cadres ne ressort pas seulement des déclarations de ceux-ci, mais également de certaines déclarations de la directrice elle-même, de celles du médecin du travail attaché à l'URSSAF, et de divers documents tels que des courriels ou messages adressés par la directrice à certains de ses chefs de service ;
Attendu que de mauvais rapports de travail n'entraînent cependant pas nécessairement du harcèlement, au sens des articles L. 122-49 du Code du travail et 222-33-2 du Code pénal ; qu'il convient d'examiner, pour chacune des personnes nommées dans la prévention, si les excès reprochés à Madame D... sont établis ;
Attendu que dans son audition par l'Inspection du travail, Madame Christine S..., qui fut responsable du service contentieux à partir de 1999, évoque l'insuffisance des moyens mis à sa disposition, les critiques systématiques de son travail, oralement ou par écrit, des discussions houleuses, des réflexions acerbes ; que Madame D... a répondu à l'Inspection du travail comme aux services de police que le travail de Madame S... était insuffisant, qu'elle n'assurait pas correctement le contrôle de recouvrements de créance et qu'elle laissait des dossiers en souffrance, concluant que " tout ce qu'elle peut dire, ce ne sont que des bêtises " ; que même s'il est ainsi manifeste que Madame D... n'avait qu'une piètre estime de sa subordonnée, il n'est pas possible de déterminer, au vu de ces seuls éléments, l'existence d'un harcèlement sur la personne de Madame S... ;
Attendu que cette dernière évoque également le fait que son adjointe serait " montée en grade " et aurait participé à des réunions auxquelles elle-même, bien que responsable du service, n'était pas conviée ; que si une telle pratique est mentionnée par d'autres plaignants, et que cette évocation paraît donc crédible, aucune précision de lieux ou de date, ni même sur l'identité de l'adjointe, de sorte qu'il n'est pas possible de retenir ce fait ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer la relaxe en ce qui concerne les faits de harcèlement à l'encontre de Madame S... ;
Attendu que Madame Manuelle B... a été nommée responsable du service technique en 2000, en remplacement de Madame A... ; qu'elle évoque des désaccords avec sa directrice dont, selon ses dires, la logique comptable s'opposait à sa logique opérationnelle, et se plaint particulièrement de n'avoir pas été soutenue, et même d'avoir été publiquement désavouée dans sa mise en oeuvre d'un projet de réorganisation du service ; que Madame D... a répondu à ces allégations qu'en dépit de qualités certaines, Madame B... n'était pas faite pour le management, et se serait décrédibilisée elle-même par rapport à ses subordonnés ; qu'il n'est également pas possible sur ces points de faire la part de la réalité, du ressenti et d'un éventuel excès ;
Attendu que Madame B... énonce par ailleurs qu'après une absence pour maternité, elle aurait été très mal accueillie à son retour par Madame D..., laquelle aurait prolongé l'organisation mise en place en son absence, reposant sur les adjoints de Madame B..., responsables d'unités, Madame U... et V..., avec lesquels elle aurait eu des réunions de service en l'absence de la responsable du service ; que ces éléments sont confirmés par Madame W..., sous-directrice ; que lors de son entretien avec l'inspecteur du travail, Madame D... a reconnu s'être appuyée sur les adjoints de Madame B... et, même après le retour de cette dernière, avoir assuré la surveillance du service en rencontrant Madame U... et Monsieur V... tous les 10 jours ; que tout en maintenant que la délégation de Madame B..., de niveau 7, n'avait pas été amputée, elle n'a pas prétendu que cette dernière avait conservé un réel pouvoir et avait notamment été invitée à participer aux réunions de la directrice avec ses adjoints ;
Attendu que cette manière de retirer à un responsable de service l'exercice effectif de son autorité sur ses subordonnés et de son pouvoir de direction de son unité, sans qu'il y ait eu une quelconque officialisation de cette évolution de situation et de ses raisons, et de l'écarter systématiquement des organes de décision réelle, constitue bien des agissements répétés de harcèlement ayant pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la personne visée ;
Attendu que Madame Marlène A... a été responsable du service technique durant 13 ans ; qu'en 1999, elle a été nommée documentaliste, chargée principalement de la synthèse des notes et circulaires provenant de l'ACOSS, ainsi que de l'élaboration d'un diaporama et de scripts pour l'accueil ; qu'elle a déclaré à l'Inspection du travail que le travail de synthèse lui prenait à peu près deux demi-journées par mois, le reste des tâches récemment confiées guère plus, et qu'elle était ainsi " bien payée à ne rien faire " ; que Madame W..., sous-directrice, a confirmé que le travail sur les notes ACOSS était le seul qui avait été confié à Madame A..., qu'il y avait des semaines sans rien faire, et que lorsque arrivait une note, il ne fallait que deux jours et demi, " en peaufinant vraiment ", pour la traiter ; que Madame D... a reconnu ce changement d'affectation, tout en prétendant que le poste de documentaliste demandait un réel travail et était d'une réelle utilité ; qu'elle a également indiqué que dans le service public ou dans le privé, au fil du temps on ne peut rester une éternité sur le même poste car il y a des évolutions ;
Attendu que la transformation d'un cadre, responsable d'un service, en agent technique chargé de travaux de rédaction, est un déclassement ; qu'un tel désaveu, sans procédure disciplinaire préalable, et sans aucune concertation, et la prolongation de cet état de déclassement durant des mois, constituent bien un harcèlement au sens des articles susvisés ;
Attendu que Monsieur Michel X... était responsable du service contentieux et du service contrôle, les deux services étant alors joints, depuis 1988 ; qu'il a indiqué à l'Inspection du travail qu'après l'arrivée de Madame D... en 1990, les rapports se sont rapidement tendus, Monsieur X... ayant le sentiment qu'à chaque fois qu'il s'exprimait, il se faisait " rentrer dedans " par la directrice ;
Attendu qu'en 1998, la direction décide de séparer le service contentieux, auquel est affecté un nouveau responsable, Madame S..., du service contrôle, et d'annexer à ce dernier un service de prévention des difficultés des entreprises, Monsieur X... restant responsable de la structure ainsi redéfinie ;
Attendu que Monsieur X... se plaint de ce que certains de ses agents, notamment la cellule " travail illégal ", échappaient totalement à son autorité, étant en relation directe avec la directrice ; qu'il ajoute ne pas avoir été convié aux journées nationales du contrôle ;
Attendu qu'en 2002, Monsieur X... s'est vu également retirer la responsabilité du service contrôle, lequel a été confié à Monsieur XX..., ne conservant que des tâches de représentation, pour d'ailleurs en être peu à peu écarté, et la prévention des difficultés des entreprises ;
Attendu que Madame D... a évoqué des réorganisations successives, issues de décisions prises au niveau national ou par le conseil d'administration de l'URSSAF de la Marne pour expliquer ce rétrécissement progressif des responsabilités de Monsieur X..., et a produit à l'Inspection du travail divers documents sur ces points ;
Attendu qu'il ne ressort pas de ces éléments que ce qui apparaît comme une " mise au rancard " par étapes de Monsieur X... résulte de l'initiative de Madame D... ; qu'il y a donc lieu de confirmer la relaxe en ce qui concerne ce plaignant ;
Attendu que Madame Sophie C... a été recrutée en 1998 comme chargée de communication régionale, auprès des quatre URSSAF de la région ; qu'elle a déclaré à l'Inspection du travail que ses rapports avec Madame D... avaient été difficiles dès le début ; qu'elle a cependant reconnu elle-même qu'il n'y a pas eu de volonté réelle de mettre en place une politique de communication régionale, de la part de l'ACOSS, et qu'après une période de forte activité, à la fin de l'année 1998, il lui a été confié de moins en moins de missions, par les différentes URSSAF de la région ;
Attendu que Madame D... a fait valoir que Madame C... ne faisait pas correctement son travail, laissant notamment passer de nombreuses fautes d'orthographe, et qu'elle était mal considérée par l'ensemble des directeurs ;
Attendu que si, là encore, les rapports de Madame D... avec ce cadre étaient manifestement mauvais, il n'est pas démontré l'existence à l'encontre de Madame C... d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement ;
Attendu que Madame Monique Y..., née MARTINE, après avoir été agent de maîtrise responsable d'une unité, est devenue en 2000 agent de maîtrise transversal ; qu'elle n'a pas formulé devant l'inspecteur du travail de griefs relatifs à un comportement agressif de Madame D... à son encontre, mais a fait état de la réduction progressive de ses missions, une part d'entre elles lui paraissant transférée à des agents ayant plus la confiance de la directrice, tels que Madame U... ou Monsieur V... ; que Madame D... n'a pas été entendue par l'Inspection du travail sur ce point et a seulement indiqué aux services de police qu'elle n'avait rien de particulier à en dire ;
Attendu qu'il ne ressort pas des déclarations même de Madame Y... qu'il y ait eu volonté délibérée de lui nuire, car ce qu'elle décrit peut tout aussi bien résulter d'une mauvaise réorganisation des services ; qu'il y a lieu de confirmer également le jugement en ce qu'il a prononcé la relaxe de ce chef ;
Attendu que Monsieur Raymond YY... a été nommé agent comptable de l'URSSAF de la Marne en 2000 ; qu'il fait état de la suppression par Madame D... d'un avantage financier dont il bénéficiait antérieurement, mais sans préciser si cette suppression aurait été abusive, ce qui semble d'ailleurs peu probable, car il reconnaît avoir " laisser tomber ", sans exercer de recours ; qu'il mentionne par ailleurs des difficultés à travailler avec Madame D..., la certitude de cette dernière d'avoir toujours raison, la transmission de notes très sèches et comminatoires, une tendance au secret, au refus de la divulgation d'information ayant pourtant un caractère général ; que ces éléments, déjà évoqués par les uns ou les autres, ne traduisent pas une attitude particulièrement hostile à son encontre ; qu'il ne fait état d'aucune décision le visant particulièrement et lui portant préjudice ; qu'il n'apparaît donc pas qu'un délit de harcèlement puisse être caractérisé à son égard ;
Attendu que Madame Alexandrina R... R... née Z... travaillait au service du personnel de l'URSSAF ; qu'elle a déclaré qu'à compter de la fin de l'année 2001, après le départ de la secrétaire de direction, Madame D... lui aurait imposé d'exécuter des tâches dans de brefs délais, en criant et hurlant quand elle n'était pas satisfaite, la qualifiant d'imbécile ou de stupide ; que Madame D... lui aurait également fait des reproches sur sa maternité ;
Attendu que Madame D... n'a pas été interrogée sur cet agent par l'inspecteur du travail ; qu'aux services de police, elle a déclaré avoir de bons rapports avec Madame Z..., et lui demander seulement d'être rigoureuse dans son travail et de se reporter davantage aux textes ;
Attendu que Madame Z... a déclaré que Madame D... se comportait de la même façon avec tous, en indiquant que " si elle n'était pas sur notre dos, c'est qu'elle était sur celui de quelqu'un d'autre " ; que, là encore, il n'apparaît pas, en dehors de la rudesse et de l'absence générale de civilité de Madame D..., d'agissements particuliers pouvant être qualifiés de harcèlement ;
Attendu que Madame Jacqueline W... occupe les fonctions de sous-directrice depuis septembre 2001 ; qu'elle a fait état à l'Inspection du travail de la mauvaise qualité de ses rapports avec Madame D..., qui avait rapidement cessé de la saluer, ne communiquait guère que par notes ou courriels, ou faisait preuve d'agressivité verbale, faisant sentir aux autres qu'elle leur était supérieure et qu'ils étaient nuls ; qu'elle reconnaissait que ce comportement était le même à l'égard de tous, sans la viser particulièrement ;
Attendu qu'il n'en ressort pas de fait de harcèlement à l'égard de Madame W... ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la relaxe pour ce qui la concerne ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement frappé d'appel doit être infirmé en ce qu'il a relaxé Madame D... des faits de harcèlement à l'encontre de Mesdames B... et A... qui lui sont reprochés, et qu'il y a lieu de retenir la culpabilité de la prévenue de ces chefs ;
Sur la peine :
Attendu que le bulletin no 1 du casier judiciaire de Madame D... ne porte mention d'aucune condamnation ; qu'eu égard aux circonstances de la cause, s'agissant du responsable d'un service public, et à la personnalité du prévenu, il y a lieu de la condamner à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à 1 000 € d'amende ;
Sur l'action civile :
Vu les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DE L'URSSAF s'est constitué partie civile ; qu'il considère que les faits commis par Madame D..., étalés sur plusieurs années et ayant touché de nombreux collaborateurs méritants, auraient gravement porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente et s'estime bien fondé, en vertu des dispositions de l'article L. 411-11 du Code du travail, à solliciter une somme de 1 500 €, compte tenu du préjudice subi ; qu'il sollicite de plus l'allocation d'une indemnité de 1 000 € au titre des frais qu'il a dû engager pour suivre cette procédure ;
Attendu que les syndicats peuvent, en vertu des dispositions de l'article L. 2132-3 du Code du travail, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct on indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;
Attendu qu'il faut constater que le Tribunal, s'il avait évoqué les demandes du syndicat dans les motifs de sa décision, avait omis de statuer sur lesdites demandes dans le dispositif du jugement ; qu'il y a lieu de combler cette omission ;
Attendu que les harcèlements commis par Madame D... ont nécessairement porté un préjudice à la profession dont le SYNDICAT CGT défend les intérêts, car l'ambiance de travail en a été manifestement très dégradée et il ressort de plusieurs déclarations qu'il a parfois été difficile de recruter de nouveaux cadres ; que le préjudice ainsi causé sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 € ; qu'il sera par ailleurs alloué au syndicat, par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, une indemnité de 400 € ;
Attendu que Madame B... expose qu'à la suite des agissements de Madame D..., elle a dû être placée sous traitement médical à compter d'avril 2003, a été en arrêt maladie du 3 mai 2003 au 1er août 2003 et a dû suivre une psychothérapie pendant 6 mois ; qu'elle considère que sa vie privée en a été fortement affectée et sollicite, en réparation du préjudice subi, une indemnité de 10 000 €, outre 1 000 € au titre des frais de suivi de procédure ;
Attendu que le comportement de Madame D... a son égard a certainement eu des conséquences négatives sur sa confiance en soi et ses capacités, et causé un préjudice moral à Madame B... ; que celui-ci sera réparé par l'allocation de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts ; qu'il lui sera également alloué la somme de 400 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que Madame A... expose qu'à la suite des agissements de Madame D..., elle a eu un arrêt de travail d'un mois ; qu'elle fait valoir qu'elle a dû supporter de très nombreuses années l'attitude de sa directrice, plongée dans l'isolement, et que si elle a refusé de se réfugier dans la prise de médicament, sa souffrance n'en a pas moins été intense et longue ; qu'elle demande la condamnation de Madame D... a lui verser la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 1 000 € au titre des frais de suivi de procédure ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier, et des déclarations de Madame A... elle-même, qu'elle a su pour partie s'adapter à la situation afin que le harcèlement dont elle était l'objet nuise le moins possible à son équilibre physique et mental, notamment en faisant du sport et en prenant la responsabilité de secrétaire du comité d'entreprise ; que son préjudice moral n'en est pas moins certain, et qu'il sera indemnisé par l'allocation de la somme de 1 500 € ; qu'il lui sera également alloué la somme de 400 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il y a lieu, pour les autres parties civiles, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reçu leur constitution mais les a déboutées de leurs prétentions ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principaux interjetés par le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DE L'URSSAF, par Mesdames Sophie C..., Monique Y... née MARTINE, Alexandrina R... R... née Z..., Manuelle B... et Marlène A..., et par Monsieur Michel X..., ainsi que l'appel incident formé par le Ministère public à l'encontre du jugement rendu le 21 novembre 2006 par le Tribunal correctionnel de REIMS,
Confirme ledit jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité ;
Infirme le jugement en ce qu'il a relaxé Madame Annick D... des faits de harcèlement moral envers Madame Manuelle B... et Madame Marlène A... qui lui étaient reprochés et, statuant à nouveau,
Déclare Madame D... coupable des faits énoncés par la prévention en ce qu'ils visent Mesdames B... et A...,
Confirme la relaxe prononcée par le Tribunal correctionnel en ce qu'elle porte sur les faits visant Mesdames Christine S..., Sophie C..., Monique Y..., Alexandrina Z... et Jacqueline W..., ainsi que Messieurs Michel X... et Raymond YY...,
Condamne Madame D... à la peine de 3 mois d'emprisonnement,
Dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine d'emprisonnement conformément aux dispositions des articles 132-29 et suivants du Code pénal,
Constate que l'avertissement prescrit par l'article 132-29 alinéa 2 du Code Pénal n'a pu être donné à la condamnée qui n'assistait pas à l'audience à laquelle a été rendu le présent arrêt,
Condamne Madame D... à la peine de 1 000 € d'amende,
Constate que l'avis prescrit par l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale n'a pu être donné à la condamnée qui n'assistait pas à l'audience à laquelle a été rendu le présent arrêt,
Dit que la présente décision est assujettie au paiement d'un droit fixe de procédure de CENT VINGT € (120 €) dont est redevable la condamnée.
Confirme le jugement en ce qu'il a reçu en leurs constitutions de partie civile mais a débouté de leurs demandes Mesdames Sophie C..., Monique Y... et Alexandrina Z..., ainsi que Monsieur Michel X...,
Le confirme également en ce qu'il a reçu Mesdames Manuelle B... et Marlène A... en leurs constitutions de partie civile, mais l'infirme en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes et, statuant à nouveau,
Condamne Madame D... à verser :
- à Madame B..., la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts, et celle de 400 € par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- à Madame A..., la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts, et celle de 400 € par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
Ajoutant au jugement,
Reçoit le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DE L'URSSAF en sa constitution de partie civile,
Condamne Madame D... à lui verser la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, et celle de 400 € par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par Monsieur le Conseiller ALESANDRINI et le Greffier.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
J. VALETTE E. ALESANDRINI